Histoires incroyables (Palephate)/24

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CHAP. XXIV.

Métra (1).

On raconte que Métra, fille d’Érésichthon, prenait la forme qu’elle voulait. C’est une fable par trop ridicule, Car, comment serait-il possible qu’une jeune fille devînt tour-à-tour genisse, chienne ou oiseau ? Voici ce qui en est : Érésichthon était un Thessalien qui avait mangé toute sa fortune et était devenu pauvre : il avait une belle et gracieuse fille nommée Métra ; quiconque la voyait en devenait amoureux. Dans ce temps-là ce n’était pas avec de l’argent qu’on négociait les fiançailles : les uns offraient donc des chevaux, les autres des bœufs, d’autres des moutons, et en un mot tout ce que Métra pouvait désirer. Les Thessaliens voyant affluer toute espèce de choses chez Érésichthon disaient que sa fille lui faisait chevaux, bœufs et tout ce qu’elle voulait ; et voilà l’origine de la fable (2).

(1) Cette fable avec les riches accessoires dont Ovide l’a accompagnée forme l’une des plus brillantes parties des Métamorphoses, Thésée voulant retourner à Athènes après la chasse du sanglier de Calydon est arrêté avec ses compagnons par les flots de l’Acheloüs. Le Dieu du fleuve les invite à se reposer dans sa demeure jusqu’à ce que ses ondes soient plus calmes. Achéloüs répondant aux questions de Thésée, lui raconte la métamorphose des îles Échinades qui avaient été jadis des Nymphes (Métam. liv. VIII, v. 547-611). Ce récit ayant provoqué l’incrédulité de Pirithoüs, le sage Lélex entre dans les détails de l’histoire non moins merveilleuse, mais bien plus touchante de Philémon et Baucis (ibid. v. 612-126) et Achéloüs y ajoute celle d’Érésichthon et de sa fille qui prenait successivement toutes les formes, comme Protée. L’impie Érésichthon avait eu la cruauté d’abattre un arbre qui recélait une nymphe chère à Cérès. La déesse, pour le punir, le soumit aux tourments d’une faim insatiable, C’est dans cet endroit que se trouve l’admirable description poétique de la Faim. Érésichthon vendit plusieurs fois sa fille, pour se procurer des aliments ; mais chaque fois la faveur de Neptune la dérobait à la brutalité de ses maîtres en la revêtant d’une forme nouvelle (ibid. v. 727-879).

(2) Ovide ne nomme point la fille d’Érésichthon et se borne à l’appeler l’épouse d’Autolycus. Tzetzès, sur Lycophron (v. les notes de l’Ovide Variorum sur les v. 850 et 874 du liv. VIII) l’appelle Mestra au lieu de Metra ; mais il donne de la fable la même explication que Paléphate. Antoninus Liberalis la mentionne, en passant, sous le nom d’Hyper-Mestra(chap. XVII, p. 118 de l’édition in-8o  de Verheyck).