Histoire universelle de l’Église (Alzog)/Période 1/Époque 1/Partie 1/Chapitre 01

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PREMIÈRE PARTIE.
LE CHRIST ET LE SIÈCLE APOSTOLIQUE.



CHAPITRE PREMIER.
VIE ET TRAVAUX DE JÉSUS[1].

Afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom.
xxxxxxxxxxJean XX, 31 ; conf. 1 Jean V, 13.
Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez.
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxLuc, X, 23.


Tillemont. t. I, part. 1re  (Vie de Jésus-Christ, de la Vierge Marie, de saint Joseph, de Joseph d’Arimathie et de Jean-Baptiste.) Notes et éclaircissements, etc. Hess, Hist. de la vie de Jésus. Zur. (1747), 1823, 3 vol. Reinhard. Essai sur le plan du fondateur de la religion chrétienne. Wittenb. (1781), 5e édit. de Heubner. Wittemb., 1830. Neander, La vie de Jésus-Christ dans son ensemble et son développement historique. Hamb. (1837) ; 3e éd., 1839. Stolberg, vol. 5.. Kuhn, Vie de Jésus sous le point de vue scientifique. Mayence, 1838, 1 vol. Hirscher, Hist. de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Sauveur du monde. Tubing. (1839) ; 2e éd., 1840. Sepp, la Vie du Christ, avec une préface de J. de Gœrres. Ratisb., 1843-46, 7 vol.


§ 33. — Recherches chronologiques sur l’année de la naissance et sur la vie de Jésus-Christ.
Tillemont, note 4 de la Vie de Jésus. Nat. Alex. Hist Eccl. I sæc. diss. II, ed Venet. in-4, t. IV, p. 139, sq. Sepp. ubi supra, t. I. Wieseler, Concord, chronol. des quatre Évangiles. Hamb. 1843. Seyffarth, Chronol. sacra, Lips. 1846.

Dès les temps les plus reculés, les opinions furent diverses à cet égard. Irénée et Tertullien indiquèrent la 41e année d’Auguste (c’est-à-dire l’an 751 après la fondation de Rome) comme celle de la naissance du Christ. Clément d’Alexandrie, Eusèbe Épiphane et Orose adoptèrent la 42e année d’Auguste. Denys le Petit [530] fixa par un calcul soigneux et solide l’année de la naissance de Jésus-Christ à l’an 754 après la fondation de Rome[2]. Mais les recherches plus récentes ont fait généralement admettre l’an 747[3]. En s’écartant ainsi des calculs de Denys (ce qui a lieu depuis Bède, et surtout depuis le VIIIe siècle), on se fonde sur la donnée certaine de la mort d’Hérode, que Josèphe fixe au printemps de 750 ou 751. Or, d’après saint Matthieu, II, 22, la mort d’Hérode n’a dû arriver qu’après la naissance du Christ, et par conséquent le calcul de Denys commence au moins quatre ans trop, tard. La seule base certaine que nous fournissent à cet égard les Évangiles, est le passage de saint Luc III, 1 qui date le commencement de la vie publique de Jean-Baptiste de la 15e année du règne de Tibère, et l’endroit où le même évangéliste, II, 1-2, parle du recensement ordonné en Palestine par l’empereur, au temps où Quirinus était gouverneur de la Syrie. Il serait facile, d’après celà, de calculer l’année qu’on recherche, si l’on était certain, ce qui n’est pas invraisemblable, que la date de saint Luc comprend les deux années du règne commun de Tibère et d’Auguste, qui mourut en 767 après la fondation de Rome (d’où 765 + 15 = 780). Or Jésus-Christ commença sa vie publique peu après Jean-Baptiste, âgé de trente ans, au rapport de saint Luc, III, 23 (780 − 30 = 750). Telle serait l’année la plus probable de sa naissance. Pour fortifier cette opinion, on a rappelé les calculs astronomiques d’après lesquels longtemps avant et après Jésus-Christ, la pâque n’a pu tomber un jeudi qu’en 784. Mais Jésus-Christ célébra la dernière cène dans sa trente-quatrième année, d’après l’opinion commune (car saint Irénée seul prétend que Jésus-Christ a vécu quarante ans)[4], et il la célébra précisément un jeudi, ce qui nous ramène à l’an 750[5]. Néanmoins qui peut méconnaître qu’il y a encore bien de l’incertitude dans les diverses données de ce dernier calcul ? Combien l’incertitude augmente, combien les difficultés deviennent insolubles lorsqu’on veut déterminer le mois et le jour de la naissance de Jésus-Christ[6] ! Quant à la vie publique de Notre-Seigneur, on peut conclure avec assez d’assurance des saints Évangiles, que la durée en fut de trois années.

§ 34. — Naissance du Christ.

Les prophètes avaient annoncé dès l’origine, à travers tous les siècles, et d’une manière de plus en plus positive, que le Messie, qui devait racheter et régénérer le genre humain, naîtrait parmi les Juifs, non point comme tous les hommes, suivant les lois ordinaires de la nature, mais, comme le premier homme, par une création immédiate de Dieu[7]. Une vierge pure[8], de la race de David, devait concevoir le Christ dans son chaste sein et l’enfanter à Bethléem de Juda[9].

Lorsque les temps marqués par Dieu furent proches[10], un ange vint à Nazareth annoncer à une vierge nommée Marie, de la race de David, qu’elle était choisie pour concevoir par l’opération de l’esprit saint et enfanter le Fils unique de Dieu[11]. Le paganisme et les puissances du siècle devaient à leur insu servir à l’accomplissement des desseins éternels. Au temps marqué pour la naissance du Messie, Tibère ordonne un dénombrement du peuple. Marie se rend à Bethléem. Joseph, son époux, pauvre charpentier, quoique issu de la race royale de David, l’y accompagne[12]. Là Marie met au jour, dans une étable, l’enfant merveilleux que les prophètes avaient salué de loin des noms de Dieu fort, Père du siècle à venir, Prince de la Paix[13]. Et depuis lors la Vierge pure ne conçut plus dans son sein sacré[14].

Les prodiges qui ont préparé cette naissance merveilleuse continuent. Les anges descendent du ciel ; ils manifestent la joie que leur cause le salut apporté au genre humain déchu ; ils expriment leur reconnaissance, au nom de l’humanité qui ne soupçonne pas encore que l’heure de sa rédemption est proche[15]. Ils annoncent la paix au monde dégénéré et la nouvelle alliance du ciel et de la terre. À ces accents de joie venus d’en haut, quelques pasteurs juifs s’éveillent et se dirigent en hâte vers le Sauveur nouveau-né[16]. Mais bientôt, du fond même de l’Orient, l’attrait du Père amène au Fils des sages qui l’adorent[17], et l’humanité tout entière, que devait racheter le Fils de Dieu, est représentée près de son berceau. Et comme il fallait qu’il fût en tout semblable à ses frères[18], le Fils de Dieu est selon les prescriptions de la loi, circoncis au huitième jour de sa naissance et reçoit le nom de Jésus (יְחֹרשֻׁעַ (ie‘horshou‘a) contracté de יֵשׁוּעָ (ieshoû‘a), c’est-à-dire secours de Dieu).

