Identification anthropométrique, instructions signalétiques/26

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III. — Principes de la classification.

18. — La base de la notation repose sur ce point, qu’il n’y a dans l’espèce humaine que deux types d’yeux fondamentaux : les yeux impigmentés et les yeux marron pur, et que toutes les autres teintes doivent être regardées comme mitoyennes entre ces deux extrêmes.

19. — Nous entendons par yeux impigmentés les yeux qui, observés de près, conformément aux prescriptions du paragraphe 9, apparaissent dépourvus de matière jaune-orangé ; leur nuance est azurée, ardoisée ou intermédiaire entre ces deux tons. C’est l’œil bleu des populations du nord de l’Europe. Ils sont représentés sur la première colonne verticale (A) du tableau chromatique de l’iris.

20. — La teinte des yeux marron pur est unie et rappelle l’écorce du fruit de ce nom lorsqu’il est mûr et frais et que son enveloppe est encore nette et brillante. C’est l’œil noir ou brun du public, l’œil de l’arabe, du nègre, des méridionaux en général. Le ton des yeux de cette classe est plus ou moins foncé, plus ou moins clair, mais l’aspect d’ensemble en est beaucoup plus uniforme que celui de la série des yeux impigmentés. (Comparer à ce point de vue les trois premières colonnes du tableau chromatique avec les trois dernières.)

21. — Quant aux yeux à nuances composées, qui forment les trois quarts des yeux des Européens, la plupart se rapprochent soit de l’œil impigmenté (azuré ou ardoisé), soit de l’œil marron : ce sont les variétés que l’on observe dans l’intensité de leur pigmentation jaune’orangé qui servent de base à leur dénomination et à la classification qui en découle.

22. — Échelle de pigmentation. — Dans la très grande majorité des cas, le pigment jaune-orangé est groupé en cercle ou auréole autour de la pupille et quelquefois en pointillés, en petites taches triangulaires ou en croissants circulaires dans la zone périphérique.

23. — Les quatre variétés de pigmentation qui servent à la notation et à la classification des yeux mitoyens ont reçu les noms de jaune, orange, châtain et marron. Il importe d’être fixé exactement sur la signification de chacun de ces termes.

24. — Le pigment jaune se rapproche suffisamment soit de la fleur de soufre, soit du jaune de Naples (qualité pâle) soit même du jaune de chrome et du jaune-paille.

25. — L’orange est reproduit exactement, non pas par l’écorce du fruit de ce nom, mais par ce que l’on appelle en peinture la terre d’ocre jaune. Le terme exact serait orangé-jaune.

26. — Le châtain rappelle la terre de Sienne naturelle ou brûlée ou encore l’écorce de la châtaigne lorsqu’elle est sèche et poussiéreuse, ou l’enveloppe desséchée de la noisette.

27. — En pratique et en l’absence d’une échelle de comparaison, on distingue les variétés de pigmentation de l’œil en concentrant l’observation sur les points suivants :

1° le jaune se sépare de l’orange par le manque de reflets rougeâtres ou par une pigmentation très peu abondante ;

l’orange du châtain, par une nuance plus éclatante et non ternie de noir ;

3° l’œil marron du châtain, par une pigmentation moins striée, moins filamenteuse, plus veloutée, plus abondante et généralement (mais non nécessairement) plus foncée.

28. — Remarquons que le châtain, échelon central situé entre l’orangé et le marron, n’a pas de caractères positifs qui lui soient propres. Est qualifié châtain ce qui n’est, proprement dit, ni franchement orangé, ni franchement marron, mais intermédiaire entre les deux comme qualité, quantité ou ton de pigment.

C’est eu égard à cette mitoyenneté du groupe central que nous avons préféré, pour le qualifier, l’expression indéterminée de châtain à d’autres qui, comme noisette, roux, roussâtre, fauve, etc., auraient eu une signification trop limitée, trop déterminée.

29. — Les yeux incomplètement marron, c’est-à-dire dont la superficie n’est pas entièrement recouverte de marron, se subdivisent à leur tour en deux classes : 1° les yeux appelés abréviativement marron en cercle, quand la totalité du pigment est groupée autour de la pupille ; 2° les yeux marron tachetés de jaune verdâtre (abréviativement marron verdâtre), quand le pigment envahit en outre une partie de la périphérie, en ne laissant à découvert sur le champ de l’iris que des secteurs ou des petits croissants discontinus, soit jaune verdâtre, soit ardoisé foncé.

30. — En résumé, si nous mettons en tête la classe des impigmentés et en queue celle des marron pur, les sept divisions ainsi obtenues se présenteront dans l’ordre suivant :

iris impigmentés (c’est-à-dire dépourvus de matière jaune orangé) ;
iris pigmentés de jaune ;
d’orange ;
de châtain (incomplètement) ;
de marron groupé en cercle ;
de marron rayé de verdâtre ;
de marron pur.

31. — Cette sériation de termes doit être apprise par cœur et pouvoir être récitée, sans hésitation, de haut en bas et de bas en haut de l’échelle, en mentionnant les numéros d’ordre.

Ainsi l’apprenti anthropomètre devra, avant d’étudier les paragraphes suivants, se pénétrer suffisamment du numéro d’ordination assigné à chacune de ces classes, pour être à même de se répondre à lui-même sans hésitation à des questions du genre de celle-ci : quel est le nom de la 4e classe, ou de la 6, ou de la 2e, et inversement : quel est le numéro d’ordination de la classe marron verdâtre, ou de la classe orangée, de la classe marron en cercle, etc. ?

