Image du monde de Gossouin/Introduction

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INTRODUCTION


Les œuvres didactiques du moyen âge en France, quoique très nombreuses, s’exposent en général à une critique inévitable : le sujet dont elles traitent est d’ordinaire trop restreint. Le grand Lapidaire de Marbode, le Bestiaire de Philippe de Thaon s’occupent d’histoire naturelle. Il y a les ouvrages qui traitent d’Astronomie, de Physique ou de Géographie. Dans la plupart, le sujet, tout en s’y prêtant fort peu, donne lieu à des moralisations à perte de vue : le traité scientifique sert de prétexte au traité religieux.

Mais les ouvrages d’ensemble en langue vulgaire sont rares : chose d’ailleurs assez naturelle, car, l’étude approfondie des sciences étant réservée aux clercs, ces encyclopédies étaient écrites en latin. C’est ainsi que nous possédons les grands ouvrages de Neckam, d’Albert le Grand, de Vincent de Beauvais.

Il y avait donc place au XIIIme siècle pour une œuvre contenant, sous une forme à la portée de tous, la somme des connaissances du temps.

Cette place, l’Image du Monde l’a remplie.

Il est inutile de discuter la valeur scientifique de cet ouvrage : à notre point de vue, il n’a qu’un intérêt historique. Mais certainement, dès son début, il a répondu à un besoin général. Le nombre d’éditions[1] en français, le nombre de traductions, les plagiats même, tout nous le prouve.

Contant d’Orville[2] définit l’Image du Monde comme un ouvrage écrit au moyen âge pour amuser les dames : il n’en a guère compris la valeur au XIIIme siècle.

L’auteur a su donner à ses contemporains un aperçu complet des sciences. Il traite de cosmogonie et de théologie sans que son ouvrage soit une simple traduction de sources latines ; mais on peut y reconnaître néanmoins l’influence directe des théologiens de l’époque. Nous retrouvons la trace de plus d’un auteur bien connu dans la partie géographique ; et l’œuvre se termine par un traité d’astronomie très simple et très clair dont les écrivains classiques ont fourni la base.

Pour être à même de faire usage de sources si variées, l’auteur devait se trouver dans un centre favorable à ses travaux.

Au XIIIme siècle, Metz était un vrai milieu intellectuel : on y cultivait les sciences et les arts ; les maisons religieuses y étaient nombreuses et florissantes ; des sociétés s’y formaient pour la lecture de la Bible[3]. Tout pouvait aider à la composition d’un ouvrage encyclopédique.

Les preuves ne nous manquent pas que là fut composée et écrite l’Image du Monde.

Une étude des rimes a permis à Haase[4] de constater l’emploi du dialecte lorrain par l’auteur.

Celui-ci montre de plus une connaissance intime des environs de Metz. Il parle des salines de Vic[5] et des bains de Plombières[6]. Il écrit à la suite d’une vie de saint Brandan[7] :

A Saint Ernol, une abeïe
De moines noirs qu’est establie
Droit devant Mez en Loherraine,
Trovai ceste istoire ancienne[8].

De nos jours, le succès d’un ouvrage se juge par le nombre de ses éditions ; nous n’avons aucune raison de douter qu’il en fût de même au moyen âge. Comme nous l’avons dit, l’Image du Monde répondait à un besoin ; aussi les rédactions se succédèrent.

Première rédaction en vers. — En 1246[9] a été composée la première rédaction de 6594 vers. Nous en connaissons 53 manuscrits[10]. Presque tous possèdent les deux traits distinctifs suivants : Le texte est divisé en trois livres ; la date est répétée deux fois, au vers 6124, et au vers 6584.

Date de la première rédaction. — L’auteur est même plus précis dans ce dernier cas ; il a, nous dit-il, terminé son travail le six janvier :

En l’an de l’incarnation
As rois a l’aparition
M.CCXLV. anz
Fu premiers parfaiz cist romanz[11].

Des différences de dates dans certains manuscrits s’expliquent par des erreurs de copiste. Ainsi au vers

M.CCXXV. anz[12]


il manque deux syllabes : c’est une simple bévue qu’aucun argument ne saurait justifier. Les dates 1246[13], 1247[14] d’autres manuscrits ne se trouvent qu’au vers 6124, et sont corrigées par le vers 6584.

De tout temps, les scribes ont attaché peu d’importance aux chiffres. Sauf les noms propres, rien n’est plus variable, dans les manuscrits, que les dates et les calculs. Dans ce cas-ci la mesure du vers est venue à notre aide ; mais plus tard, lorsqu’il s’agira de mesurer les distances, nous aurons à surmonter des obstacles bien plus sérieux, presque chaque manuscrit offrant une leçon différente.

Certaines informations nous aident à confirmer la date, 1246[15]. Les passages suivants sont instructifs à cet égard.

Le premier se trouve fo 25 d de notre édition :

Si resont en France unes autres gens qui en nostre tens i (en la cité de Paris) sont venu. Ce sont freres meneur et jacobins.

Les Dominicains (fratres majores) ne reçurent le nom de « jacobins » qu’en 1218, époque où ils s’établirent dans une maison de la rue Saint Jacques[16].

Dans un second passage qui fait partie d’un manuscrit de Londres[17], l’ouvrage est dédié au comte Robert d’Artois, frère de saint Louis, qui fut tué à la bataille de Mansourah le 8 février 1250.

Voilà donc la composition de l’Image fixée à une date entre 1218 et 1250, soit dans la première moitié du siècle.

Enfin par un calcul basé sur 1245, l’auteur lui-même nous permet de vérifier ses renseignements. Pour nous donner une idée de la distance du ciel à la terre, il écrit[18] :

Si li premiers que Diex fist onques, ce fu Adam, i (i. e. au ciel) fust touz jours alez dès lors qu’i fu premierement faiz et criez, et fust alez .XXV. milles chascun jour, ne fust il pas enquores la ; ainz eüst enquores a aler par .VII.C. et .XIII. anz, dès lors qu’Adans li premiers hons fu faiz, quant premierement fu parfaiz cis livres : ce fu a l’Aparition, en l’an .M.CC.XLV. anz.

Comme nous le prouvons plus loin[19], le calcul est parfaitement correct et confirme la date, 1245 (v. s.).

Seconde rédaction en vers. — Après un intervalle de deux ans à peine, en 1248[20], une seconde rédaction refondue est composée, augmentée d’environ quatre mille vers, et divisée en deux parties seulement. Fant en a fait une étude spéciale. Nous en connaissons dix-neuf manuscrits[21] qui tous contiennent, après une Vie de saint Brandan, les vers suivants :

En .IX. jorz de marz l’ai parfait
Mil .CC. anz .XL. et .VII.

Date de la seconde rédaction. — Comme on le voit, la date est ici confirmée par les nécessités de la rime. L’auteur n’hésite pourtant pas à répéter à la fin de son ouvrage le vers du poème original :

Mil .CC. XLV ans.

Théorie de Langlois sur les dates de l’Image du Monde. — Jusqu’ici les dates de l’Image du Monde n’ont paru offrir aucune difficulté. Mais dernièrement Langlois, dans son ouvrage sur la Connaissance de la nature au moyen âge, a proposé une théorie qui complique singulièrement les choses.

Cette théorie est basée sur le prologue exceptionnel du manuscrit Harley 4333, et plus particulièrement sur le passage suivant :

Fo 1 a.En l’an de l’Incarnacion
Jhesu, nostre redemption,
mil .CC. ans qarante sis
fui d’un livre faire pensis
de tote l’ymage del monde[22].

Selon Langlois (o. c. p. 62), la date 1246 (v. s) se rapporte à la première rédaction qui a été terminée le 6 janvier 1247 (v. s.) ; la date de la seconde rédaction est inconnue, et de même celle du manuscrit Harley.

Le savant critique admet que la leçon 1245 est fortement garantie par la grande majorité des manuscrits et par l’explicit des manuscrits de toutes les rédactions. Cependant il écarte cette date pour la seule et unique raison que Harley mentionne 1246 comme étant l’époque où le plan de l’Image du Monde lui est venu à l’esprit[23].

Il paraît pourtant évident que le vers cité (fui d’un livre faire pensis) se rapporte simplement à la rédaction du manuscrit Harley lui-même qui diffère tellement, soit comme plan, soit comme matière, de la première rédaction.

Langlois[24] attribue l’explicit commun à tous les manuscrits de toutes les rédactions à un simple copiste dont l’influence a conduit à contaminer la vraie date, 1247, au ch. 17 du livre III, et sur ce point il cite Fant[25]. Le critique suédois n’exprime cependant aucun doute sur la date, 1245 (v. s.).

Quant au copiste, auteur supposé de l’explicit, c’est gratuitement que Langlois l’accuse d’avoir mal lu son original et d’avoir mis 1245 au lieu de 1247.

D’ailleurs nous nous expliquons mal pourquoi les copistes des manuscrits de la première rédaction seule se seraient laissé influencer par cette date, 1245, au point de l’introduire au ch. 17, tandis que ceux de la seconde rédaction, apparemment plus rétifs, maintiennent 1247 dans le texte, et 1245 à l’explicit[26]

Enfin, selon Langlois (o. c. p. 59), la date si précise du 9 mars (1247), qui se trouve dans Harley 4333 aussi bien que dans les autres manuscrits de la seconde rédaction, ne doit s’appliquer qu’au long fragment de 1740 vers sur les voyages de saint Brandan. Cette conjecture n’enlève pas sa valeur à la date 1247.

En résumé la théorie de Langlois peut paraître séduisante ; mais pour l’admettre il faut 1o nier sans raison sérieuse la date 1245 (v. s.), 2o faire preuve d’incrédulité en repoussant le témoignage de tous les manuscrits de toutes les rédactions, à quelques exceptions près, et 3o refuser d’admettre les calculs mêmes de l’auteur qui confirment la date 1245.

De nos arguments précédents, les conclusions correctes se dégagent, semble-t-il, d’elles-mêmes : 1o L’auteur de l’Image du Monde termine sa première rédaction le six janvier 1245 (v. s.). — 2o Il conçoit l’idée d’une seconde rédaction refondue et considérablement augmentée en 1246 (v. s.). — 3o Il en termine en 1247 (v. s.) une rédaction intermédiaire qui nous est connue par le manuscrit Harley 4333. — 4o Comme résultat de ses voyages en Sicile et en Syrie, il ajoute quelques passages à son ouvrage et produit ainsi la seconde rédaction complète : celle-ci a vu le jour après la composition du manuscrit Harley.

Rédaction en prose. — Comme ouvrage d’éducation l’Image du Monde en vers devait avoir un grand avantage : sa forme même était une aide à la mémoire.

Nous sommes donc étonnés de voir paraître une troisième rédaction, cette fois-ci en prose. Toutefois le succès a justifié l’auteur : c’est cette dernière version qui a été traduite en différentes langues ; le premier livre illustré imprimé en Angleterre, c’est l’Image du Monde en prose ; et c’est elle enfin dont nous offrons l’édition.

Date de la rédaction en prose. — Neubauer[27], décrivant les manuscrits hébraïques de l’Image, en vient à la conclusion que la traduction a été faite d’après un manuscrit en prose, vers 1280, c’est-à-dire quelques années seulement après la composition du manuscrit original de 1246 (n. s.).

La question de la date de notre rédaction en prose est si intimement liée à celle de l’auteur qu’il est impossible de les séparer. Nous devons donc anticiper en partie sur un chapitre à venir pour prouver la thèse suivante : La rédaction en prose a été composée, peut-être en 1246 (n. s.) mais certainement avant la seconde rédaction complète, par l’auteur même de la première rédaction en vers.

Notre opinion est basée sur les faits suivants :

I. Trois des manuscrits de la rédaction en prose donnent le nom de l’auteur ; le seul manuscrit de la première rédaction en vers qui soit signé nous donne le même nom.

II. Le chapitre sept de la seconde partie de l’Image est traduit littéralement d’un chapitre correspondant de Jacques de Vitry[28] ; l’ordre même des matières est maintenu.

Mais dans la rédaction en vers il manque un passage qui évidemment a paru obscur au traducteur. Dans la rédaction en prose, au contraire, ce passage est traduit[29], mais d’une manière absolument inintelligible.

Nous en concluons que l’auteur des deux rédactions (i. e. la première rédaction en vers et la rédaction en prose) est le même, car il est peu probable qu’un remanieur quelconque se fût donné la peine de trouver la source du chapitre et de le compléter en traduisant de son mieux le passage omis dans la première rédaction. Mais pour l’auteur de l’original le cas est différent : son chapitre n’est pas complet ; il y manque un passage, peu important il est vrai, dont la difficulté lui a paru insurmontable en composant sa première rédaction ; sa vanité de traducteur est en jeu ; il se décide à introduire le paragraphe dans sa rédaction en prose : avec quel succès, nous l’avons vu.

Ajoutons qu’il s’agit ici d’une hypothèse dont le contraire est également soutenable : le passage pourrait s’être trouvé dans l’original et avoir été supprimé par un premier copiste. Il est évident que les deux points de vue ont une valeur absolument égale en tant qu’ils reposent tous deux sur une supposition.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que le passage manque aussi dans la seconde rédaction en vers. Car si l’auteur des deux rédactions en vers est le même[30], il a dû réaliser son impuissance à rendre le passage d’une manière intelligible et l’avoir par conséquent définitivement omis ; ou bien l’auteur de la seconde rédaction en vers n’est pas le même que celui de la première, et dans ce cas il n’a pas eu à se préoccuper d’un passage qui ne se trouvait pas dans son original.

III. L’original de la rédaction en prose a été écrit en Lorraine, tout comme celui de la rédaction en vers[31] : dans le texte de tous les principaux manuscrits nous trouvons des traces du dialecte lorrain, traces qui doivent être dues à l’auteur même, puisqu’elles se retrouvent dans les manuscrits dont le copiste emploie un dialecte différent.

IV. Enfin, la rédaction en prose est antérieure à la seconde rédaction complète, car il n’y est pas fait mention des voyages de l’auteur en Sicile et en Syrie.

En résumé, nous voyons que l’auteur de la rédaction en prose signe son ouvrage du même nom que celui de la première rédaction en vers, qu’il emploie le même dialecte, qu’il se sert des mêmes sources, qu’il complète même un chapitre par la traduction peu réussie d’un passage sans importance et obscur pour lui, et qu’enfin il ne fait aucune mention de voyages en Sicile et en Syrie, trait si frappant de la seconde rédaction complète.

Nous appuyant sur les faits précédents, nous pouvons, semble-t-il, admettre l’identité de l’auteur de la première rédaction en vers et de la rédaction en prose, et fixer la date de cette dernière à une époque entre 1246 et la composition de la seconde rédaction.

Il n’y a même aucun argument sérieux contre l’adoption de la date mentionnée dans tous les manuscrits en prose : 1245 (v. s.). La tâche de l’auteur n’aurait certes pas été impossible : Caxton qui a traduit l’Image en anglais nous informe qu’il a commencé son ouvrage le 2 janvier 1480 et qu’il l’a terminé le 8 mars de la même année[32]. Le dérimeur français n’a guère dû prendre plus longtemps à compléter sa tâche que le traducteur anglais. Ainsi notre auteur a aisément pu remanier son ouvrage entre le 6 janvier 1246 et la fin de cette même année.

Rédaction en prose et première rédaction en vers. (Leur étroite parenté.) — Sous un rapport surtout la rédaction en prose nous est précieuse : elle est absolument calquée sur la première rédaction en vers. Elle est divisée en trois parties ; elle répète, comme d’ordinaire, à deux reprises, la date 1245 (v. s.). La reproduction du texte rimé est si fidèle que souvent les rimes mêmes sont conservées, et nous n’avons aucune difficulté à reformer les vers.

Cela seul fait de la rédaction en prose un instrument indispensable, à défaut du manuscrit original en vers, pour une reconstitution parfaite du poème.

Une comparaison des passages suivants montrera le peu de différence qu’il y a entre les deux versions, et prouvera de plus, s’il y a jamais eu du doute à cet égard, l’antériorité de la première rédaction en vers. Les rimes que l’on retrouve partout, à chaque page même, de la rédaction en prose nous fournissent une preuve évidemment irréfutable : une simple coïncidence ne saurait expliquer un phénomène pareil.

Manuscrit de la première rédaction.
Prose, folio 119 D.

Et fu de petite estature
Le dos corbe un po par nature ;

Et fu de petite estature et un poi courbés le dos par droite nature.

Et aloit la teste baissant,
Adès vers terre regardant[33].

Et aloit la teste baissant et regardant devers terre.

....Mais les gens d’ore
Pansent ore plus a autre afaire
Por lor lasses piax grasses faire,
Que si tost vont a porriture,
Por lor vilaine norriture
Qui les livre a honteus essil.
Ensi ne faisoient pas cil,
Car ne querroient fors mangier
Tant qu’il peüsent alegier
Lor faim, por lor cors sostenir
Et lor vie en santé tenir[34].

Mès les genz qui orendroit sont pensent plus a leur lasses pances emplir et engressier, qui si tost viennent a pourreture, por leur norreture vilaine qui les livre a painne et a honte. Cil ne faisoient pas ainsi, car il ne queroient menger fors seulement qu’il peüsent alegier leur fain, pour leur cors soutenir et tenir en santé[35].

Comme on le voit, le procédé de l’auteur est fort simple : il change à peine les mots, les rimes se retrouvent presque toujours intactes. Mais les inversions disparaissent ; quelques mots ajoutés donnent à la phrase l’apparence voulue de la prose, tout comme dans le temps un emploi judicieux de chevilles servait à bâtir nos vers latins.

Disons-le : l’Image du Monde n’a rien gagné à ce changement, et, quelle que soit la valeur du poème, nous ne réclamons pas une place bien élevée pour ce dernier remaniement, dans la littérature française, même dans celle du moyen âge. L’auteur s’est montré purement et simplement un éducateur, mais non pas un styliste.

Dans ce cas, dira-t-on, pourquoi ne pas s’en tenir à une édition du poème ? La réponse est facile : la supériorité littéraire de la rédaction en vers est plus que compensée par l’importance historique de la version en prose ; car c’est par celle-ci que nous nous trouvons rattachés directement à une des époques les plus intéressantes de la littérature anglaise : l’époque de Caxton et de l’introduction de l’imprimerie.

