Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Aurore

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Avrore. XVII.


CEtte belle Fourriere du iour, à qui l’on donne des aiſles comme à la Renommée, ſe fait remarquer par le vermillion de ſes jouës, & par ſa robe de couleur jaune.

Elle tient vn flambeau d’vne main, & ſeme des fleurs de l’autre, ſereinant l’air à ſon arriuée, qui cependant reſioüit la terre & les plantes, qu’elle arrouſe de ſes larmes.

Ses Aiſles figurent la merueilleuſe viſteſſe de ſon mouuevement, qui diſparoit auſſi-toſt. Car de la meſme façon que la nuict luy quitte ſa place, il faut qu’elle cede la ſienne au Soleil, qui par ſes rayons naiſſans efface toutes les autres lumieres.

Le rouge & le jaune luy conuiennent extremement bien, à cauſe qu’à ſon leuer elle peint tout l’horizon de ces couleurs, comme il ſe remarque en diuers endroits d’Homere, où il dit : Od. 2.

Que d’vn teint de ſaffran elle ſemble voilée,

A quoy ſe rapportent ces vers de Virgile, In Epigr.

L’Aurore cependant de jaune coloriée,
___Sort de l’onde azurée.

Et ceux-cy d’Ouide, Lib. 5. de art. am.

Cephale ſceut que le Deſtin,
Moiſſonne les plus belles choſes,
Et deuint le honteux butin,
De la Deeſſe au teint de roſes.

Elle porte vn flambeau allumé, à cauſe, comme i’ay dit, qu’auſſi-toſt qu’elle ſe leue, cét endroit du Ciel où elle paroiſt brille d’vne agreable clarté.

Touchant les fleurs qu’elle ſeme, cela ſignifie que celles dont la terre s’eſmaille, doiuent leur eſpanoüiſſement & leur fraiſcheur à la roſée, que les Poëtes ont feint naiſtre de l’Aurore, & diſtiller de ſes yeux, comme des perles liquides.

Quelques-vns encore l’ont peinte aſſiſe ſur le cheual Pegaſe, pour monſtrer auec combien de viſteſſe elle vole dans le Ciel ; ou poſſible, pource qu’elle aime les Muſes, & que les Poëtes qui en ſont inſpirez font de plus belles productions d’eſprit au matin, que tout le reſte de la iournée.