Impressions de voyage et d’art - Souvenirs du Nivernais

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Impressions de voyage et d’art - Souvenirs du Nivernais
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 104 (p. 896-922).
IMPRESSIONS
DE VOYAGE ET D'ART

I.
SOUVENIRS DU NIVERNAIS


I. — COSNE. — SANCESSE. — LA CHARITE.

Cosne possède une très ancienne église romane dont le porche sculpté mérite quelques instans d’attention. Ces sculptures ne sont autres cependant que les signes du zodiaque, que l’on rencontre invariablement dans toutes les œuvres de l’architecture romane ; mais ici la disposition en a quelque chose de plus particulièrement chrétien qui attendrit de piété pendant quelques minutes la rêverie du promeneur. Ils sont symétriquement rangés en demi-cercle sur la courbe de l’arc roman, six d’un côté, six de l’autre, et viennent aboutir à la figure de Jésus, placée au sommet, comme deux fleuves qui se joignent à la mer au même point. Ce n’est autre chose, comme on le voit, que la vieille et grande pensée qui a fait et fera mélancoliquement rêver toutes les générations des hommes ; les jours se fondent dans les mois, les mois dans les années, et l’une après l’autre les années vont se perdre dans l’océan de l’éternité ; seulement ici l’éternité porte un nom et revêt une forme individuelle, le nom et la forme du rédempteur auquel les flots du temps aboutissent, non comme à un élément fatal, mais comme à un maître qui peut à son gré leur faire rebrousser chemin pour recommencer leur course ou les arrêter pour toujours.

C’est avec ce mince bagage d’impressions que j’allais quitter la petite ville de Cosne lorsqu’en me promenant, au moment de partir, à travers l’Hôtel du Grand Cerf, où j’étais logé, mes yeux rencontrèrent à l’improviste, sculptées et peintes au-dessus de la cheminée d’une petite salle, la triple tiare et les clés de saint Pierre. Assez étonné de rencontrer le blason de la papauté dans cette salle d’auberge, je m’informe auprès de mon hôtesse, qui m’apprend que, lors de son voyage pour le sacre de Napoléon, Pie VII a passé une nuit dans cette chambre, et que le lendemain la cheminée lui servit d’autel pour célébrer la messe à son réveil, en souvenir de quoi les armes de la papauté furent sculptées à cette place. « Vous possédez certainement ce qu’il y a de plus intéressant à Cosne, fis-je observer à mon hôtesse, et, comme ce souvenir ne se trouve mentionné dans aucun guide pour les touristes, je vous engage à réclamer, cela vous ferait une bonne annonce commerciale, et quantité de voyageurs qui s’arrêtent à Cosne descendraient chez vous sur la mention de ces armoiries. — Il n’est pas étonnant que le fait ne soit pas connu, me dit-elle, car cette sculpture a été recouverte pendant de très nombreuses années par une maçonnerie que le précédent propriétaire avait fait élever ; c’est nous qui, ayant eu besoin de remettre les lieux dans leur premier état, l’avons rendue au jour dans ces derniers temps sur l’avis d’une vieille bonne qui avait passé dans l’hôtel plus de soixante et dix ans. Vous ferez attention quand vous arriverez à cet endroit, avait-elle dit aux maçons en leur désignant la place de la cheminée ; il y avait là quelque chose, je ne sais pas ce que c’était, mais c’était bien joli. — Soixante et dix ans ! m’écriai-je, cette servante avait passé dans l’hôtel soixante et dix ans ! En ce cas, ce devait être une servante modèle. — Oh ! oui, me répondit l’hôtesse avec une expression sérieuse et une inflexion de voix légèrement respectueuse ; elle était entrée enfant au service de ceux qui fondèrent la maison, et c’est nous-mêmes qui l’avons enterrée il y a peu de temps. » Comme le triomphe des humbles est écrit à toutes les pages des livres où est renfermée la religion dont Pie VII fut le pontife, je puis avouer sans embarras que cette simple femme, type d’une domesticité disparue, triompha complètement dans mon esprit de tous les souvenirs de la papauté et de l’empire, et me parut pendant quelques minutes intéressante à l’égal de toutes les splendeurs de ce monde, seul succès de ce genre qu’elle ait probablement obtenu.

Après la légende auguste, le fabliau gausseur. L’hôtelier, qui assiste à cette conversation, prend à son tour la parole et complète les renseignemens précédens par une petite anecdote que nous rapporterons malgré son irrévérence, parce qu’elle montre très au vif la persistance de cet esprit gaulois que notre littérature a rendu si célèbre. « Ma femme ne vous raconte pas tout, me dit cet homme ; la chronique de Cosne rapporte qu’à l’époque où le pape passa dans notre ville il s’y trouvait une femme qui n’avait pas d’enfans et se désolait de ne pas en avoir. Rien n’y faisait, ni neuvaines, ni pèlerinages. Alors l’idée lui vint subitement que, si elle pouvait dormir dans le même lit où le pape avait couché, sa stérilité cesserait certainement. Elle guetta donc le moment où personne ne l’observait, se glissa dans la chambre que le pontife venait de quitter, et se coucha audacieusement dans le lit, où on la trouva quelques heures après, et d’où on eut beaucoup de peine à la déloger. Elle se plaignit même par la suite de cette expulsion comme d’un abus de la force, car, comme elle n’eut pas davantage d’enfant que par le passé, elle prétendit que cette persistance de stérilité venait de ce qu’elle n’avait pas dormi assez longtemps dans le lit du pontife, et elle ne pardonna jamais à ses compatriotes de l’en avoir fait sortir avant que l’influence miraculeuse eût eu le temps d’agir. » Eh mon Dieu ! cette anecdote irrévérencieuse, mais assez inoffensive au demeurant dans son irrévérence, ce n’est ni plus ni moins que la matière première d’un conte des Cent nouvelles nouvelles, d’un devis de Bonaventure Despériers, d’une gaudriole de Rabelais, ou d’un récit de La Fontaine, et probablement elle nous charmerait, si elle nous était racontée avec la vivacité de tour d’Antoine de Lasalle, la verve comique du curé de Meudon, ou la naïveté sournoise du grand fabuliste.

« Il n’y a pas que cette sculpture qui soit historique ici, cette fenêtre que vous voyez l’est aussi, reprit l’hôtesse en me montrant une des deux ouvertures qui perçaient le mur de la salle. En 1847, il y eut une élection à faire dans la Nièvre. L’opposition, qui se croyait sûre de la victoire, avait déjà préparé ses ovations ; mais il se trouva qu’elle avait vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué, car ce fut le candidat conservateur, M. Delangle, qui l’emporta à la majorité d’une seule voix. Furieux d’avoir manqué leur coup de si près, et plus furieux encore d’avoir apprêté à rire à leurs ennemis en chantant victoire au moment où ils allaient être battus, les opposans prirent prétexte de cette majorité d’une seule voix pour insulter au triomphe de leur adversaire, et le poursuivirent de huées et de clameurs. M. Delangle s’était réfugié dans cette salle ; mais un charivari formidable vint l’y chercher, et, comme ledit charivari était accompagné d’une grêle de pierres, le nouvel élu jugea prudent de s’esquiver par la fenêtre, afin d’éviter d’être enseveli dans son triomphe. Je ne tenais pas encore l’hôtel à cette époque, mais c’est M. Delangle lui-même qui m’a depuis lors raconté le fait en me désignant la fenêtre par laquelle il s’était échappé. » Là-dessus je prends congé de mes hôtes en les félicitant sur le caractère réellement historique de leur auberge, je les invite à prendre des mesures pour faire connaître les diverses particularités qui la recommandent à la curiosité des touristes, et je me mets en route pour Sancerre. Si nous n’avions su d’avance que le Nivernais est une province entièrement démocratisée, la couleur toute populaire de ces anecdotes aurait suffi pour nous le faire soupçonner.