La version anglaise. — En 1480 Caxton traduisit l’Image du Monde en anglais, et l’imprima à Westminster en y ajoutant des gravures sur bois, chose inconnue en Angleterre jusqu’alors.

Grâce à de fréquents séjours à Bruges, le célèbre imprimeur avait acquis une connaissance parfaite de la langue française. Son choix de l’Image prouve l’importance de notre encyclopédie, même à cette époque. Cet ouvrage obtint en Angleterre autant de succès qu’en France. Caxton lui-même en a publié deux éditions[36]. Un certain Lawrence Andrewe en fit paraître une troisième à Londres en 1527.

Imprimés français. — La rédaction française en prose a aussi été imprimée deux fois à Paris : par Michel le Noir en 1501, et par Alain Lotrian en 1520. Toutes ces éditions sont rares et ont une grande valeur[37].

Traductions hébraïques. — Outre la traduction en anglais, on connaît une version de l’Image en judéo-allemand, et deux en hébreu qui diffèrent sous certains rapports.

Neubauer[38] suppose que la traduction hébraïque a été faite en 1273 à Malines par un Juif, Hagins, qui est peut-être le même que Haginus Deulecret, grand-rabbin de Londres, où les Juifs français étaient nombreux.

Plagiat. — À titre de curiosité, mentionnons aussi le Mirouer du Monde[39], plagiat imprimé à Genève en 1517[40] chez Jaques Vivian. Un certain François Buffereau, natif de Vendôme, après avoir légèrement altéré le commencement et la fin de l’Image et un peu rajeuni la langue, fit imprimer sous son nom la rédaction en vers qu’il prétend avoir commencée en 1514 et finie en 1516 au château de Divonne.

Il augmenta ainsi la liste des candidats au titre d’auteur de notre encyclopédie.

L’auteur. — Laissant de côté notre plagiaire, nous nous trouvons en présence de trois noms : Omons, Gauthier de Metz et Gossouin, dont aucun n’a laissé d’autre trace dans la littérature.

Cette question a été fréquemment traitée, entre autres par Fant, et plus récemment par Langlois. Leurs conclusions sont en grande partie les mêmes et sont maintenant généralement admises.

Omons. — Des trois noms mentionnés, celui d’Omons a été écarté d’emblée par tous les critiques. Il s’agit là seulement d’un scribe qui a peut-être aussi composé un volucraire de médiocre valeur.

Ce nom ne paraît qu’une fois, dans un manuscrit de la première rédaction[41] où se trouve le volucraire en question, écrit de la même main, et signé aussi du même nom, Omons.

Gauthier de Metz. — Gauthier de Metz a, jusqu’à présent, réuni le plus grand nombre de suffrages. Il est donc à propos d’examiner ses titres, car les histoires contemporaines de la littérature française lui attribuent toutes sans exception la composition de l’Image. Elles ont, il est vrai, en leur faveur, toute l’autorité littéraire de P. Meyer.

Le nom n’est mentionné que dans une seule copie de l’encyclopédie : le manuscrit Ducange, autrefois connu de Dom Calmet[42], et retrouvé par P. Meyer dans la bibliothèque Phillipps à Cheltenham[43] :

Le passage où se trouve cette mention importante est ainsi conçu :

Che sont les materes qui
sont contenues en cest
livre qui est appelés
le Mapemonde ; si le

fist maistre Gautiers
de Mies en Lorraine, uns
trés boins phyllosophes.

Le manuscrit contient tous les remaniements, toutes les additions, telles que la vie de saint Brandan, distinctives de la seconde rédaction complète. Il est divisé en deux parties, comme on pouvait s’y attendre, et ne se nomme plus l’Image du Monde mais le Mapemonde. Le prologue est tout à fait particulier à ce manuscrit, et la conclusion celle propre à la première rédaction. Mais, à part ces quelques lignes, il est indiscutable que le texte entier est celui de la seconde rédaction.

En résumé, les droits de Gauthier reposent sur ce seul manuscrit de la seconde rédaction qui, ayant appartenu à Ducange, vu par Dom Cal met, semble avoir attiré plus d’attention qu’aucun autre et avoir créé ainsi de véritables droits d’auteur en faveur de Gauthier. Voilà ses titres. Comparons-les maintenant à ceux de Gossouin.

Gossouin. — Tout d’abord nous voyons là un bon nom germanique, tout comme celui de Gauthier, dont la présence en Lorraine n’aurait rien d’étonnant. Même à Bruges, au XVme siècle, on trouve un scribe nommé Gossein établi au-dessus du porche de Saint Donat.

Le nom nous est parvenu sous quatre formes différentes, mais où l’on peut, sans difficulté, reconnaître une origine commune : Gossouin, Gossonin, Gosson, Gosoyn. Comme le dit V. Le Clerc lui-même[44], les erreurs de copistes sont fréquentes, surtout dans le cas des noms propres, et ces variations n’ont rien d’extraordinaire.

Gosoyn est indiqué comme auteur dans un manuscrit apparemment égaré de nos jours, mais vu par V. Le Clerc, qui nous fournit ainsi un de nos plus précieux arguments. Il est à propos de reproduire ici, in extenso, ce paragraphe important de son article sur l’Image du Monde :

« Un manuscrit in-folio, qui nous a été communiqué à Paris, mais qui ne s’y trouve plus, composé au XIVme siècle, de quarante-trois feuillets de parchemin à deux colonnes, la plupart d’une quarantaine de vers, conserve dans les derniers la date 1245, quoiqu’il porte, au chap. 17 du troisième livre, celle de 1247. Mais nous devons remarquer surtout que, des copies en vers que nous avons pu voir, c’est la seule qui soit précédée de cette suscription : « Ci commencent li chapitre du romanz maistre Gosoyn, qui est apelez ymage du monde. » Le style y est rajeuni et le sens quelquefois altéré. »

Les détails sont précis et définitifs : le manuscrit contient entre six et sept mille vers, il est divisé en trois parties, la date est répétée au chap. 17, livre trois, et à la fin[45] : ce ne peut être qu’un manuscrit de la première rédaction. La date 1247 au chap. 17 ne saurait diminuer la valeur des faits : dans deux manuscrits[46] de la première rédaction la même erreur se retrouve.

Les trois autres manuscrits où le nom de l’auteur est indiqué appartiennent tous à la rédaction en prose, dont la proche parenté avec la première rédaction a été démontrée plus haut[47] ; ce sont : Bibl. Nat. fr. 574, qui donne Gossouin ; fr. 25344, Gossonin ; Bruxelles, Bibl. Roy. 9822, Gosson.

D’autre part, la seconde rédaction en vers est, sous beaucoup de rapports, un ouvrage absolument distinct et original.

Les arguments en faveur de Gossouin semblent être concluants. Nous n’hésitons pas à mettre son nom en tête de la rédaction en prose, choisissant, de préférence aux autres, la forme indiquée par le manuscrit dont nous offrons le texte.

Nous sommes persuadé qu’il a, de même, droit au titre d’auteur de la première rédaction en vers : le manuscrit vu par Le Clerc constitue un argument irréfutable qui confirme la théorie de l’identité de l’auteur de la première rédaction en vers et de celle en prose.

L’auteur de la seconde rédaction en vers. — La question reste ouverte quant à la seconde rédaction. Si nous y voyons, comme P. Meyer, une rédaction remaniée par l’auteur lui-même, nous devrons admettre une erreur de copiste[48] dans le manuscrit Phillipps[49].

Si, au contraire, la seconde rédaction forme un ouvrage séparé, original, Gauthier de Metz peut parfaitement en être l’auteur. Car, à tout prendre, l’argument que Gossouin est l’auteur de la première rédaction, et Gauthier celui de la seconde, n’est pas aussi improbable qu’il peut le paraître à première vue.

Langlois[50] trouve ridicule qu’on s’imagine deux auteurs tous deux lorrains, tous deux messins, tous deux parlant la même langue[51] ! Pourtant il s’agit là d’un simple syllogisme, et, l’origine messine des deux rédactions en vers une fois admise, l’identité de langage et de pays doit logiquement suivre : elle n’a rien qui puisse nous étonner.

Est-il donc impossible que Gossouin ait été un de ces Jacobins pour qui il montre une si profonde admiration dans la première rédaction[52], et Gauthier un des moines noirs mentionnés dans la seconde rédaction, et dans l’abbaye desquels il a trouvé la légende de saint Brandan[53] ?

La question est compliquée et encore loin d’être résolue. Même le style des deux ouvrages ne nous aide aucunement : V. Le Clerc trouve celui de la seconde rédaction tout à fait inférieur ; Fant, au contraire, voit dans le remanieur un vrai poète[54] !

Langlois lui-même ne suggère rien de mieux, pour expliquer la mention de Gauthier dans un manuscrit de la seconde rédaction, qu’une erreur de copiste[55]. Nous ne voyons donc pas qu’il soit justifié à prendre à partie Suchier qui exprime des doutes sur l’identité de l’auteur et du remanieur de l’Image du Monde[56].

Bref, sans vouloir nier qu’il nous paraisse y avoir de fortes présomptions en faveur de Gauthier, un examen soigneux des preuves laisse la question de l’auteur de la seconde rédaction encore indécise[57].

Le titre. — Le manuscrit Phillipps auquel nous devons la mention de Gauthier est exceptionnel sous un autre rapport : il donne comme titre à l’encyclopédie le Mapemonde. François Buffereau, le plagiaire de Genève, nomme le poème le Mirouer du Monde, et suit en cela le scribe d’un manuscrit de Londres[58].

Dans le contexte des différentes rédactions nous trouvons livre de clergie, mapemonde, roumanz. Mais il ne s’agit pas ici de titres : ce sont de simples qualifications.

À part les cas mentionnés ci-dessus, tous les autres manuscrits en vers donnent comme titre l’Image du Monde[59]. Il en est de même des manuscrits en prose que nous devons maintenant étudier plus en détail, et qui ont tous été consultés.

Les manuscrits de la rédaction en prose. — Ils sont au nombre de huit.

I (A). — Paris. Bibliothèque Nationale, fonds franç. 574.

Un des plus beaux manuscrits de la Bibliothèque Nationale.

387 sur 265 mm.

Reliure de cuir brun, à dos rouge.

Écriture du XIVe siècle.

Les rubriques sont à l’encre rouge.

Initiales et miniatures nombreuses.

139 pages, parchemin. 4 colonnes de 19 lignes.

À la première page, nous lisons : « Ce livre est au duc de Berry, Jehan B. »

Au verso : « Ce livre fu a messire Guillaume Flote, seigneur de Revel et chancellier de France[60] . »

À la dernière page est répétée la mention : « Le livre est au duc de Berry. Jehan B.[61] »

Cette copie a servi de base à notre texte. Elle contient seize dessins dans la première partie, dix dans la seconde, et neuf dans la troisième.

Elle donne le nom de l’auteur : Gossouin.

II (B). — Paris. Bibliothèque Nationale, fonds fr. 25344.

288 sur 152 mm.

Reliure de cuir rouge.

Écriture du XIVe siècle.

Les initiales sont à l’encre bleue ou rouge.

Quelques miniatures.

132 pages, parchemin. 4 colonnes de 20 lignes.

À la première page, d’une écriture moderne, nous lisons : « Ce manuscrit du XIVe siècle contient le roman de maître Gossonin appelé l’Image du Monde, traduit du latin en français. »

Le nom de l’auteur Gossonin se trouve aussi dans le texte.

Ce manuscrit est incomplet, il manque environ dix pages, presque toutes dans la seconde partie.

III (N). — Paris. Bibl. Nat., nouvelles acquis. françaises 6883.

145 pages, parchemin. 4 colonnes de 20 lignes environ. L’Image du Monde occupe fos 1 à 68. Le même volume renferme aussi l’Apocalypse en français[62].

Il date du XIIIe au XIVe siècle : c’est donc un des plus anciens manuscrits de la rédaction en prose que nous possédions.

Il n’indique pas de nom d’auteur.

La plupart des figures et des initiales manquent.

IV (G). — Paris. Sainte Geneviève, 587.

370 sur 250 mm.

Reliure verte.

191 feuillets, parchemin. 4 colonnes.

L’Image du Monde occupe les fos 172 à 191.

Date du XIIIe au XIVe siècle.

Le texte est très abrégé.

V (C). — Bruxelles. Bibliothèque Royale. 9822.

47 pages, parchemin, 4 colonnes de 41 lignes environ.

Les formes de la langue sont très souvent rajeunies.

Le nom de l’auteur est mentionné : Gosson.

VI (S). — Halle. Le professeur Suchier possède un manuscrit qu’il a bien voulu nous permettre de copier.

105 feuillets, parchemin.

L’Image du Monde occupe les fos 75 à 105.

Elle est précédée d’une version du Livre de Sydrach.

Date : XIIIe siècle.

Quoique ce manuscrit soit fort abrégé, nous aurons souvent l’occasion de le citer.

VII (T). — Ashburnam. Le manuscrit Barrois 66 a été acheté par un M. Thomson à la vente de la Bibliothèque Ashburnam au mois de juin, 1901. C’est un manuscrit du XIVe siècle, sur vélin ; reliure verte en maroquin gaufré. 43 pages. L’Image du Monde occupe les fos 1 à 23. Le texte est abrégé.

Le même volume contient ; 1° Paraphrase sur les 7 psaumes de pénitence ; 2° Oratio ad B. Mariam Virginem ; 3° Vitæ Sanctorum Patrum.

VIII (R). — Londres. British Museum. Royal 19. A. IX.

285 sur 200 mm.

Manuscrit du XVe siècle, écrit à Bruges.

Papier.

Fos i — 152. 24 lignes par page, sans colonnes.

Illustré.

Le copiste a rajeuni la langue.

La préface et la fin sont exceptionnelles.

IX (I). — Pour les imprimés français, mentionnés plus haut (p. 11), nous employons le sigle I.

Filiation des manuscrits. — Le manuscrit R est d’une importance qu’on ne saurait exagérer : il forme l’anneau principal qui joint la traduction anglaise de Caxton au manuscrit A, base de notre texte.

R et Caxton. — Nous en avons une preuve irréfutable : L’Image du Monde est précédée dans R d’un long prologue, absolument original, où le scribe nous informe, entre autres, qu’il a copié ce texte en 1464 par le commandement de Jehan le Clerc, librairier et bourgeois de Bruges[63].

Le prologue entier, y compris cette information intéressante[64] se retrouve dans Caxton. Il est évident que cette preuve seule suffirait pour établir l’étroite parenté entre R et la traduction anglaise : mais il y en a bien d’autres. D’abord le titre des deux ouvrages est le même, le Miroir du Monde dans le manuscrit de Londres, the Mirrour of the World dans Caxton ; or, comme nous l’avons vu[65], ce titre est tout à fait exceptionnel.

Ensuite un autre trait extraordinaire est commun à R et à l’édition anglaise : Nous lisons dans la version française[66] : « Et fu translaté de latin en franchois par le commandement et ordonnance du noble duc Jehan de Berry et d’Auvergne l’an .m. deux cens quarante cincq. » Caxton reproduit mot pour mot[67] cette étrange erreur qui fait vivre Jean de Berry[68] au XIIIe au lieu du XIVe siècle.

Comment expliquer cette bévue?

A, R et Caxton. — La clef du mystère se trouve dans le manuscrit A, où nous lisons deux fois, à la première et à la dernière page : « Ce livre est au duc de Berry. Jehan B. » Le scribe de R, ayant sous les yeux le manuscrit A qu’il allait copier, et lisant cette mention, s’est empressé de l’introduire dans son prologue ; Caxton a traduit en anglais, sans hésiter, le prologue et la mention de son original.

Et ainsi, grâce à une erreur de copiste, le duc de Berry, de propriétaire d’un manuscrit du XIVe siècle, est devenu l’inspirateur d’une œuvre composée en 1246.

Une telle preuve, à elle seule, ne suffirait pas pour établir l’étroite parenté entre A et les deux autres ouvrages. Mais tout vient confirmer notre opinion : Les passages, même les moitiés de phrases qui manquent dans A manquent aussi dans R et dans Caxton ; les fausses leçons sont communes à tous trois ; enfin, sauf pour quelques additions de mots sans importance, ils sont exactement les mêmes sous tous les autres rapports.

La table suivante permettra de se rendre compte des différences entre le texte de notre édition et celui de A, R et Caxton :


A R Caxton Texte corrigé d’après tous les manuscrits en prose et plusieurs en vers.
Le nom du duc de Berry est mentionné deux fois, à la première et à la dernière page du manuscrit. Le nom du duc de Berry est introduit dans le prologue et dans l’épilogue particuliers à ce seul manuscrit. Le copiste fait de plus une grossière erreur de date à ce propos. Caxton traduit en entier le prologue et l’épilogue de R, sans omettre ni le nom du duc de Berry, ni l’erreur de date. Le nom du duc de Berry, mentionné dans A, R et Caxton, ne paraît dans aucun autre des manuscrits.
Qui est près du saint ciel la sus, dont nous sommes si en sus mis. Id. Caxton, ne pouvant traduire le passage commun à A et R, l’omet entièrement. De cele clarté est la lumiere qui est près du saint ciel la sus, dont nous sommes si en sus mis[69].
Si trouverent tout vraiement que il devoit par ii fois fenir : A l’une foiz par le deluge d’yaue. Id. Caxton traduit R tel quel. Si trouverent..... ....fenir : A l’une foiz par feu ardant, a l’autre foiz par le deluge d’yaue[70].

Ces trois exemples, sans plus, peuvent donner une idée des cas où A, R et Caxton ont des traits communs. Une étude des deux derniers textes est encore plus intéressante à cet égard, car Caxton nous avertit dans sa préface qu’il va traduire le texte français littéralement[71], et il s’en tient à sa promesse.

On peut donc admettre nos preuves comme évidentes et dire sans hésitation 1° que Caxton a employé pour sa traduction le manuscrit R, 2° que R a été copié sur le manuscrit A.

B, C, N. — Il est impossible d’établir le rapport des manuscrits B, C, N soit entre eux, soit avec A et R : les variations du texte sont de trop peu d’importance.

Nous trouvons dans toutes ces copies quelques lacunes, des variantes orthographiques et d’autres erreurs ; mais de traits saillants il n’y en a point. Nous ne lisons pas dans l’Image, comme dans tant d’autres ouvrages, de ces passages, dus au simple caprice d’un copiste, qui forment école et sont absolument distincts du texte. Celui-ci est le même partout.