Illuminé par l’esprit saint, le juste et pieux Siméon salue le Rédempteur d’Israël, la lumière des nations, l’enfant divin, posé pour la ruine et la résurrection de plusieurs. Anne, que l’esprit amène au temple, s’unit aux cantiques de Siméon, et va prophétisant le Verbe à tous ceux qui attendent la rédemption d’Israël[19].

Depuis quatre cents ans l’esprit de prophétie ne s’était plus fait entendre en Israël. Il s’était tu avec Malachie[20]. Quel printemps radieux succède tout à coup à ce long hiver ! De toutes parts retentissent des chants de gloire : celui dont le nom est Merveille s’est enfin montré ! Et l’archange et la Vierge, Zacharie et Élisabeth, dans les prairies verdoyantes les anges, dans le temple et le sanctuaire Anne et Siméon, tous prédisent un immense avenir et se réjouissent au rayon du soleil que le Seigneur envoie au monde : le ciel lui-même s’abaisse vers la terre, et les fils de la poussière se relèvent dans le sentiment d’une joie toute divine.

§ 35. — De ce que l’on appelle le développement de Jésus.

Marie et Joseph, au rapport des plus anciennes histoires judaïques, afin d’échapper aux desseins homicides de l’artificieux Hérode, s’enfuirent pour quelque temps en Égypte[21] ; mais bientôt ramenés par l’esprit qui avait décidé leur départ, ils revinrent à Nazareth, accomplissant ainsi le sens profond de la prophétie d’Osée, XI, 1 : « J’ai appelé mon fils de l’Égypte. » À douze ans, l’enfant divin laissa échapper quelques rayons de sa céleste sagesse, devant les docteurs étonnés du temple de Jérusalem[22]. Sanctifiant tous les rapports de l’homme et tous les degrés de son développement, le Fils de Dieu demeura filialement soumis et obéissant à ses parents[23]. Il aida, selon une ancienne tradition, son père nourricier dans les travaux de son dur métier[24]. L’histoire garde le silence sur le reste de ses actions jusqu’à son entrée dans la vie publique. On a prétendu expliquer la sagesse, la sublimité, la sainteté que Jésus manifesta plus tard, en les attribuant à la piété de sa mère, à la science des pharisiens, des sadducéens[25] et des esséniens, à la civilisation alexandro-judaïque. N’était-ce pas méconnaître complètement le Christ historique comme Fils de Dieu ? Bien loin d’expliquer le miracle divin, n’était-ce pas en rendre l’explication plus difficile encore ? car en quel temps et où jamais l’âme d’un juif ou d’un payen donna-t-elle les signes d’une sagesse, d’une pureté, d’une majesté semblables, à celles qui brillèrent dans la vie du Sauveur[26] ? Combien les peintres chrétiens sont plus près de la vérité, lorsqu’ils représentent l’enfant Jésus entouré d’une auréole de gloire dans tous les moments, dans toutes les circonstances de sa vie ! et n’est-ce pas dans ce sens que les Pères de l’Église ont expliqué les paroles qui nous montrent Jésus croissant en âge, en grâce et en sagesse[27], c’est-à-dire laissant éclater de plus en plus au dehors la vertu divine qui résidait en lui, à mesure que son corps croissait et que son humanité se développait davantage.

§ 36. — Jean-Baptiste[28].

Lorsque le temps de la venue du Messie fut proche, un ange annonça au saint prêtre Zacharie que Dieu susciterait dans le sein de sa femme Élisabeth, déjà avancée en âge et parente de Marie, un fils qui serait grand devant le Seigneur. Jean, c’est-à-dire le béni de Dieu, sera son nom, dit l’ange. Il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère ; il convertira plusieurs des enfant d’Israël au Seigneur leur Dieu, et il marchera devant le Sauveur du monde, dans l’esprit et dans la vertu d’Élie, pour lui préparer les voies[29]. Élisabeth à son tour, s’élevant sur les ailes d’une divine inspiration, salue Marie comme la mère du Seigneur, et Marie répond dans un prophétique enthousiasme : « Désormais je serai appelée bienheureuse dans la suite des siècles[30]. »

Presque tout le peuple juif croyait, d’après une ancienne prophétie[31], que le retour du prophète Élie précéderait l’arrivée du Messie et préparerait ses voies[32]. Cette attente ne fut point complètement réalisée Élie ne reparut point lui-même ; il reparut en esprit dans la personne de Jean, précurseur du Messie. Ce fut dans la quinzième année du règne de Tibère, et sous l’administration de Ponce-Pilate, gouverneur de la Judée, que Jean, âgé de trente ans, apparut comme maître et docteur en Israël, suivant l’antique usage des Juifs. Il vint, comme il avait été prédit, prêcher dans un lieu désert, près du Jourdain. Sa vie était austère et mortifiée, sa parole grave et sérieuse ; il allait criant au loin : « Faites pénitence, le royaume du ciel est proche[33]. Vous ne connaissez pas celui qui est au milieu de vous : il vient, après moi ; mais il est avant moi et il est plus grand que moi. Déjà la cognée est à la racine de l’arbre. Tout arbre qui ne porte pas de fruit sera coupé ; et jeté au feu. » Et Jean, pour initier le peuple aux mystères du Seigneur, le baptisait dans l’eau, se servant, comme on s’y attendait du précurseur, d’un rite sensible, d’une lustration matérielle et symbolique, qui[34], administrée à tous les Juifs, était l’annonce de cette purification intérieure et spirituelle dont la nation entière avait besoin, pour entrer sérieusement dans le royaume du Messie, βαπτισμὸς μετάνοιας.

Jean annonçait, le royaume du Messie, non, selon l’attente de la masse du peuple, comme un royaume temporel, mais comme une institution morale et religieuse. Sans égard à la filiation charnelle des enfants d’Abraham, c’était à ceux qui changeraient de mœurs qu’il, promettait la participation au royaume du ciel. « N’allez pas dire, s’écriait-il, nous avons Abraham pour père ; car je vous déclare que Dieu peut faire naître de ces pierres mêmes des enfants d’Abraham[35]. » Quelque étonnant que cela parût aux Juifs d’alors, la mission divine dont était chargé le Précurseur, et qu’il prouvait par la vertu et la vérité de sa parole, lui donna une influence merveilleuse et qui se répandit bien au loin. Son humilité en était d’autant plus grande ; elle lui faisait rejeter toute louange, toute estime de son mérite. Il n’en était que plus ardent à désigner au peuple celui qui devait baptiser après lui dans le feu et dans le Saint-Esprit[36], et dont il se déclarait indigne de délier les cordons de souliers[37]. Mais Jésus vient lui-même au Jourdain pour être baptisé, et alors Jean, éclairé par un miracle subit, le reconnut et le proclama comme Messie : car une voix du ciel vint au nom du Père reconnaître son Fils bien-aimé, et l’Esprit saint planant sur lui, sous la forme gracieuse d’une colombe, la Trinité divine se manifesta tout entière au Jourdain[38] ? « Désormais, dit Jean, il faut que Jésus croisse et que je diminue. » Ainsi s’éclipse l’étoile du matin devant le soleil levant[39]. Représentant de la justice divine, Jean ne fait point acception de personnes : « Race de vipères, dit-il aux sadducéens, aux doctes et hypocrites pharisiens, qui vous a appris à fuir la colère qui vous menace[40] ? » et au tétrarque Hérode : « Il ne vous est point permis de garder Hérodiade, la femme de votre frère[41]. » Jean est une lampe ardente qui brille dans les ténèbres de ce monde ; beaucoup se sont réjouis à la clarté de sa lumière, mais ils ne changent ni d’esprit ni de mœurs[42]. Jean n’est pas un roseau qu’agite le vent : il ne change point avec les caprices d’un peuple mobile et de ses représentants. Jean est le plus grand d’entre ceux qui sont nés de la femme : c’est le Christ lui-même qui le déclare[43]. Il est prophète et plus qu’un prophète[44], car ce n’est pas dans un avenir incertain qu’il promet aux hommes un sort meilleur : il annonce le royaume de Dieu qui est proche, qui est arrivé[45], et cependant celui qui est le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que le plus grand des prophètes[46].