Sancerre, située sur la rive ouest de la Loire, appartient au Berry tant par sa situation géographique que par son histoire ; mais, comme cette ville est la souveraine véritable de la verte plaine qui compose ce qu’on peut appeler le Nivernais gai par opposition au Nivernais sombre des forêts et des montagnes, nous n’aurons garde de ne pas traverser le fleuve. C’est le seul moyen d’ailleurs d’embrasser dans toute son étendue le superbe paysage de la vallée de la Loire, qu’elle domine comme une reine du haut de sa colline ardue. Je n’ai pas fait de voyage de trois quarts d’heure plus fécond en surprises charmantes. Tout au pied de la montagne, le petit village de Saint-Satur étage ses maisons avec une sorte d’humble timidité comme une vassale qui craindrait de relever trop haut la tête devant sa suzeraine. On dirait une sorte d’écoulement de la ville d’en haut, ou bien encore un des hameaux verdoyans de ce vaste vestibule circulaire où dans le purgatoire de Dante les âmes destinées au rachat stationnent avant de gravir la montagne de purification. Ce n’est pas une simple comparaison métaphorique, car au moyen âge les habitans de Sancerre, abusant des avantages que leur donnait la situation escarpée de leur ville, avaient pris les habitans de Saint-Satur pour souffre-douleurs, et avaient fait malicieusement un véritable purgatoire de ce gentil village. De temps à autre, les Sancerrois descendaient sur Saint-Satur, et livraient combat à ses indigènes jusqu’à ce qu’ils fussent parvenus à faire l’un d’entre eux prisonnier. Ce captif une fois fait, ils le mettaient en mue jusqu’à la fête de Pâques ; alors le prévôt de la ville, se présentant devant ses administrés à l’instar de Ponce-Pilate devant les juifs, leur demandait s’ils voulaient qu’on délivrât ce Barabbas, sur quoi tous s’écriaient généreusement d’une voix unanime : qu’il en soit ainsi. Le lendemain lundi de Pâques, nouvelle expédition, encore plus folâtre que les précédentes. Les jeunes gens de Sancerre descendaient sur Saint-Satur sous le commandement de leur roi des jeux, et faisaient une guerre sans trêve ni quartier à tous les chiens qu’ils rencontraient. Cette plaisanterie, qui était sans doute une parodie symbolique où les Sancerrois représentaient les chrétiens et les chiens les infidèles, n’était pas, comme on peut croire, du goût des habitans de Saint-Satur, qui vengeaient de leur mieux leurs chers animaux. Des rixes s’ensuivaient, et plus d’un Sancerrois s’en retournait le nez en sang ou la patte boiteuse se faire panser par le barbier de son quartier. Enfin un jour que cette brutale imbécillité avait eu sans doute des conséquences plus désastreuses que de coutume, le clergé s’en mêla, et, sur les représentations de l’abbé de Saint-Satur, le comte de Sancerre en prononça l’abolition dans les premières années du XIIIe siècle[1].

Peut-être la nature de la localité était-elle en partie coupable de ces excès d’espièglerie, car nulle n’est mieux faite pour pousser aux actes de turbulente bonne humeur. La campagne qui monte de Saint-Satur à Sancerre se compose d’une suite de monticules ou, pour mieux dire, d’ondulations dissimulées par les accidens de terrain et comme cachées en tapinois les unes derrière les autres, qui se découvrent et disparaissent successivement à mesure qu’on monte la colline. Les images aimables se pressent en foule dans l’esprit à la vue de ce spectacle mouvant d’une douceur non pareille. Tantôt on dirait une bande de jolis bambins qui jouent à colin-maillard, et tantôt un enfant sournois qui, s’avançant à pas silencieux derrière une sœur aînée, l’entoure de ses petits bras avec un naïf éclat de rire ; mais le plus souvent c’est une image moins chaste qu’évoque à l’esprit cette campagne en quelque sorte palpitante, grâce à l’illusion de ces exhaussemens et de ces abaissemens successifs, et il semble voir la déesse Nature elle-même, toute pareille à la Diane multimammia, symbole de sa fécondité, qui, saisie de volupté, étend ou reploie ses membres avec une langueur élégante, ou soulève avec un frémissement rhythmé par le plaisir tantôt l’une, tantôt l’autre de ses mille mamelles.

Bien que cette campagne ondulée ne soit séparée de celle du Nivernais que par l’étendue de la Loire, on s’aperçoit, rien qu’à sa mollesse et à sa douceur, que ce n’est déjà plus le même pays. Ici se découvre pour la première fois dans toute sa séduction légèrement énervante la bonne, calme et quelque peu sensuelle nature du Berry, qui, pareille à une femme dont les beautés principales seraient aux parties du corps que recouvre le vêtement, cache dans les coins secrets et les plis ignorés de son domaine tant de charmans détails et de délicieuses surprises. Pour retrouver la nature du Nivernais, il faut achever le voyage, et gravir jusqu’à la terrasse du château ou mieux encore monter jusqu’au faite de la fameuse tour. De l’un et l’autre de ces deux points, l’œil embrasse l’étendue entière de la vallée de la Loire entre les collines du Berry et les montagnes du Morvan. C’est un immense verger sans clôture, qu’on dirait transformé en parc du côté du Berry, laissé à l’état de libre prairie du côté du Nivernais, et dont les routes blanches bordées de peupliers semblent les allées sablées et les villages épars les fermes isolées. Aucun bruit ne monte de cette vaste plaine ; c’est le silence et le repos de la Loire, le moins loquace et le plus indolent des fleuves. Cette Loire aux calmes eaux est vraiment le plus parfait symbole d’indifférence que j’aie vu. Soit qu’elle traîne ses eaux paresseuses sur son lit de sables alternativement altérés ou noyés, soit qu’elle submerge ses rives, elle traverse la vallée comme étrangère au spectacle qu’elle baigne. Les îles qu’elle a créées de toutes parts comme en dormant, elle les inonde avec une sorte de songeuse apathie ; elle fertilise sans amour, elle détruit sans colère, c’est une mère qui met au jour et voue à la mort des enfans qu’elle ne connaît pas. Rien n’est mieux fait pour justifier la triste opinion des philosophes qui veulent que notre monde ne soit qu’une coordination d’élémens aveugles qui trouvent leur équilibre par la force fatale des choses. Ces rives qu’elle daigne à peine effleurer, et qu’en certains endroits elle ne visite même pas une fois peut-être par année, sont aussi charmantes que si elles étaient caressées avec tendresse ; pourtant il y règne une légère pointe de mélancolie comme si elles se sentaient orphelines, ou éprouvaient de cette indifférence un petit sentiment de souffrance. Le paysage du Nivernais, à la fois brillant et frêle, se distingue par un éclat de verdure d’une vivacité singulière, gai à l’excès, et cependant marqué d’une nuance de pâleur qui fait courir sur la riante vallée comme un zéphyr de tristesse, pâleur peut-être due en partie à l’abondance des peupliers, des saules et des autres arbres au feuillage tendre. On dirait un de ces aimables adolescens qui portent en eux le germe caché d’une maladie lointaine, ou mieux encore une de ces personnes dont la beauté, toute à l’épiderme, consiste dans l’éclat du teint et la finesse des tissus. C’est en effet à l’épiderme qu’est le charme de ce paysage ; ce qui en est beau, c’est la surface plutôt que la structure, et ce qui en séduit, c’est la couleur plutôt que la forme.

