Hymnes à la terre/18

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Chez l'auteur (p. 51).

Le sculpteur Laliberté


Un jour que je me promenais dans la campagne avec mon frère Alfred, celui-ci m’indiquant de la main deux vieux pans de mur à moitié submergés par l’eau qui recouvre maintenant la prospère et heureuse campagne où s’est écoulé mon enfance s’exclama : Et dire que Chapleau est entré dans cette maison !

Dans son cœur, il gardait un souvenir ému du célèbre orateur qui a été à une époque la grande voix de sa race, le canadien français le plus en vue parmi ses compatriotes.

Et contemplant mon jardin et ma petite maison blanche je me dis : Mon ami Laliberté, le plus grand sculpteur que le Canada a produit, m’a souvent rendu visite ici, il a mangé à ma table, je possède nombre de ses œuvres que je dois à sa généreuse amitié et je garde dans ma mémoire le souvenir de nos causeries, de ses paroles profondes et le charme de notre vieille camaraderie.

La mémoire de Chapleau s’effacera, les paroles de ses vibrants et éloquents discours tomberont dans l’oubli, mais les œuvres du sculpteur Laliberté demeureront. Le bronze impérissable conservera à travers les siècles le nom de cet artiste fécond, de ce créateur de vie et de beauté qui est une des plus nobles gloires de son pays.