Bref, tout essai de classification, dans le cas des manuscrits A, B, C, N, ne produit qu’un résultat négatif.

A, R et N sont à peu près contemporains, à en juger par la langue et l’écriture. C est d’une date plus récente. Mais on ne saurait dire que l’un de ces manuscrits ait été copié sur l’autre : Ils contiennent tous des erreurs qui sont corrigées tantôt par A, tantôt par B, C ou N.

Les fautes de copiste rendent évident que nous ne sommes pas en possession du manuscrit original.

Notre essai de classification est, en somme, peu satisfaisant s’il s’agit de produire à tout prix un arbre généalogique. Celui que nous présentons réclame donc peu d’explications au-delà de celles que nous venons de donner.

A, B, C et N doivent être tenus séparés puisqu’ils ne sont pas copiés l’un sur l’autre.

L’étude de la langue montre plus de vieilles formes dans B qui, à ce point de vue, a droit à la première place, et des formes rajeunies dans C qu’il faut donc placer après les autres. Quant à A et N, ils paraissent être de la même époque.

Nous avons démontré plus haut que R a été copié sur A, et a, de plus, servi à Caxton pour sa traduction anglaise.

Voici donc le résultat de cette étude sous forme d’arbre généalogique :

Filiation des abrégés. — Les manuscrits S, G, T, les imprimés français (I) et la traduction hébraïque forment un groupe à part : la version abrégée de l’Image du Monde.

Ces ouvrages étant d’une importance moindre pour la reconstitution du texte correct, nous n’en faisons qu’une étude sommaire.

Des trois manuscrits, S est le plus ancien et le plus correct. Il a dû avoir comme original une des premières copies complètes de la rédaction en prose.

T, G et I diffèrent plus ou moins les uns des autres ; mais ils ont en commun plusieurs traits qui les distinguent de S : certains passages sont plus complets dans T, G et I que dans ce dernier, ainsi le chapitre sur les sept arts. Ce chapitre seul qui occupe plusieurs pages dans T, G, I, est réduit à environ une page dans S. Les autres passages consistent en phrases séparées dont la liste complète occuperait beaucoup d’espace.

Le prologue de S est entièrement original ; les deux autres manuscrits et les imprimés donnent au contraire un abrégé du prologue de A, B, C et N.

L’article déjà cité de Neubauer[72] sur la traduction hébraïque nous permet de la placer dans la classe des manuscrits abrégés. Nous ne pouvons toutefois lui assigner une place dans l’arbre généalogique, car il nous est impossible de vérifier si cette traduction se rapproche davantage du manuscrit S ou du groupe T, G, I.

La généalogie des abrégés se présente comme suit :

Le manuscrit A comme base du texte. — Il y a lieu d’expliquer maintenant le choix du manuscrit A de préférence aux autres comme base du texte. Dans ce but nous procédons par élimination.

B. — B, comme nous l’avons déjà fait remarquer, offre en général des formes linguistiques un peu plus anciennes que les autres manuscrits, et première vue nous aurions dû le choisir.

Malheureusement cette copie a été mutilée et il y manque des pages entières correspondant à environ huit pages du manuscrit A[73]. Pour la même raison, plusieurs des figures les plus importantes ont disparu[74].

Des lacunes pareilles n’auraient pas permis de présenter un texte vraiment suivi et uniforme.

B n’est d’ailleurs nullement supérieur à A sous d’autres rapports : les erreurs de copiste sont nombreuses ; elles ont été notées à mesure.

Mais certainement la raison principale pour écarter B a été le grand nombre de pages qui manquent.

D’autre part, toutes les variantes, orthographiques et autres, de ce manuscrit sont données dans les notes, et rendent la reconstitution parfaite de cette copie à la fois possible et facile.

C. — Le manuscrit C est complet ; mais il est beaucoup plus récent que A et la langue en est rajeunie. Il n’y aurait eu aucune raison pour le préférer, car le texte n’est pas supérieur à celui des autres manuscrits.

R. — R étant simplement une copie de A datant du XVe siècle, nous l’avons donc écarté d’emblée.

N. — Disons-le de prime abord : les droits du manuscrit N à servir de base à notre texte étaient égaux à ceux de A : égaux, mais non supérieurs.

Le texte est complet ; il ne manque pas une seule page. Mais, de même que dans A, il y a des fautes de copiste, des mots omis, des lacunes[75].

La langue n’a rien de particulier : ce sont les formes ordinaires du français littéraire à la fin du XIIIe et au commencement du XIVe siècles. Il en est de même dans A ; toutefois, dans ce dernier manuscrit, il y a de nombreuses formes anglo-normandes dues au copiste[76].

Bref le texte des deux copies, A et N est de valeur égale. Nous avons donc dû baser notre choix sur des raisons d’un autre ordre.

En premier lieu, N, tout complet qu’il est sous le rapport du texte, n’a pas le fini du manuscrit A : les initiales, les miniatures et les figures n’ont pas été insérées, les espaces où elles devraient se trouver étant laissés en blanc.

Sous ce rapport, au contraire, A est un des plus beaux et des plus parfaits ouvrages de la Bibliothèque Nationale.

Comme Gossouin nous renvoie souvent aux dessins qui accompagnent son texte, les figures sont absolument nécessaires, surtout pour la partie astronomique. Si nous avions choisi N, nous aurions dû y introduire les figures d’un autre manuscrit, sacrifiant ainsi à un choix purement arbitraire l’homogénéité du texte.

Il est à propos de faire remarquer ici que les manuscrits diffèrent plus ou moins quant aux dessins, et sont susceptibles de classification à ce point de vue. C’est même un travail que E.-D. Grand annonçait en 1893 l’intention de faire[77].

Ainsi on ne pourrait considérer un texte comme complet si les figures qui lui sont propres étaient omises, ou d’autres substituées.

Pourtant nous aurions certainement négligé ce point, si le texte de N avait été supérieur à celui de A ; mais la valeur égale des deux manuscrits sous ce rapport a décidé notre choix.

En second lieu, l’intérêt littéraire de A est certainement un argument en sa faveur. Comme nous l’avons dit plus haut, A est le manuscrit père de R, et ce dernier, à son tour, a été traduit par Caxton[78]. Il ne peut être qu’avantageux et intéressant de pouvoir comparer A et la traduction anglaise dans des éditions parallèles[79].

Nous donnons page 24 un extrait de A, B, C, N et B qui permettra de comparer ces cinq manuscrits et de réaliser jusqu’à quel point nos remarques précédentes sont justifiées.

Méthode de l’éditeur. — Le texte, tel que nous le présentons, est celui du manuscrit A. Toutefois la comparaison des différentes copies de l’Image du Monde a permis de corriger beaucoup de noms propres et certains chiffres.

Dans les cas où le sens d’une phrase était altéré soit par erreur, soit par ignorance de copiste, la leçon la plus correcte et la plus claire a toujours été préférée.

Tous les manuscrits en prose et plusieurs en vers ont été consultés et sont souvent cités ; mais toutes les variantes de B, sans exception, sont reproduites, et toutes celles de N et C lorsqu’il y a une lacune dans B.

A fo 23 B. s. R B N C
Et li clers doivent ensaingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leurs euvres, si que nus ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres li sage philosophe au monde, comme cil qui bien sorent que nul ne pourroit metre son courage a ce qu’il peüst estre bien sages a droit en .ii. aferes ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terre peüsent estre bien senés a nul jour de leur vies par .i. seul home ne aprises, ne retenues. Et les clers doivent enseignier ces deux manieres de gens et les doivent adrechier de leurs œuvres, si que nul ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent jadiz les sages philozophes trois manieres de gens au monde, comme ceulx qui bien sceurent que nul ne porroit mettre son coraige ad ce qu’il peüst estre bien sage a droit en deux manieres ne en trois. Car il n’ advint oncques jour du monde que clergie.... chevalerie et laboureurs de terre peüssent estre bien senez a nul jour de leurs vies par ung seul homme, ne aprises, ne retenues. Et li clerc si doivent ensaignier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leur œvres, si que nus ne face chose dont il perdent Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres li sages philosophes au monde, comme cil qui bien sorent que nus n’i porroit meitre son courage a ce qu’il peüst estre bien.... a droit en .ii. afaires ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terres peüssent estre bien seües a nul jour de leur vies par .i. seul homme, ne aprises, ne retenues. Et les clers si doivent ensaingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leur ouevres, si que nus ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres les sages philosophes au monde, comme cil qui bien sorent que nul ne pourroit metre son courage a ce qu’il peüst estre bien.... a droit en .ii. aferes ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureus de terre peüsent estre bien senés a nul jour de leur vies par .i. seul home, ne aprises, ne retenues. Et lez clers doivent enseingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier a leurs euvres, si que nus ne face chose dont ilz perdent Dieu ne Sa grace. Ainsi pouserent trois manieres de genz ça en arriere li sages philozophes au monde, comme cilz qui bien sceurent que nulz ne pourroit metre.... couraige... ... ne estre bien sages a droit en .ii. affaires ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terre peüssent estre bien senés a nul jour de leur vie, par un seul home bien sceües, ne bien aprinses, ne retenues.

En regard du texte en prose sont indiqués les vers auxquels chaque chapitre correspond. Dans ce but nous nous sommes servi d’une excellente copie de la première rédaction[80].

L’orthographe du copiste de A, même dans ce qu’elle a de plus exceptionnel, est maintenue partout, mais à deux conditions : 1° que le mot où l’orthographe exceptionnelle se présente ne soit pas isolé dans le manuscrit, mais soit répété sous cette forme dans quelque autre partie[81].

Nous faisons une exception à cette règle dans le cas de mots isolés tels que vount[82], avouns[83], qui reproduisent une forme dialectale prononcée, et dont l’orthographe est si typique de l’anglo-normand qu’on ne saurait y voir une faute de copiste ;

2° Que cette orthographe soit confirmée par des exemples analogues tirés d’autres ouvrages ou cités par des savants qui fassent autorité.

Les formes grammaticales et la syntaxe du manuscrit A restent intactes. Les nombreuses irrégularités de déclinaison et d’accord sont une preuve additionnelle que A est l’ouvrage d’un copiste anglo-normand : c’est un lieu commun que, dès le XIIe siècle, ce dialecte précède tous les autres en négligeant la distinction des cas, et qu’au XIIIe siècle le système de déclinaison est en pleine décadence.

Nous corrigeons donc 1° les formes orthographiques isolées et que nous ne pouvons confirmer, 2° les omissions, 3° les répétitions et autres erreurs évidentes, 4° les phrases, les noms et les nombres quand la bonne leçon se trouve dans les autres manuscrits.

La langue. — Nous avons fait allusion plus haut à la morphologie et à la syntaxe de A ; l’étude des formes orthographiques vient confirmer notre opinion : le scribe de A se sert de l’orthographe anglo-normande. Il emploie à tous moments des formes distinctives qui ne se retrouvent pas dans les autres copies de l’Image, soit en prose soit en vers.

Mais à part ces traits particuliers, il y en a d’autres qui sont communs à tous les manuscrits : Dans sa dissertation sur les rimes dans l’Image du Monde[84], Haase a prouvé que le dialecte lorrain de Gossouin a laissé des traces nombreuses dans le poème.

La rédaction en prose, par sa nature elle-même, ne nous permet pas toujours de contrôler ses conclusions : le temps et les copistes ont oblitéré beaucoup de formes distinctives préservées par les nécessités de la rime dans la rédaction en vers. Pourtant le lorrain a laissé des traces partout, même dans A et dans les manuscrits dont les copistes emploient un dialecte différent.

Dans la table suivante, nous donnons :

1° les formes dialectales du nord-est ou lorraines qui se trouvent à la fois dans A et dans d’autres manuscrits.

2° Les formes particulières à A qui sont dues au copiste anglo-normand.

Il est fait une mention spéciale des cas où A et B offrent des formes lorraines ou autres qui coïncident. Les autres exemples sont relevés par Haase, Grand ou Fant[85] d’après la rédaction en vers, et se retrouvent dans A mais pas dans B, du moins aux passages cités.

Dans les notes du texte même nous donnons les cas parallèles d’autres ouvrages, ou les autorités qui les confirment.

Formes communes à A et à d’autres manuscrits.
Formes plus spécialement lorraines.

pais (= pas) fo 10 b.

ainz (= L. annos) fo 108 a.

ausin fo 10 b, 10 d.

praingne (de prendre) fo 8 b.A et B.

*weil (de voloir) fo 26 d[86].

*weille (de voloir) fo 7 d.

soufferrient fo 10 c.

Formes des dialectes orientaux.

pouist (de pooir) fo 32 b.A et B.

sainz (= L. sine) fo 20 d, passim.

Participe passé fém. -ie pour -iée : fréquent dans A et B, par exemple : prisie fo 122 a, maubaillie fo 26 b, essillie fo 26 b, etc.

*matire fo 26 d, passim.

*sicle fo 4 a.

*aparcevoir fo 36 b, passim.A et B.

*clargie fo 104 b.

*darreniers fo 21 d.A et B.

*paries fo 65 c.

*pardre fo 100 d, passim.

*darrieres fo 97 b.A et B.

*estoles fo 33 b.

sache fo 90 a (= L. siccam.).

*soustis fo 60 b.

*main fo 88 b (= maint).

*sain fo 26 c (= saint).

*son fos 82 d, 113 c (= L. sunt) ; etc.

remuet fo 89 b (Prés, ind., 3e pers. sing.).A et B.

Formes anglo-normandes[87] particulières au manuscrit A.

autri fo 7 d (= autrui).

sue fo 115 a (= L. suam).

turterelle fo 74 a.

corrumpt fo 105 c.

habunde fo 24 a, passim.

sunt fo 1 d, passim.

soumes fo 39 d, passim (= L. sumus).

soume fo 113 c (= L. summam).

poume fo 41 d, passim.

Roume fo 18 d, passim.

vount fo 5.

avouns fo 22 a.

fount fo 11 b.

yraingne fo 72 d (= L. araneam).

primere fo 50 a.

coucher fo 46 a, passim.

ensaingner fo 23 d.

legere fo 79 a.

menger fo 14 a.

priser fo 113 a.

cuider fo 119 d ; etc.

arreres fo 124 d.

eschinuiz fo 65 a.

wuit fos 131 b, 133 d.

Les sources. — Est-ce par hasard seulement que Gossouin a nommé son encyclopédie l’Image du Monde, ou n’avons-nous là vraiment qu’une traduction du latin, d’un Imago Mundi encore inconnu ?

L’auteur dit en termes précis : « Ce livre de clergie, que l’en apele l’ymage dou monde est translatez de latin en rommanz. »

Vincent de Beauvais mentionne, dans son Speculum Majus, qu’il a produit un autre ouvrage plus court, le Speculum vel Imago Mundi. Paulin Paris[88] relève ce passage et suggère que cet abrégé était l’original de l’Image du Monde.

Le titre est certainement un indice. Mais on peut en dire autant de l’Imago Mundi d’Honorius Augustodunensis.

Une étude du texte français tend plutôt à confirmer l’opinion de Fritsche[89] : Gossouin a eu recours à des sources variées, et entre autres à l’ouvrage d’Honorius ; chose d’autant plus probable que ce théologien avait autrefois dirigé l’école de la cathédrale à Metz, de 1120 à 1146[90] . Notre auteur aurait donc emprunté son titre à l’ouvrage qui lui aurait le plus servi.

Cette théorie semble du moins d’accord avec les faits. Une grande partie de l’Image du Monde est l’ouvrage de Gossouin lui-même. Il a fort habilement introduit dans la première partie ses opinions religieuses : c’étaient d’ailleurs celles de son temps. Ses connaissances des auteurs classiques sont solides. Il a lu certains ouvrages d’Aristote et de Platon, grâce, sans aucun doute, à des traductions latines.

Dans les deux dernières parties, il a fait de nombreux emprunts soit à des écrivains romains, soit à des écrivains du moyen âge. Souvent les traductions sont si littérales qu’on ne peut avoir aucun doute sur leur origine.

L’étude de V. Le Clerc et la dissertation de Fritsche sur les sources de l’Image du Monde servent naturellement de base à tout travail sur ce sujet, qui est toujours susceptible d’être étendu. Ainsi les deux ouvrages d’Alexandre Neckam, De Naturis Rerum et De Laudibus Divinæ Sapientiæ, ont été employés par Gossouin bien plus fréquemment que Fritsche ne semble s’en douter.

Dans les pages suivantes et aussi dans les notes du texte les différentes sources de l’encyclopédie sont indiquées. Nous les divisons toutefois en deux classes bien distinctes : en premier lieu les auteurs, tels que Jacques de Vitry, Honorius, Neckam, dont Gossouin a rendu des passages entiers mot à mot ; ensuite les auteurs dont les idées seules se retrouvent dans l’Image, sans qu’il soit question de traduction littérale.

À cette dernière catégorie appartiennent les auteurs grecs dont nous faisons mention. Il n’est pas probable que Gossouin ait su cette langue et se soit servi des originaux. Mais il avait sans doute à sa disposition les versions latines de certains ouvrages d’Aristote et de Platon certainement connus au moyen âge. Il mentionne lui-même Boèce et ses traductions du grec « que nous avons enquore en usage[91]. »

Toutefois, comme nous venons de le dire, les passages d’auteurs grecs qui se trouvent dans l’Image ne sont pas des citations ; l’auteur se contente d’emprunter des idées qu’il exprime à sa manière. Dans ces conditions le texte original a autant et même plus de valeur qu’une traduction latine soit de Boèce, soit de tout autre. C’est pourquoi nous donnons les passages parallèles en grec lorsqu’il s’agit d’un original grec.

Nous citons souvent Solin en même temps que Neckam ou Jacques de Vitry à propos d’un même passage. Lui aussi ne semble pas avoir été employé directement par Gossouin. Mais nous y voyons la source première des descriptions d’animaux et autres contenues dans les deux autres auteurs.

Neckam mentionne même Solin à plusieurs reprises. Le rapprochement ne peut donc manquer d’être intéressant. De plus, il permet d’élucider plusieurs points dont l’obscurité est due non pas à Gossouin, mais à sa source directe latine, c’est-à-dire, soit à Neckam soit à Jacques de Vitry.

