Hymnes profanes/III/Pour la coquette qui ne sourit qu’à son miroir

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Bibliothèque de La Plume (p. 39-41).




Pour la coquette

qui ne sourit qu’à son miroir


à M. Balthasar — Florence.


 
Dans le demi-jour incertain,
Près de votre lit qui m’attire,
J’étais venu de grand matin
Guetter votre premier sourire.

J’avais serti pour vous complaire
Un madrigal aventureux
Et dans l’ombre crépusculaire
Rangé des lilas vaporeux.


De crainte qu’un rais de soleil
Jouant dans votre chevelure
Ne vînt troubler votre sommeil,
J’avais clos rideaux et tenture,

Et j’attendais patiemment
Mais — j’avoue — avec confiance
Le joli sourire indolent
Qui me serait la récompense.

— Or votre réveil fut morose !
Vous prîtes un air dépité
(cela tient à si peu de chose)
De mon humble assiduité,

Et vous me fîtes grise mine,
Malgré ma bonne volonté,
À moi pauvre qui n’incrimine
Même pas votre cruauté !

Pourtant en dernier espoir,
— Car vous êtes toujours exquise
Même aux heures de mine grise —
Je vous tendis un clair miroir,


Et c’est pour vous seule à vrai dire
Que votre minois ennuyé
S’illumina d’un clair sourire…
— Ce dont je fus humilié.