Iconologie (Cesare Ripa, 1643)/I/Faueur

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Favevr. LVII.


POvr la faire voir aux yeux, telle que l’eſprit ſe l’imagine par ſes effets, les Anciens l’ont repreſentée par vn ieune Homme, qui a des aiſles au dos, vn Bandeau aux yeux, & les pieds ſur vne roüe.

Cette Peinture qu’ils en ont faite, n’a eſté, à mon aduis, que pour nous deſcouurir trois ſources, d’où procedent & rejaliſſent toutes les faueurs. La premier eſt la Vertu, ſignifiée par les aiſles, qu’on attribuë par Metaphore au vol de l’eſprit. La ſeconde, la Fortune, Qui par les richeſſes qu’elle donne aux hommes, les fait combler de Faueurs ; bien que toutefois elle ne ſoit qu’vne Deïté fabuleuſe, à qui nous ne deuons attribuer aucun Empire ſur les choſes d’icy bas, qui dépendent toutes de la Prouidence Diuine. Et la troiſieſme, ie ne ſçay quelle conioncture heureuſe, qui ſe rencontre entre l’humeur des Grands, & les inclinations de ceux qu’ils eſleuent. Mais quoy qu’il en ſoit, les Romains & les Grecs imputoient au hazard la pluſpart des proſperitez de la terre, & leur donnoient vn Bandeau, tel qu’il ſe void icy, à cauſe que ceux qui les poſſedent en ſont le plus ſouuent aueuglez.