32. — La pigmentation, avons-nous dit plus haut, est presque toujours groupée sur la zone centrale de l’iris, où elle forme une espèce d’auréole qui masque en partie la nuance des couches profondes, d’où la nécessité pour noter la couleur de l’iris d’envisager séparément les deux parties : 1° auréole ; 2° périphérie.

33. — Auréole. La nuance de l’auréole est définie par celle de son pigment[1] ; on y ajoute pour plus de précision les qualificatifs de ton : clair, moyen ou foncé. Ces trois mots adjoints successivement aux quatre espèces de pigmentation : jaune, orangé, châtain et marron, forment ainsi une gamme à douze échelons qui permet de passer par transitions insensibles du jaune clair au marron foncé. L’intervalle entre chaque terme devient si minime que la confusion de l’un avec le suivant ne saurait constituer une erreur. Ainsi on peut confondre facilement, sans commettre une faute proprement dite, un jaune clair avec un jaune moyen, et ce dernier avec un jaune foncé ; mais non pas un jaune clair avec un jaune foncé. De même, le jaune foncé peut être pris pour de l’orangé clair, mais non pour de l’orangé moyen, et a fortiori pour de l’orangé foncé lequel, à son tour, se distinguera difficilement du châtain clair, etc.

34. — Dans les yeux de la 1re classe (impigmentés), à teinte unie, la description de l’auréole absente est remplacée par un tiret (–) et la nuance de l’œil n’est plus indiquée que par la périphérie (voir tableau chromatique nos A1 A2 et A3).

35. — Périphérie. Les nuances si multiples de la périphérie peuvent se rattacher à trois catégories principales, représentées sur la planche chromatique par les trois travées horizontales, savoir : celle des tons azurés ou clairs (travée I), celle des violacés-trouble, ou bleu de faïence, que nous appelons conventionnellement intermédiaires (travée II)[2] et celles des ardoisés ou foncés (travée III).

36. — Cette division tripartite est assez facilement applicable à la 1re classe d’yeux, où l’absence de pigment laisse à découvert les couches profondes de l’iris.

37. — Pour la 2e et la 3e classe (pigmentation jaune et orangée), on est souvent amené à y adjoindre le modificatif verdâtre et quelquefois ceux de jaune-verdâtre, orangé-verdâtre, suivis eux-mêmes des mots clair, moyen ou foncé, quand la matière jaune, au lieu de rester groupée autour de l’auréole, recouvre partiellement la périphérie avec des fusées, des croissants ou des pointillés pigmentaires.

38. — Dès la 4e classe (châtain), on ne rencontre plus de périphérie azurée. Les termes les plus fréquemment employés deviennent alors : intermédiaire, ardoisé, ardoisé-verdâtre et châtain verdâtre, ce dernier pour les yeux très pigmentés qui se rapprochent des yeux franchement marron.

39. — L’intermédiaire violacé cesse lui-même d’être rencontré dans la classe 5 (marron en cercle). La division tripartite du début est alors entièrement remplacée par les qualificatifs généraux : clair, moyen ou foncé combinés avec les termes jaune, jaune-verdâtre, ardoisé, ardoisé-verdâtre.

40. — La périphérie de la 6e classe (marron tacheté de verdâtre), se distingue de la 5e par l’addition du mot marron.

41. — Dans la classe 7, la périphérie est identique à l’auréole, ce que l’on indique en y inscrivant les lettres id., idem (voir tableau chromatique, nos R1, R2 et R3).

  1. On a l’habitude à Paris de faire précéder l’indication de la nuance par la forme de l’auréole. C’est là un renseignement accessoire dont le relevé n’est pas obligataire. On distingue trois sortes d’auréole : la dentelée, la concentrique et la rayonnante.

    L’auréole est dite dentelée lorsque la pigmentation peu abondante n’existe que sur la zone moyenne de l’iris sur laquelle elle dessine des hachures, festons ou dentelles linéaires. Elle est qualifiée de concentrique, si la matière colorante, également peu abondante, reste confinée autour de la pupille en une zone circulaire d’un ou de deux millimètres de largeur, qui semble comme coupée à l’emporte pièce. Enfin l’auréole devient rayonnante lorsque la matière colorante ayant envahi la zone concentrique en entier, semble de là envoyer des fusées pigmentaires rayonnantes vers la périphérie. Ce dernier mode de groupement pourrait être considéré comme résultant de l’extension de l’auréole concentrique. Il est le seul que l'on observe dans la pigmentation marron ainsi que, à quelques exceptions près, dans la pigmentation châtain, tandis que l’orangé, et plus encore le jaune, se groupent en auréole de l’une des trois formes indifféremment.

    En cas de doute sur la désignation spéciale de l’auréole, on recourt à la juxtaposition des deux termes entre lesquels on hésite. (Voir à ce sujet les exemples du tableau chromatique F1, C2, E3 et G3.)

    Les mêmes termes servent également à caractériser la forme du réseau de filaments pâles ou blanchâtres que présentent un très grand nombre d’yeux impigmentés. (Voir sous ce rapport les colonnes B et C du tableau chromatique.)

  2. Le mot intermédiaire, représenté par l’initiale i, remplace toujours dans les descriptions chromatiques de l’iris l’expression bleu violacé, laquelle n’aurait pu être écrite qu’en toutes lettres, la lettre v étant réservée à l’abréviation de verdâtre (ainsi qu’il sera indiqué page 49). Avoir soin pour les signalements destinés au public, de traduire le mot intermédiaire qui n’est compréhensible que pour les initiés, par l’expression complète de bleu violacé.