Histoire populaire du Christianisme/Ve siècle

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CINQUIÈME SIÈCLE.




Le pape Anastase mourut le 27 avril 402, sous Théodose le Jeune, en Orient, et Honorius en Occident. Innocent Ier lui succéda.

La rivalité de Saint Grégoire de Naziance et de Maxime, tous deux simultanément évêques de Constantinople, causa de grands troubles dans cette dernière ville. Saint Grégoire donna à son rival les noms de fantôme égyptien, scélérat enragé, chien, Mars, mal muet, monstre cruel, blond, noir, crépu, à cheveux plats, sodomite actif et passif. Le même Saint publia dans la suite tout un livre à la louange de ce Maxime, car il est permis, dit saint Jérôme, de louer et de blâmer le même homme selon la différence des temps ; « eumdem laudare et vituperare pro tempore. »

En 405, Pélage, moine de Bangor, dans le pays de Galles, vint à Rome. C’était un homme savant et austère, ami de saint Paulin et de saint Augustin. Sa doctrine sur le libre arbitre et la volonté humaine consistait en ceci : que le germe de toutes les vertus est dans l’homme et que vouloir le bien c’est le pouvoir. Il niait donc le péché originel, c’est-à-dire que le péché d’Adam et d’Ève eût été transmis à leur postérité. Selon lui, le premier couple avait été créé mortel, et l’état d’innocence ne l’eût pas empêché de mourir ; les enfants naissent purs de toute faute, et le baptême ne leur est pas donné pour effacer en eux aucune tache. Seulement, bien que ceux d’entre eux qui meurent non baptisés aient la vie éternelle, ils n’entrent pas dans le royaume des cieux, mais dans un lieu particulier. Quant au libre arbitre, il est aussi plein et entier en chacun de nous qu’en Adam avant sa faute, et il permet à l’homme, même païen, de s’élever à la plus éminente perfection.

Pélage s’attacha, à Rome, un moine écossais nommé Céleste qui devint le plus ferme appui de sa doctrine ; mais il se suscita un ennemi acharné qui fut saint Augustin.

Celui-ci était né à Tagaste, en Numidie, l’an 354, du décurion Patrice et de Monique, canonisée depuis. Il avait été Manichéen dans sa jeunesse, jusqu’en 387, époque à laquelle saint Ambroise le convertit et le baptisa à Milan. Prêtre en 391, il attaqua les Manichéens ses premiers maîtres, et fut élu évêque d’Hippone, en Afrique, en 393.

Saint Augustin a exercé une immense autorité dans l’Église, pendant sa vie et depuis, jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Nous citerons de ses ouvrages les extraits qui exposent ses idées essentielles. Qu’il nous suffise de dire que le véritable esprit du Catholicisme est là tout entier.

Nous lisons dans sa 157e lettre, adressée à Optât :

« La masse entière de l’humanité, depuis Adam, est prédestinée à la damnation. Si donc il se trouve en elle des vases de colère, ce n’est là qu’une conséquence de la peine méritée depuis la naissance. Dieu est encore fort bon ; il dispose la malice des méchants de façon à ce qu’elle serve d’avertissement aux bons, afin que ceux-ci sachent qu’ils doivent rendre grâce à Dieu de ce qu’il a bien voulu les juger dignes de sa miséricorde, eux qui étaient aussi corrompus que le reste et aussi dépourvus de mérite.

« Cela se prouve surtout par les enfants régénérés par la grâce du Christ et qui meurent : ils passent immédiatement à la Vie éternelle, tandis que les enfants privés de cette grâce meurent damnés avec la masse entière des hommes.

« Ceux qui sont sauvés doivent savoir avant tout qu’ils n’avaient aucun droit de l’être, qu’ils le sont exclusivement par la miséricorde de Dieu, gratuitement, et qu’aucun tort ne leur aurait été fait s’ils avaient été damnés avec les autres.

« Ceux qui sont damnés n’ont à se plaindre d’aucune injustice : ils étaient nés pour être damnés et avaient mérité de l’être. Toute la masse du genre humain serait équitablement punie de la damnation éternelle, si le Potier, non-seulement juste, mais surtout miséricordieux, n’y prenait de quoi fabriquer des vases de gloire, par une grâce particulière. »

Nous laissons au lecteur le soin de décider ce qu’il doit penser de cette douce doctrine du saint Docteur.

« Il est hors de doute, dit-il dans son treizième Traité de l’Évangile de saint Jean, que, non-seulement les hommes qui ont atteint l’âge de raison, mais encore les enfants et les fétus eux-mêmes qui ont vécu dans le sein de leurs mères, s’ils meurent sans avoir été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, seront éternellement punis après leur mort par le supplice du feu, supplice mérité, non par le péché dont eux-mêmes ne sont point coupables, mais par le péché originel que leur conception charnelle et leur naissance leur ont fait contracter. »

Saint Augustin dit encore :

« Qu’un homme ait d’excellentes mœurs, sans la foi elles ne peuvent lui apporter aucun avantage. Qu’un autre au contraire ait des mœurs beaucoup moins bonnes, mais qu’il possède la foi, il obtient le salut auquel le premier ne peut arriver. » On lit cela dans l’écrit intitulé : Contre deux lettres des Pélagiens. — Contra duas epistolas Pelagianorum.