Sancerre est aujourd’hui une petite ville d’une couleur gris brunâtre assez désagréable à l’œil, — quelque chose comme la couleur qui résulterait d’un mélange de poussière et de brique pilée, — dont les constructions d’architecture maussade, surannée sans être ancienne, seraient peu faites pour parler à l’imagination, si la situation pittoresque que nous venons de décrire ne compensait amplement ce vulgaire aspect. Elle est du reste fort propre, car, étant bâtie en grande partie sur des pentes très inclinées, les pluies et les vents du ciel s’y acquittent évidemment des charges de l’édilité avec une exactitude et un zèle qu’on ne pourrait réclamer des conseils municipaux les mieux intentionnés. Cependant en dépit de ses lourdes bâtisses et de sa morne couleur, Sancerre reste essentiellement une ville du moyen âge par le dessin de ses rues. Elles ont peu changé, j’imagine, depuis les jours où le pays était gouverné par les comtes issus de cette grande maison de Champagne qui a poussé tant de branches princières et mêlé tant de fois son sang à celui de la maison de France[2]. Ce sont des ruelles plutôt que des rues, étroites, escarpées, tortueuses, et auprès desquelles nos vieilles rues du Foin et de la Reine-Blanche étaient de spacieuses allées. En parcourant quelques-unes d’entre elles, je me suis rappelé cet exploit acrobatique du maréchal de Boucicault, qui, lorsqu’il se trouvait dans une de ces impasses, montait jusqu’au faîte des maisons en appuyant ses genoux et ses coudes contre chacune des deux murailles ; s’il revenait au monde, il pourrait encore trouver à Sancerre un théâtre où renouveler son mémorable tour de force. Ces pauvres ruelles tortueuses ont vu plus d’héroïsme et de vertu morale que n’en ont vu et n’en verront probablement jamais bien des voies spacieuses et élégantes, car il n’y a pas de petite ville en France qui mérite mieux le respect dû à la constance dans le courage, la vertu difficile entre toutes. Cette bicoque de Sancerre a trouvé le moyen de soutenir un siège égal aux plus fameux, et un blocus auprès duquel la tenace défense de Gênes par Masséna est presque un jeu d’enfant. Citadelle des protestans pendant les guerres de religion, elle fut cernée au commencement de 1573 par le futur maréchal de La Châtre en même temps que La Rochelle et Harlem étaient assiégées, et pendant huit mois elle eut l’honneur, qui, heureusement pour elle, ne s’est plus renouvelé, de faire l’étonnement de l’Europe.

Rien n’est mieux fait pour enseigner ce que peut la volonté, je ne dirai pas d’une minorité résolue, mais seulement de quelques âmes. Au fond, cette résistance fut l’œuvre de deux hommes, du commandant militaire de la garnison protestante, Jouanneau, et du ministre Jean de Léry, et ces deux hommes à leur tour se réduisent à un seul, car Jouanneau, personnage obstiné, mais violent et imprudent, manquait essentiellement des qualités qui pouvaient imposer une longue énergie à la population. Cette résistance en effet fut moins encore, malgré le courage que montrèrent les Sancerrois, l’œuvre de la vaillance que celle de l’impitoyable discipline calviniste de cette époque, discipline dont le ministre Jean de Léry fut ici le représentant. Tant qu’il ne s’agit que de repousser les assauts de La Châtre et de protéger la ville contre la canonnade, la population sancerroise lutta avec un sombre entrain qui ne devait rien de sa farouche véhémence à la contrainte de l’autorité ; il n’en alla pas de même lorsque le siège eut été transformé en blocus. Aussi peut-on dire que pendant les quatre premiers mois le courage fut spontané, mais que pendant les quatre derniers l’énergie fut réellement imposée. On peut en juger par la série des mesures suivantes. Lorsque la famine devint trop pressante, on prit la résolution d’expulser de la ville tous ceux qui ne pouvaient participer à la défense, c’est-à-dire les vieillards et les pauvres. Un certain nombre de ces malheureux sortit donc de l’enceinte de Sancerre ; mais, La Châtre les ayant repoussés à son tour, leurs compatriotes refusèrent de les laisser rentrer, et ils furent libres de chercher leur vie parmi les herbes des fossés ou de se coucher à terre pour attendre l’heure où le bon vouloir de la nature débarrasserait leurs âmes de leurs corps, — fait de dureté impitoyable dont ma mémoire ne me rappelle pas d’autre exemple dans nos annales depuis le vieux siège du Château-Gaillard par Philippe-Auguste. Bientôt vinrent les murmures et même les commencemens de sédition ; on les apaisa en publiant que quiconque ne voudrait pas ou ne pourrait pas supporter la famine n’avait qu’à sortir de la ville, — ce qui était aller à une mort certaine pour la raison que nous avons dite, — sinon qu’on jetterait des remparts dans les fossés ceux qu’on entendrait se plaindre. Le peuple sentit qu’il fallait mourir en silence, et les murmures s’arrêtèrent. Il y eut non-seulement des commencemens de révolte, mais des commencemens d’anthropophagie : de malheureux vignerons se résolurent à manger le cadavre de leur fille, morte elle-même de faim ; les coupables furent découverts, appréhendés, jugés publiquement, et brûlés à la vue du peuple, à qui on fit ainsi comprendre qu’il ne suffisait pas de mourir en silence, mais qu’il fallait encore mourir moral en dépit de la nature. Enfin il vint un moment où l’on eut tout mangé jusqu’au dernier rat, jusqu’au dernier débris d’os ramassé dans la boue, jusqu’au dernier brin des herbes même malfaisantes ; alors le ministre Jean de Léry, se rappelant que pendant un voyage d’Amérique en Europe, assailli par une longue tempête, il avait trompé les douleurs de la faim en mâchant du cuir, révéla aux Sancerrois qu’il leur restait, par la grâce de Dieu qui n’abandonne jamais ses fidèles tant qu’ils ne s’abandonnent pas eux-mêmes, des amas de provisions succulentes dont ils ne se doutaient pas. Voici donc, d’après le journal même de Jean de Léry, le relevé des subsistances des Sancerrois pendant les deux derniers mois du siège. « Les peaux de bœuf, de vache, de veau, de chèvre, d’âne, de cheval, vertes ou sèches, furent trempées, pelées, raclées, hachées, bouillies, grillées, mises en fricassées, apprêtées de toutes façons et dévorées comme des mets exquis. Les souliers, les vieilles savates, les cuirs des cribles, les tabliers gras des cordonniers, les licols, les croupières, les colliers, les bâts des chevaux et des ânes, les ceintures de cuir des vignerons, les vieux livres et es vieilles chartes de parchemin, le suif, les cornes de lanternes, tout fut dévoré ; encore tout le monde n’en avait pas. » Il vint cependant un jour où cet héroïsme dut prendre fin ; mais il ne fut pas inutile, car, grâce à lui, les Sancerrois furent reçus à soumission dans les conditions mêmes que le roi venait tout récemment d’accorder aux Rochellois, conditions qu’ils n’auraient jamais obtenues, si leur résistance prolongée à outrance ne leur avait pas donné le temps d’attendre que La Rochelle eût fait sa capitulation. De ce siège admirable, il ne reste plus à Sancerre d’autre témoin qu’une tour du château depuis longtemps détruit, la tour même d’où l’on embrasse dans toute son étendue ce paysage de la vallée de la Loire que nous avons décrit dans les pages précédentes. Cette tour est enclavée aujourd’hui dans un parc touffu qui fait partie de la succession du duc d’Uzès ; celui de ses héritiers qui la recevra dans son lot pourra se vanter de posséder un des plus beaux paysages qu’il y ait en France. Quelques autres débris du château, des chicots de muraille, des tronçons de maçonnerie, sont çà et là épars aux environs de la tour, et composent, entourés de lierre et d’herbes grimpantes, une décoration à moitié naturelle, à moitié historique, d’une agréable originalité. Parmi ces débris se trouve un petit enfoncement en forme de cellier surmonté de vertes guirlandes, qu’on peut recommander aux futurs propriétaires pour le cas où il leur prendrait fantaisie de donner dans leur parc des représentations de tableaux vivans, car c’est le plus parfait décor qu’on puisse rêver pour figurer la scène d’Énée et de Didon pendant l’orage. Ainsi les choses les plus sombres du passé deviennent un jeu pour l’avenir et une fête pour l’imagination des générations nouvelles.