Nous avons fréquemment fait des rapprochements entre le livre de Sydrach et l’Image ; et de fait des passages entiers se retrouvent presque mot à mot dans les deux ouvrages.

L’étude de Langlois jette de graves doutes sur la date du Sydrach[92]. Il semble même probable qu’au lieu de citer Sydrach comme une des sources de l’Image nous devions admettre le contraire : bref, le Sydrach n’a pas été employé par Gossouin ; au contraire l’auteur du Sydrach a fait de nombreux emprunts à l’Image.

Cet ouvrage[93] de science populaire, un des plus répandus au moyen âge, prétend à une origine plus ou moins fabuleuse. D’après une de ses légendes, le philosophe Todres envoya, de la cour de l’empereur Frédéric II, le texte latin au patriarche Albert d’Antioche. Ce Todros (Théodore) philosophus était, de fait, l’astrologue de l’empereur Frédéric ; il a traduit beaucoup d’ouvrages arabes pour son maître.

Albert est aussi un personnage historique : il était patriarche latin d’Antioche (1228-1246).

Le prologue est censé avoir été écrit à Tolède en 1243.

Langlois fait remarquer que nous ne possédons pas un seul manuscrit du Sydrach qui soit antérieur à la seconde moitié du XIIIe siècle. Aussi la soi-disant prédiction du siège et de la destruction d’Antioche[94] nous induit à croire, avec Langlois, que le Sydrach a été écrit après cet événement, c’est-à-dire après le 19 mai 1268.

Les preuves cependant ne sont pas absolues et, dans le doute, nous maintenons nos citations.

Si le futur éditeur du Sydrach en arrive à confirmer les conclusions de Langlois, il nous saura gré de lui avoir épargné en partie la tâche laborieuse de la recherche des sources.

Nous terminons ce chapitre en donnant la liste des sources citées dans notre texte. La liste des ouvrages et des éditions employées se trouvera dans la bibliographie.

Sources employées directement par Gossouin[95].

Adélard de Bath.
Boèce.
Gervaise de Tilbury.
Giraldus Gambrensis.
Honorius Augustodunensis.
Neckam.
Orose.

Philosophia Mundi.
Jacques de Vitry.

Sources indirectement employées par Gossouin au moyen de traductions, ou auteurs dont les idées seules paraissent avoir influencé l’auteur de l’Image.

Saint Augustin.
Aristote.
Bède.
Clément d’Alexandrie.
Saint Grégoire le Grand.
Suidas ou Hilduin.
Platon.
Pseudo-Callisthène.
Ptolémée.

Résumé des chapitres de la première partie et notes sur le texte.

Il est à propos maintenant de donner un court résumé de certains chapitres, accompagné de notes explicatives.

Dans le premier chapitre de la Cosmogonie, Gossouin décrit la puissance de Dieu.

Livre I. Ch. I. — Tout vient de Lui, tout y retourne. Il ne peut y avoir aucun mal en Lui, sinon Il serait mortel comme nous. Le bien monte vers Lui, le mal descend comme la lie dans le vin. Il est immuable et immobile ; pourtant tout mouvement provient de Lui. Le temps n’existe pas pour Lui, ni pour les élus. Avant même d’avoir créé le monde, Dieu savait tout ce qui allait s’y passer.

La théorie du Dieu immobile est surtout frappante ici. Le Demiourgos de Platon est une Divinité paresseuse qui crée et puis se repose, laissant à la nature le soin de se reproduire et de croître. Le Dieu d’ Aristote est bien supérieur : Il est immobile ; mais, comme dit Gossouin, tout mouvement dépend de Lui.

Cette même idée revient sous différentes formes dans plusieurs chapitres. Notre auteur est évidemment à la hauteur des idées théologiques de son temps. Il est influencé par les théories aristotéliciennes, déjà connues au commencement du XIIIe siècle, et qu’Albert le Grand et Thomas d’Aquin aidèrent beaucoup à répandre. La mention de l’abbaye de Saint-Arnoul de Metz dans la seconde rédaction en vers nous permet de supposer que Gossouin a eu au moins l’occasion d’entrer en rapports intellectuels avec les religieux de ce monastère. Cela expliquerait d’autant mieux ses opinions, car, nous le savons, ce sont les Bénédictins qui, au XIIIe siècle, ont surtout aidé à faire connaître Aristote.


Ch. II. — Dieu a créé le monde par charité pour que d’autres aient part à ses biens. Efforçons-nous donc de les mériter : Il nous en a donné le pouvoir.

Le passage suivant de saint Augustin offre une frappante ressemblance avec ce chapitre : « Sciendum est ergo rerum creatarum, cœlestium et terrestrium, visibilium et invisibilium, causam non esse nisi bonitatem Creatoris, qui est Deus unus et verus ; cujus tanta est bonitas, quod alios suæ beatitudinis qua æternaliter beatus est, velit esse participes[96]


Ch. III. — De même pour le chapitre 3, nous trouvons dans saint Augustin : « Non propterea est Dei imago in mente, quia sui meminit et diligit se, sed quia potest etiam meminisse, intelligere et amare Deum, a quo facta est[97]. »

Voici le résumé du texte de Gossouin : Dieu a fait l’homme à Son image et l’a fait maître de toute la création. Il lui adonné l’intelligence pour qu’il se souvienne de ses bienfaits et qu’il puisse prendre part à sa joie. L’homme qui fait le bien est supérieur même aux anges.


Ch. IV. — C’est encore un ouvrage de l’évêque d’Hippone qui a servi de base au chapitre sur le libre arbitre[98].

Dieu a donné à l’homme le pouvoir de faire le bien ou le mal. Si l’homme ne pouvait pécher, il n’aurait aucun mérite, car il ne devrait pas sa vertu à lui-même. Les anges qui ne peuvent pas pécher ne sont pas récompensés comme nous. Dieu a voulu que nous pussions mériter d’aussi grands biens que Lui-même : c’est pourquoi Il nous a donné la raison et le bon sens. L’homme qui s’imagine rendre un service à Dieu en ne péchant pas doit être fou, car, si le monde n’existait pas, Dieu n’en souffrirait nullement.


Ch. V. — Dans les anciens temps, les hommes voulaient trouver la raison des choses. Ils cherchaient à découvrir les secrets du firmament, et ils ne pensaient pas seulement à leur nourriture, comme de nos jours. Ils s’efforçaient d’apprendre les sciences qui devaient leur donner la connaissance de Dieu. Pour y parvenir, ils étudiaient Ses œuvres, « car à ses œuvres on connaît l’ouvrier ». Ils souffraient toutes les persécutions par amour de la vérité, comme les saints souffraient le martyre par amour de Jésus.

Par leur science certains philosophes purent annoncer la venue du Christ, entre autres Virgile.

Nous trouvons l’origine de cette prophétie au quatrième vers de la quatrième églogue :

Ultima Cumaei venit jam carminis aetas.

D’après la prédiction de la Sibylle de Cumes, la terre, ayant parcouru les quatre âges d’or, d’argent, de bronze et de fer, allait maintenant revenir à l’âge d’or. Saint Augustin cite les vers suivants[99] :

Te duce si qua manent sceleris vestigia nostri
Irrita perpetua solvent formidine terras.

Il ajoute : « Quod ex Cumæo, id est, ex Sibyllino carmine se fassus est transtulisse Virgilius ; quoniam fortassis etiam illa vates aliquid de unico Salvatore in spiritu audierat, quod necesse habuit confiteri[100]. »

Gossouin nous dit qu’en lisant les vers de Virgile, saint Paul s’écria ; « Ha ! quel je t’eüsse rendu a Dieu se tu eüsses vescu tant que je feusse a toi venuz. » Quitte à paraître un peu trop complet, nous ne pouvons négliger de citer ici les vers biens connus d’une hymne qui se chantait encore au XVe siècle à Mantoue pendant la messe de saint Paul :

Quem te, inquit, reddidissem,
Si te vivum invenissem,
Pœtarum maxime[101] !

Virgile semble avoir eu un attrait mystérieux pour le moyen âge. Nous le voyons paraître ici comme prophète. Au troisième livre de l’Image du Monde, Gossouin consacre un chapitre entier à Virgile le Magicien.

Notre auteur parle ensuite avec mépris de ces gens riches qui achètent des livres en quantité pour qu’on les croie savants, et il leur applique la fable d’Esope, le Coq et la Perle.

Puis il donne la liste des sept arts libéraux qui constituaient les sept parties de l’enseignement dans l’école d’Alexandrie : la grammaire, la logique et la rhétorique (le trivium), l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie (le quadrivium).


Ch. VI. — Les philosophes à Athènes divisaient les hommes en trois classes : les laboureurs qui doivent fournir ce dont les autres ont besoin ; les chevaliers qui doivent défendre les autres ; les clercs qui doivent les instruire.

Depuis Charlemagne, les rois de France ont toujours protégé les sciences, dont la fleur se trouve parmi les frères mineurs (les Franciscains) et les jacobins (les Dominicains) qui viennent d’arriver en France.

Ch. VII. — Le septième chapitre contient une description détaillée des sept arts, basée en grande partie sur Neckam. Gossouin explique pourquoi la médecine n’en fait pas partie : elle s’occupe du corps, et seules les sciences qui s’occupent de l’âme méritent le nom d’arts libéraux.


Ch. VIII. — Selon Legrand d’Aussy[102], qui a fait une courte analyse du texte de notre encyclopédie, l’auteur, dans le chapitre huit, attribue à la nature un pouvoir égal à celui de Dieu, et, comme d’autres critiques d’ailleurs, il s’étonne que l’Image du Monde n’ait pas été supprimée. Car, au moyen âge, une œuvre entachée d’hérésie n’aurait pu devenir si populaire sans attirer sur elle les foudres de l’Église.

Gossouin nous paraît être au contraire absolument conséquent. Il développe la théorie des rapports de Dieu et du monde mentionnée au premier chapitre. Il nous confirme dans l’opinion que nous avons ici un disciple d’Aristote et d’Albert le Grand. Ses idées sont celles de saint Thomas d’Aquin qui écrivait vingt ans plus tard et dont la Somme de Théologie est l’écho des opinions contemporaines.

Dieu créa premièrement la nature. Celle-ci meut les étoiles, les fait luire et fait naître et vivre ce qu’elle veut. Sans la nature rien ne peut naître, et, par elle, tout vit. Elle agit dans la main de Dieu comme la hache du charpentier : la hache ne fait que trancher, et celui qui la tient la guide où il veut.

Cette dernière phrase rend l’idée exacte de Gossouin ; sans elle l’accusation d’hérésie serait soutenable. Elle est d’autant plus intéressante que nous la retrouvons dans saint Thomas d’Aquin : « Deus movet non solum res ad operandum, quasi applicando formas et virtutes rerum ad operationem (sicut etiam artifex applicat securim ad scindendum, qui tamen interdum formam securi non tribuit) etc.[103]. »

Platon, selon notre auteur, dit que la nature est une puissance qui fait naître semblable par semblable. Le seul passage du philosophe grec que l’on puisse mentionner est un proverbe dans Gorgias, ὁμοῖος ὁμοίῳ. Boèce qui est peut-être la source immédiate, écrit, selon Albert le Grand[104] : « Natura est vis insita rebus ex similibus similia procreans[105]. »

Aristote définit la nature comme un principe qui donne aux choses le pouvoir de se mouvoir. Gossouin a pu trouver cette définition dans différents passages de la Physique et de la Métaphysique.

Physique[106]. — Tout ce qui provient de la Nature a en soi un principe de mouvement et de repos : τούτων μὲν γὰρ ἕκαστον ἐν ἑαυτῷ ἀρχὴν ἔχει κινήσεως καὶ στάσεως,…

Physique[107]. — La nature forme la base de toutes choses qui ont en elles un principe de mouvement et de changement : ἕνα μὲν οὖν τρόπον οὕτως ἡ φύσις λέγεται, ἡ πρώτη ἑκάστῳ ὑποκειμένη ὕλη τῶν ἐχόντων ἐν αὑτοῖς ἀρχὴν κινήσεως καὶ μεταβολῆς, ἄλλον δὲ τρόπον ἡ μορφὴ καὶ τὸ εἶδος τὸ κατὰ τὸν λόγον.

Métaphysique[108]. — La nature est un principe en soi : ainsi, l’homme engendre l’homme : ἢ γὰρ τέχνῃ ἢ φύσει γίγνεται ἢ τύχῃ ἢ τῷ αὐτομάτῳ. ἡ μὲν οὖν τέχνη ἀρχὴ ἐν ἄλλῳ, ἡ δὲ φύσις ἀρχὴ ἐν αὐτῶ, ἄνθρωπος γὰρ ἄνθρωπον γεννᾷ.


Ch. IX. — Le monde est rond comme une balle. Le ciel entoure à la fois le monde et l’éther, un air pur dont les anges prennent leur forme. Cet éther est si clair et si brillant que le pécheur n’en peut supporter l’éclat. C’est pourquoi l’homme tombe comme endormi à la vue d’un ange.

Bède le Vénérable et saint Grégoire le Grand fournissent les matières de la seconde partie de ce chapitre.


Bède : « Angeli corpora in quibus hominibus apparent, in superno ære sumunt, solidamque speciem ex cœlesti elemento inducunt, per quam humanis obtutibus manifestius demonstrentur[109]. »

Saint Grégoire le Grand : « Nisi enim Angeli quædam nobis interna nuntiantes ad tempus ex ære corpora sumerent, exterioribus profecto nostris obtutibus non apparerent ; nec cibos cum Abraham caperent, nisi propter nos solidum aliquid ex cœlesti elemento gestarent[110]. »


Ch. X. — L’éther environne les quatre éléments qui sont placés dans l’ordre suivant : la terre, l’eau, l’air, le feu. Gossouin compare cet ordre aux différentes parties d’un œuf : la coquille, le blanc, le jaune, la goutte de graisse.


Ch. XI — Au milieu du monde se trouve l’élément le plus pesant : la terre. L’homme peut en faire le tour, comme une mouche fait le tour d’une pomme. Si deux hommes se séparaient allant l’un à l’est, l’autre à l’ouest, ils se rencontreraient aux antipodes.

Au moyen d’une série d’exemples accompagnés de dessins explicatifs, Gossouin nous montre que des pierres jetées au centre de la terre ne sauraient aller plus loin, parce qu’elles seraient alors à égale distance du firmament. Si ces pierres étaient de poids différents, la plus lourde arriverait au centre avant les autres.

Fritsche[111] cite comme source Vincent de Beauvais[112] dont le chapitre intitulé Quorsum injectus lapis erit casurus, si perforatus sit ei terræ globus contient certainement l’idée exprimée par Gossouin. Vincent lui-même ajoute qu’il a tiré ces détails d’Adélard de Bath[113]. Beaucoup de traits provenant de ce dernier auteur se retrouvent dans l’Image du Monde, surtout dans la seconde partie ; aussi sommes-nous plutôt enclin à croire que Gossouin l’a employé directement sans avoir recours à Vincent.

Dans Alexandre Neckam il y a également un passage complet quant à la matière, et fort semblable à celui de notre encyclopédie : « Si terra in centro suo intelligatur esse perforata, ita quod magnus sit ibi hiatus, et descenderet maximum plumbi pondus sine omni obstaculo, quiesceret motus ejus in terræ centro[114]. »


Ch. XII. — Si nous pouvions nous élever à une hauteur suffisante, les montagnes et les vallées s’effaceraient et la forme ronde de la terre serait évidente. Les grands fleuves paraîtraient comme un cheveu sur le doigt d’un homme.

Fritsche[115] trouve cette comparaison ridicule. Selon lui, Gossouin a commis une grossière erreur en essayant de traduire le passage suivant de l’Imago Mundi[116] : « Si enim quis in ære positus eam [terram] desuper inspiceret, tota enormitas montium, et concavitas vallium minus in ea appareret, quam digitus alicujus, si pilam prœgrandem in manu teneret. » Le critique allemand conclut que l’auteur de l’Image du Monde a mal compris le sens de pilam, la balle, et a pris ce mot pour pilus, le cheveu. Mais l’erreur de Gossouin n’est pas du tout évidente : sa comparaison diffère totalement de celle du texte latin ; elle est même préférable. Loin d’être convaincu d’ignorance, notre auteur a montré de l’originalité.

La citation que nous donnons de l’Imago Mundi se retrouve dans Sénèque[117].


Ch. XIII. — La forme ronde est la plus favorable au mouvement. Or tout est mouvement en ce monde. C’est pourquoi Dieu a fait la terre ronde.


Ch. XIV. — Le dernier chapitre de la première partie est basé presque entièrement sur Neckam.

Le ciel est si loin de nous qu’une pierre mettrait cent ans à tomber de là jusqu’à la terre.

Neckam dit : « Tanta est firmamenti quantitas, ut ipsi totalis terra collata quasi punctum esse videatur[118] » Gossouin exprime la même idée en disant que, vue du ciel, la terre serait comme la plus petite des étoiles.

Le ciel tourne de l’est à l’ouest ; le soleil et les autres planètes tournent dans la direction opposée. On peut comparer ce mouvement à celui d’une mouche sur une roue, lorsque la mouche va dans un sens et la roue en sens contraire.

Nous lisons dans Neckam : « Simile autem inducere videntur in rnusca quæ a rota defertur, motu tamen suo contra rotæ impetum agitatur[119]. »

En résumé, une étude des sources indiquées dans les notes sur le texte montrera que, pour la première partie, Gossouin s’est surtout servi de Neckam, quelquefois d’Honorius. Mais, presque toujours, lorsque ce dernier peut être mentionné comme source, nous trouvons des passages semblables dans Neckam.

Sauf les passages, en somme bien peu nombreux, que nous avons mentionnés, la première partie est l’ouvrage de Gossouin lui-même.


Deuxième Partie. — On ne saurait en dire autant de la seconde : le sujet, d’ailleurs, ne s’y prêtait pas. Notre auteur a emprunté sa géographie à des ouvrages reconnus probablement comme faisant autorité.

C’est donc la science de l’époque, et non Gossouin lui-même, qu’il faut blâmer pour les descriptions d’hommes et d’animaux fabuleux qui, pour nous, ne forment pas les chapitres les moins intéressants de l’Image du Monde.