Mais son ministère public va cesser, car Hérode l’envoie captif dans les prisons de Machœrus[47], et l’y fait mourir, pour satisfaire la passion et la vengeance d’Hérodiade irritée au rapport des Évangiles ; par crainte de la considération que Jean avait acquise auprès du peuple, selon l’historien Josèphe[48]. Le dernier regard de Jean sur la terre fut sans doute son premier regard dans le ciel, car il avait l’œil de la foi et n’avait cessé de le diriger vers celui qui était devant lui. Ses disciples l’ensevelirent, et, fidèles à leur maître, vinrent annoncer sa mort à Jésus ; mais quoique Jean eût si souvent, si clairement désigné Celui qui est la vérité même, l’Agneau de Dieu[49], beaucoup d’entre eux méconnurent la vérité et s’éloignèrent du Sauveur[50] : ils restèrent disciples de Jean. Ainsi, dans la nature, les espèces inférieures ne s’éteignent pas, parce qu’au-dessus d’elles s’en élèvent d’autres d’un ordre supérieur ; pas plus qu’on ne voit disparaître sur-le-champ les espèces intermédiaires, quand même elles servent au développement complet de celles qui sont plus parfaites.

§ 37. — Vie publique de Jésus. — Son but.

Après le baptême de Jean, qui avait, pour ainsi dire, inauguré la mission du Messie, Jésus se retira dans un lieu désert. Là, comme jadis Moïse sur le mont Sinaï, il resta quarante jours, luttant victorieusement contre le prince du mal, qui le tenta, comme tous les hommes[51] parce que le Christ devait être en tout semblable à ses frères[52]. Alors seulement il se mit à enseigner publiquement le peuple, ainsi que l’aurait fait un rabbin de la synagogue, passant aux yeux de la multitude pour fils de Joseph[53]. Ses premières paroles furent comme celles de Jean : « Faites pénitence[54]. » Mais bientôt, dévoilant plus longuement aux juifs les mystères, de sa mission divine[55] : « Je suis venu, dit-il, pour accomplir la loi, pour la purifier, l’éclaircir, la développer[56] ; » et comme Jean il laissa ses disciples administrer au peuple le baptême de la pénitence[57]. Mais, de son côté, le peuple devait se sanctifier par la pureté du cœur et de l’intention, la vue de Dieu devait être sa récompense, et cette récompense toute spirituelle faisait un singulier contraste avec ses superbes et mondaines espérances du Messie. C’était dans les paroles, et les actions du Christ une merveilleuse activité dont le but sublime planait toujours devant son âme. Et ce but, c’est-à-dire l’établissement d’un royaume céleste et purement spirituel, fut si clairement indiqué par toutes ses paroles, dès le principe, qu’il est impossible de trouver, dans aucun des Évangiles, la moindre trace du moment où il aurait substitué ce royaume spirituel à une royauté terrestre, qu’il aurait eue d’abord en vue. Jamais Jésus ne partagea l’opinion de ses contemporains sur le pouvoir temporel du Messie attendu, et sa grandeur consiste en partie en ce qu’il s’éleva, dès l’abord, au-dessus de ces imaginations indignes des siècles passés et des temps à venir. La grande et unique pensée de toute sa vie fut de réunir toute l’humanité en une société religieuse et morale, dans laquelle chacun pût, à l’aide de Dieu et sous la direction de sa providence, être par Jésus délivré du péché, réconcilié avec Dieu, sanctifié de plus en plus, et par là même participer à une félicité toujours croissante ; jamais les expressions simples et populaires dont il se servit pour représenter son royaume, ne démentirent cette tendance de toute sa vie à l’établissement d’un royaume spirituel[58], en même temps qu’universel. C’est toujours et partout dans ce sens qu’il parle, de la manière la plus claire et la plus explicite[59]. Tel, est aussi le caractère, et le principe tout spirituel de sa religion ; tel est le sens de toutes les prophéties qui ont rapport au Messie et qui comprennent l’humanité tout entière, vrai peuple du Christ, dont le royaume devait commencer, il est, vrai, parmi les Juifs, pour s’étendre de là sur toutes les nations païennes[60].

§ 38. — La doctrine divine de Jésus.

La doctrine de Jésus était parfaitement conforme au plan que nous venons d’indiquer. C’était avec une insistance particulière qu’il annonçait l’unité de Dieu, Père de tous les hommes, et les pratiques qu’il institua, si peu nombreuses, et en rapport si intime avec l’essence de la religion, ne renfermaient rien qui fût purement local, temporaire ou national. Elles pouvaient être observées partout, et devaient peu à peu remplacer la loi mosaïque, que, sans la combattre ouvertement, il tendait à élargir, à purifier, et à transformer en l’adoration en esprit et en vérité[61]. Les principes de sa doctrine, aussi anciens que l’esprit humain, prenaient naturellement, dans leur expression parabolique, une forme éminemment populaire et s’appropriaient ainsi à tous les degrés d’intelligence ; aussi firent-elles, dès le principe, une profonde impression sur le peuple, qui, dans son étonnement et sa joie disait : « Celui-ci enseigne comme ayant autorité, et non comme les scribes et les pharisiens[62]. » Cette impression devenait de plus en plus puissante, à mesure que Jésus parlait et agissait au milieu du peuple ; car, pour atteindre le but définitif de sa mission, le retour de l’humanité déchue vers Dieu, il montrait sans cesse Dieu offensé comme le Père de l’amour, prévenant le pécheur et pardonnant au repentir, s’abaissant vers lui dans la personne de son Fils unique[63], réalisation vivante et sensible de la parole et du fait, de l’idée et de l’actualité. Jésus avait dit : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre[64] ; » et il prouvait la vérité de cette parole en dominant les forces de la nature, en ressuscitant les morts, en guérissant subitement les aveugles, les sourds, les paralytiques, les infirmes de tout genre[65], en pardonnant, en remettant les péchés. Jésus avait enseigné la résurrection et la vie éternelle ; il devait confirmer cette doctrine par sa propre résurrection. Ainsi, et tel était le caractère spécial de son enseignement, Jésus faisait ce qu’il disait, il réalisait ses pensées par ses actions, comme, dans l’origine des choses, le Verbe tout-puissant et créateur avait dit « Que la lumière soit, et la lumière fut. » Ainsi, toujours confirmée par le fait, sa doctrine était à la portée de tous les esprits non prévenus, et pour ceux qui se fermaient à la vérité de sa parole, il en appelait toujours à ses actions[66] et à l’impossibilité de le convaincre d’aucun péché, ce dont jamais aucun homme n’avait pu se prévaloir [67]. Enfin il se fit connaître en maintes circonstances, en déclarant ouvertement qu’il était né du Père[68]. « Qui me voit, voit mon Père[69] ; moi seul je connais le Père[70] ; je fais connaître sa volonté et sa parole, et je ne recherche que la gloire de Celui qui m’a envoyé[71]. Mais celui-là seul qui est de Dieu, est attiré par la vérité et libéré par elle[72]. »