Je ne crois pas que le respect et le souci du passé soient au nombre des qualités qui distinguent les habitans de la Nièvre en général, car en nul lieu je n’ai moins senti palpiter cet élément historique qui, dès qu’il existe quelque part, se révèle au promeneur avec une subtilité et une autorité si remarquables ; mais peut-être les habitans de La Charité l’emportent-ils en négligence sur tous les autres groupes de leurs concitoyens. Ils possèdent une église qui est d’une importance historique considérable pour tout le monde, mais qui est pour eux d’un intérêt tout à fait direct, car sans elle leur jolie petite ville, comme dit railleusement Stendhal, ne fût jamais venue au monde. L’existence de La Charité est en effet de même date que cette église, qui fut construite dans la dernière partie du XIe siècle, et qui, dans la première partie du XIIe, servit de centre aux populations éparses dans les environs. Ce n’est pas seulement son existence, c’est aussi son nom que la ville doit à son église, car c’est en reconnaissance des abondantes aumônes que les moines y distribuaient, et que les indigènes, qui à cette époque devaient être bien misérables et bien barbares, venaient y chercher des points les plus éloignés du comté qu’elle fut appelée La Charité. Un souvenir intéressant se rattache encore à l’origine de cette église, celui d’un de ces voyages de la papauté si nombreux depuis Charlemagne, qui, se succédant de règne en règne, habituèrent peu à peu les souverains pontifes à considérer les rois de France comme leurs champions naturels et les rois de France à se considérer comme les tuteurs des papes. Suger, abbé de Saint-Denis et futur régent du royaume, nous apprend, dans sa Vie de Louis le Gros, qu’en 1107 le pape Paschal II, obsédé par les exigences de l’empereur Henri V, qui faisait revivre les prétentions de son malheureux père relativement aux droits d’investiture par l’anneau et la crosse, prit le parti de s’échapper de Rome et de venir en France conférer avec le roi et les évêques sur les moyens de se soustraire à cette tyrannie. Il fit séjour à Cluny, alors dans toute sa splendeur, et, comme en ce moment l’église abbatiale de La Charité, qui devint une des innombrables filles du célèbre monastère, venait d’être achevée, il fut invité à en faire la dédicace. De nos jours enfin, elle a eu le privilège d’exciter l’intérêt d’un grand nombre d’artistes et de critiques célèbres ; Victor Hugo, pendant sa phase gothique, en a parlé avec admiration, Stendhal et Mérimée en ont signalé l’importance. Eh bien ! ni ces souvenirs augustes, ni ces recommandations des lettrés n’ont eu le privilège de protéger l’église de Sainte-Croix contre la négligence et l’abandon. Horriblement mutilée, elle n’a jamais été qu’incomplètement réparée, et, quand d’aventure elle l’a été, ce n’a jamais été que d’une manière barbare. Le dallage, usé et inégal, présente le spectacle d’une place qui attend depuis trop longtemps les services des paveurs, et pour toute toilette intérieure on s’est contenté de revêtir les piliers et les murailles d’un vilain badigeon blanc qui lui prête l’aspect des salles de caserne ou des écoles publiques. Entièrement nue et dépouillée, elle n’a conservé de toutes les œuvres d’art qui l’embellissaient qu’un des morceaux de sculpture qui formait le tympan d’une de ses tours, et encore ce morceau n’a-t-il échappé à la destruction que pour avoir été remarqué par Mérimée et sur ses sollicitations pressantes. Sous la restauration, on coiffa d’une sorte de chapeau chinois recouvert d’ardoise l’admirable tour qui subsiste encore ; mais les pluies et lèvent ont eu facilement raison de ce frêle couvre-chef, qui, presque mis à nu aujourd’hui et très probablement rongé dans sa charpente, ne pourra manquer, un jour d’aquilon, d’enrichir de quelques hôtes prématurés le cimetière de La Charité.

Certes voilà une coupable incurie ; eh bien ! qui le croirait ? cette négligence a été mieux récompensée que ne l’aurait été le plus soigneux intérêt. Grâce à cette indifférence, la Charité possède un des plus vastes et des plus admirables paysages de ruines qui se puissent voir ; c’est à peine si Rome a quelque chose de plus beau. Le contraste de splendeur et de misère, de hautaine grandeur et de basse familiarité que présente de tant de côtés la ville éternelle revit au complet dans le quartier de La Charité qui va du porche de l’église Sainte-Croix aux restes du château. Les boutiques de verdurières et les ateliers de forgerons percés dans les murailles du théâtre de Marcellus, la basse-cour de petite ferme qui sert d’entrée à Saint-Sixte et aux autres églises qui vont à la voie Appia, la plantation de haricots et de petits pois qui coiffe le sépulcre des Scipions, la porte en planches mal clouées qui ouvre accès à la tombe de Cécilia Metella, ont leurs analogues sur les bords de la Loire dans ces bicoques plébéiennes qui se sont installées hardiment entre les parties subsistantes encore de l’abbaye, dans ces ruines transformées en boutiques ou en ateliers, dans cette superbe tour délabrée qu’assiège de toutes parts la vie vulgaire, dans ce porche encore debout qui mène à la Loire, et qu’accompagnent quelques marches inégales de pierre, dans ces fenêtres ogivales où pendent des nippes de ménagère, dans les deux tours féodales qui dominent tout en haut ce spectacle, et en augmentent encore l’impression en la ravivant par un second sentiment de ruine. La grande différence qu’il y ait entre ce paysage et ceux de Rome est dans le faubourg populaire qui monte de ces ruines au pied des tours du château. Avec ses petites maisons bien tenues et ses ménagères qui dans les beaux jours en gardent les portes à l’extérieur en filant et en babillant entre elles d’un côté de la rue à l’autre, ce faubourg ressemble à un gentil village que traverse une grande route, et présente la vie populaire sous son plus aimable aspect. Cependant, en dépit de sa beauté, ce paysage, s’il remplit l’œil, ne s’enfonce pas bien profondément dans l’âme. C’est peut-être qu’il manque ici la majesté morose de la nature romaine ; c’est aussi, et bien plus certainement, parce que les souvenirs qu’il réveille sont plutôt respectables que grands, et qu’aucun ne se détache distinctement de l’ombre anonyme où dorment oubliés à jamais les services obscurément rendus et les travaux modestement accomplis par de nombreuses générations qui, recevant d’ailleurs leurs inspirations, ont obéi plutôt que commandé, et exécuté plutôt que conçu[3] Tout en haut du petit faubourg, nous avons trouvé ouverte la porte d’un jardin qu’a ses belles allées et à ses terrasses étagées en face de la Loire nous avons pris d’abord pour une promenade publique. Ce n’était pourtant que le jardin d’un simple particulier, dans lequel est enclavée la plus importante des deux tours encore subsistantes du château féodal. Tout ce qui reste de ce château se trouve aujourd’hui réparti entre différens propriétaires : M. Auguste Adam possède la grosse tour, M. Prudot possède la petite, un troisième bourgeois dont le nom m’échappe n’a pas de tour, mais en revanche il a pour lot un imposant morceau de maçonnerie qui n’est point à dédaigner. Sic transeunt gubernationes mundi.