Ch. I. — La terre est divisée en quatre parties : l’orient, l’occident, le midi, le septentrion. La « ligne du midi » divise l’orient et l’occident. Au bout de cette ligne se trouve la ville d’Aaron qui est toute ronde et qui est au milieu du monde.

C’est là qu’en général nous voyons Jérusalem sur les cartes du moyen âge.

Aaron est sans doute la ville nommée Aren sur la carte de Pierre Alphonse[120], un Juif de Huesca, qui écrivait vers 1110. La forme Arim se trouve dans un manuscrit de l’Image du Monde[121], et rend cette supposition probable.

Cette cité, dit Miller[122], située au milieu de la terre, aux confins du monde habitable, est, d’après la légende arabe, le refuge des démons et le trône d’Iblys. Cet endroit, aussi nommé Aryn ou Arym, est déjà mentionné par les Arabes au IXe siècle. Sur une carte persane du XIIe siècle, il est indiqué comme étant au milieu de la terre. En occident on trouve souvent ce nom au XIIIe siècle. Roger Bacon en parle et dit que Syène se nomme maintenant Aryn.

La ligne qui s’étend à gauche de la ligne du midi s’appelle septentrion ; elle est ainsi nommée d’après les sept planètes.

Cette explication est tirée d’Isidore de Séville[123].

Le septentrion se termine à la montagne[124] qui guide les marins. Rien dans le contexte ne peut nous aider à découvrir de quelle montagne il s’agit. Peut-être est-ce une allusion à l’île de Thulé, où quelques-uns croient reconnaître l’Islande et ses volcans.

Gossouin donne ensuite le nom des trois continents, avec leur étymologie.

Afrique vient d’enfer, c’est-à-dire apportée. Même si nous admettons qu’il y a ici erreur de copiste, et qu’au lieu d’enfer il faut lire affer du latin affero, cette dérivation est originale. Aucune des sources ordinaires de l’Image du Monde ne la donne. Isidore[125], Honorius[126] et Vincent de Beauvais[127] disent que l’Afrique tire son nom d’un descendant d’Abraham nommé Afer. Vincent ajoute : « Africam autem nominatam quidam inde existimant, quasi Apricam, quod sit aperta cœlo vel soli sine horrore frigoris. »


Ch. II. — Le second chapitre se divise en huit parties, où Gossouin décrit l’Asie en détail.

La première région, c’est le Paradis terrestre dans lequel quatre fleuves ont leur source : le Phison, ou Gange ; le Gyon, ou Nil ; le Tigre et l’Euphrate.

La Genèse (II, 13) mentionne un fleuve Pison, mais rien ne nous prouve qu’il s’agisse du Gange. Flavius Josèphe dit que le Phison est nommé Gange par les Grecs. Ces deux noms sont aussi donnés par saint Ambroise[128] et par saint Augustin[129].

Ce Phison, dit Gossouin, sort du Mont Ortobares (l’Oscobares d’Orose[130], le premier qui fasse mention de cette montagne), traverse l’Inde et se jette dans la mer d’Occident.

Le Gyon ou Nil disparaît sous terre et ressort dans la longue mer qui entoure l’Éthiopie. Il se divise en sept branches, traverse l’Egypte, puis se jette dans la grant mer, le Mare Magnum d’Orose et d’Isidore, c’est-à-dire la Méditerranée.

L’Euphrate et le Tigre sortent du Mont Parthoacus[131] et se jettent dans la mer moyenne.

Après le Paradis vient l’Inde sur laquelle Gossouin donne beaucoup de détails. Nous relevons ici seulement les passages qu’il est à propos d’élucider.

Fo 51 C. — En Inde se trouve le mont Capien où Alexandre enferma une nation nommée Goz et Magoz. Ces gens dévorent la chair d’hommes et d’animaux toute crue.

Ce mythe vient d’Ezéchiel (c. 38, 39). En ossète Gog et Magog désignent deux massifs du Caucase. On appliqua ensuite ces deux mots aux populations scythiques de la mer Noire et de la mer Caspienne.

Sir John Maundeville, dont l’Image est une des sources principales, décrit cette nation qui, ajoute-t-il, appelle le mont Capien Uber[132]. Il s’agit là plutôt de la chaîne de l’Elbourz que du mont Elbrouz.

L’Inde est divisée en quatorze régions. Ce chiffre est évidemment une erreur : fo 60 A nous lisons « 33 régions », dans le manuscrit Arundel « 34 ». Orose, Gervaise de Tilbury et Honorius donnent « 44 »

Les monstres moitié bêtes, moitié hommes sont sans doute les Centaures d’Honorius[133], ou l’Hippocentaurus de saint Jérôme[134].

Fo 53 D. — Gossouin décrit une population composée d’hommes qui n’ont qu’un pied, si large qu’ils l’emploient pour se protéger du soleil. Ils se nomment « cyclopes ». Honorius[135] les appelle « Scinopodæ ». Ensuite nous lisons la description d’hommes qui ont un œil brillant au milieu du front. Honorius[136] mentionne seulement le nom de ce peuple sans autre détail : « cyclopes ». Il est facile de voir que dans l’Image il y a eu transposition :

Gossouin attribue le titre de « cyclopes » aux « Scinopodæ », et omet entièrement ce dernier nom.

Le long chapitre sur les animaux de l’Inde provient soit d’Honorius, soit de Jacques de Vitry ou de Neckam.

Fo 55 B. — Le musqualiet est petit comme une souris et a un petit museau. Il s’agit sans doute de la musaraigne, mentionnée par Isidore[137].

La légende des arbres qui parlèrent à Alexandre est une des plus répandues à propos du roi de Macédoine. Elle s’est formée, comme beaucoup d’autres, grâce à la lettre d’Alexandre à Aristote[138], dans l’Histoire d’Alexandre du pseudo-Callisthène .

Nous la retrouvons dans les œuvres de Ranulph Higden[139] et de Jacques de Vitry[140].

Dans la sixième partie du chapitre II, Gossouin décrit les différentes parties de l’Asie.

Fo 60 C. — Il mentionne Tarse, Sabba et l’Arabie, « d’où venaient les Rois Mages ». On donne généralement comme origine de l’histoire des Rois Mages le verset 10 du Psaume LXXII : « Les rois de Tarscis et des îles lui présenteront des dons ; les rois de Schéba et de Séba lui apporteront des présents. » Isidore[141] et Honorius[142] disent tous deux : « Arabia, quæ etiam Saba dicitur, a Saba filio Chus. » Gossouin aurait donc dû dire Schéba au lieu de Sabba, puisque ce dernier est seulement un autre nom pour l’Arabie.

Fo 60 D. — La description de la Phénicie et du phénix est traduite en entier de Neckam. C’est le seul ouvrage, parmi les sources généralement employées dans l’Image du Monde, où nous trouvions tous les détails.

Isidore[143] et Honorius[144] décrivent une race d’hommes à cheveux blancs en Albanie. D’après Gossouin, ce peuple habite l’Arménie.

Fo 63 C. — Vers l’orient se trouve une population sale et vile descendue des Juifs[145]. Le mariage est inconnu parmi ces gens, parce qu’ils n’osent se fier aux femmes.

Cette légende est traduite littéralement de Jacques de Vitry[146] : « dicuntur Essaei, de genere Judæorum descendentes. »


Ch. III. — Le troisième chapitre traite de l’Europe et de ses contrées.

Fo 67 C. — Les copistes des divers manuscrits ont fort maltraité les noms de pays mentionnés par l’auteur. Sous ce rapport, le manuscrit Harley 4333[147] du Musée Britannique est de beaucoup le plus correct. C’est grâce à lui que nous avons pu résoudre une énigme telle que Retecorinde, Retecorinde, Retecorindet, Rechecorinde, qui se trouve être un composé de deux noms : Rethe, Corinte, c’est-à-dire la Rhétie et la Carinthie.

La lettre x a aussi trompé plus d’un scribe : Saproine, Sarroine, Sapoine représentent Saxoine, la Saxe, et Naton ou Naaron l’île de Naxos.

D’après Gossouin, l’Europe s’étend jusqu’au Mont Geu (Mons Jovis), le Grand Saint Bernard. Cette information intéressante va nous aider à expliquer le chapitre suivant.

Fo 68 A. — L’Afrique, dit l’auteur, comprend la Lybie, la Syrie, la Palestine, la Grèce, la Lombardie, la Toscane, Alexandrie, la Gascogne, l’Espagne et d’autres contrées. À première vue cette liste semble ridicule : Fritsche[148], Fant[149], Langlois[150], et d’autres encore y voient une faute de copiste. Il paraît étrange pourtant qu’une erreur aussi étonnante se soit conservée dans tous les manuscrits de toutes les rédactions sans exception. Bien plus, le scribe de Royal 19 A IX[151] ne se contente pas de copier ce chapitre mot pour mot ; il y ajoute d’autres noms : Chypre, la Sicile, Naples, la Catalogne, la Galicie, la Navarre et le Portugal. Il nous semble donc nécessaire d’expliquer autrement que par une simple faute de copiste cette nomenclature étrange et qu’il faille en chercher la raison dans les connaissances géographiques même du moyen âge.

Quelques anciens faisaient de l’Afrique une simple province de l’Europe, comme le prouvent les citations suivantes :

Varron[152] (116-26 av. J.-C.) : « Ut omnis natura in cœlum et terram divisa est, sic cœlum in regiones, terra in Asiam et Europam. »

Salluste[153] (87-34 av. J.-C.) : « In divisione orbis terræ plerique partem tertiam Africam posuere : pauci tantummodo Asiam et Europam esse, sed Africam in Europa. »

Orose[154] (Ve siècle) : « ....quamvis aliqui duas (partes), hoc est Asiam, ac deinde Africam in Europam accipiendam putarint. »

Gervaise de Tilbury[155] (XIIIe siècle): « ....sed potius in Europa deputantes Africam, hoc est secundæ partis portionem appellare maluerunt. »

Ranulph Higden[156] (XIVe siècle) : « Idcirco qui res humanas evidentius agnoverunt duas tantum orbis partes accipiendas censuerunt, scilicet Asiam solummodo et Europam ; Africam vero censuerunt Europæ finibus deputandam... »

Ces extraits suffisent pour montrer qu’une opinion assez répandue a guidé Gossouin. D’une manière un peu arbitraire, il a fixé la limite, évidemment très vague, entre l’Europe et l’Afrique, attribuant à cette dernière le littoral entier de la Méditerranée. Ainsi la Carinthie, la Thessalie, l’Epire, « une partie de Constantinople », sont en Europe. Mais l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Palestine sont en Afrique.

Le fait que pas un seul des copistes n’ait songé à transférer cette énumération au chapitre sur l’Europe, que certains d’entre eux y ajoutent même d’autres noms, semble prouver qu’il s’agit là d’un fait admis à l’époque et d’un exemple curieux des connaissances géographiques au moyen âge. D’après cela, nous comprenons pourquoi notre auteur indique le Grand Saint Bernard comme limite sud de l’Europe.

Fo 68 D. — Le paragraphe suivant, sur Naxos, nous fournit un exemple remarquable de la négligence des scribes. Le nom paraît dans les manuscrits de l’Image du Monde sous les formes Naaron, Varon et Anon.

Dans la description de cette île, Gossouin commet une série d’erreurs. Pour lui, Naxos est le lieu natal de saint Denis qui fut décapité en France.

Dès le IXe siècle le premier évêque de Paris a été identifié avec Denis l’Aréopagite, légende qui doit son origine à Hilduin[157]. Une des plus sérieuses accusations contre Abailard a été son refus d’admettre cette identité.

Il est certain que saint Denis n’a pas vu le jour à Naxos ; quant à l’Aréopagite, son origine est prouvée : Suidas[158], son biographe, nous dit qu’il est né à Athènes.

Comment expliquer cette seconde erreur de Gossouin ? La réponse est fort simple. Les fertiles vignobles de Naxos l’avaient fait surnommer Dionysias (c’est-à-dire l’île de Dionysus, autrement dit Bacchus). C’est donc cette ressemblance fortuite qui a trompé notre auteur et l’a induit à faire de Naxos le lieu natal de saint Denis.

Fo 69 A. — Isidore[159] décrit les deux îles de Melos et de Paros ; il ajoute que, de cette dernière, on tire du marbre blanc. Gossouin a combiné les deux îles dans sa description de Melos.

Il mentionne ensuite la reine de Samos « qui prophétisa la venue du Christ ». Elle était une des plus fameuses sibylles et la sixième en rang.

Fo 69 B. — L’île de Bosus où les serpents ne peuvent vivre est sans doute l’"Εβυσσος mentionné par Ptolémée. C’est l’île d’Iviça, une des Baléares.

Colombine, la Columbina Terra ou Colubraria de Pline, peut être soit l’île de Formentera, soit le groupe des Columbretes sur la côte d’Espagne. La position de cette île sur les anciennes cartes ne permet guère de résoudre la question : la probabilité est en faveur de Formentera, quoique la forme même du mot « Columbretes » soit un argument en faveur de ce groupe peu important.

Fo 69 D. — L’île disparue de Platon dans la mer Bétique est naturellement l’Atlantide dont le philosophe grec parle dans le Critias[160] et dans le Timée[161].

Gossouin décrit en quelques mots l’île perdue de saint Brandan. Sur les cartes du moyen âge[162] elle est placée au sud de l’île Antilia, à l’ouest des îles du Cap Vert.[163]


Ch. VI. — Le chapitre six est presque entièrement consacré à l’Irlande. Les merveilles de ce pays ne le cédaient en rien à celles de l’Inde au moyen âge. Nous trouvons même dans Giraldus Cambrensis[164] des détails qui, dans l’Image du Monde, se trouvent dans le chapitre sur les Indes : ainsi la description des femmes à barbe de Limerick. Gossouin suit d’ailleurs de très près dans ce chapitre l’ouvrage de Giraud.

Fo 71 C. — L’île de Tylle, où il n’y a qu’un jour dans l’année et où les arbres sont toujours verts, représente deux îles dont parle Isidore[165] : Tylos, aux Indes, qui est toujours verte ; et Thyle ou Thulé près de l’Angleterre.

Fo 72 B. — D’après l’Image du Monde, il y a, en Bretagne, des gens qui ont une queue au bas du dos. Ce passage est pris de Jacques de Vitry[166] qui dit expressément in Majori Brittania, ne nous laissant ainsi aucun doute : il s’agit de l’Angleterre.

S. Baring-Gould a publié une étude sur le sujet[167]. Il ne cite pas de sources très anciennes, et le fait que la légende est déjà bien connue en 1246 nous permet de douter qu’elle ne date que de Thomas à Becket, comme Baring-Gould le suggère.

L’origine la plus probable se trouve dans Capgrave et dans Alexandre de Esseby, cités par John Bale, évêque d’Ossory, dans son ouvrage « Actes of English votaries » : Les habitants du pays de Dorchester, ayant attaché, par dérision, des queues de poisson aux vêtements de saint Augustin de Canterbury, celui-ci les maudit, eux et leurs descendants. Depuis lors les habitants de cette contrée eurent une queue au bas du dos.

Cette légende s’étendit peu à peu à l’Angleterre en général, et Bale, qui écrivait vers 1550, se plaint amèrement qu’il est impossible à un Anglais de voyager dans d’autres pays sans être appelé coué.

Fo 72 B. — Les femmes au pied du Mont Gieu qui ont des bosses sous le menton ne nous sont que trop connues. La réputation des goitreux du Valais était évidemment déjà établie au moyen âge.


Ch. VII. — Gossouin donne, dans le chapitre sept, une description des phénomènes les plus communs. C’est là que se trouve un passage des plus importants pour l’attribution de l’auteur de la rédaction en prose[168].


Ch. XIII. — Un chapitre qu’il est à propos d’élucider nous décrit comment l’eau de mer devient salée : Dans certaines parties du monde il fait si chaud que la terre au fond de la mer transpire ; le soleil attire cette transpiration qui est très salée et qui se mêle peu à peu avec l’eau douce. De ce mélange provient l’eau de mer.

Cette explication se retrouve dans plusieurs auteurs[169], et presque mot pour mot dans le livre de Sydrach, de même que la matière du chapitre suivant, sur l’air et sa nature.


Ch. XIV. Fo 84 C. — La vie de l’homme dépend de l’air humide qu’il respire. Notre auteur prouve la densité de ce fluide au moyen d’une verge qui plie si on l’agite rapidement.

Cet exemple ne paraît se trouver dans aucun écrivain antérieur à Gossouin.

Les esprits malins qui prennent leur forme de l’air humide sont décrits par saint Augustin[170] : Dæmones æria sunt animalia, quoniam corporum æriorum natura vigent.


Ch. XV. Fo 88 D. — Le De Laudibus de Neckam a suggéré à Gossouin beaucoup de passages de sa seconde partie. C’est là seulement[171] que nous trouvons la description originale de la cause du tonnerre[172] : Lorsqu’on plonge un fer rouge dans l’eau froide, il s’ensuit une explosion ; de même, un éclat de tonnerre se produit lorsque la foudre traverse un nuage épais.

La fin du chapitre quinze correspond au passage suivant d’Adelard :

(o. c. quaest. 68 : Quare nec simul nec semper cum videmus ignem talem audimus fragorem)... ut si quis ab altissima montis specula in una valle percussorem notet prius auctum rei visum quam auditum arguet.


Ch. XVII (b). — C’est aussi dans Neckam que Gossouin a puisé sa description du dragon : une vapeur sèche qui prend feu, tombe sur la terre et disparaît. Dans le De Laudibus[173] on lit : Impetus in longum nubem producit, et illam Serpentis formam visus habere putant.


Ch. XVIII. Fo 91 D. — La distance de la terre à la lune, selon A et d’autres manuscrits, est de quinze fois la circonférence de la terre.

Les chiffres varient beaucoup : les manuscrits S, Harley 4333 et Additional 10 015 donnent tous 12 au lieu de 15. D’après Fo 127 B du manuscrit A, la distance de la terre à la lune est égale à 24 1112 fois le diamètre de la terre (le diamètre = 6500 milles) = 161 958 13 milles.

La circonférence de la terre, d’après Fo 127 B = 20 428 milles. Ainsi la distance ne serait que de 8 fois la circonférence de la terre, résultat ridicule et pas du tout d’accord avec les autres calculs de l’auteur[174]. De plus 8 ne se trouve dans aucun des manuscrits. D’après le manuscrit de Turin[175], la distance de la terre à la lune

= 34 1112 fois le diamètre de la terre ;
= 226 958 13 milles ;
= presque 12 fois la circonférence de la terre.