Saint Justin le martyr[73] caractérise parfaitement la doctrine de Jésus : « Ses discours étaient courts et serrés ; ce n’était point la parole d’un sophiste, mais la vertu de Dieu même. » Fils unique du Père[74], plein de grâce et de vérité[75], puisque en lui habitait corporellement la plénitude de la Divinité[76], il était la vie, il pouvait seul la communiquer aux autres[77], il pouvait seul donner le pouvoir d’être faits enfants de Dieu[78] à ceux qui croiraient en son nom, à sa mission, et prouveraient la sincérité de leur pénitence par leur foi et leurs œuvres.

§ 39. — Jésus fonde une société religieuse.
Prand. Le Christ a-t-il fondé une Église ? quel caractère a-t-elle ? Munich, 1832. Sur les rapports nécessaires du Christianisme et de l’Église, voyez Dieringer, Système des faits divins du Christianisme. Mayence, 1841, dans le t. II, p. 368 sq.

Puisque Jésus avait enseigné sa doctrine comme la religion absolue et universelle ; puisqu’il s’était déclaré le Sauveur du monde, qui devait relever la créature de la malédiction du péché et rétablir le commerce vivant de l’humanité avec Dieu ; la nécessité de réunir, en une société religieuse, les hommes de tous les temps et de tous les pays, ressortait de l’universalité même d’une œuvre qui devait embrasser tous les siècles et toutes les nations : Car le Christ n’est réellement le Sauveur du monde qu’autant qu’il donne à tous les hommes, partout et toujours, comme à ses contemporains durant les jours de sa vie terrestre, le moyen de participer à la vie divine en s’unissant à Celui qui en est la source. Il faut donc qu’il y ait toujours dans le monde une parole vraie, divine et infaillible, comme la parole de Jésus-Christ même ; il faut qu’il y ait constamment dans le monde une vertu qui opère la rémission des péchés et la sanctification des âmes, aussi sûrement que la vertu du Christ lui-même ; il faut qu’il y ait perpétuellement dans le monde une autorité qui oblige à l’obéissance et à la soumission, qui mène au salut, aussi infailliblement que l’autorité du Sauveur lui-même ; il faut enfin incessamment dans le monde une société religieuse qui, née de Dieu, unissant à Dieu, fonde la béatitude en Dieu, aussi véritablement que la société de Jésus même, vivant sur la terre au milieu de ses disciples. Cette parole et cette vertu, cette autorité et cette société ne peuvent avoir de fondement qu’en Dieu : la présence continuelle et perpétuelle de Dieu parmi les hommes est donc la condition absolue de l’établissement, du développement et de la persistance du Christianisme sur la terre.

Donc, pour que l’œuvre accomplie par le Christ, rentré dans sa gloire, persévérât dans le monde, devînt le patrimoine de toutes les générations futures, le Christ devait toujours avoir parmi les hommes un représentant qui lui fut égal en tout : et tel fut le sens, tel fut l’effet de la promesse du Christ d’envoyer l’Esprit saint. Pour sauver le monde, Dieu s’était fait homme : l’Esprit saint, toujours présent dans l’Église, représentait la nature divine du Christ ; il fallait, pour que sa nature humaine fût représentée à son tour, que l’Esprit saint eût une action humaine et se communiquât par des organes humains. Et tels furent le sens et l’effet de cette autre promesse, par laquelle, les apôtres devaient être les représentants du Christ pour développer et accomplir son œuvre. Ainsi fut fondée l’Église, dont l’institution est la condition nécessaire et absolue du christianisme. Point de Christianisme sans Église, point d’Église sans le Christianisme.

Le Christ a donc voulu, il a dans le fait fondé une Église. Tantôt il l’appelle le royaume de Dieu, tantôt le royaume du ciel, tantôt le royaume du Christ. Et, prémunissant d’abord les esprits contre toute fausse interprétation, il apprend aux hommes que son royaume n’est pas de ce monde[79] ; qu’il n’en est pas de son royaume, comme de l’empire des grands de la terre[80] ; que c’est un royaume qui est proche, mais non encore arrivé[81] ; que son culte n’est point attaché à tel lieu de la terre, à tel temple, à telle montagne[82] ; mais qu’il doit, dépassant toutes limites et toutes barrières, s’étendre sur toute la terre, s’incorporer à toutes les nations. L’initiation s’opère, non plus par la circoncision, mais par le baptême, au nom de la Trinité sainte[83]. D’autres fois, il nomme cette société religieuse, qu’il appelait le royaume de Dieu, l’Église de Dieu[84], Εϰϰλησία. Il l’a promise, il n’en reste point là ; il la fonde réellement. Il choisit à cet effet[85] douze hommes grossiers, pauvres pêcheurs de la Galilée pour la plupart ; il en fait des pêcheurs d’hommes[86] et les nomme apôtres, c’est-à-dire envoyés, élus, fondés de pouvoir[87].

Le caractère particulier de chacun des apôtres représente en quelque sorte les diverses dispositions spirituelles et religieuses de l’âme humaine. Leur diversité se fond dans une unité pleine de beauté et d’harmonie. Colonnes de l’Église, continuateurs de l’œuvre du Christ monté au ciel, les apôtres vont annoncer à tous les peuples ce qu’ils ont entendu du Sauveur, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont touché de leurs mains, ce qu’il a souffert pour l’humanité. Ils ont été formés à cette grande mission par le Sauveur lui-même, qui les a enseignés de toutes façons, qui les a éprouvés, aimés, châtiés, relevés, consolés, qui a opéré des merveilles exprès pour eux[88], et leur a communiqué le pouvoir de faire des miracles, afin de les convaincre de sa mission et de les confirmer dans leur foi au Fils de Dieu[89].

