Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Rebellion

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Rebellion. CXLI.


A Voir la mine de ce ieune homme, qui regarde derriere luy auec vne poſture qui n’eft pas moins altiere qu’extrauagante, on iuge auſſi-toſt que c’eſt vn Rebelle.

Il eſt armé d’vn Corcelet & d’vn Iauelot qu’il tient à deux mains : Ioint que pour Cimier il porte la figure d’vn Chat, & qu’il foulle aux pieds vn Ioug rompu.

On le repreſente ieune, pource qu’en cét aage-là, celuy qui ſe porte à la Rebellion ſouffre difficilement l’Empire d’autruy ; De maniere que le ſang qui boût dans ſes vaines luy fait tout entreprendre ſans rien craindre, comme le remarque Ariſtote.

Il ne va iamais ſans eſtre armé, à cauſe que les continuelles apprehenſions qu’il a de quelque ſurpriſe, veulent qu’il ſoit touſiours en eſtat, ou d’attaquer, ou de ſe deffendre.

Vn Chat luy ſert de Cimier, pource que cét animal abhorre naturellement d’eſre ſujet & dans la contrainte. Auſſi liſons-nous que les Sueues, les Analois, & les anciens Bourguignons le ſouloiẽt porter en leurs drapeaux pour vne marque de liberté.

Son action dédaigneuſe, & ſes yeux qu’il tourne derriere luy, monſtrent le peu de reſpect que les Rebelles ont accouſtumé de porter à leurs Seigneurs ; & que depuis qu’ils en viennent là, ils ne ſont iamais en ſeureté, de quelques armes dõt ils ſe couurent.

Par le Ioug qu’il foule aux pieds ſe doit entendre la puiſſance des Loix ; & c’eſt en ce mefme fens que le prend Virgile,

lors que parlant du deſtin d’Enée, il dit,

Que ſous le Ioug des Loix il rangeroit les hommes.

Car on peut dire veritablement, Que les ſujets ſont ſous le joug de leur Prince. Que ſi les Rebelles taſchent de le ſecoüer, c’eſt leur humeur altiere & ingrate qui les y pouſſe, & qui les porte au mépris des Loix, ſans faire eſtat de l’obeïſſance qu’ils ſont obligez de rendre à leurs Souuerains. C’eſt donc à bon droit, Que pour faire voir icy l’inſolence de la Rebellion, nous luy mettons vn Ioug ſous les pieds, qu’elle foule par vn mépris manifeſte.