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Histoires incroyables (Palephate)/47

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CHAP. XLVII.

Sur Hyacinthe (1).

Hyacinthe était un jeune et beau garçon d’Amyclée : Apollon et Zéphyre, tous deux épris de ses attraits, se disputaient à qui parviendrait le mieux à lui plaire : Apollon tirait de l’arc, Zéphyre ne savait que souffler, les chants du premier inspiraient le plaisir ; l’autre répandait la crainte et le trouble : le jeune homme manifesta son penchant pour le Dieu et excita ainsi l’envieux Zéphyre à préparer ses armes. Bientôt après Hyacinthe s’exerçant à la palestre éprouva la vengeance de Zéphyre : un palet lancé par Apollon et détourné par Zéphyre donna la mort au jeune homme ; mais la terre ne devait pas laisser perdre le souvenir d’une telle infortune : le bel Hyacinthe fut remplacé par une fleur qui prit son nom ; on dit même que la première lettre de ce nom se trouve gravé sur ses feuilles.

(1) Thomas Gale (p. 57, note 1) ne considère ni cette fable ni les suivantes, comme appartenant à Paléphate et remarque qu’elles manquent dans la plupart des anciens manuscrits : ce qu’il y a de certain c’est qu’elles n’ont pas la physionomie des autres chapitres : le style en est affecté et précieux, au point que je n’ai pas cru pouvoir continuer ici le système de traduction scrupuleuse et exacte, que j’ai tâché de suivre jusqu’à présent : je me suis souvent permis, dans ces derniers chapitres, de réunir en une seule phrase des incises prétentieusement détachées dans l’original et qui me semblent appartenir plutôt à quelque déclamation d’un sophiste de la décadence qu’à notre bon Paléphate. Jamais d’ailleurs ce zélé dénicheur de Dieux n’aurait inséré ces fables absurdes dans son recueil, sans les accompagner de quelques réflexions.

Dans les Métamorphoses d’Ovide c’est Orphée lui-même qui raconte l’infortune du bel Hyacinthe aux arbres, accourus au son de sa lyre pour l’entendre (V. plus haut chap. XXXIV et note 1re), et le poète s’est ainsi ménagé le droit de mêler habilement les formes lyriques à son brillant récit et de le terminer par une touchante élégie (Métam. liv. X, v. 162-219) ; mais il ne fait point intervenir Zéphyre dans l’accident qui donna la mort à Hyacinthe.

La version qui attribue la mort d’Hyacinthe à la jalousie de Zéphyre fait le fond du dialogue entre Mercure et Apollon (Dialogue XIV des Dieux, tom 2, p. 44-46 du Lucien de Lehman). Le scholiaste de Théocrite sur le v.28 de l’idylle 10 (tom. 2, p. 104 et 105 de l’édit. Variorum de Valpy), en rapportant la tradition des lettres de douleur (aï ! aï), qui sont encore tracées sur l’Hyacinthe, en souvenir de son origine, dit que ce sont les premières lettres du nom d’Ajax métamorphosé en cette fleur, quand il tomba percé de son propre glaive, après la prise de Troie (V. plus haut le chap. XII). Apollodore mentionne simplement la mort d’Hyacinthe (liv. I, chap. 3, § 3, p. 6, édit. de Heyne).

La fleur qui porte les caractères (aï) n’est pas celle que nous appelons aujourd’hui hyacinthe ; mais le pied-d’alouette ou delphinium Ajacis des botanistes, autrement la Dauphinelle.