Jésus les envoie souvent annoncer le royaume de Dieu : il leur révèle ainsi quelle est leur mission future ; il leur inspire de l’amour, de la joie, de la confiance en leur appel, et cela d’autant plus qu’il ne leur cache point combien leur avenir est sérieux : car c’est un avenir de lutte et de division, de haines mortelles, de persécution sanglante, un avenir de dévouement sans bornes, de sacrifice complet pour Jésus-Christ[90] ; ils doivent être séparés les uns des autres, dispersés sur la terre, sans cesser d’être unis et de former une société religieuse, sainte, forte et indissoluble. L’idéal de cette union est l’union même du Père et de son Fils unique, et l’union de cette société est l’unique moyen qui peut amener le monde à croire en Jésus-Christ[91].

Et pour qu’un lien extérieur vienne fortifier au dehors l’unité de cette Église, Jésus choisit un chef parmi les douze : c’est Simon, qu’il nomme prophétiquement Pierre ; car c’est le roc sur lequel il veut bâtir son Église[92] ; c’est le pasteur visible de tout le troupeau[93], comme Jésus en en est le pasteur invisible[94] ; c’est enfin celui qui doit affermir tous ses frères[95].

Comme la vigne est attachée au cep[96], ainsi cette société naissante, qui s’accroîtra de plus en plus[97], doit rester unie à Jésus, son fondateur ; et c’est pourquoi il remet aux apôtres le pouvoir d’annoncer la parole, d’administrer les sacrements, canaux visibles des vertus divines, dont il est la source invisible[98]. C’est pourquoi quiconque cherche son salut en s’unissant à Jésus-Christ doit s’attacher à ses représentants, aux apôtres et à leurs successeurs[99] : car il les envoie comme son Père l’a envoyé[100]. Il les soutiendra et les garantira à tout jamais de toute erreur, dans la grande affaire du salut, en leur envoyant l’Esprit saint, qui leur découvrira toute vérité[101].

§ 40. — Jésus vis-à-vis des Juifs.

Une doctrine si victorieuse sur les esprits, confirmée par des preuves si nombreuses et si éclatantes de la toute-puissance divine, gagnait instantanément à Jésus-Christ des masses entières du peuple. On veut l’élire roi[102]. On ne peut s’empêcher de reconnaître que, quand le Messie viendrait lui-même, il ne pourrait faire ni de plus grands ni de plus nombreux miracles[103]. Peu de jours avant sa mort, le peuple lui prépare encore une entrée triomphante dans Jérusalem[104]. Mais le dévouement de ce peuple est encore bien chancelant ; à la première occasion il se tournera contre le Christ.

Cette inconstance et cette infidélité du peuple étonnent d’abord, quand on se rappelle combien le Juif devait être préparé à la mission du Sauveur ; mais l’étonnement diminue quand on s’arrête aux faits suivants[105]. 1o  La masse comprenait d’une manière sensible et charnelle l’élection et la destinée d’Israël ; elle ne concevait guère l’action mystérieuse de Dieu sur les âmes pour leur vraie sanctification ; elle ne comprenait pas mieux la part de l’homme dans cette œuvre de régénération ; les sacrifices qu’elle offrait avec une bruyante pompe au Seigneur étaient vides, car il y manquait l’esprit d’amour et d’obéissance, et le Juif était souvent assez présomptueux pour croire que Dieu n’avait de miséricorde que pour les Juifs. 2o  Le Messie que le peuple attendait devait être, un héros, un conquérant, apparaissant avec gloire et magnificence, élevant le peuple juif au-dessus de tous les peuples de la terre. À peine faisait-on mention des prophéties qui représentaient le Messie souffrant et mourant pour les péchés du monde[106] ; on les avait entièrement oubliées… Et le même oubli ne se fit-il pas douloureusement sentir à Jésus jusque dans le cercle étroit de ses douze apôtres et de ses soixante-douze disciples[107] ? 3o  C’était surtout aux pharisiens hypocrites, tout occupés d’œuvres extérieures et jaloux de dominer le peuple, que s’adressaient les reproches menaçants du Sauveur. Ils en étaient d’autant plus irrités qu’ils étaient incertains si Jésus ne se déclarerait point le Messie, dans leur sens charnel[108]. Aussi cherchaient-ils à éloigner le peuple de la foi en Jésus-Christ, comme Messie. Ils y réussirent facilement, car, 4o , sous tous les rapports, l’esprit et la doctrine de Jésus étaient opposés à l’esprit et aux maximes du monde, et se prêtaient peu aux penchants, aux désirs, aux espérances terrestres des hommes en général, et des Juifs en particulier. Ainsi, méconnu de tous côtés, Jésus vit, après trois années de travaux, s’approcher le terme des desseins de Dieu. Sans craindre ni rechercher la mort, il se rendit à Jérusalem avec ses apôtres, pour accomplir la loi, aux fêtes de Pâques[109] ; et là il déclara ouvertement que sa mort était proche, et qu’après trois jours il sortirait triomphant du tombeau ; et en même temps il pleurait, en dévoilant prophétiquement à ses disciples les malheurs qui menaçaient Jérusalem[110].

§ 41. — Mort de Jésus.

Certain de sa mort prochaine, certain de la durée de son œuvre, Jésus, après avoir donné les preuves les plus touchantes de son amour et de son humilité, institua, durant cette dernière pâque qu’il avait désirée d’un désir ardent[111], un banquet d’alliance et de perpétuelle commémoration. Là devaient se réunir désormais tous ses véritables disciples ; là Jésus se donnerait à eux spirituellement et corporellement jusqu’à la fin des temps. Ainsi devait se réaliser à jamais la parole prophétique qu’il avait adressée au peuple : Ma chair est une véritable nourriture, mon sang est un véritable breuvage[112]. » Alors aussi, arrivé au terme de sa vie terrestre, il soutint, comme au commencement de sa carrière publique, une lutte terrible contre les infirmités de la nature humaine[113].

Pendant cette agonie douloureuse, les : pharisiens, le conseil des prêtres et le peuple, conspirant sa mort, se disaient : « C’est un blasphémateur ; et en même temps ils l’accusaient de haute trahison auprès du gouverneur Ponce-Pilate[114]. Amené devant lui et interrogé s’il est le Christ, s’il est roi : « Je le suis, » dit-il ; car désormais il parle ouvertement et sans parabole[115].

On le bafoue, on le conspue ; il souffre les tourments les plus cruels ; il meurt sur la croix, priant pour ses ennemis[116], répandant son sang pour la rémission des péchés et la réconciliation de l’humanité avec Dieu[117]. La nature frappée de terreur s’émeut, les rochers s’entr’ouvrent, la mort vaincue rend ses victimes. Le rideau du Saint des saints se fend du haut en bas ; le paganisme reconnaît le vrai Dieu : « En vérité, cet homme était un juste, c’était le Fils de Dieu[118]. » Une voix mystérieuse se répand au loin à travers les mers : « Le grand Pan est mort, » et l’on entend des soupirs mêlés à des cris d’admiration[119]. Joseph d’Arimathie, membre du grand conseil, ne craint plus les hommes ; il réclame hardiment le corps de Jésus auprès de Pilate. Les prophéties s’accomplissent tout entières : « On lui réservait la sépulture de l’impie ; il a été enseveli dans le tombeau du riche[120]. » Et ce fait de la mort de Jésus-Christ devient le premier anneau auquel se rattacheront désormais toutes les prédications apostoliques[121] ; car tout est dans la mort de Jésus-Christ : le péché de l’homme, qui en est la cause ; la médiation de Jésus-Christ, qui en est le remède ; la réconciliation avec Dieu, qui en est le prix ; dans le Christ, dans le Dieu-Homme, s’est réalisée l’idée éternelle de l’humanité (Υἱὸς τοῦ άνθρὡπου, l’homme par excellence, ϰατʹ ἐξοχήν). Mais cet idéal pur, ce modèle immaculé a subi la mort ; il a donc fallu que le péché de l’humanité fût bien grand pour rendre nécessaire une pareille expiation. L’homme, contemplant le Christ, apprend à se connaître et trouve dans cette connaissance le fondement de l’humilité, de l’obéissance et de l’amour le plus filial.

