Histoire posthume de Voltaire/Pièce 31

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Garnier
éd. Louis Moland


XXXI.

EXTRAIT DU MONITEUR
RELATIF À LA TRANSLATION DES CENDRES DE VOLTAIRE
au Panthéon[1].

On connaît la lettre que M. Villette écrivit au nom d’un grand nombre de citoyens à M. le maire de Paris, pour qu’à la vente de l’abbaye de Scellières où les cendres de Voltaire étaient déposées, la municipalité les réclamât. On sait que plusieurs paroisses se disputèrent l’honneur de les avoir ; et qu’enfin d’après une pétition[2] présentée à l’Assemblée nationale par M. Charron, officier municipal, il a été décrété qu’il serait rendu aux cendres de Voltaire des honneurs publics, et qu’elles seraient déposées dans le monument destiné à conserver celles des grands hommes.

Ces détails, dont M. Charron lui-même a rendu compte au directoire du département, le 4 de ce mois (juin 1791), forment la matière d’un rapport d’après lequel ce corps administratif a pris l’arrêté suivant sur la translation de Voltaire :

« M. Charron, officier municipal, a représenté au directoire qu’avant le décret de l’Assemblée nationale du 8 mai dernier, sanctionné le 15, qui ordonne que le corps de Voltaire sera transféré de l’abbaye de Scellières dans l’église paroissiale de Romilly, sous la surveillance de la municipalité dudit lieu, il avait été chargé par la municipalité des opérations préliminaires à la translation de Voltaire ; il a rendu compte au directoire du travail qu’il avait préparé à ce sujet, et dans lequel il embrasse tous les détails de l’entrée triomphale de Voltaire dans Paris, et de la fête nationale qui pourrait avoir lieu à cette occasion.

« Le directoire, approuvant le plan et les mesures qui lui ont été soumises, nomme M. Charron pour continuer, en qualité de son commissaire spécial, les soins qu’il s’est déjà donnés à cet égard. Il fixe le jour de la fête au lundi 4 juillet, et charge la municipalité de prendre toutes les précautions d’ordre et de police qu’une telle circonstance rend nécessaires dans Paris.

« Signé : Anson, vice-président ; Blondel, secrétaire. »

Les cendres de Voltaire seront portées dans un char orné d’allégories relatives au génie des arts, et traîné par quatre[3] chevaux blancs presque nus, couverts d’une simple draperie ; il sera suivi des Muses et des Arts personnifiés. De jeunes filles, des enfants velus de blanc, précéderont la statue qui doit lui être élevée ; des chœurs de musiciens accompagneront cette marche, dont le cortége sera composé ainsi qu’il suit :

Un détachement de cavalerie avec ses trompettes, le bataillon des enfants, la députation des colléges, un corps de musique, les députations des clubs et sociétés patriotiques, cent quatre-vingt-douze députés des sections, un corps de musiciens, les artistes, les gens de lettres, les académies, lycée, musée, etc., corps de musique et de tambours, les quarante-huit juges de paix, les tribunaux et leurs huissiers, MM. les députés de l’assemblée électorale, une députation de l’armée parisienne, le conseil général de la commune, le département et ses huissiers, gardes de la prévôté, ministres du roi, gardes de la prévôté, députés du corps législatif[4], grand corps de musique, le char, le procureur général syndic et le commissaire à la translation, tambours, les vétérans, musique, groupe d’artistes, députation des théâtres, troupe de femmes vêtues de blanc, ayant une couronne de roses sur la tête, une ceinture bleue, et portant des guirlandes et des couronnes ; groupe de jeunes gens portant des enseignes sur lesquelles seront écrites des pensées de Voltaire ; chœurs de musiciens chantant les strophes d’un hymne à Voltaire, groupe d’artistes enveloppant la statue de Voltaire faite par M. Houdon ; corps de cavalerie fermant la marche.

Ce magnifique cortége partira, le 4 juillet matin, du boulevard Saint-Antoine, suivra les boulevards jusqu’à la place Louis XV, le quai des Tuileries, le pont Royal, le quai Voltaire : station devant la maison de M. Charles Villette. Le cortége suivra le quai Voltaire, les rues Dauphine, de la Comédie et du Théâtre-Français, la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince, la place Saint-Michel, la rue Saint-Hyacinthe, la porte Saint-Jacques, la place du Panthéon français ou de la nouvelle Sainte-Geneviève.


XXXII.

TRANSLATION
DES CENDRES DE VOLTAIRE AU PANTHÉON[5].

Dimanche, 10 de ce mois, M. le procureur-syndic du département et une députation du corps municipal se sont rendus, savoir, le procureur-syndic aux limites du département, et la députation de la municipalité à la barrière de Charenton, pour recevoir le corps de Voltaire. Un char de forme antique portait le sarcophage dans lequel était contenu le cercueil. Des branches de laurier et de chêne, entrelacées de roses, de myrtes et de fleurs des champs, entouraient et ombrageaient le char, sur lequel étaient deux inscriptions : l’une,


  1. Numéro du 20 juin 1791.
  2. On peut voir cette pétition dans le Moniteur du 10 mai 1791, article Bulletin de l’Assemblée, séance du 8 mai.
  3. Il fut traîné par douze chevaux.
  4. Dans la séance du 9 juillet, l’Assemblée constituante arrêta qu’elle enverrait au triomphe de Voltaire une députation de douze de ses membres (voyez le Moniteur du 10 juillet 1791).
  5. Extrait du Moniteur du 13 juillet 1791.
Pièce 30

Pièce 31

Pièce 32