II. — NEVERS. — LE PALAIS DUCAL ET L’HISTOIRE DU CHEVALIER DU CYGNE.

Nous ne devons pas nous attendre à rencontrer en Nivernais l’abondance de monumens et de souvenirs à laquelle la Bourgogne nous a habitués. A aucun moment de notre existence nationale, le Nivernais n’a joué de rôle décisif ; rien de général ni en bien ni en mal ne se relie à sa vie, presque tout entière locale. Les circonstances historiques, qui n’ont jamais été pour cette province ni positivement favorables ni positivement défavorables, lui ont fait une sorte de destinée moyenne qui, en la protégeant contre les maux dont les provinces limitrophes étaient accablées, lui en ont en même temps interdit les grandeurs. La nature et l’histoire ont un peu agi de concert pour le Nivernais, comme ces parens qui, sans être cruels pour tel de leurs enfans, n’ont jamais jeté sur lui que des regards de sécheresse et déposé sur son front que des baisers sans amour. L’enfant ainsi élevé n’en grandit pas moins ; il en devient même quelquefois d’autant plus industrieux, plus laborieux, plus énergique, et c’est là le cas du Nivernais ; mais il y a cent à parier contre un qu’il lui manquera toujours cette force d’expansion dont le germe premier est dans la vivifiante chaleur de la sympathie paternelle. La destinée du Nivernais, si elle n’a pas été malheureuse, a été au moins bien contrariée, et son histoire, pour peu qu’on la parcoure, donne l’impression pénible que donnerait le spectacle d’un satellite qui serait empêché de se rattacher à son véritable centre d’attraction, ou plutôt qui se trouverait sollicité entre plusieurs centres dont aucun ne serait suffisamment prépondérant. Partagé, comme il l’est nettement, en deux régions bien distinctes, une région montagneuse et une riante vallée, où est son centre d’attraction ? Par le Morvan, il se relie à la Bourgogne ; par la vallée de la Loire, il touche au Berry, et par le Berry il se rattache aux provinces de l’ancienne Aquitaine ; mais on ne voit pas que son génie propre ait quoi que ce soit en commun avec les génies de l’une et de l’autre région. La race physique même est complètement différente ; ces corps maigres et agiles, ces formes fluettes et sèches, ces visages minces et ronds aux tout petits traits, peu faits pour atteindre à la grande beauté, mais en revanche souvent remarquablement jolis et atteignant à une mignonnesse charmante, ne sont pas sans causer quelque surprise quand on songe au voisinage des formes plantureuses de la Bourgogne et à la molle beauté des provinces de l’autre côté de la Loire. C’est le genre de vivacité et de sécheresse de la pierre à fusil, de l’étincelle qui en jaillit et de l’amadou qu’elle allume ; on dirait une population faite à souhait pour l’action rapide, les coups de main agiles, les besognes enlevées d’assaut, plus adroite et alerte que robuste cependant. S’il faut s’en rapporter aux hommes remarquables que cette province a produits, l’âme, en parfait rapport avec cette enveloppe, serait tranchante, subtile, volontiers batailleuse, facilement violente, capable de logique pratique et assez peu portée aux choses idéales, car ces hommes remarquables sont invariablement de deux sortes, ou bien des révolutionnaires comme Théodore de Bèze, Anaxagoras Chaumette et Saint-Just, ou bien des procureurs et des légistes comme le vieux Guy Coquille et les modernes Dupin.

Cependant de ces centres d’attraction qui s’offrent au Nivernais, la Bourgogne est celui qui lui aurait été le plus naturel ; il lui est même si naturel par la position géographique, que dès les premiers temps de notre histoire le Nivernais était considéré comme une annexe de cette première province. J’ouvre la chronique des Annales de Saint-Bertin, et j’y vois sous la date de 865 Charles le Chauve accorder à un de ses seigneurs le comté d’Auxerre et le comté de Nevers, dont il dépossède le bénéficiaire en fonctions ; cette situation dura sous diverses formes pendant toute la première maison féodale et jusqu’au commencement du XIIIe siècle. N’est-ce pas ici d’ailleurs que se termine bien : décidément la France de l’est, et dès lors le Nivernais, ne doit-il pas suivre nécessairement les destinées de la région dont il fait partie ? Ce n’est toutefois que par intermittences que le Nivernais a été rattaché à la Bourgogne.

Un autre fait bien singulier et qui doit avoir influé nécessairement sur son histoire, c’est que de toutes nos provinces le Nivernais est peut-être celle où les intérêts féodaux ont fait le plus rapidement se succéder les maisons souveraines ; elles sont en nombre infini. Après la première maison féodale, — celle que nous avons vue en lutte pendant trois générations avec les abbés de Vézelay, — se présente la maison quasi royale de Courtenay, rapidement interrompue par le mariage d’Hervé, baron de Donzy, puis un instant la maison du Forez, puis les comtes flamands de la maison de Dampierre, puis les ducs de Bourgogne de la maison de Valois, puis la maison allemande de Clèves mêlée aux maisons d’Albret et de Bourbon, puis les Gonzague de Mantoue, qui livrent enfin à prix d’argent leur duché à Mazarin pour qu’il en constitue l’apanage des Mancini, ses neveux. La liste est longue, vous le voyez, je ne suis cependant pas très sûr de ne pas avoir oublié quelque rameau minuscule. Chose très importante à remarquer, à l’exception de la première maison féodale, celles de ces familles qui ont régné le plus longtemps sont d’origine étrangère ; les Dampierre sont flamands, les Clèves sont allemands, les Gonzague et les Mancini sont italiens. Pour les princes, ces dominateurs différens étaient mieux que des compatriotes, c’étaient des beaux-frères, des neveux, des petits-fils, à tout le moins des pairs ; pour le peuple, ils n’étaient que des étrangers intronisés par le hasard d’une succession ou d’un mariage. Quelle influence ce fait a-t-il exercée sur le peuple du Nivernais ? Il est difficile de la constater, mais il est de toute évidence qu’il doit en avoir exercé une. Pour nous, ce qui paraît à peu près certain, c’est que le peuple du Nivernais n’a jamais obéi avec entrain qu’à la première maison féodale, la seule qui pût passer pour vraiment indigène ; il nous semble apercevoir à cette époque, un accord d’action entre le peuple et les princes que nous ne retrouvons plus du tout aux périodes suivantes. Qui sait si ce n’est pas de cette circonstance que sont nés cet esprit exclusivement démocratique et ce complet oubli du passé qui distinguent plus particulièrement peut-être que toute autre la population du Nivernais ?

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’on rencontre en Nivernais si peu de traces de ses anciens maîtres. De toutes ces maisons souveraines, une seule, celle de Clèves-Gonzague, a laissé un souvenir. Le palais ducal de Nevers ; il est vrai que celui-là est admirable et compense hautement par la qualité la quantité, qui manque. C’est un superbe édifice, d’une élégance sombre, où s’unissent dans une sévère harmonie ce que le moyen âge eut de plus morose et la renaissance de plus sérieux. Cela est riche, altier, sans familiarité d’aucune sorte, et tout semblable pour l’impression qui en résulte à ces portraits de seigneurs italiens et espagnols du XVIe siècle, si magnifiques sous leurs costumes de retours noir rehaussé de satin pourpre, mais qui cherchent moins à plaire à l’œil qu’à lui inspirer une sorte de respectueuse timidité. Deux énormes tours rondes flanquent les deux côtés de l’édifice, mais c’est à peine si on en remarque l’aspect massif, tant il est bien corrigé par les deux tourelles hexagonales qui en sont rapprochées et par la longueur de la façade. Au centre se renfle une tourelle octogonale percée d’innombrables ouvertures disposées en spirales qui suivent les courbes du grand escalier intérieur ; c’est une sorte d’épisode architectural d’un merveilleux et presque féerique effet. Deux tourelles rondes engagées dans le mur, placées à égale distance de cette tourelle octogonale, partant seulement du premier étage et s’arrêtant au bord du faîte, complètent ce palais, d’une correction fantasque et d’une fantaisie correcte, où, comme chez les hommes d’existence princière, la force est partout enveloppée par la grâce. Au-dessous des lucarnes, entre les fenêtres, tout le long des spirales de la tourelle du centre, se déroulent des armoiries sculptées, des figures d’ornement, des bas-reliefs charmans. Nulle part, sauf à Heidelberg, ma mémoire ne s’est rappelé avec plus de vivacité l’histoire de ce baiser que le vieux docteur Faust sollicita de la belle Hélène, évoquée par la formule de son amoureux désir. Ici comme à Heidelberg, le baiser que demandait l’enchanteur pour devenir immortel a été déposé par la jeune renaissance sur le front du vieux moyen âge ; seulement à Heidelberg il a été donné avec une chaude tendresse, tandis qu’ici il a été donné avec une complaisance sévère, comme par respectueux égard, et d’une lèvre filiale sans émotion, un peu à la façon dont l’Aurore devait baiser son vieux Tithon.