§ 42. — Résurrection du Christ ; son Ascension.

Le fait de la résurrection de Jésus-Christ est parfaitement établi par les quatre Évangiles. Quelques différences peu importantes, des contradictions apparentes dans des circonstances accessoires, confirment la sincérité du récit et prouvent clairement que la narration des quatre évangélistes n’est pas concertée. Thomas, l’un des douze, nie avec opiniâtreté, dit Léon le Grand, afin que le monde croie avec d’autant plus d’assurance. Jésus-Christ livré à la mort pour nos péchés, étant ressuscité pour notre justification, selon la parole du grand apôtre des Gentils[122], la résurrection a parfait l’œuvre de la rédemption ; elle en est l’apogée, et c’est pourquoi le même apôtre nous dit hardiment : « Si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, notre foi inutile[123]. » C’est dans ce fait aussi que les apôtres puisèrent un inébranlable courage pour annoncer l’Évangile. Jésus, glorifié, demeura quarante jours au milieu de ses apôtres, faisant beaucoup de miracles devant eux[124] et leur donnant ses dernières instructions pour le développement de son œuvre[125]. Puis il les conduisit à Béthanie. Là il leur adressa ses dernières paroles pour les fortifier dans leur foi : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez, leur dit-il une seconde fois, annoncez l’Évangile à toutes les créatures ; baptisez-les au nom du père, du Fils et Saint-Esprit[126]. » Et les bénissant, il étendit les mains sur eux, et au même instant il fut élevé mystérieusement au ciel, comme il était mystérieusement descendu sur la terre[127] ; et les disciples étonnés retournèrent, en priant, à Jérusalem, pour y attendre la réalisation de la promesse de leur Maître : « Mais, pour vous, restez a Jérusalem, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut[128]. »



