Hymnes profanes/IV/J’étais malade et seul

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Bibliothèque de La Plume (p. 53-54).




J’étais malade et seul, ô l’amère tristesse
Que de se sentir seul quand on souffre — ô détresse
Lorsque rien ne répond à votre appel aigu
Et qu’on pourrait mourir sans qu’on s’en aperçût !

J’étais malade et j’étais seul : Elle est venue !
Et mon cœur a bondi d’allégresse à sa vue,
La peine, la douleur, tout s’est évanoui,
Vers Elle je tendais les bras, comme ébloui !

Douce et cherchant des mots pour se faire plus douce,
Sur le bord de mon lit, lentement, sans secousse,
Voici qu’elle s’accoude et cause de jadis
Comme une bonne mère au chevet de son fils.


Moi je ne puis causer par crainte de la fièvre !
Avec douceur son doigt se pose sur ma lèvre,
Et, ma main dans sa main, je dois tout écouter
Sans souffler mot de peur de la mécontenter !

Parfois elle me tend les roses de septembre
Dont le parfum subtil emplit toute la chambre,
Enfin me clôt les yeux d’un baiser — puis revient
Veiller sur mon sommeil comme un ange gardien…

Ô Toi qui m’aimais tant lorsque la maladie
Me retenait cloué sur un lit de tourment,
Pourquoi m’as-tu quitté quand, vibrant d’énergie,
J’aurais pu te payer de tout ton dévoûment !