Idées républicaines, augmentées de remarques/36

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XXXVI.

C’eſt une erreur de prendre le Gouvernement de Veniſe pour une veritable Ariſtocratie ; la Nobleſſe y eſt peuple elle-même ; une multitude de Pauvres Barnabotes n’approcha jamais d’aucune Magiſtrature.Tout cela eſt d’une fauſſeté révoltante. Voila la première fois qu’on a dit que le gouvernement de Veniſe n’étoit pas entiérement Ariſtocratique. C’eſt une extravagance à la vérité, mais elle ſeroit ſévérement punie dans l’Etat Vénitien. Il eſt faux que les Sénateurs que l’auteur oſe appeller du terme mépriſant de Barnabotes, n’ayent jamais été Magiſtrats. Je lui en citerois plus de cinquante qui ont eu les emplois les plus importants.
Ce qu’il dit enſuite, que nos païſans repréſentent les habitant de Terre-Ferme de la République de Veniſe, n’eſt pas plus vrai. Parmi ces ſujets de Terre-Ferme il ſe trouve à Véronne, à Vincence, à Breſcia, & dans beaucoup d’autres Villes, des Seigneurs titrés, de la plus ancienne Nobleſſe, dont pluſieurs ont commandé les armées.
Tant d’ignorance jointe avec tant de préſomption, indigne tout homme inſtruit. Lorſque cette ignorance préſomptueuſe traîte avec tant d’outrages des Nobles Vénitiens, on demande quel eſt le Potentat qui s’eſt oublié ainſi ; quand on ſait enfin quel eſt l’auteur de ces inepties, on ſe contente de rire.

XXXVI.

L’Auteur du Contract eſt d’autant plus condamnable que le ſéjour qu’il a fait à Veniſe, l’a mis à portée de connoître & d’admirer l’économie de ſon gouvernement. C’eſt un chef d’œuvre d’Ariſtocratie qui n’a été élevé à ſa perfection que par progrès. Quant aux habitans de terre ferme, il ne les compare point mal à nos paiſans. La nobleſſe qui s’y trouve mêlée, n’a point de part aux charges du gouvernement ; mais il ne nie pas qu’il y en ait.

Cependant la patience échappe ici à M. D. V. il ſe met tout de bon en colere contre M. R. Celui-ci eſt un préſomptueux, un ignorant ; heureuſement ce ton ne ſe ſoutient pas, il finit par un ris mocqueur. M. D. V. n’a ſans doute jamais lu l’Art de ſe conoître ſoi-même.