  1. On peut consulter, sur la tentative qu’a faite Strauss, dans sa Vie de Jésus, de réduire en un mythe l’histoire évangélique, les ouvrages suivants : Macke, Critique des travaux de Strauss sur la vie de Jésus, dans la Rev. trimestr. de Tubing. 1837, p. 35, 259, 426, 633. Hug., Appréciation de la Vie de Jésus, par Strauss. Fribourg, impr. sépar. en 1840, à Fribourg. Kuhn, Vie de Jésus, passim. Ullmann, Histoire ou Mythe ? Hamb. 1838. Tholuck, Véracité de l’histoire évangélique. Hamb., 1838. Paris, 1847. Sepp, I. c. Cf. Rossignol, Lettres sur Jésus-Christ. Paris, 1841-45, 2 vol.
  2. Voir les principales opinions dans Fabricii Bibliopraph. antiquar. ; ed. II. Hamb., 1716, et dans Munter, l’Étoile des Mages, Recherches sur l’année de la naissance de Jésus-Christ, Copenh., 1827.
  3. Kepler, de Nova stella in pede Serpentarii, etc. (pragæ, 1606) ; de Jesu Chr. Salvatoris nostri vero anno natalitio (Francf., 1606, in-4) ; de vero anno quo æaternus Dei Filius humanam naturam in utero benedictæ Virginis Mariæ assumpsit (Francf., 1614, in-4). Il se prononce pour l’année de Rome 748. – Sanclementii de vulgar. æræ emendat. lib. IV, Romæ, 1793, in-4. — Ideler, Chronol. t. II, p. 394.
  4. Iren. cont. Hæres. II, 22, ed. D. Massuet. Paris., 1710, in-f., p. 148.
  5. C’est aussi le résultat des recherches de Wieseler, cf., p. 131-132.
  6. Tandis que saint Jérôme disait déjà, Sermo de nativitate : « Sive hodie Christus natus, sive baptizatus est, diversa quidem fertur opinio in mundo, et pro traditionum varietate sententia est diversa ; » Sepp a cherché à prouver par des calculs positifs que le jour de la nativité de Notre-Seigneur doit être le 25 décembre 747 apr. R.
  7. Voy. § 28.
  8. Is. VII, 14.
  9. Michée. V. 2.
  10. Dan. IX, 24.
  11. Luc, I, 26 ; Jean, I, 18.
  12. Luc, II, 1-5.
  13. Is. IX, 6.
  14. Les frères de Jésus dont il est question dans le Nouveau Testament (Matt., XII, 46 ; XIII, 55 ; Marc, III, 31 ; VI, 3 ; Luc, VIII, 19-12 ; Jean, II, 12 ; Act. des Ap. I, 14), sont, d’après l’analogie du mot hébreu, אַת les parents ἀνἐψιοι (anepsioi). Autre preuve : le Christ mourant recommande à son bien-aimé disciple Jean, Marie comme sa mère (Jean, XV, 25-27). Le terme πρωτότοϰος (Matth., I, 25), employé pour le Christ, n’est nullement contraire à cette explication, et se démontre par la locution hébraïque. Schleyer. Nouvelles recherches sur l’Ép. de saint Jacques, et surtout sur les frères de Jésus (Frib., Journal de théolog., t. IV, p. 1-116). – Kœster, l’Écrit. sainte expliquée par les classiques, p. 133.
  15. Luc, II, 9-12. Cf. Hébr. I, 6.
  16. Luc, II, 6.
  17. Matth., II, 10-11.
  18. Hébr., II, 17-18.
  19. Luc. II, 25-38.
  20. Cf. Stolberg, Ve partie, p. 46-47.
  21. Matth., II, 19-20.
  22. Luc, II, 46-47.
  23. Luc, II, 51.
  24. Marc, VI. 3.
  25. Cf. Jean, VII, 15.
  26. Hug, Introd. à l’étude du N. Test., t. I, p. 102-105, 3e édit.
  27. Luc, II, 40, 52. – Lieber, Sur le développement de Jésus dans la sagesse. Ratisb., 1850.
  28. Cf. Kuhn. Vie de Jésus. t. I, p. 161-300.
  29. Luc, I, 5, 17.
  30. Luc. I, 39-56.
  31. Mal., IV, 5-6.
  32. Matth., XVII, 10 ; Marc, IX, 10 ; Luc. I, 17 ; Jean, I, 21.
  33. Matth., III, 2.
  34. Buxtorf, Lex. Talm., p. 408. Lightfoot. Schœttgen, Wetstein et autres ont prétendu, dans leurs Comm. sur S. Matth. III, 6, que le baptême de saint Jean était une imitation du baptême des prosélytes juifs. Plus récemment on a élevé des doutes sur cette haute antiquité du baptême des prosélytes. Voyez Reiche, de Baptismatis orig. et necessit. necnon de formula baptismatis. Gœtt., 1816. — Schneckenburger, de l’Antiquité du baptême des prosélytes chez les Juifs, Berlin, 1828.
  35. Matth., III, 9-10.
  36. Matth., III, 11 ; Luc, III, 16.
  37. Jean, I, 27.
  38. Matth. III, 13-17 ; Jean, I, 33.
  39. Jean, III, 30.
  40. Matth., III, 7.
  41. Matth., XIV, 4.
  42. Jean, V, 35.
  43. Matth., XI, 11.
  44. Matth., XI, 9.
  45. C’est ce que l’Église exprime dans l’hymne de saint Jean-Baptiste au jour de sa nativité :
    xxxxxxxxCæteri (sc. prophetæ) tantum cecinere vatum
    xxxxxxxxCorde præsago jubar affuturum :
    xxxxxxxxTu quidem mundi scelus auferentem
    xxxxxxxxxxxxxxxxIndice prodis.
  46. Matth., XI, 11.
  47. Flav. Joseph. Antiq. XVIII, 5, 2.
  48. Matth., XIV, 2, 12 ; XXI, 23-27. Cf. Marc, XI, 27-33 ; Luc, XX, 1-7.
  49. Jean, I, 29, 36.
  50. Jean, III, 26 ; Luc, V, 33 : Matth. IX, 14 ; XI, 2 ; Act. XVIII, 25 ; XIX, 2-7.
  51. Matth., IV, 1-11.
  52. Hébr. II, 18 ; IV, 15.
  53. Luc, III, 23.
  54. Matth., IV, 17.
  55. Matth., V, 7.
  56. Matth., V, 17.
  57. Jean III, 22 et 26.
  58. Matth., XIX, 28 ; Luc, XXII, 30 ; Marc, VII, 27.
  59. Jean, X, 16 ; Matth., XXVIII, 19.
  60. Matth., XV, 24, Cf. XXVIII, 19.
  61. Matth., V, 17 ; Jean, IV, 21 sq.
  62. Matth., VII, 28, 29.
  63. Jean, III, 16.
  64. Matth. XXVIII, 18.
  65. Matth. IV, 23.
  66. Jean, X, 38.
  67. Jean, VIII, 45 ; Hébr. IV, 15.
  68. Jean, VII, 29 ; VIII, 55 ; X, 30 ; cf. V, 17.
  69. Jean, X, 32 ; XII, 45.
  70. Jean, I, 18 ; VII, 29.
  71. Jean, VII, 17, 18.
  72. Jean, VIII, 32, 46, 47.
  73. Justin. mart. Apol. I, c. 14 ad fin.
  74. Jean, III, 16.
  75. Jean, I, 14.
  76. Col. II, 9.
  77. Jean, I, 4, 5, 26 ; X, 9 ; XIV, 6.
  78. Jean, I, 12.
  79. Jean XVIII, 36.
  80. Matth., XX, 25-26.
  81. Matth., III, 2 ; IV, 17 ; XIII, 31 ; Marc, I, 25 ; Luc, VIII, 11.
  82. Jean, IV, 21 sq.
  83. Matth., XXVIII, 19 ; Marc, XVI, 15, 16.
  84. Matth., XVI, 18 ; XVIII, 17.
  85. Leurs noms sont Simon (Cephas, Pierre) et André (fils de Jonas) ; Jacques et Jean (fils de Zébédée, fils du tonnerre, Marc, III, 17) ; Thomas (Δίδυμος. Jean, XX, 24) ; Philippe ; Barthélemy (Nathanael. Jean, I, 46) ; Matthieu (Lévi. Matth., IX, 9) ; Jacques (ὁ τοὒ Αʹλφαίου Matth., X, 3 ; ϰαὶ τῆς Μαρίας. Matth., XXVII, 56 ; ὁ τῆς τοῦ Κλωπᾶ. Jean, XIX, 25 ; ἀδελφὸς τοὒ Κυρίου. Gal. I, 19) ; Thaddée (Δεββαῖος. Matth., X, 3 ; Ἱοῦδας Ἰαϰώβου. Luc, VI, 16 ; Act. I, 13) ; Simon (ὁ Ζηλωτής ὁ Κανανίτης. Matth., X, 4) ; enfin Judas Iscariote (Matth., X, 2-4 ; Marc, III, 16-19 ; Luc, VI, 14-16 ; Act. I, 13). Ce nombre de douze se rapporte évidemment aux douze tribus d’Israël.
  86. Luc, V, 1-11.
  87. Luc, VI, 13.
