Identification anthropométrique, instructions signalétiques/24

La bibliothèque libre.

DEUXIÈME PARTIE

RENSEIGNEMENTS DESCRIPTIFS

CHAPITRE PREMIER

Caractères chromatiques.

A. Couleur de l’œil. — B. Nuances de la barbe et des cheveux. — C. Teint.

SECTION A

Notation de la couleur de l’œil gauche

I. — Notions générales.

1. — Aucun caractère ne présente à la fois plus d’immuabilité chez le même individu et plus de variabilité d’un individu à l’autre. La classification rigoureuse dont sa description est susceptible lui donne une valeur signalétique égale à celle des meilleures mesures, en même temps que l’impossibilité de la part du sujet d’en altérer le moins du monde les caractères, la facilité pour l’observateur exercé d’en apprécier la nuance sans l’aide d’instrument, impromptu, sur la voie publique, en font le meilleur des renseignements descriptifs. Si l’importance de la couleur de l’œil au point de vue signalétique n’a pas été jusqu’ici plus généralement reconnue, la cause doit en être attribuée à l’absence d’une notation rationnelle et à la confusion qui en résultait.

2. — La méthode analytique que nous allons exposer ici, a fait ses preuves depuis dix ans. Si quelques-uns, au premier abord, l’ont trouvée difficile et compliquée, d’autre part de nombreux agents de l’administration pénitentiaire sont arrivés à s’en rendre parfaitement maîtres en dehors de tout enseignement oral, par la seule étude des instructions théoriques qui leur avaient été transmises antérieurement. La planche chromotypographique qui accompagne cette nouvelle édition, aplanira toutes les difficultés.

3. — La confusion que l’on remarque dans la désignation de la couleur des yeux provient, en grande partie, de l’influence extrême que la direction et l’intensité de l’éclairage exercent sur leur nuance apparente. C’est ainsi, par exemple, qu’un œil bleu ardoisé foncé observé à contre-jour et à quelques mètres de distance, semblera noir par suite de l’opposition de la nuance foncée de l’iris sur ce qu’on appelle le blanc de l’œil.

4. — L’œil gris du public n’est le plus souvent qu’un œil bleu plus ou moins jaunâtre et qui ne paraît gris qu’à cause de l’ombre projetée par les sourcils, etc.

Rien de plus inexact, de plus vague que le qualificatif gris appliqué dans la pratique journalière à plus des trois quarts des yeux. A bien parler, la teinte grise est un mélange de blanc et de noir dont la gamme complète s’étend du noir au blanc. Comme exemple de gris, on peut citer la tache que laisse sur du papier blanc un trait au fusain étalé au moyen d’une estompe, ou un lavis à l’encre de Chine sur fond blanc. Jamais œil humain observé dans de bonnes conditions d’éclairage ne présente de tons approchants. Le centre de l’œil ou pupille est un petit cercle nécessairement noir ; quant à la bande circulaire, appelée iris, qui l’entoure, elle a toujours un fond coloré, elle ne saurait donc être qualifiée de grise.

5. — Ces prétendus yeux gris se rattachent généralement aux tons clairs. Pourtant quelquefois le public applique le même mot à certains yeux bleu foncé, appelés aussi gris d’acier et que nous désignons sous le terme de bleu ardoisé pour les tons foncés et bleu intermédiaire violacé pour les tons clairs. Quant au mot gris, il ne doit être employé pour la désignation de la couleur de l’œil que dans certains cas particuliers, dont il sera parlé ultérieurement (voir page 45, note).

6. — Les yeux ordinairement appelés noirs demandent aussi quelques explications. Il n’y a pas plus d’iris noirs qu’il n’y en a de véritablement gris. Les yeux ainsi dénommés sont généralement des yeux marron foncé et quelquefois des yeux bleu ardoisé foncé.

7. — Le qualificatif brun est fréquemment aussi appliqué aux yeux que nous appelons marron moyen ou marron foncé, les mêmes que d’autres appellent quelquefois noirs.

8. — Tous les autres adjectifs en usage pour la désignation de la couleur de l’œil participent des mêmes confusions et doivent être oubliés par le lecteur dès le début de cette étude.

9. — Pour analyser la couleur de l’iris d’une manière uniforme, le premier soin de l’observateur devra être de se placer vis-à-vis son sujet, à trente centimètres environ de lui et le dos tourné au jour, de telle sorte que l’œil à examiner reçoive en plein une lumière vive (mais non les rayons du soleil) ; puis il l’invitera à le regarder les yeux dans les yeux, en lui soulevant légèrement le milieu du sourcil gauche (Fig. 24).

Fig. 24. — Examen de la couleur de l’iris gauche.
Fig. 24. — Examen de la couleur de l’iris gauche.