Nous avons donc ici un nombre mentionné par plusieurs manuscrits. Mais, pour y arriver, nous avons dû admettre la leçon du manuscrit de Turin : 34 1112, au lieu de 24 1112. Celle-là est heureusement confirmée, d’abord par les calculs du chapitre XVI de la troisième partie où, si nous prenons comme base 34 1112 les résultats obtenus sont toujours corrects et se confirment les uns aux autres, et ensuite par la mesure du vers, correcte dans le manuscrit de Turin, mais fautive dans d’autres copies de la première rédaction, comme nous le montrons plus loin[176].

Quant au chiffre 15, aucun des calculs précédents ne le produit comme résultat. Nous y voyons une simple faute de copiste.

Donc nous lisons ici 12 au lieu de 15.

Fo 92 C. — Un passage frappant semble confirmer ici l’emploi de Bède comme une des sources de l’Image du Monde. Nous donnons in extenso dans la note sur le texte même[177], cet extrait tiré des Elementorum Philosophiæ.

Fo 92 D. — Les taches de la lune sont simplement la réflexion de la terre. D’autres disent cependant que la lune a perdu sa splendeur première à cause de la chute d’Adam. Neckam écrit[178] : « Merito enim praevaricationis primorum parentum, omnium planetarum et stellarum fulgor dispendium claritatis sustinuit. Luna vero, quae citima terris est, et aspectibus humanis familiarius occurens, maculam in se retinuit. »


Ch. XIX (a). — Gossouin nous dit que le dimanche prend son nom du soleil, information qui lui vient de Neckam[179] ; « ...in die Dominica, quam Philosophi dicunt esse diem solis. »

Ch. XIX (b). — Le mouvement du firmament produit une douce harmonie. Les petits enfants peuvent entendre cette musique : voilà pourquoi ils sourient dans leur sommeil.

L’origine de cette jolie légende se trouve probablement dans ce passage de Bède[180] : « Si autem aliquis in altero mundo nasceretur (si possibile esset), ut sanctus Augustinus affirmat, ut in hunc mundum postea venisset, eam [181] sine ullo impedimento audiret, eique ultra vires placeret. »

L’étude de la seconde partie nous laisse peu de doutes sur les sources employées par Gossouin. Il prend son bien où il le trouve, sans altérer le sens de l’original. Sans même changer l’ordre des matières, il traduit parfois toute une série de chapitres d’un seul auteur. Même les fautes de traduction dont il se rend coupable ne peuvent que nous confirmer dans nos suppositions.

Nous donnons donc comme sources principales de la seconde partie : Honorius, Jacques de Vitry, Neckam, Gervaise de Tilbury.


Troisième partie. — Dans la troisième partie Gossouin s’occupe d’astronomie. Les connaissances en mathématiques dont il fait preuve sont loin d’être méprisables. Si le résultat de ses calculs varie, la faute en est aux copistes des manuscrits. Nous chercherons à lui rendre son dû sous ce rapport.

Notre auteur mentionne aussi certaines légendes qu’il est intéressant d’étudier.


Ch. V. Fo 103 D. — Selon lui, saint Denis, avant d’être converti par saint Paul en Grèce, observa l’éclipse de soleil qui eut lieu à la mort de Jésus-Christ. Il éleva un autel au dieu inconnu.

Tout ce que nous savons sur saint Denis nous vient de saint Grégoire de Tours. La légende qui identifie l’évêque de Paris avec l’Aéropagite ne s’est formée que plus tard. Nous en avons déjà parlé[182].

L’exclamation de l’Aéropagite, ἢ τὸ θείον πάσχει, ἢ τῷ πασχόντι συμπάσχει[183], dont Gossouin nous donne la version française, était adressée à son ami Apollophanes.


Ch. VI. — La plupart des idées contenues dans le chapitre six se retrouvent dans Neckam et surtout dans Adelard de Bath[184] ; mais notre auteur a employé ses sources d’une manière très libre et a beaucoup étendu la matière.


Ch. VIII. — Gossouin a fait plusieurs emprunts à l’Almageste de Ptolémée. Il s’agit naturellement de Claude Ptolémée, né, à ce qu’on croit, à Ptolemaïs dans la Thébaïde, qui enseignait à l’école d’Alexandrie au milieu du IIe siècle après Jésus-Christ. Son ouvrage a été traduit par Boèce. Mais le titre arabe dont se sert notre auteur, l’Almageste, tend plutôt à faire supposer que la traduction employée pour l’Image du Monde est celle faite par ordre de Frédéric II vers 1230[185].

Le roi Ptolémée de notre encyclopédie appartient à la dynastie des Lagides, dont aucun n’a laissé de traces comme astronome. L’erreur de Gossouin est probablement due à Isidore qui, selon Halma, donne le titre de roi à Claude Ptolémée.

Ce chapitre est occupé en grande partie par un sermon, qui est loin d’être sans mérite, sur l’emploi du temps, sur la ponctualité et la punition de ceux qui poursuivent la fortune et oublient le service de Dieu.


Ch. IX. — L’historien Flavius Josèphe[186] et Gervaise de Tilbury[187] mentionnent tous deux la légende suivante : Les philosophes, sachant que le monde devait périr deux fois, par l’eau et par le feu, élevèrent deux colonnes pour y inscrire les sept arts. L’une était de pierre pour résister à l’eau, l’autre de briques pour résister au feu.

D’après l’historien juif, les deux colonnes existaient encore de son temps en Syrie, et avaient été érigées par Seth.


Ch. X. Fo 116 B. — Josèphe attribue aussi à ce dernier la découverte de l’astronomie après le déluge, tandis que l’Image du Monde cite Abraham et Sem, fils de Noé, au lieu de Seth. La ressemblance des noms aura trompé Gossouin.

Fo 117 A. — Ce dernier affirme plus loin que Platon et Aristote croyaient à la Trinité. Quoiqu’il en dise, cette croyance n’a jamais été attribuée à Aristote au moyen âge. Clément d’Alexandrie[188] est le premier qui fasse mention de Platon à cet égard. Il donne comme preuve certaines lettres et plusieurs passages du Timée.


Ch. XI. — Au chapitre cinq de la première partie[189], Gossouin a décrit Virgile le prophète. Il va maintenant nous parler de Virgile le magicien.

Chacun sait que le poète latin doit cette étrange réputation à la huitième églogue et à un passage de l’Enéide[190]. Les prodiges attribués à Virgile sont répétés de tous côtés au moyen âge, mais aucune des sources mentionnées ne paraît être l’original dont Gossouin a fait usage.

Un des miracles cités dans l’Image du Monde ne se retrouve nulle part tel que notre auteur nous le décrit : celui des deux cierges et de la lampe qui brûlent sans cesse, enfouis dans la terre.

Il est certain qu’une partie de la légende, celle qui se rapporte à la lampe, était déjà connue au moyen âge bien avant Gossouin ; les exemples suivants le prouvent : Dans le Roman de Troie de Benoist de Sainte-More[191], nous lisons (v. 16 751 seq) :

Oiez que firent li trei sage ;
Desor, devant chascune ymage,
Firent lampes d’or alumer ;
Onques nus hom nes vit fumer.
Tex est li feus, ja n’esteindra
Ne a nul jor ne desceistra ;
Si est fez et de tel nature
Que toz jorz art et toz jorz dure.

Guillaume de Malmesbury[192], dont l’ouvrage a peut-être servi de source à Benoit[193], écrit :

Epitaphium hujusmodi repertum :

« Filius Evandri Pallas, quem lancea Turni »

« Militis occidit more suo, jacet hic. »

Quod non tunc crediderim factum, licet Carmentis, mater Evandri, Latinas litteras dicatur invenisse ; sed ab Ennio vel alio aliquo antiquo poeta compositum. Ardens lacerna ad caput inventa arte mechanica, ut nullius flatus violentia, nullius liquoris aspergine valeret exstingui.

Gossouin paraît être le premier auteur du moyen âge qui attribue ce miracle à Virgile. Du moins ni Fritsche[194], ni Comparetti[195], personne de fait, n’a trouvé jusqu’ici la source de la légende telle que notre auteur la rapporte, mais les passages cités ci-dessus sont, semble-t-il, un indice précieux.

Gossouin a parfaitement pu connaître soit le Roman de Troie, soit l’Enéas, ou la Chronique de Guillaume de Malmesbury.

Le rapport entre les idées est maintenant évident : Virgile, auteur de l’Enéide et magicien, devient aisément, dans l’esprit de Gossouin, l’inventeur de la lampe merveilleuse du tombeau de Pallas.

Les cierges sont un trait ajouté peut-être par notre auteur lui-même.

La source n’est donc pas certaine ; mais il est fort probable que le passage cité de Guillaume de Malmesbury est l’origine de la légende telle qu’elle se trouve dans l’Image du Monde.

Thomas Wright remarque, dans une note manuscrite[196], que l’histoire de la mouche d’airain, dont aucune mouche ne peut s’approcher sans périr, semble avoir existé en Orient. Dans les voyages d’Evliya Efendi (Oriental Translation Committee, p. 17), l’auteur, parlant de certaines colonnes à Constantinople, dit : « Sur une d’elles érigée par le Hakim Filikús (Philippe), seigneur du château de Kavaláh, se trouvait une mouche d’airain qui, par son bourdonnement incessant, chassait toutes les mouches d’Istámból. »

À Naples se trouve encore le Château de l’œuf. Il y a là peut-être une trace de cet autre miracle de Virgile : la ville bâtie sur un œuf.


Ch. XII. — Le chapitre suivant nous explique l’invention de l’argent. Gossouin donne d’abord l’étymologie du mot monnaie qui vient, selon lui, soit du verbe mener, parce qu’elle mène les gens qui voyagent, soit du grec μόνος, parce qu’il n’y avait autrefois qu’une seule espèce d’argent.

Le chapitre des dérivations n’est pas le moins curieux de l’Image du Monde : Septentrion[197], d’après Gossouin, prend son nom des Sept étoiles ; Afrique[198] vient d’enfer, et veut dire apportée ; Melos[199], ainsi nommée à cause du doux chant des oiseaux, vient de mélodie. La première île qui apparut après le déluge en reçut le nom et s’appela Delos[200].

La mention de parisis et de tournois semble montrer qu’à l’époque de Gossouin ces deux espèces de monnaie s’employaient encore indifféremment l’une pour l’autre.


Ch. XIII. — En décrivant la manière dont les philosophes voyageaient autrefois, l’auteur introduit saint Brandan qu’il a déjà mentionné au chapitre cinq de la seconde partie[201].


Ch. XV. — Ce chapitre et les suivants contiennent les calculs de l’auteur sur les dimensions de la terre.

Brunetto Latino semble avoir employé, dans son Tresor[202], les mesures de l’Image du Monde. Le manuscrit dont il s’est servi est certainement un des meilleurs ; comme nous le verrons, ses mesures s’accordent entre elles et peuvent donc nous aider à rétablir le texte.

Jusqu’à présent les méthodes employées dans ce but ont été : la mesure des vers, la rime et la comparaison des manuscrits.

Il est possible, dans certains cas, de vérifier les résultats par les calculs mêmes : c’est ce que nous allons essayer de faire.

La circonférence de la terre, selon Gossouin, est de 20 428 milles. Brunetto Latino[203] et les manuscrits R et Harley 4333 donnent 20 427 milles. Il n’y a aucun calcul dans le reste de l’ouvrage qui nous permette de contrôler la valeur de ces chiffres ; nous acceptons donc la leçon de la plupart des manuscrits : 20 428 milles.

Le mille a 100 pas ; le pas, 5 pieds ; le pied 14 pouces. Ici l’erreur est évidente, et nous mettons 12 pouces au lieu de 14.

Le diamètre de la terre est de 6500 milles. Brunetto Latino[204] donne la distance du firmament à la terre comme étant égale à « 10 066 fois le diamètre de la terre, c’est-à-dire 65 429 000 ».

65 429 000 divisé par 10 066 = 6500.

Ce nombre est, donc correct en tant qu’il prouve que Brunetto Latino n’a pas fait de faute de calcul ; mais nous tâcherons de démontrer plus loin[205] que le nombre 10 066 est erroné.


Ch. XVI. — Ptolémée[206] dit que la terre est 39 14 fois plus grande que la lune. Nous lisons dans Brunetto Latino[207] et dans la plupart des manuscrits « 39 fois et un peu plus ».

Au chapitre dix-huit de la seconde partie[208], nous avons donné nos raisons pour indiquer la distance de la terre à la lune comme étant égale à 12 fois la circonférence de la terre. De là nous avons déduit que cette distance était de 226 958 13 milles environ. Le diamètre de la terre étant de 6500 milles, nous devons en conclure que la lune est à une distance de la terre égale à 34 1112 fois le diamètre de la terre. Ceci justifie la leçon du manuscrit de Turin (34 1112), quoique les autres manuscrits et Brunetto Latino[209] donnent 24 1112. Ajoutons que ·XX· étant un monosyllabe et ·XXX· dissyllabe, la mesure du vers confirme le nombre trente[210].

Le soleil est 166 320 fois plus grand que la terre. Ptolémée[211] dit 170 fois ; mais il n’y a pas de raison pour refuser d’admettre les calculs de Gossouin. Celui-ci est d’ailleurs d’accord avec Neckam[212].

Selon l’Image du Monde et Brunetto Latino[213], la distance de la terre au soleil est de 585 fois le diamètre de la terre « comme l’a prouvé Ptolémée ». L’Almageste estime cette distance à 1210 fois le rayon de la circonférence de la terre.


Ch. XVII. — Une difficulté se présente au commencement même de ce chapitre. Selon Brunetto Latino[214] et le manuscrit de Turin, la distance de la terre au firmament est de 10 066 fois le diamètre de la terre ; selon les autres manuscrits, de 10 055 fois. Quelle leçon faut-il adopter[215] ?

Le premier exemple donné par Gossouin nous dit que, si un homme faisait 25 milles par jour, il atteindrait le firmament en 7157 12 ans.

Les calculs donnent le résultat suivant :

1) 10 055 × 6500 (diamètre de la terre) = 65 357 500 (distance de la terre au firmament).

1)65 357 500 : (25 × 365 14) = 7157 13.

2) 10 066 × 6500 (diamètre de la terre) = 65 429 000

2)65 429 000 : (25 × 365 14) = 7165 13.

Donc si nous prenons comme base de notre calcul 10 055, le résultat correspond au nombre d’années indiqué par les manuscrits.

Le second exemple est le suivant : Si Adam, depuis sa création, avait fait 25[216] milles par jour, il aurait encore à marcher 713 ans depuis le jour où le manuscrit original a été écrit, c’est-à-dire le six janvier 1245 (v. s.).

Si nous prenons pour base 10 055, la création de l’homme aurait eu lieu en 5199 12 av. J. C. : la date mentionnée par Orose[217]. Voici le calcul :

65 357 500[218] : 25[219] = 2 614 300

2 614 300 : 365 14 = 7157 12.

7157 12 — (1245 + 713) = 5199 12.

Avec la base 10 066, nous trouvons que la création d’Adam a dû avoir lieu en 5207 310 av. J. C. : nombre peu probable et pour lequel il n’y a aucune autorité.

Ici donc l’évidence est en faveur de 10 055.

Le dernier calcul est moins compliqué : Si une pierre tombait du firmament pendant 100 ans, elle devrait faire 53 12 milles par heure dans sa chute pour arriver jusqu’à la terre.

Le nombre 53 12 est évidemment corrompu ; il est facile de le prouver.

1) 6500 (diamètre de la terre) × 10 055 = 65 357 500 (distance de la terre au firmament).

1)65 357 500 : 876 600 (nombre d’heures en 100 ans) = 74 12 milles.

2) 6500 × 10 066 = 65 429 000.

2)65 429 000 : 876 600 = 74.

Nous devons choisir entre 74 et 74 12. Aucun manuscrit ne paraît offrir la leçon 74. La leçon 74 12 au contraire se trouve dans le manuscrit Sloan 2435 du Bntish Museum, et ce chiffre qui répond à nos calculs vient aussi confirmer la base 10 055.

Nous mettons donc 74 12 au lieu de 53 12.

Si nos conclusions à propos des chiffres sont admises, notre étude aurait un résultat pratique : celui d’aider à la reconstitution de la rédaction en vers.

La troisième partie semble être basée sur l’Almageste de Ptolémée. Mais nous pouvons aussi mentionner Honorius, la Philosophia Mundi et Neckam.

Nous avons donné une liste des sources principales de l’Image du Monde, mais cette liste est probablement loin d’être complète. Les lectures de notre auteur ont été aussi vastes que variées. Il en a fait bon usage. Pourtant il est resté original jusqu’à un certain point. Il sait développer la matière que lui fournissent ses sources. Les calculs sont absolument le résultat de ses propres efforts[220]. Même au point de vue littéraire il montre parfois un certain talent descriptif : ainsi son chapitre sur l’enfer.

Mais ses exemples surtout ont une valeur indiscutable. Gossouin est au fond un pédagogue ; son but est d’instruire ses lecteurs. Ce qui pourrait être obscur, il l’explique au moyen de comparaisons ou de dessins d’une véritable utilité. Il prouve la densité de l’air par une verge qui plie lorsqu’on l’agite[221] ; il démontre au moyen d’une chandelle allumée l’alternance du jour et de la nuit[222] ; il nous explique d’une manière originale pourquoi l’on voit l’éclair avant d’entendre le tonnerre[223]. Ses remarques sur la force centrifuge[224], sur le mercure et l’eau[225], montrent un esprit éclairé. Il emploie un exemple frappant pour faire comprendre à ses lecteurs la présence universelle de Dieu : la voix d’un homme que chacun dans une foule peut entendre en même temps sans pourtant la voir[226].

Ces passages ne sont pas tous originaux ; mais Gossouin a du moins le mérite d’avoir su choisir ce qu’il y avait de vraiment utile et instructif dans ses sources.

Enfin, disons-le à son honneur, il a su éviter le grand défaut des œuvres de vulgarisation au moyen âge : il ne moralise pas à tout propos.

Même encore maintenant nous pouvons lire avec intérêt la géographie et l’astronomie de l’Image du Monde.