  88. Cf. Luc, IV, 38 sq. ; V, 1-10 ; Matth., VIII, 23-27 ; XIV, 22 ; XVIII, 1-9.
  89. Matth., X, 1 ; Luc, IX, 1.
  90. Cf. Matth., X, 17, 18, 34-38 ; XVI, 24 ; Luc, XII, 49, 50.
  91. Jean, XVII, 21.
  92. Jean, I, 42 ; Matth. XVI, 18.
  93. Jean, XXI, 15-17.
  94. Jean, X, 1 sq.
  95. Luc, XXII, 32. — Cf. Natal. Alex. Hist. ecclesiast. Sæc. I. dissert. IV, de S. Petri et romanor. pontificum primatu, F. Weniger, Puissance des Papes dans les choses de la foi. Inspr. (1841) ; 2e édit., 1812. Kenrick, archev. de Baltimore, La Primauté du S. Siège apostol. New-York, 1853.
  96. Jean, XV, 1-6.
  97. Matth. XIII, 31 sq.
  98. Matth. XVIII. 18 ; Jean, XX, 21-23.
  99. Luc, X, 16.
  100. Jean, XX, 21.
  101. Jean XIV et XVI ; Matth. XXVIII, 20.
  102. Jean, VI, 15.
  103. Jean, VII, 31.
  104. Matth., XXI, 8 sq.
  105. Cf. Hirscher. Vie de Jésus, 2e éd., p. 88-112.
  106. Cf. Reinke ; Exegesis critica in Isaiam LII, 15-53, sive de Messia expiatore, passuro et morituro, comment. Monast., 1836.
  107. Ce nombre est en rapport avec celui des membres du grand conseil de Jérusalem, comme celui des douze apôtres avec les douze tribus d’Israël. Eusèbe, Hist. ecclesiast., I, 22, dit déjà qu’il n’existait plus, de son temps, aucun témoignage de ces soixante-dix (ou soixante-douze) disciples. Ce qui a été ajouté au Lib. III de Vita et morte Mosis (ed. J.-A. Fabricius) est postérieur et peu authentique.
  108. Jean, X, 24.
  109. Luc, XVIII, 31. Cf. Jean, X, 18.
  110. Luc, XIX, 41 sq.
  111. Luc, XXII, 14 sq. Cf. Jean, XIII, 1 sq.
  112. Jean, VI, 56.
  113. Matth. XXVI, 37 sq.
  114. Jean, XIX, 12.
  115. Matth. XXVI, 63-64 ; Jean, XVIII, 37.
  116. Luc, XXIII, 34.
  117. Matth. XXVI, 28 sq. ; 2, Cor. V, 18 ; Rom. IV, 25.
  118. Matth. XXVII, 51 sq. Cf. Luc, XXIII, 47 sq.
  119. D’après le récit de Plutarque ( vers 120 ap. J.-C.), de Oraculorum defectu (Opp. ed. Reiske, t. VII, p.651). Plutarque rapporte plus loin que cet événement fut connu aussitôt à Rome, et que l’empereur Tibère fit faire une exacte enquête à ce sujet. Conf. Natal. Alex. Hist. eccles. sæc. I. cap. I, art. V. Tacit. Annal. XV, 44. « Auctor nominis ejus (sectæ christianorum) Christus qui, Tiberio imperante, per procuratorem Pontium Pilatum supplicio adfectus erat. » Voy. la note (*) § 27.
  120. Isaïe, LIII, 9.
  121. I. Cor. XV, 3.
  122. Rom. IV, 25 ; I. Cor. XV, 4.
  123. I. Cor. XV, 14.
  124. Jean, XX, 30.
  125. Act. des Ap. I, 3.
  126. Matth. XXVIII, 20 ; Marc. XVI, 15.
  127. Luc, XXIV, 51 ; Act. I, 9.
  128. Luc, XXIV, 49. — Outre les quatres Évangiles, sources de cette exposition de la vie de Jésus, on peut encore, faire mention d’autres sources plus ou moins apocryphes. Parmi les dernières se trouve : 1o  une prétendue Correspondance du Christ avec Abgar, roi d’Édesse, qu’Eusèbe dit avoir trouvée dans les archives de l’Église d’Édesse et avoir traduite du syriaque. Cf. son Hist. ecclésiast., I, 3. Assemanni Bibl. oriental., t. I, p. 554 ; t. III, p. 2, p. 8. Nat. Alex. Hist. ecclesiast. sæc. I. diss. III, t. IV. Welte (Rev. trim. dé Tub. 1842, p. 335-6) a en vain cherché à établir l’authenticité de cette correspondance. Parmi les documents évidemment apocryphes sont : 2o  les Récits apocryphes de la naissance, de la jeunesse et de la vie de Jésus, dans Fabricii Cod apoc. Nov. Testam., ed. II. Hamb., 1719 sq., t. III, et dans Thilo, Cod, apocr. Nov. Testam. Lipsiæ, 1832, t. I. Ejusd. Acta Thomæ apost. Lipsiæ, 1823, évang. apocr. : ed. Tischendorf. Lips. 1853, Bibl. allem. des Évang. apoc. trad. avec une Introd. et des remarques p. Borberg, 1 vol. en 2 part. (Évang. ap. et Act. des Ap.) Stuttg. 1840-41. — Hoffmann, Vie de Jésus d’ap. les apocr. Leipzig, 1851. 3o  Acta Pilati, dont Justin fait déjà mention. Apol. I, c. 35-48, et Tertullien. Apologet. c. 5 et 21 (Opp. ed. II. N. Rigaltii. Paris., 1641), p. 6 et 22, en parle aussi. Les païens dans Eusèbe, Hist. ecclésiast., IX, 5, et les chrétiens dans Épiphan. Hæres, L. c. 1, ed. Petav. t. I, p. 420, les citent également. Un travail postérieur sur ces Actes fut Evangelium Nicodemi. Cf. Thilo, Acta Thom., p. 30 sq. Cf. Braun, de Tiberii Christum in deorum numerum referendi consilio comment. Bonn, 1834. S. Chrysost. (Hom. 26. in II. Cor.) trouve dans le rejet de cette proposition par le Sénat : « un conseil de Dieu, qui ne permit pas que son Fils fût confondu avec les faux dieux. » Ces Actes doivent certainement reposer sur un fait historique. Mais nous tenons pour authentique et sans interpolation : 4o  le témoignage du Juif Jos. Flav. Antiq. XVIII, 4, 3, sur le Christ, surtout parce que, à tous les points de vue, ce témoignage est parfaitement en rapport avec l’éclectisme religieux de Josèphe et avec sa position dans Rome. Il est ainsi conçu : Γίνεται δὲ κατὰ τοῦτον τὸν χρόνον Ἰησοῦς, σοφὸς ἀνήρ (εἴγε ἄνδρα αὐτὸν λέγειν χρή· ἦν γὰρ) παραδόξων ἔργων ποιητής. (διδάσκαλος ἀνθρώπον τῶν σὺν ἡδονῇ τἀληθῆ δεχομένων) Καὶ πολλοὺς μὲν τῶν Ἰουδαίων, πολλοὺς δὲ καὶ ἀπὸ τοῦ Ἑλληνικοῦ ἐπηγάγετο. (Ο Χριστὸς οὗτος ἦν.) Καὶ αὐτὸν ἐνδείξει τῶν πρώτων ἀνδρῶν παρ' ἡμῖν σταυρῷ ἐπιτετιμηκότος Πιλάτου οὐκ ἐξεπαύσαντο οἱ τὸ πρῶτον αὐτὸν ἀγαπήσαντες. (Εφανη γάρ αὐτοῖς τρίτην ἔχων ἡμέραν πάλιν ζῶν, τῶν θείων προφητῶν ταῦτά τε καὶ ἄλλα μυρία περὶ αὐτοῦ θαυμάσια εἰρηκότων) Εἰσετι τε νῦν τῶν Χριστιανῶν ἀπὸ τοῦδε ὠνομασμένων οὐκ ἐπέλιπε τὸ φῦλον. Eusèbe, Hist. ecclesiast., I, II, Démonstr. évang., III, 5, est le premier écrivain chrétien qu’on puisse démontrer s’en être servi. Nous ne pouvons admettre comme interpolés les passages qui se trouvent ici entre parenthèses et qu’indique comme tels Gieseler, pas plus que nous n’admettons le changement de la leçon ἀληθῆ en ἀηθῆ. L’assertion d’Origène que Josèphe était ἀπιστῶν τῷ Ιησοῦ ὡς χριστῷ n’est nullement ébranlée par l’admission de l’authenticité du témoignage de ce dernier. Cf. Oberthur, dans la préface de la 2e part, de la trad. de Josèphe par Friese. Altona, 1805. Boœhmert, des Témoignages de Jos. Flav. sur le Christ. Leipzig. 18-23. Schœdel. Flav.·Jos. de Jesu Christo testatus vindiciæ Flavianæ. Leips. 1840. Contre l’authenticité, dans les temps modernes, voy. Eichstœdt, Flaviani de Jesu Chr. testimonii αὐθεντία, quo jure nuper defensa sit : Question. IV. Jen., 1813-41. Cf. Ruttenstock, Inst. hist. ecclesiast., t. I, p. 146-154.