Dans son traité : de l’Utilité de croire, de Utilitate credendi, le même saint Augustin dit :

« Les imbéciles — stulti — manquant d’intelligence, ne donnent prise sur eux que par les sens. Un miracle est ce qui est extraordinaire, et par conséquent rare. Rien n’est plus propre à agir sur les sens de la multitude et des imbéciles — stultorum. »

Les personnes qui croient aux miracles sont averties. Une lettre du même Docteur contient aussi cette opinion curieuse :

« Les infidèles et les hérétiques ne possèdent qu’injustement ; tout appartient de droit aux fidèles et aux saints. »

Enfin, l’Augustinien saint Isidore de Damiette professe textuellement cette doctrine peu rassurante :

« Il y a une double prédestination, celle des Élus au repos éternel, et celle des Réprouvés à la mort.

« L’une et l’autre proviennent d’une sentence divine qui fait que les Élus tendent toujours aux choses spirituelles, et qui permet que les Réprouvés ne se plaisent qu’aux choses matérielles.

« C’est une disposition admirable de la Providence d’en haut, celle qui tantôt ajoute aux mérites du juste et aux souillures de l’impie, tantôt change le méchant en bon, et le bon en mauvais. Celui-ci veut être bon, et n’y réussit pas ; celui-là veut être méchant, et il ne lui est pas accordé de périr. »

Nous retrouverons souvent l’occasion de citer saint Augustin et ceux de son école.

Le Concile de Carthage condamna, en 412, Pélage et Céleste.

Le pape Innocent Ier mourut le 12 mars 417, sous Théodose d’Orient et Honorius d’Occident. Zosime lui succéda. Ce pape mourut le 26 décembre 418. Boniface Ier lui succéda. En 422, 25 octobre, mort de Boniface dont le successeur est Célestin.

L’hérésie des Nestoriens date de 428. Nestorius, évêque de Constantinople, soutint que Marie, étant une créature humaine, ne pouvait être appelée Mère de Dieu, car Dieu ne pouvait naître d’une femme, et que, par conséquent, il y avait deux Christ, l’un fils de Dieu, l’autre fils de Marie. Le Concile général d’Éphèse condamna les Nestoriens qui, loin de se soumettre, répandirent leur doctrine en Mésopotamie et en Perse, où ils ont encore des églises de nos jours.

Le pape saint Célestin mourut le 6 avril 432. Sixte III lui succéda. Celui-ci étant mort en 440, le 28 mars, Léon lui succéda.

En 448, parut l’hérésie d’Eutychès. C’était un prêtre, abbé d’un monastère près de Constantinople. Par suite de son aversion pour Nestorius qui reconnaissait deux natures en Jésus-Christ, il n’en admettait qu’une, la nature divine. Il fut excommunié et déposé, la vraie doctrine étant celle-ci : Jésus est parfait dans sa divinité et parfait dans son humanité, consubstantiel à Dieu, d’une part, et à l’humanité, d’autre part, et ces deux natures sont unies dans la même Personne égale en tout à Dieu et en tout à l’humanité,— ce qui est limpide.

Théodose le Jeune mourut en 450. Ce fut surtout sous les deux Théodose que les Chrétiens détruisirent le plus de temples, de statues et de manuscrits. Des bandes de moines démolissaient et pillaient. Après le temple de Sérapis, qu’il avait fait raser, l’évêque Théophile incendia la célèbre bibliothèque d’Alexandrie qui renfermait tous les trésors de l’intelligence antique. Six siècles après, les Chrétiens ont attribué ce crime aux Arabes du khalyfe Omar ; mais c’est une calomnie évidente, car le patriarche Eutychios, qui a raconté en détail la conquête d’Alexandrie par les Arabes, n’en dit pas un mot. N’oublions pas de rappeler qu’en 415, au commencement du règne de Théodose le Jeune, Hypatie, jeune femme célèbre par sa beauté, sa vertu, son éloquence et sa science, avait été massacrée affreusement par ordre de saint Cyrille d’Alexandrie. On l’attacha nue à une colonne et on la déchira avec des écailles d’huître.

Le Concile général de Chalcédoine qui condamna à la fois les deux doctrines opposées de Nestorius et d’Eutychès n’empêcha pas les partisans des deux hérétiques et les orthodoxes de se quereller et de se massacrer, en Égypte, en Palestine et à Constantinople.

Le pape saint Léon mourut le 11 avril 461, sous Marcien d’Orient et Sévère d’Occident. Hilarius lui succéda.

Protérius, évêque d’Alexandrie, fut assassiné, en ce temps-là, tandis qu’il priait dans le baptistère d’une église, un vendredi saint, par un moine nommé Timothée, qui fut sacré évêque immédiatement. Ces aventures étaient très-ordinaires dans le monde chrétien et attiraient peu l’attention.

Le pape Hilarius mourut le 17 septembre 467, sous Anthémius. Simplicius lui succéda.

À cette époque, tout l’Occident et l’Afrique appartenaient aux Barbares qui professaient l’Arianisme, à l’exception des Franks et des Anglo-Saxons qui conservaient encore leurs religions nationales.

Le pape Simplicius mourut le 2 mars 483. Félix lui succéda. Celui-ci mourut le 25 février 492, et eut pour successeur Gélase. Du temps de ce pape, les Goths achevèrent la conquête de l’Italie. Ils étaient Ariens et très-tolérants.

Gélase étant mort le 19 novembre 496, Anastase II lui succéda. Cette année-là, Khlodowig, roi des Franks, fut baptisé à Reims par l’évêque saint Remi. Beaucoup de chefs et de guerriers franks suivirent l’exemple de Khlodowig. Lamennais a dit : « On menait ces brutes au baptême comme les bestiaux à l’abreuvoir. »

Le pape Anastase mourut le 15 novembre 498. Symmaque lui succéda.



Fin du cinquième siècle.