Fig. 24. — Examen de la couleur de l’iris gauche.

10. — Si la salle d’opération était éclairée par un jour venant d’en haut et que, concurrement, l’observateur se trouvât être de petite taille, il devrait faire asseoir ses sujets, avant de procéder au relevé de la couleur de leur œil : il est en effet indispensable, pour avoir des renseignements rigoureusement comparables, que le regard de l’observateur plonge dans l’œil du sujet dans la même direction que l’arrivée de la lumière.

11. — La même règle d’éclairage est à observer pour l’étude du grand tableau chromotypographique des nuances de l’iris humain, qui est adjoint à ces instructions[1].

12. — L’obligation de ne regarder l’iris que sous un éclairage de direction déterminée, le sujet étant assis ou debout, a comme conséquence de faire varier, d’après la disposition des lieux, l’ordre et le moment où cette observation doit être faite : ici, on procédera à son examen en suivant l’ordre des rubriques, immédiatement après la coudée ; là, dans un recoin spécial, après l’achèvement complet de la partie signalétique. Dans les locaux très éclairés, on pourra mettre à profit la position du sujet assis pour relever la couleur de l’œil immédiatement après la mensuration des diamètres de l’oreille, etc. Dans certaines prisons enfin, on sera obligé de remettre cette opération après la séance et d’y procéder dans un préau, en une fois, sur tous les sujets réunis.

L’emplacement des rubriques de l’œil sur la fiche anthropométrique nécessite aussi quelques explications. En effet, quoique ce caractère se rattache incontestablement à la partie descriptive du signalement, il a paru plus avantageux, au point de vue typographique comme à celui de la classification, de le faire figurer dans la travée des observations anthropométriques.

13. — Examiné correctement et méticuleusement, il arrive quelquefois que l’iris présente entre le droit et le gauche de notables différences de ton et de nuance. Aussi est-il recommandé de baser l’observation uniquement sur l’œil gauche, qui fait face à la main droite de l’opérateur. Il n’est dérogé à cette règle que lorsque cet œil est détérioré d’une façon permanente par une taie ou une inflammation, ou que l’orbite est vide, tandis que le droit est resté normal.

14. — L’observateur ne commencera à faire des relevés écrits que lorsqu’il aura examiné dans les conditions du paragraphe 9 les yeux d’un certain nombre d’individus et qu’il se sera pénétré des principes de la méthode de notation prescrite ci-après.

  1. L’observateur qui veut se servir de ce tableau, doit donc en regarder chaque iris séparément, perpendieulairement à sa surface, à une distance de cette dernière d’environ 15 à 25 centimètres, le dos tourné au jour, mais sans porter ombre sur le tableau. Les yeux représentés auxquels nous renverrons dans le texte de ces Instructions seront indiqués par les lettres de la série alphabétique, A, B, C, D, etc. qui se trouvent en haut de chaque colonne verticale, apostillées, en exposant, du no de la travée horizontale 1, 2 ou 3, le no 1 désignant la travée du haut, celle qui correspond à la série claire, et le no 3 celle du bas ou série foncée. Ainsi l’œil F2 désignera l’œil doté d’un secteur châtain que l’on rencontre sur la deuxième travée de la colonne F ; de même K1 renverra à l’iris qui se trouve dans la 4e classe (pigmentation châtain), juste en dessous de la pointe de l’accolade et qui se distingue de tous les autres par ses quatre numéros d’ordre (4-5-6-3), etc.

    Les profanes qui, sans avoir le temps de se pénétrer de notre méthode descriptive, auraient accidentellement à relever la couleur d’un œil, pourraient recourir au même procédé conventionnel de notation et dire, par exemple, en parlant de l’œil de tel sujet, qu’il est identique ou qu’il approche du no D2 du tableau, ou encore qu’il est intermédiaire entre les nos H2 et G3, etc.

    Le tableau n’a pas d’ailleurs la prétention d’offrir un spécimen de l’ensemble des combinaisons de nuances, en nombre infini, qu’il est possible d’observer en fait d’iris humain, mais seulement des fac-similé, au nombre de deux ou trois par classe, des yeux les plus fréquents. Les autres se rapportent à des cas présentant quelques difficultés de classification. Il est, par exemple, intentionnellement incomplet en ce qui touche les yeux impigmentés clairs. Aussi n’est-il pas rare de rencontrer des yeux beaucoup plus azurés, plus transparents ou plus pâles (c’est à dire plus blancs) que les trois premiers de la 1re travée horizontale (A1 B1 C1) ; mais les iris de ce genre n’offrant aucune difficulté d’interprétation et devant être a fortiori rangés plus à gauche dans la même classe 1, on a cru préférable de ne pas les ajouter aux 54 types déjà représentés.