Il est presque inutile de dire que les sculptures de la façade avaient été horriblement mutilées ; elles ont été restaurées, il n’y a pas plus d’une vingtaine d’années, par M. Jouffroy, sur les indications existantes, tâche difficile dont il s’est acquitté avec autant de goût que de fidélité, s’il nous est. permis d’en juger d’après ceux des fragmens, — par exemple les cariatides à la façon de Jean Goujon, — qui font maintenant partie du musée lapidaire de Nevers. Ces sculptures, comme nous l’avons dit, sont de trois sortes : figures d’ornement, armoiries, bas-reliefs. La partie des figures d’ornement, remarquable par sa sobriété, tranche par ce caractère avec la prodigalité fantasque du moyen âge expirant, non moins qu’avec le luxe habituel des décorations de la renaissance. Le sommet et la base de la tourelle sont occupés par les armoiries seigneuriales qui se présentent encore mêlées aux figures d’ornement ; voici les bâtons noueux réunis en forme d’O de Jean de Clamecy, le fondateur du château, le cygne à chaîne d’or de la maison de Clèves, le mont Olympe des Gonzague. Les devises qui accompagnent les sculptures, et qui appartiennent toutes aux Gonzague, portent bien la marque de la renaissance et ont bien la saveur de leur Italie. Nec retrogradior, nec devio, dit l’une d’elles, je ne rétrograde ni ne dévie, expression parfaite de la fortune de cette famille, qui, sans jamais rien faire d’éclatant ni courir aucune généreuse aventure, sut s’élever, par la seule force et la seule suite du temps, au rang des familles princières. Une autre est formée par le nom de l’Olympe, écrit en caractères grecs, Olumpos, et par le mot fides ; une troisième enfin, qu’on peut dire mantouane de pied en cap, et par son auteur et par son sujet, est un vers entier de Virgile, igneus est ollis vigor et celestis origo, ils ont une force de flamme et une origine céleste. Si les armoiries et les devises appartiennent en grande partie aux Gonzague, les bas-reliefs appartiennent exclusivement aux Clèves. A l’exception de trois, qui sont consacrés à la chasse de saint Hubert, ils ne racontent tous qu’une même histoire, celle de ce mystérieux chevalier du cygne auquel la maison de Clèves se plaisait à rattacher son origine princière, à peu près comme les grandes familles grecques et romaines aimaient à se dire descendues d’Hercule et de Vénus, ou, à défaut d’un dieu olympien, de quelque naïade amoureuse ou de quelque faune séducteur.

Un jour que des chevaliers étaient rassemblés pour célébrer un tournoi sur les bords du Rhin, près de Cologne, la ville légendaire par excellence, on vit tout à coup s’avancer au loin sur le fleuve une splendeur éblouissante comparable à celle d’un métal neuf frappé par le soleil, précédée d’une blancheur mate pareille à une écume mouvante. La vision prit bientôt forme ; mais, au rebours de ces objets qui perdent leur prestige à mesure qu’on s’en approche, plus elle devint distincte, plus elle parut merveilleuse. Cette splendeur miroitante, c’était un jeune chevalier de la mine la plus séduisante, revêtu d’armes flambant neuves, et cette blancheur mouvante, c’était un robuste et gracieux cygne qui traînait sa barque. Le chevalier sauta sur le rivage d’un pied leste, et aussitôt barque et cygne disparurent. Interrogé sur ses noms et qualités, il déclara qu’il se nommait Hélias, qu’il était chevalier grec, et qu’il venait pour prendre part au tournoi. Il fit mainte prouesse, comme on pouvait l’attendre d’un homme si merveilleusement amené, et, ses exploits ayant enflammé le cœur d’une jeune princesse qui assistait aux joutes, il la demanda en mariage, l’obtint et en eut plusieurs enfans ; mais, de même que ce qui vient au son de la flûte s’en retourne au son du tambour, le chevalier disparut exactement comme il était arrivé, car après plusieurs années d’un heureux ménage, la barque et le cygne s’étant inopinément présentés, le chevalier partit sur-le-champ, et jamais depuis lors on n’apprit de ses nouvelles. Telle est la poétique histoire que racontent ces sculptures avec une naïveté savante, où le radieux badinage de la renaissance enveloppe, sans trop l’étouffer, l’aimable crédulité des âges gothiques.

Il y a tel de ces bas-reliefs qui ressemble à une page d’un hardi poème italien de la fin du XVe siècle, et tel autre qui fait penser à un épisode de quelque innocente légende. Voici par exemple le chevalier seul dans une forêt ; il tient une lance à la main et en touche un écu suspendu à une branche d’arbre. Ce sont sans doute les armes qu’un hasard ami lui a fait rencontrer. Plus loin, il s’avance près d’un château dont les portes s’ouvrent d’elles-mêmes à son approche. Ne dirait-on pas deux aventures de Spenser ou d’Arioste ? Ailleurs le chevalier demande en mariage la princesse ; la jeune fille, assise à terre parmi l’herbe et les fleurs, le regarde amoureusement tout en entourant de son bras une biche apprivoisée ; lui, debout devant le père de la princesse, tient par la bride son destrier de combat. Maintenant c’est une légende d’amour germanique racontée avec la candeur d’un minnesinger, et où se laisse apercevoir ce sentiment de la nature qui n’abandonne jamais le moyen âge allemand. Ailleurs encore, voici les époux recevant la bénédiction nuptiale, et cette fois le bas-relief ressemble, à s’y méprendre, à l’heureuse conclusion d’un conte de Perrault. Tout en haut de l’édifice, dans l’intervalle qui sépare les dernières fenêtres de la corniche du faîte, Hélias est représenté quatre fois avec sa barque et son cygne ; dans les deux premiers bas-reliefs, il arrive et débarque ; dans les deux autres, il s’embarque et s’en retourne. Trois de ces tableaux sculptés sont consacrés, avons-nous dit, à la chasse de saint Hubert, mais ils sont si bien en harmonie avec le reste de l’œuvre qu’on ne s’aperçoit pas tout d’abord qu’ils sont étrangers à l’histoire principale, et que, loin de détruire l’unité de cette illustration sur pierre, ils en complètent au contraire le caractère féodal.

