Idées républicaines, augmentées de remarques/50

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L.

La moitié du terrein de la Suiſſe eſt compoſée de rochers & de précipices, l’autre eſt peu fertile ; mais quand des mains libres conduites enfin par des eſprits éclairés ont cultivé cette terre, elle eſt devenue floriſſante. Le païs du Pape au contraire, depuis Orviette juſqu’à Terracine, dans l’eſpace de plus de cent vingt milles de chemin, eſt inculte, inhabité & devenu malſain par la diſette : on peut y voyager une journée entiere ſans y trouver ni hommes ni animaux ; il y a plus de prêtres que de cultivateurs ; on n’y mange guere d’autre pain que du pain azime. C’eſt-là ce païs qui étoit couvert du tems des anciens Romains de villas opulentes, de maiſons ſuperbes, de moiſſons, de jardins & d’amphithéatres. Ajoutons encore à ce contraſte que ſix régiments Suiſſes s’empareroient en quinze jours de tout l’Etat du Pape. Qui auroit fait cette prédiction à Céſar, lorſqu’en paſſant il vint battre les Suiſſes au nombre de près de quatre cent mille, l’auroit bien étonné.

L.

Nous ſouhaiterions que la plume de l’Auteur eut la vertu de transformer la Suiſſe & de lui donner ce qu’elle n’a pas.

Les Helvétiens devenus libres en 1308. n’ont pu changer la nature de leur terroir. Jamais ſon produit n’a pu ſuffire à l’entretien des Habitans. Ainſi leur pays ne fait pas un contraſte bien marqué avec les Etats de l’Egliſe. Ceux-ci pourroient être mieux cultivés & plus peuplés ; l’on en convient. L’induſtrie & l’activité dépendent un peu du Climat.

L’Auteur fait honneur à Céſar lorſqu’il le fait battre une Armée de 400000. Suiſſes : les vieillards, les femmes & les enfans en faiſoient plus des trois quarts.