Il***/Note de l’éditeur

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(p. 5-7).

NOTE DE L’ÉDITEUR


« Encore une fois mais pour la dernière fois non ! »

Telle fut la réponse de M. Léo d’Arkaï quand, de nouveau, après plusieurs échecs, nous tentâmes de lui faire écrire une préface pour l’œuvre que nous publions aujourd’hui.

Nous insistâmes :

— Cette préface est absolument nécessaire. D’abord…

M. Léo : « je sais… je sais… Vous allez me citer Boyer d’Agen : De Même que Dieu a fixé le soleil au vestibule de la nature, tout auteur doit placer une préface au frontispice de son œuvre. »

— Non ! mais…

M. Léo : Pédantisme à part, écoutez plutôt Paul Bonnetain : Pancarder son livre d’une préface c’est présumer son lecteur intelligent ; c’est impliquer qu’au courant de son livre on n’a point su faire parler les faits et les gens avec une clarté suffisante.

Pourtant… si vous y tenez tant… imprimez en bon lieu sur une page bien blanche la phrase que je vais vous dire : L’Odyssée n’a pas de préface. Voilà ma préface !

Mais, monsieur, elle ne sera pas du tout comprise par le public.

M. Léo : Le public ? Peu m’importe. Je n’ai souci que de mon public.

— C’est à dire ?

M. Léo Les vrais artistes et les vraies femmes.

— Il n’y a pas qu’eux parmi les acheteurs. Et même, de ces artistes sincères, de ces femmes qui ne sont pas fausses, n’éprouvez-vous pas le besoin de guider l’admiration ? quand ils vous diront : La suprême nouveauté — vous êtes modeste — le clou de votre ouvrage n’est pas telle comparaison à effet, lit de Procuste ou verge de Moïse ni telle transition en un style très vôtre ; c’est l’immuabilité de l’ordre des parties qui ne se ressemblent mais qui se suivent et ne hurlent pas de se voir accouplées…

M. Léo : Vous leur direz qu’il ne se trompent ; ô vous qui dites si bien ! Les sonnets en recueil ne doivent pas se succéder comme des rails ni même comme des chaînons mais comme les cellules d’un organe.

— Fort bien ! Pourquoi ne déployeriez-vous pas cette pensée ?

M. Léo : Parceque je suis de ceux qui, pour prouver le mouvement, marchent.

— Tout au moins vous devriez répondre d’avance à certaines objections inévitables. Ainsi comment accueilleriez-vous les lecteurs qui qualifieront monstrueux les faits et gestes de votre héros ?

M. Léo Par ces deux mots : Documents humains. Rien que par ces deux mots. Aux gens qui voudront en savoir davantage je répondrai : Allez à Médan !

— Mais alors… votre héros… cet Il*** énigmatique… inquiétant érudit… hypnotisé de la sensation… c’est donc.

M. Léo : Chut ! qu’on ne lise pas entre les lignes ! Je vous défends de supposer qu’Il*** n’est pas un être de pure imagination : Je vous permets tout au plus, de soupçonner quelle leçon de vertu émane de mon histoire. Prenez ce sous-titre sans ironie : — Roman d’éducation — et cette épigraphe sans symbole (c’est tout ce que je puis faire pour vous) : J’ai tendu des cordes de clocher à clocher, des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.