Illyrine/3/Lettre 117
LETTRE CXVII.
À Julie.
Je suis bien loin de toi, Lili ; ce voyage fut agréable : j’ai vu les armées ; je compte être sous peu de jours à Paris ; sans doute j‘y trouverai des lettres de toi. À propos, Lili, qu’est donc devenu ton portrait ! je n’ai pu le trouver ; où l’as-tu donc serré, Lili ? ce portrait m’inquiette ; est-ce que tu l’aurait emporté avec toi ? Je suis triste, fatigué, et las des honneurs que nous recevons par-tout : un baiser de l’amour vaut mieux que tout l’encens (dont peut-être on voudrait nous brûler le nez) que l’on nous prodigue.
Est tu arrivée à bon port, bonne Lili ? ton mari t’a-t-il bien reçue ? je t’apprends qu’Hérault est parti pour le Mont-Blanc : ainsi, me voila débarrassé d un rival bien dangereux, et qui te plait, Lili ; tu ne peux t’en défendre ; car il se pourait bien que tu eus filé le parfait avec lui comme il y a a ans avec moi ; et que moi, maintenant, je me trouve à l’instar de ton mari alors. Mais, Lili, vous vous connaissiez depuis long-tems ? que je te sais gré d’être partie sans l’avoir vu ! oui, Lili ! tu m’aimes ; mais tu es si bonne, si facile à séduire !ton cœur vrai, juge toujours d’après lui ; je t’en préviens, Hérault est consommé, il t’aime, il n’épargnera rien pour te posséder. Ô ! Lili, je le sens bien ; tu es trop loyale, trop sensible pour habiter une ville où il y a tant d’aimables corrupteurs… ; et peut-être même ne dois-je ta sagesse qu’à ce que tu n’est pas sortie de chez moi. Mais, adieu, Lili ; tout ceci me donne de noires réflexions ; je t’embrasse idéalement, toujours.
Ton ami N. Q…te