Il est facile de comprendre pourquoi cet ouvrage a survécu pendant des siècles : il n’a vraiment perdu sa valeur scientifique qu’à l’aurore des temps modernes.


  1. Cf. p. 11.
  2. Contant d’Orville. Mélanges tirés d’une grande bibliothèque (Paris 1780), t. 4, p. 59.
  3. Neander : General History of Christian religion and Church (tr. J. Torrey. Bohn’s Library. 1851-58) t. 7, p. 449.
  4. Haase : Untersuchung über die Reime in der Image du Monde (Halle 1879).
  5. F° 82 c.
  6. F° 80 a.
  7. Fant : L’Image du Monde (Upsala 1886) p. 7.
  8. Ces vers se trouvent dans les manuscrits de la seconde rédaction.
  9. 1245 vieux style.
  10. La liste la plus complète des manuscrits de l’Image du Monde nous est donnée par Grand. Il mentionne 51 manuscrits de la première rédaction en vers*. À cette liste nous pouvons ajouter : Sainte Geneviève 2200 ; Modène no 32 (XII.C, 7)** ; British Museum, Sloan 2435. Le manuscrit Barrois 171 de Ashburnam Place a été acheté, à la vente de cette bibliothèque, par Quaritch de Londres (v. E.-D. Grand, dans École Nationale des Chartes. Positions de thèses par les élèves de 1885 p. 81-84 ; aussi E.-D. Grand. L’Image du Monde. Recherches sur le classement des manuscrits de la première rédaction, dans la Revue des langues romanes, 4e série, VII (1893-94), p. 1-58).

    * Le manuscrit Caius College, Cambridge, no 384, que Grand mentionne parmi les manuscrits de la première rédaction, fait vraiment partie de la seconde (v. P. Meyer, Les manuscrits français de Caius College, dans Romania XXXVI, p. 517).

    ** V. sur ce manuscrit : Camus, Notices et extraits des manuscrits français de Modène, dans la Revue des langues romanes t. XXXV (1891), p. 203-211.

  11. Fant, o. c. p. 5.
  12. Bibl. Nationale, manuscrit fonds fr. 2480 (v. Fant, o. c. p. 6).
  13. Bibl. Nat., manuscrits fonds fr. 14963 et 1553 (v. Fant, o. c. p. 6).
  14. Bibl. Nat., manuscrits fonds fr. 1669 et 1548 (v. Fant, o. c. p. 6).
  15. 1245 (v. s.).
  16. V. Bourgeat, Études sur Vincent de Beauvais (Paris 1856), p. 17.
  17. Manuscrit Harley 4333 du Musée britannique, fo 5 a.
  18. Chapitre 17 de la IIIe partie, fo 129 b.
  19. Cf. p. 53, s.
  20. 1247 vieux style.
  21. Grand mentionne seize manuscrits de la seconde rédaction (v. E.-D. Grand, dans École Nationale des Chartes. Positions de thèses par les élèves de 1885, p. 81-84 ; et dans École Nationale des Chartes. Positions de thèses par les élèves de 1886, p. 83-88). Le manuscrit Caius College 384 est de la seconde rédaction, et non pas de la première, comme le dit Grand. Il faut donc l’ajouter à cette liste-ci (v. p. 2, n. 8*). On connaît de plus : Stuttgart, poet. 16 (v., sur ce manuscrit, un article dans Serapeum [Leipzig, 1848] vol. IX p. 116), et Cheltenham, Phillipps 3655. P. Meyer a fait une étude spéciale de ce dernier manuscrit, de celui de la Bibliothèque Nationale, fr. 14961, contenant une interpolation provençale ; et enfin du manuscrit du Musée britannique Harley 4333. Quoique ce dernier se distingue sous certains rapports de tous les autres manuscrits, nous le joignons à la liste de la seconde rédaction dont il possède tous les traits distinctifs. Nous revenons plus loin (p. 5 n. 1) sur ce manuscrit important. (V. sur le manuscrit Phillipps : P. Meyer, dans Romania XV (1886) p. 236-357, 643 ; Romania XXI (1892) p. 299, 481-805 ; aussi dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibl. Nat. (1891) t. 34, p. 149-259. — E.-D. Grand dans la Revue des langues romanes (janvier-mars 1893) t. 37. V. sur le manuscrit fr. 14961 : P. Meyer, dans le Bulletin de la Société des anciens textes français (1909) p. 46-60. — V. sur le manuscrit Harley 4333 : P. Meyer, dans Romania XXI (1892) p. 481-505 ; Ch.-V. Langlois, La connaissance de la nature au moyen âge (Paris 1911) p. 59 s.
  22. Ce manuscrit a tous les traits caractéristiques de la seconde rédaction ; il ne s’en distingue que par son prologue et par quelques passages qui manquent. Mais l’ordre des chapitres est le même et l’ouvrage est divisé en deux parties seulement.

    Paul Meyer a étudié ce manuscrit (v. Romania XXI [1892] p. 481). Pour lui, Harley représente une étape intermédiaire entre la première et la seconde rédaction. Langlois (o. c. p. 63) y voit « une troisième rédaction postérieure aux deux autres, puisqu’elle les mentionne, mais dont il n’y a aucun moyen de déterminer la date. »

    L’opinion de P. Meyer sur ce point, comme sur celui de la date, nous semble avoir en sa faveur des arguments bien plus concluants que ceux de Langlois. Ce dernier fait observer qu’il y a plusieurs lacunes dans le manuscrit ; d’où il conclut que l’auteur a simplement supprimé quelques digressions, en vérité trop amples, de la seconde rédaction.

    Pourtant l’argument contraire semble être tout aussi plausible et bien plus d’accord avec les faits. Selon nous, la rédaction représentée par Harley est antérieure à la seconde rédaction. Par conséquent les passages qui manquent n’ont pas été omis : ils ne se trouvent pas dans le manuscrit de Londres, simplement parce que l’auteur n’avait pas à sa disposition certains matériaux qu’il ne s’est procurés que plus tard ; en voici la preuve : Dans la seconde rédaction, l’auteur fait deux fois allusion à un voyage entrepris par lui-même. Nous citons d’après Langlois (o. c. p. 56) :

    ... fors uns dont je trouvai la Vie
    En la cité d’Acre en Surye
    En un livre qui le devise
    Que je trovai en une eclise
    D’ancienne religion
    Qui apent a Monte Syon.
    Mere Eclise en Jerusalem.

    La « vie » dont il s’agit est la légende de Seth au Paradis terrestre qui occupe 314 vers.

    Dans un second passage, l’auteur décrit la Sicile et le Mont Gibel (l’Etna) ; il nous fait part de ses impressions lors de son ascension du volcan (Langlois, o. c. p. 57) :

    Je, qui cest livre fis ici,
    Celes .II. monteignes je vi
    Et montai en son la plus grans
    Pour veïr ce qu’ist de leans.
    La bouche vi de la fumée
    Qu’adès fume sanz reposée...

    Or, ce sont là précisément les deux passages qui manquent à Harley, de même qu’ils manquent à la première rédaction et à celle en prose.

    Cela nous semble être une preuve conclusive que l’opinion de P. Meyer est celle qu’il faut adopter, et que Harley représente en effet un état encore imparfait de la seconde rédaction, une édition antérieure aux voyages de l’auteur.

    Langlois nous dit qu’il trouve dans le manuscrit de Londres la mention de deux rédactions. Il cite à ce propos le passage suivant (Langlois, o. c. p. 60, 62, 63) :

    Fo 5 a :Mès ne sui pas si toz senez
    Ce ne fu .I. sols hom gentils,
    Fils de roi prodom et sutils,
    Freres au roi Loys de France
    Qui conquist lo fer et la lance
    La corone Deu et la Croix,
    C’est li contes Robers d’Artois.
    a celui lo dona premiers,
    Car il aprenoit volentiers.
    Et après fis lo secont mez
    A l’avesque Jake de Mez,
    Frere lo duc de Loheregne,
    Mon evesque et signor demeine.

    Nous avons déjà eu l’occasion, plus haut (p. 3), de mentionner Robert d’Artois. Quant au frère du duc de Lorraine, il a été évêque de Metz de 1239 à 1260.

    Selon Langlois, la dédicace au frère de saint Louis se rapporte à la première rédaction ; la dédicace à Jacques de Metz, à la seconde. Il n’y a rien là qui soit incompatible avec notre théorie des dates, car Robert dArtois vivait en 1246 ; ainsi la première rédaction aurait parfaitement bien pu lui être dédiée alors.

    Mais après tout pourquoi s’efforcer de trouver un sens caché dans les lignes de notre auteur lorsqu’une explication fort simple peut résoudre toutes les difficultés ? Nous savons qu’au moyen âge dédier successivement à plusieurs patrons le même ouvrage n’avait rien d’extraordinaire. Langlois lui-même (o. c. p. 60) en cite un exemple frappant : le cas de la double dédicace de Philippe de Thaon à deux reines d’Angleterre.

    L’Image du Monde nous offre donc un cas parallèle et, selon nous, l’auteur dédie à Robert d’Artois et à Jacques de Metz non pas deux rédactions successives, mais un seul et même ouvrage : la rédaction représentée par le manuscrit Harley 4333.

  23. À l’appui de sa théorie, Langlois cite P. Meyer qui, nous dit-il, qualifie la leçon 1245 d’isolée et sans valeur (o. c. p. 50).

    Ce sont en effet les propres termes de P. Meyer, tels qu’on peut les lire dans Romania, XXI (1892), p. 503. Mais dans cet article le savant critique traite du manuscrit Phillipps, de Cheltenham, manuscrit de la seconde rédaction à laquelle la date 1245 ne s’applique évidemment pas.

    P. Meyer n’avait aucune intention de généraliser puisqu’à la page 482 du même article il dit en tout autant de termes que la première rédaction date de 1246 n. s. (i. e. 1245 v. s. dans les manuscrits).

    La citation est donc plutôt un argument contre la théorie de Langlois.

  24. Langlois, o. c. p. 50, 51 n.
  25. Fant, o. c. p. 37.
  26. De même, avec une unanimité déconcertante, les scribes de la première rédaction prennent comme base de leurs calculs sur le voyage d’Adam de la terre au firmament (cf. p. 4) l’année 1245, les scribes de la seconde rédaction, 1247. Langlois (o.c. p. 110 n.) pense que, pour ce passage, les manuscrits adaptent simplement leurs calculs au changement fictif de date.

    Nous sommes prêt à croire que l’auteur lui-même a refait ce calcul à deux reprises ; mais il semble bien peu probable que de simples copistes aient fait de même dans le cas de chaque manuscrit.

  27. Neubauer, dans Romania V (1876) p. 129 s., 131 s. ; cf. p. 11.
  28. Jacques de Vitry, Historia Hierosolomitana (Douai 1597) ch. 93.
  29. Pour ce passage et le latin correspondant, voir f° 75 c note.
  30. Cf. p. 14 s.
  31. V. plus haut p. 2.
  32. L’information de Caxton est intéressante, car, par elle, nous pouvons juger combien de travail un homme était capable de faire en un temps donné au moyen âge.
  33. Manuscrit cité par Fant (o. c. p. 25).
  34. D’après Fant (o. c. p. 19).
  35. F° 14 a.
  36. Ces éditions ne sont pas datées, mais, d’après certains signes extérieurs et la comparaison avec d’autres imprimés de Caxton, on fixe généralement la date de la première édition à 1481, et de la seconde à 1490.

    Les exemplaires connus du Mirrour of the World (c’est ainsi que Caxton intitule sa traduction) sont assez nombreux. Seymour de Ricci, dans son ouvrage si complet sur les incunables de Caxton (A Census of Caxtons. Printed for the Bibliographical Society at the Oxford University Press. 1909), mentionne 33 exemplaires de la première édition, et 19 de la seconde.

    La Early English Text Society de Londres a sous presse une reproduction annotée de l’édition de 1481, contenant les gravures sur bois de Caxton en fac-simile.

    Cf. le chapitre sur la filiation des manuscrits, p. 18 s.

  37. E.-D. Grand (o. c. Positions de thèses 1885) mentionne un exemplaire à Paris (Bibl. Nat. impr. D. 3782. Rés.) et un à Oxford (Bodl. Douce. M. M. 483). Il faut ajouter à cette liste : British Museum 568. e. 16 (éd. de 1520), et 697. D. 22 (éd. de 1501).
  38. V. A. Neubauer, dans Romania t. V (an 1876) p. 129-139, et dans l’Histoire Littéraire, t. XXVII p. 500 s. ; cf. p. 8.
  39. E.-D. Grand mentionne un exemplaire de ce plagiat à Paris (Bibl. Nat. impr. Y. 6143. A. Rés.) (E.-D. Grand dans Pos. de thèses 1885).

    Le Mireour du Monde, imprimé à Lausanne en 1846, n’a aucun rapport ni avec le plagiat, ni avec aucune des rédactions de l’Image du Monde : c’est un ouvrage qui reproduit, d’après un manuscrit du XIVe siècle, de longs passages de la Somme le Roy.

  40. Brunet (Manuel du libraire 5e éd,. vol. III, p. 1118, 1751) donne 1542 comme date de l’impression. — V. aussi Catalogue de La Vallière t. I p. 62 et t. II p. 198-201.
  41. Bibl. Nat. fonds fr. 24428.
  42. Dom Calmet, Bibliothèque lorraine (Nancy 1751) p. 406.
  43. P. Meyer, dans Notices et Extraits des Manuscrits t. XXXIV (1891) p. 149-259. Id. dans Romania t. XXI (1892) p. 481-505, 299.
  44. V. Le Clerc, dans l’Histoire littéraire de la France t. XXIII, p. 327
  45. La seconde rédaction contient environ dix mille vers et est divisée en deux parties seulement.
  46. Cf. p. 3 n. 4.
  47. V. p. 9 s.
  48. Langlois, qui est en faveur de cette théorie d’identité, dit à ce propos : (o. c. p. 60) « Il semble donc que la balance doive pencher plutôt du côté de Gossuin, surtout si l’on considère qu’il devait être, pour ainsi dire, instinctif, pour un rubricateur placé en présence d’un manuscrit comme il y en a eu sans doute, où l’on lisait : Si le fist maistre G. de Mies, de résoudre arbitrairement l’abréviation G. par « Gautier », l’un des noms les plus répandus au moyen âge. »

    Remarquons en passant que la forme du nom choisie par Langlois (Gossuin) ne se présente nulle part.

  49. Cf. p. 12, s.
  50. O. c. p. 62.
  51. Il semble suffisamment prouvé que l’auteur de la première rédaction était messin (cf. p. 2). Ce fait est encore mieux confirmé dans la seconde rédaction (y compris la rédaction intermédiaire), car nous y lisons à propos de Charlemagne (v. Fant, o. c p. 9, 10) :

    Et sout assez d’astronomie.
    Si come l’en trouve en sa Vie
    Qu’a Mez en Loherraine gist
    Dont cil fu que cest livre fist.

  52. Cf. p. 3 et f° 25 d du texte.
  53. A Saint Ernol, une abeïe
    De moines noirs, qu’est establie
    Droit devant Mez en Loherraine
    Trovai ceste histoire anciene. (V. Fant, o. c. p. 7.)

  54. Fant, o. c. p. 38.
  55. V. p. 14 n. 4.
  56. Langlois, o. c. p. 61 n. 2.
  57. Pour les partisans de Gauthier comme auteur de la seconde rédaction la dédicace du manuscrit Harley (v. p. 5 n. 1) s’explique aisément : Ils ont le choix entre deux arguments également valables : 1° Gauthier a fort bien pu dédier son ouvrage (i. e. la rédaction intermédiaire qui, complétée plus tard, devient la seconde rédaction) à deux personnages différents ; ou, 2°, reprenant la théorie de Langlois et faisant de la rédaction intermédiaire une troisième rédaction postérieure aux deux autres, Gauthier aurait dédié la seconde rédaction à Robert d’Artois, et la troisième à Jacques de Metz.
  58. British Museum, Royal 19 a. ix.
  59. Ce titre est répété deux fois : à la première ligne de la table des matières ; puis à la fin de l’ouvrage.
  60. Guillaume Flote était chancelier de France en 1339.
  61. Comme nous le verrons plus tard (p. 19), ce détail est très important pour établir la filiation des manuscrits.
  62. V. L. Delisle et P. Meyer, l’Apocalypse en français, dans Bulletin de la Société des anciens textes français (Paris 1901) p. 111.
  63. Manuscrit R, fo 4 b : Ci fu grossé et de tous poins ordonné, comme dist est, en la ville de Bruges, l’an de l’Incarnation nostre seigneur Jhesu Crist mil quatre cens soixante et quatre par le commandement de Jehan le clerc, librarier et bourgeois d’icelle ville de Bruges.
  64. Caxton, The Mirrour of the world, f o 5 a : which was engrossed and in alle poyntes ordeyned by chapitres and figures in ffrenshe in the toun of Bruggis the yere of thyncarnacion of our Lord .M.CCCC.LXIIII in the moneth of Juyn...
  65. Cf. p. 16.
  66. Manuscrit R, fos 4 et 4 vo. Cette même information se retrouve à la fin, fo 151 : ... fut cestui volume compilé l’an de l’incarnation Nostre Seigneur Jhesu Crist .M.II.C. quarante et cincq a la requeste de mon seigneur Jehan, duc de Berry.
  67. Mirrour, fo 7 vo. : Which said book waz translated out of latyn in to ffrensshe by the ordynaunce of the noble duc Johan of Berry and Auuergne the yere of Our Lord .M.CC.xlv.
  68. Jean de Berry, fils du roi Jean le Bon, vécut de 1340 à 1416. Il prit une part active à la bataille de Poitiers, et fit un séjour en Angleterre comme otage pour son père.
  69. V. fo 39 b.
  70. V. fo 115 b.
  71. Mirrour, fo 5 : ...humbly requyryng alle them that shal fynde faulte, to correcte and amende where as they shal ony fynde, and of suche so founden that they repute not the blame on me but on my copie, whiche I am charged to folowe as nyghe as God wil gyue me grace.
  72. Cf. p. 11, n. 3.
  73. Les lacunes de B correspondent aux fos suivants dans
    A : 29 a à 30 a.
    40 c à 41 c.
    42 d à 43 c.
    45 d à 47 c.
    80 c à 81 c.
    93 d à 94 d.
    98 c à 99 c.

