Homélie contre les usuriers (saint Grégoire)/Argument analytique

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Traduction par Édouard Sommer.
Librairie de L. Hachette et Cie (p. 3-5).

ARGUMENT ANALYTIQUE

DE L’HOMÉLIE DE SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE


CONTRE LES USURIERS.




L’homélie de saint Grégoire de Nysse contre les usuriers est en quelque sorte le complément de celle de saint Basile sur le même sujet (voy. l’Argument analytique de cette dernière). Saint Basile s’était adressé surtout aux emprunteurs ; saint Grégoire s’élève seulement contre les usuriers, et renvoie les emprunteurs au discours de saint Basile.

Il est impossible de préciser l’année dans laquelle cette homélie fut prononcée. Il est très-probable cependant, d’après un passage de l’exorde, que ce fut après la mort de saint Basile, c’est-à-dire après l’an 379. On venait de lire, dans l’assemblée des fidèles, le vingt-deuxième chapitre d’Ézéchiel, où le Seigneur menace de détruire Jérusalem à cause de ses iniquités : « Ils ont reçu des présents au milieu de vous, afin de répandre le sang ; vous avez reçu un profit et un intérêt illégitime ; vous avez opprimé vos frères pour satisfaire votre avarice, et vous m’avez mis en oubli, dit le Seigneur Dieu. C’est pourquoi j’ai frappé des mains, en me déclarant contre les excès de votre avarice, et contre le sang qui a été répandu au milieu de vous. » Ce sont ces deux versets, le douzième et le treizième, qui servent de point de départ à l’orateur.

On peut rapprocher de l’homélie de saint Grégoire de Nysse le traité de Plutarque Περὶ τοῦ μὴ δεῖν δανείζεσθαι.


I. Pour vivre chrétiennement, il faut se conformer aux préceptes de la loi. Les fidèles viennent d’entendre la parole du prophète ; c’est à eux de faire en sorte de la comprendre.

II. L’orateur s’excuse d’aborder un sujet qui a déjà été traité avec tant de talent et tant d’autorité par saint Basile.

III. Au lieu d’être, comme il le doit, l’ami du pauvre, l’usurier agit avec lui en implacable ennemi ; au lieu de soulager la misère de celui qui souffre, il la lui rend plus terrible.

IV. Tableau de la vie oisive de l’usurier : il consomme et ne produit pas ; loin d’être utile à ses semblables, il devient leur fléau ; c’est son or qui travaille pour lui, et il gémit, s’il voit parfois ses capitaux oisifs. Il ne garde rien à la maison, il se dépouille de tout sur la foi d’un contrat ; et ce même homme, qui se repose sur l’obligation écrite d’un malheureux sans ressources, n’a point de confiance en la parole du Dieu dont l’univers entier forme le domaine, et dont les trésors sont inépuisables.

V. Combien l’usurier ne prend-il pas de peines pour arriver à un résultat misérable, si on le compare aux biens promis par Dieu ! Combien n’éprouve-t-il pas de tourments et d’angoisses ! C’est en vain qu’il veut tirer des fruits d’une terre stérile : la main toute-puissante de Dieu peut seule accomplir ce qui semble impossible, et faire sortir quelque chose de rien.

VI. L’usurier se met en dehors de la loi chrétienne, qui défend l’usure ; il ne peut même demander à Dieu la remise de ses fautes, lui qui n’a jamais remis leur dette à ses débiteurs. Qu’importe qu’il fasse l’aumône ? cet argent qui soulage un malheureux a coûté des larmes à cent pauvres.

VII. C’est par humanité, c’est par bonté d’âme que je prête, dit l’usurier. Est-ce donc un effet de cette bonté que tant de malheureux se donnent la mort pour échapper aux poursuites, et laissent des enfants sans pain, que tourmentent encore d’impitoyables créanciers ?

VIII. De quel œil l’usurier regardera-t-il sa victime au jour de la résurrection ? Que répondra-t-il devant le redoutable tribunal ? Il connaissait la loi divine, et il l’a volontairement bravée : le châtiment est inévitable.

IX. Ce châtiment s’appesantit quelquefois sur l’usurier dès cette vie. Mort soudaine d’un usurier qui avait si bien caché son or que ses héritiers ne purent le découvrir. Eh bien ! dit l’usurier, nous ne prêterons plus, nous laisserons le pauvre dans ses embarras. En refusant d’assister leurs frères, les riches se rendront tout aussi coupables ; ce que veut l’orateur, c’est qu’ils donnent, qu’ils prêtent même, pourvu que ce soit sans intérêt.

X. Saint Grégoire s’arrête : il en a dit assez pour les usuriers ; quant aux emprunteurs, qu’ils se rappellent les sages conseils que leur adressait saint Basile.