Voilà une toute gracieuse histoire, n’est-il pas vrai ? et cependant, à mesure que j’en examinais et que j’en rapprochais les divers épisodes, je sentais tout son charme se dissoudre sous les conjectures qu’elle me suggérait. Toute face a son revers, dit le proverbe, et de même que la plus belle femme contient caché enfile en elle un hideux squelette ; cette poésie me semble recouvrir une fort laide réalité. J’en suis fâché pour l’illustre maison de Clèves, mais ce chevalier Hélias, auquel ils aimaient à rapporter leur origine, laisse facilement apercevoir un jeune aventurier de la plus équivoque espèce. De quelle nature est cette protection mystérieuse qui semble l’envelopper, qui lui fait découvrir comme par hasard des armes brillantes dans la solitude des forêts, et ouvre devant lui d’une main invisible les portes des châteaux-forts ? Est-elle diabolique ou providentielle ? La protection est certaine, mais le protecteur reste obstinément invisible. A quelle nature d’être se rapporte-t-il ? est-ce un simple mortel ou un esprit élémentaire, secourable gnôme ou ondine amoureuse ? Si le chevalier demandait à le voir, s’évanouirait-il sans retour comme le lutin familier du chevalier dont parle Froissard, ou bien, comme le page féminin du Diable amoureux de Cazotte, qui se métamorphose en hideux dragon dès que son maître lui a dit : « Cher Béelzebuth, je t’adore, » prendrait-il quelque forme effrayante ? Le nom de cette tutelle mystérieuse est-il bien protection, et ne serait-il pas plutôt domination ? La légende nous le dit en toute transparence : ce jeune chevalier ne s’appartient pas, il s’est lié par quelque pacte secret qui règle ses mouvemens, arrête le plan de ses aventures, en détermine la durée, le pousse vers la fortune ou l’en arrache à son gré. Le poétique rameur ailé de la barque du jeune Hélias n’est évidemment qu’un calembour aussi facile qu’ingénieux, cygne, signe. Nous savons par tous les démonologues quelle est la nature dangereusement capricieuse des esprits élémentaires dont aucune loi ne règle les actions, et dont aucune sagesse n’arrête les mouvemens spontanés : bienfaisans sans charité, durs sans justice, passionnés sans noblesse, ils tuent aussi facilement qu’ils aiment. L’Ondine de La Mothe-Fouqué, qui est toujours prête à noyer son adorateur sous l’eau dont elle lui jette par espièglerie les gouttes au visage, est le type même de ces fantasques protecteurs régis par les phases changeantes de la lune, l’astre des sortilèges. Ce caractère étant connu, la brusque apparition et la non moins brusque disparition du chevalier Hélias s’expliquent fort aisément. Un jour, peut-être dans une phase de tendresse reconnaissante d’où l’égoïsme fut exclu pour un moment, peut-être par un mouvement d’amoureuse pitié pour l’ennui où languissait le jeune homme ou les inquiétudes qu’il avait laissé voir, la protection mystérieuse consentit au bonheur du chevalier selon les voies de la commune humanité. En signe pareil à ces courans électriques qui ne sont visibles que par la secousse qu’ils font éprouver à celui qu’ils touchent l’atteignit au loin, et, comme le fer marche vers l’aimant, il alla sans dévier de sa route vers le point où l’appelait, sa force directrice. Là s’accomplirent les destinées qui lui avaient été marquées, et le chevalier fut heureux tant que la tyrannie qui le gouvernait consentit à sommeiller. Au bout de quelques années, peut-être par regret, peut-être par un cruel retour d’égoïsme, peut-être aussi par impitoyable ; caprice, elle envoya de nouveau le signe mystérieux, et, esclave obéissant, le chevalier, se levant, partit aussitôt sans mot dire et sans retourner la tête.

telle est l’assez triste réalité que la fatale habitude de l’analyse, habile à empoisonner tous les plaisirs naïfs de l’intelligence, nous laisse apercevoir sous cette légende. Admirez cependant comment ici l’imagination humaine s’est montrée l’émule presque victorieuse, de la nature. D’ordinaire la poésie se contente de transformer les objets dont elle s’empare par des procédés qui conservent l’objet ancien, dans le nouveau, à peu près comme l’églantine. des buissons est conservée dans la rose, de nos jardins ; ici, avec un simple calembour, elle a su tirer de la réalité une histoire qui n’y était nullement contenue, et qui est non plus une transformation, mais une véritable création nouvelle sans rapport aucun avec son germe, une création qui non-seulement voile la réalité, mais la met à néant et se substitue à elle. La réalité rampait comme une chenille, la légende vole comme le papillon aux ailes diaprées ; la réalité était équivoque et impure, la légende est chaste et immaculée comme le cygne au blanc plumage qui mena la barque du chevalier. Quant à la provenance de cette légende, elle est très clairement indiquée par le calembour même sur lequel elle est fondée ; c’est évidemment une invention de lettré, car la langue dans laquelle ce calembour a été fait est celle que parlaient seuls dans les pays germaniques les lettrés et les moines, c’est-à-dire la langue latine. Il porte sur la ressemblance des : deux mots cygnus et signum, ressemblance qui, au datif et à l’ablatif, est étroite jusqu’à l’identité. C’est donc une ingénieuse plaisanterie de clerc habile à recouvrir sa pensée d’un voile diaphane qui s’est transformée en gracieuse allégorie où l’élément populaire n’est entré pour rien, puisque les mots dont elle se compose n’ont pu être empruntés à l’idiome germanique.

Le palais ducal occupe le sommet d’une vaste place inclinée qui descend vers la Loire. Il faudrait peu de chose pour faire de cette place une des plus belles de la France entière : il suffirait d’abattre les trois ou quatre bicoques qui masquent la vue du fleuve, et de découvrir entièrement la cathédrale. Cet embellissement est tellement indiqué et de si facile exécution, au moins pour ce qui concerne la vue de la Loire, qu’on le trouve en projet dès le temps des Gonzague, dans un vieux plan de Nevers de 1590 ou 1592, qui est conservé dans une des salles de ce même palais ducal. Trois siècles se sont écoulés depuis cette époque, et l’embellissement projeté est encore à exécuter, tant il est vrai que, lorsque les choses ne se font pas en France par coups d’autorité, elles ne se font jamais. Qu’a-t-il manqué pour que cette place reçût son agrandissement légitime ? Tout simplement qu’elle occupât deux minutes l’attention d’un prince connaisseur en choses vraiment belles ; mais, ce hasard heureux ne s’étant pas rencontré, Nevers ne possédera jamais le panorama superbe dont la nature lui fournissait les élémens.

Dans les salles supérieures du palais, on a installé un commencement de musée bien pauvre encore, dont la pièce la plus curieuse, à mon sens, est un portrait de Théodore de Bèze, peint de son vivant ; nous en avons fait mention en parlant de Vézelay. Des Clèves, des Gonzague, des Mancini, pas un souvenir n’est resté, sauf quelques méchantes petites gravures pouvant servir de frontispice à une réimpression de Guy Coquille et représentant les médaillons des Gonzague, plus un portrait gravé du dernier duc de Nivernais, cet aimable Mancini qui fut ambassadeur en Angleterre après la guerre de sept ans, et qui, ruiné par la révolution, demanda noblement le pain de sa vieillesse à la collection des petites fables et des petits vers dont il avait amusé dans des temps heureux les loisirs de sa vie de seigneur. C’est une figure d’une élégance et d’une urbanité accomplies, avec un long et fin profil qui lui donne l’air d’un oiseau de luxe ; un certain cachet de faiblesse dénonce l’état maladif qu’il garda toute sa vie et qui le conduisit jusqu’à une vieillesse avancée, mais aussi peu morose que si la souffrance et la ruine n’avaient pas été ses compagnes. Parmi les salles de ce musée, il en est une cependant qui possède un intérêt particulier pour les amateurs de l’art céramique, celle où ont été rassemblés les divers produits de la fabrique de Nevers pendant les trois derniers siècles. Les faïences à l’imitation des majoliques italiennes du XVIe siècle y abondent, ce qui n’a pas lieu de surprendre, puisque la fabrique de Nevers fut fondée sous les Gonzague par des ouvriers italiens appelés d’Urbin même, l’atelier céramique par excellence ; ce sont les plus belles, tant pour la forme que pour la décoration. Après cette période d’initiation, Nevers, marchant dans sa liberté, déploya pendant quelque temps une certaine originalité ; c’est à cette seconde époque que se rapportent un certain nombre de vases et de plats à peintures bleues sur fond blanc, coloration neutre qui manque de vivacité et d’attrait, mais qui n’est pas sans douceur. La partie la plus instructive de ce musée céramique cependant, ce n’est pas la plus belle et la plus originale, c’est la plus laide et la plus grossière. On peut y apprendre par un tout petit exemple comment la science est toujours à la veille de sombrer dans l’ignorance, et la civilisation toujours prête à retomber dans la barbarie ; un rien suffit pour cela, un incident inaperçu ou dont on n’a pas tenu compte par légèreté, un élément inattendu qui prend une extension trop grande, une manie d’imitation qui n’a pas de raison d’être. Il est étonnant de voir avec quelle rapidité dégénéra la fabrique de Nevers. Dès la fin du XVIIe siècle, forme, coloration, sujets d’ornement, tout se vulgarise ; une grossière imagerie religieuse et de ridicules sujets de genre prennent la place des jolies décorations mythologiques et pastorales des époques précédentes. Le dessin n’en vaut pas celui des figures que les enfans dessinent sur leurs livres de classe, les sujets sont incompréhensibles dans leur vulgarité, et les devises imbéciles qui prétendent les expliquer les rendent plus obscurs encore. Le plus clair de ces non-sens représente l’arbre d’amour scié au tronc par deux demoiselles armées d’un instrument de scieur de long ; la devise explicative de ce beau sujet est à l’avenant. Enfin, quand on arrive à l’époque de la révolution, la barbarie est à son comble ; on ne peut rien imaginer de plus stupide, et l’intelligence d’un Œdipe ne suffirait pas pour comprendre la nature de ces sujets embrouillés dans leur ineptie et le texte ténébreux de ces devises.