    Nous avons toujours noté dans le texte les mots mêmes où commence et où se termine la lacune.

  74. Cf. p. 23.
  75. V., par exemple, fos 30 b, 48 d, 49 a, etc., où les lacunes du manuscrit N sont notées.
  76. V., sur le dialecte du scribe de A, p. 25 s.
  77. E.-D. Grand, dans la Revue des langues romanes t. 37 (1893) pp. 1-58.
  78. Cf. p. 18 s.
  79. Cf. p. 11, n. 1.
  80. British Museum, Arundel 52. Il manque 79 vers à ce manuscrit ; mais, à part deux passages assez longs qui sont notés, le copiste a seulement omis quelques lignes de peu d’importance pour le sens des phrases.
  81. Cf. sont (= suum) fo 36 d ; cette forme se retrouve fos 74 a et 82 b, elle est, de plus, confirmée par des exemples et des parallèles dans d’autres auteurs ; par conséquent nous l’admettons.
  82. V. fo 5 b.
  83. V. fo 22 a.
  84. Haase, Untersuchung über die Reime in der Image du Monde (Halle, 1879.)
  85. Haase, E.-D. Grand et Fant, o. c. passim.
  86. Les formes qui se retrouvent en anglo-normand sont marquées d’un astérisque.
  87. Le dialecte anglo-normand a fait le sujet d’une étude spéciale par Stimming (Der Anglonormannische Bœve de Haumtone, vol. VII de la Bibliotheca Normannica. Halle, 1899). La liste des formes que nous donnons ici est basée sur cet ouvrage.
  88. Paulin Paris, Les manuscrits français de la bibliothèque du roi (Paris, 1842).
  89. Fritsche, Untersüchung über die Quellen der Image du Monde (Halle a/S., 1880).
  90. V. Histoire littéraire de la France t. IX, p. 42.
  91. V. fo 117 a et b. Le savant ouvrage de Sandys (History of classical scholarship. Cambridge 1906-08, 8°), contient des informations très détaillées sur les connaissances du grec au moyen âge. Il mentionne les traductions de Boèce (o. c. p. 253 s.) et cite un poème de cet auteur qui est entièrement inspiré par le Timée et le Gorgias de Platon (o. c. p. 256). Boèce cite aussi Homère.

    Les auteurs grecs que nous donnons parmi les sources sont les suivants :

    Aristote. — Physique : Boèce en donne de nombreuses citations dans ses ouvrages (Sandys, o. c. p. 256). Nous en avons vu nous-même une traduction latine dans un manuscrit du XIIIe siècle au British Museum.

    Métaphysique : Il s’en trouve une traduction latine au British Museum dans un manuscrit du XIIIe siècle.

    De Cœlo : « Aristotelis de Cœlo et Mundo libri 3 » (manuscrit latin du XIIIe siècle au British Museum).

    Platon. — Gorgias : Traductions dans Boèce (Sandys, o. c. p. 256).

    Timée : Traductions dans Boèce. Aussi nous avons vu au British Museum un manuscrit latin du Xe siècle : Chalcidii interpretatio latina Timœi Platonis.

    Pseudo-Callisthène. — On possède des traductions latines nombreuses de cet auteur dès le VIIe siècle (cf. Budge. Alexander the Great. Cambridge 1889. p. liv.). C’est dans l’ouvrage du Pseudo-Callisthène que se trouve la Lettre d’Alexandre à Aristote dont il y a plusieurs manuscrits latins au British Museum datant dès le XIIe siècle.

    Ptolémée. — Almageste : Cet ouvrage a été traduit de l’arabe en latin par ordre de Frédéric II en 1230 (v. Halma. Almageste. Paris, 1813, p. 39).

    Suidas. — Vita Dionysii, traduction latine par Robert de Lincoln (v. Fabricius. Bibliotheca Græca t. VI p. 402).

  92. V. Langlois, o. c. p. 195 s.
  93. V. Suchier und Birch-Hirschfeld : Geschichte der Französischen Literatur (Leipzig et Vienne, 1900) p. 223, 224.
  94. Langlois, o. c. p. 197.
  95. C’est à dessein que nous omettons Vincent de Beauvais. Dans le cours de tout l’ouvrage nous n’avons que cinq fois l’occasion de le citer, et chaque fois les sources ordinaires fournissent la même matière. Voir texte fos 42 a ; 42 b ; 49 c : 69 b ; 117 d ; 118 d.
  96. Saint Augustin, Liber de diligendo Deo (Migne, Patrologia, t. 40) ch. II.
  97. Saint Augustin, De Trinitate (Migne, Patrologia, t. XLII, col. 1048). lib. 14, ch. XII.
  98. Saint Augustin, De libero arbitrio (Migne, Patrologia, t. XXXII, col. 1221), II, ch. I.
  99. Eglogue IV, v. 13 et 14.
  100. Saint Augustin, Epistolarum classis IV, Epist. 258 (Migne, Patrologia, t. XXXIII, col. 1073).
  101. V. Bettinelli, Delle lettere e delle arti Mantovane (Mantoue, 1775) ; aussi Comparetti, Virgilio nel medio evo (Livorno, 1872) p. 72 s. Enfin cf. le vieux chant de Noël de l’Église qui commence par ce vers, Maro, Maro, vates gentilium, da Christo testimonium.
  102. Legrand d’Anssy, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Paris, an VII de la République) V, p. 243 s.
  103. Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica (Migne, Patrologia, Series secunda, t. I, col. 1313) Pars prima, quaest. 105, art. V. — Nous ne désirons nullement suggérer que Thomas d’Aquin ait, dans ce passage, copié Gossouin. C’est plutôt, selon nous, un exemple frappant qui était d’usage courant à l’époque.
  104. Albert le Grand, Summa Theologiae, Prima pars. VII. Quæst. 30, 6. (Opera Omnia, vol. 31, p. 307. Paris, 1895.)
  105. V. sur Boèce et ses connaissances du grec p. 29 n. 1.
  106. 2. 1. 192 b. 14 (ed. E. Teubner. Leipzig, 1879).
  107. 2. 1. 193 a. 28 (ed. E. Teubner. Leipzig, 1879).
  108. 11. 3. 1070 a. 6 (ed. E. Teubner. Leipzig, 1879).
  109. Bède, Quæstiones Variæ (Migne, Patrologia, t. 93, col. 463) Quæst. 9.
  110. Saint Grégoire le Grand, Moralia (Migne, Patrologia, t. 76, col. 450) liber 28, ch. 1.
  111. O. c. p. 20.
  112. Vincent de Beauvais, Speculum Naturale (Vincentius Bellovacensis, Bibliotheca Mundi 4 vol. Douai, 1624, vol. I, col. 374) VI. 7, cf. p. 30 n. 3.
  113. Adélard de Bath, Quæstiones Naturales (Louvain, 1480) Quæst. 49.
  114. Neckam, De Naturis Rerum (ed. T. Wright. Londres, 1863) l. I, ch. 16.
  115. O. c. p. 21.
  116. Honorius Augustodunensis, Imago Mundi (Migne, Patrologia t. 172) I, 5.
  117. Sénèque, Questions naturelles IV. 11.
  118. Neckam, o. c. I, 5.
  119. Neckam, o. c. I, 9.
  120. Manuscrit de la Bibl. Nationale, suppl. lat. 1218.
  121. Musée britannique, Arundel 52.
  122. Miller. Mappæmundi (Stuttgard, 1895) III, 127.
  123. Isidore de Séville, Etymologiæ (Migne, Patrologia, t. 81-84) XIII, 11. 11.
  124. Caxton, dans sa traduction (fo 35 a), remplace le mot montagne par étoile. C’est un des rares cas où il s’est permis d’altérer le texte français.
  125. Isidore, o. c. XIV, 5. 2.
  126. Honorius, o. c. I, 32.
  127. Vincent de Beauvais, Speculum Historiale (Bibliotheca Mundi, vol. IV, p. 28, Douai, 1624) I. 76.
  128. Saint Ambroise, De Paradiso (Migne, Patrologia t. 14, col. 280) III.
  129. Saint Augustin, De Genesi ad litteram (Migne, Patrologia, t. 34) VIII, 7.
  130. Orose, Historiarum libri septem (Migne, Patrologia, t. 31) I, 2 : « Mons Oscobares, ubi Ganges fluvius oritur. »
  131. Orose, o. c. I. 2 : « Parchoatras, mons Armeniæ. »
  132. Sir John Maundeville, Voyages and Travels (Londres, 1886) ch. 26.
  133. Honorius, o. c. I, 12.
  134. Saint Jérôme, Vie de saint Paul (Migne, Patrologia, t. 23, col. 22).
  135. Honorius, o. c. I, 12.
  136. Honorius, o. c. I, 12.
  137. Isidore, o. c. XII, 3. 4 : « musaraneus. »
  138. Cf. p. 29, n. 1.
  139. Ranulph Higden, Polychronicon (ed. Babington, Londres, 1865-86. 9 vol.) lib. I, ch. 11 [vol. 1 p. 84].
  140. Jacques de Vitry, Historia Hierosolomitana (Douai, 1597) ch. 85.
  141. Isidore, o. c. XIV, 3. 45.
  142. Honorius, o. c. I, 15.
  143. Isidore, o. c. XIV, 3. 34.
  144. Honorius, o. c. I, 19.
  145. Fritsche (o. c. p. 33) n’a pu expliquer ce passage, étant arrêté par le mot Juis (Juifs), qu’il lit Ivis ou Iris.
  146. Jacques de Vitry, o. c. ch. 82.
  147. Cf. p. 5 n. 1.
  148. Fritsche, o. c. p. 34.
  149. Fant, o. c. p. 14.
  150. Langlois, o. c. p. 89 n. 1.
  151. V. pour ce manuscrit p. 18 s.
  152. Varron, De lingua latina, 4.
  153. Salluste, Jugurtha, ch. 17.
  154. Orose, o. c. I, 2. (Migne, Patrologia t. 31, col. 673.)
  155. Gervaise de Tilbury, Otia Imperialia (ed. Leibnitz, Hanovre, 1707. 2 vol.) II, 11.
  156. Ranulph Higden, o. c. I, 7 (ed. Babington, vol. I, p. 50).
  157. Hilduin, Areopagitica (Migne. Patrologia, t. 106, col. 2009).
  158. Suidas (Migne, Patrologia. Series Græca, t. 117, col. 1251).
  159. Isidore, o. c. XIV. 6, 28, 29.
  160. Le Critias ne semble pas avoir été connu au moyen âge.
  161. V. sur le Timée p. 29 n. 1.
  162. V. Miller, o. c, passim.
  163. Dans la seconde rédaction en vers, le chapitre sur saint Brandan a été considérablement étendu et comprend 1740 vers, reproduits par Jubinal dans sa Légende de saint Brandaine (Paris, 1836, p. 105 s.) d’après le manuscrit Bibl. Nat. fonds fr. 1444. — V. aussi p. 51.
  164. Giraldus Cambrensis, Topographia Hibernica (ed. Dimock, vol. 5. Londres, 1861-91, Opera 8 vol.) II ch. 20, p. 107.
  165. Isidore, o. c. XIV, ch. 6, 4 et 13.
  166. Jacques de Vitry, o. c. ch. 92.
  167. S. Baring-Gould, Curious myths of the Middle-Ages (Londres, 1884) p. 145 s.
  168. V. p. 8 et 9 de l’introduction et fo 75 c n. du texte.
  169. V. fo 83 d s. n.
  170. Saint Augustin, De Genesi ad litteram (Migne, Patrologia, t. 34) lib. III. ch. X, 14.
  171. Neckam, De Laudibus Divinæ Sapientiæ (ed. T. Wright, Londres, 1863, p. 357 s.) III 97-118.
  172. Adélard de Bath attribue les éclairs et le tonnerre à la collision des nuages : il ne saurait donc être cité comme source (o. c. quæst. 64, 65).
  173. Neckam, De Laudibus I. 319 s.
  174. Cf. fo 127 b.
  175. Turin, Biblioteca nazionale : L. IV. 5 (manuscrit de la première rédaction en vers.)
  176. V. p. 52 et p. 52 n. 6.
  177. V. fo 92 c n.
  178. Neckam, De Naturis Rerum I. 14.
  179. Neckam, De Naturis Rerum I. 10.
  180. Bède, Musica Theorica (Migne, Patrologia, t. 90, col. 911).
  181. i. e. musicam.
  182. V. p. 43.
  183. V. Actes des Apôtres XVII, 23-34. — Suidas, dans Migne, Patrologia, Series Græca, t. 117. col. 1251. — De Launoy, Duo Dionysii (Paris, 1660).
  184. Adelard de Bath, o. c. Quæst. 74 : Utrum animatæ sint stellæ.
  185. V. Halma, Almageste (Paris, 1813) p. 61.
  186. Flavius Josèphe, Ἰουδαϊκὴ ἀρχαιολογία (Oxford, 1700) I, 2.
  187. Gervaise de Tilbury, o. c. (vol. I p. 899) I, 20.
  188. Clément d’Alexandrie, Stromata (Migne, Patrologia, Series Græca, t. 8, col. 155, 158) V, ch. 14.
  189. V. p. 32, 33.
  190. Enéide VI, 263 s.
  191. A. Joly : Benoit de Sainte-More et le Roman de Troie. Paris 1870-71. 2 vol. 4°. Vol. I p. 231 sq.
  192. W. Stubbs : Willelmi Malmesbiriensis monachi De Gestis Regum Anglorum (Londres, 1887, 2 vol. 8°.) Vol. I p. 259. « De corpore Pallantis filii Evandri. »
  193. V. A. Joly, o. c, passim. Selon Jacques Salverda de Grave (Enéas. Bibliotheca Normanica. Vol. IV. Halle, 1894, 8°, v. 6510 sq.), c’est l’Enéas qui a servi d’exemple à Benoit. Petit de Julleville (Histoire de la Littérature française, Paris, 1896, vol. I p. 220) voit au contraire dans l’Enéas un ouvrage postérieur au « Roman de Troie ». Voici d’ailleurs le passage de l’Enéas tel qu’il se trouve dans l’édition critique de Jacques Salverda de Grave (v. 6510 sq.) :

    Une lanpe ot desor pendue ;
    d’or esteit tote la chaeine,
    la lanpe fu de basme pleine ;
    ce fu merveillose richece,
    de beston en esteit la mece,
    d’une piere que l’en alume,
    tel nature a et tel costume :
    ja puis esteinte ne sera,
    ne nule feiz ne desfera.
    Li reis fîst la lanpe alumer,
    n’onc puis n’i estut recovrer.

  194. O. c. p. 49 sq.
  195. O. c. passim.
  196. La bibliothèque du romanisches Seminar de l’Université de Halle possède une copie manuscrite de l’Image du Monde faite d’après le manuscrit du British Museum Additional 10015. Cette copie appartenait à T. Wright. Il s’y trouve plusieurs notes de la main même du savant auteur qui, nous le savons, avait l’intention de publier une édition de l’Image du Monde, ouvrage que la mort l’a malheureusement empêché de mener à bien. (V. à ce propos : T. Wright, Popular Treatises on Science written during the Middle Ages in Anglo-Saxon, Anglo-Norman, and English [Londres, 1841] p. 8 de l’Introduction.) Nous devons à l’amabilité de M. le professeur Suchier d’avoir pu consulter le manuscrit de T. Wright.
  197. V. fo 48 c.
  198. V. fo 49 c.
  199. V. fo 68 d.
  200. V. fo 68 d.
  201. V. p. 43 et p. 43 n. 1.
  202. Brunetto Latini, Li Livres dou Tresor (ed. Chabaille, Paris, 1863) Livre I, part. III, ch. 110.
  203. Brunetto Latini, o. c. I, III, 110.
  204. Brunetto Latini, o. c. I, III, 111.
  205. V. p. 53 s.
  206. Ptolémée, Almageste (ed. Halma, Paris. 1813) V. 16.
  207. Brunetto Latini, o. c. I. III, 116.
  208. V. p. 46.
  209. Brunetto Latini, o. e. I, III, 116.
  210. Cf. manuscrit Sloan, fo 128 a :

    Et de terre si loing ensus
    ·xxiiii· tans et demi.

    Si nous lisons ·xxxiiii· tans et demi, le vers aura le nombre de syllabes voulu, et la leçon du manuscrit de Turin se trouvera doublement justifiée.

  211. Ptolémée, o. c. V, 16.
  212. Neckam, De Naturis Rerum I, 8.
  213. Brunetto Latini, o. c. I, III, 116.
  214. Brunetto Latini, o. c. I, III, 111.
  215. Cf. p. 51, 52.
  216. Les manuscrits de la rédaction en prose disent 20 milles, au lieu de 25. Mais il n’y a pas de raison pour qu’Adam ne fasse que 20 milles lorsque, dans l’exemple précédent, Gossouin donne 25 milles comme étant la distance couverte par un homme ordinaire en une journée. De plus les manuscrits en vers donnent 25 milles. Enfin les calculs qui suivent confirment le nombre 25. Il ne s’agit, dans les manuscrits en prose, que d’une simple faute de copiste.
  217. Orose, o. c. I, 1 : Sunt autem ab Adam, primo homine, usque ad Ninum magnum (ut dicunt) regem, quando natus est Abraham, anni tria millia centum octoginta et quatuor... A Nino autem vel Abraham usque ad Cæsarem Augustum, id est, usque ad Nativitatem Christi... anni duo millia quindecim. — Cette date devait être généralement admise au moyen âge puisque Gossouin l’emploie comme base de ses calculs sans même la mentionner.
  218. V. ci-dessus, calcul n° 1.
  219. Le même calcul fait avec 20 comme base donne les résultats suivants, qu’aucun ouvrage du moyen âge ne semble justifier :

    (Base : 10055) la création d’Adam est placée entre 6990 et 6989 av. J.-C.

    (Base : 10066) création d’Adam entre 6999 et 7000 av. J.-C.

  220. Par exemple le calcul sur le temps qu’Adam aurait mis à venir de la terre au firmament, et qui introduit la date de la composition de l’Image du Monde (III, 17), est indubitablement dû à Gossouin lui-même.
  221. II ch. 14.
  222. III ch. 1.
  223. II ch. 15.
  224. I ch. 12.
  225. II ch. 7.
  226. III ch. 21.