Nevers possède deux églises dignes d’intérêt, Saint-Étienne et la cathédrale de Saint-Cyr. Saint-Etienne est la plus ancienne des deux, et l’on peut presque dire qu’elle remonte à l’origine même du Nivernais, car, en-deçà de la date à laquelle se rapporte la fondation, l’histoire de cette province n’est que ténèbres, incertitude et confusion. Cette église fut bâtie vers la fin du XIe siècle, presque dans les mêmes années que celle de La Charité, et placée, comme cette dernière, sous le patronage de Cluny, par le premier comte du nom de Guillaume, le fondateur authentique de cette maison féodale dont nous avons vu les membres successifs en si longues querelles avec les abbés de Vézelay. C’est un édifice roman dont l’extérieur lourd et sans grâce fait peu de promesses, et dont le vaste intérieur est d’un puissant effet. Je n’ai guère vu d’église d’une sévérité plus sombre ; les ténèbres visibles de Milton y ont véritablement établi leur empire. Pendant que je me promène à travers son crépuscule, en me laissant aller aux rêveries qu’il suggère, il me semble que je pénètre mieux que je ne l’avais encore fait une des causes qui ont élevé la puissance du christianisme, et qui assurent sa durée. Dans le cours de sa longue existence, le christianisme a eu le temps de multiplier ses œuvres, — monumens, objets d’art, cérémonies, livres, doctrines, caractères individuels, — à un tel point qu’il n’est pas un état de l’âme humaine, aussi fugitive qu’en soit la nuance, qui n’ait son analogue dans quelque coin de l’église, en sorte que son empire par là s’étend non-seulement aux croyans, mais aux incroyans de toute secte et de tout plumage. Il n’y a guère d’incrédule par exemple qui n’ait au moins un favori dans les rangs du christianisme, c’est-à-dire une âme dont il comprend la destinée par similitude de nature ou par expérience individuelle : pour celui-ci, c’est saint François d’Assise, pour celui-là saint Vincent de Paul, pour un autre tel apôtre héroïque des âges barbares. Il n’en est guère non plus qui ne puisse retrouver à l’improviste telle phase morale de sa vie, tel sentiment éprouvé ou rêvé dans quelque lecture de légende ou quelque visite à un sanctuaire célèbre. Pour nous, il nous est arrivé bien des fois de retrouver sensibles et réalisées, dans telle ou telle église, jusqu’à des idées métaphoriques, et à des images exprimant les faits de l’ordre moral. C’est ainsi que le sombre vaisseau de cette église de Saint-Étienne de Nevers me parut tout à coup comme la représentation la plus sensible de la manière dont la vérité se communique à notre monde. Des fenêtres en très petit nombre laissent passer avec avarice une lumière insuffisante pour dissiper les ténèbres d’en bas, et qui semble manquer de force pour descendre jusqu’à elles. C’est justement de la même sorte que la vérité nous arrive. Elle tombe des sommets inaccessibles, s’affaiblit et se décolore pendant son long voyage, et lorsqu’elle touche les ténèbres de notre vallée, tout ce qu’elle peut faire, c’est de les transformer en un clair-obscur désespérant, qui ne sert qu’à nous montrer que nous habitons au sein de la nuit. Cependant, si nous levons les yeux, nous apercevons à travers les lucarnes de notre monde le soleil de la vérité qui brille dans les profondeurs de l’infini ; si sa possession nous est refusée, son existence nous est révélée ; nous savons qu’elle est, et cette certitude suffit pour raffermir nos courages et raviver nos espoirs.

Quoique la cathédrale dédiée à saint Cyr ait été fondée à une date assez rapprochée de celle de l’église de Saint-Étienne, elle ne remonte cependant pas, sous sa forme actuelle, au-delà du XIVe siècle. C’est un beau et étrange monument, dont la forme très originale est due aux reconstructions dont elle a été l’objet. Cette église est fermée à ses deux extrémités, en sorte que, n’ayant point de porche, on y pénètre par les ouvertures latérales. Sa forme est à peu près celle de ces vases allongés et profonds qu’on appelle lévrières en termes de ménagère ; je demande pardon de la vulgarité de l’expression, mais elle m’est nécessaire pour bien faire comprendre au lecteur la bizarrerie de cette construction. Elle a donc deux absides ; l’une est romane, l’autre gothique. L’abside romane, reste considérable de l’édifice primitif, aujourd’hui transformée en chapelle, s’élève au-dessus du sol de l’église d’une hauteur de six à sept marches et surmonte une crypte : crypte et chapelle sont dédiées à sainte Julitte, la mère de saint Cyr. C’est à peu près la disposition des confessions dans les anciennes églises de Rome, c’est-à-dire des autels élevés au-dessus des sanctuaires où dorment les ossemens des martyrs ; c’est encore à peu près celle que l’on remarque dans quelques-unes de nos très vieilles églises, Sainte-Radegonde et Saint-Hilaire de Poitiers par exemple, Saint-Germain d’Auxerre, et bien d’autres dont l’architecture intérieure se rapproche singulièrement de celle des primitives basiliques romaines, où la partie de l’église destinée au clergé et au culte s’élève de la hauteur d’un étage au-dessus de la partie réservée aux fidèles, Saint-Laurent-hors-des-Murs, Saint-Nérée, etc. Du haut du perron, qui est formé par le double escalier conduisant à cette chapelle, on serait parfaitement placé pour embrasser l’édifice intérieur dans toute son étendue, si pour le quart d’heure les échafaudages des maçons qui le restaurent au complet n’en masquaient pas les principales parties. Le chœur, qui est vaste, occupe le centre de l’église, et tout autour court une nef circulaire dont les deux bras viennent rejoindre la nef principale.

Ainsi qu’il arrive très souvent avec les édifices qui gardent leur destination pendant de longs siècles et voient se succéder d’innombrables générations, Saint-Cyr a perdu depuis le dernier siècle un grand nombre de ses souvenirs, et retrouvé ceux qu’il avait perdus dans les siècles antérieurs. Ses nombreux tombeaux, ses bas-reliefs sculptés, dont quelques-uns étaient considérables, ont été entièrement détruits, les peintures de ses chapelles ont été écaillées par le temps à en être méconnaissables ; en revanche, les travaux de réparation et de nettoyage ont mis au jour nombre d’inscriptions et plusieurs fresques complètement inconnues jusqu’à ces derniers temps, ensevelies qu’elles étaient sous l’épaisse couche de badigeon dont elles avaient été sans façon recouvertes. Il n’est point juste d’accuser trop exclusivement la révolution de la dévastation de nos anciens édifices, car cette dévastation a été l’œuvre de bien des causes réunies, et l’incurie, la négligence, l’ignorance et le faux goût y ont eu leur bonne part. Nous oublions trop que ce n’est que de nos jours que le sentiment des arts s’est généralisé ; les générations antérieures n’en prenaient point tant de souci, et pour un enthousiaste ou deux on comptait les barbares par milliers. Dans le clergé particulièrement, qui le croirait ? ce respect scrupuleux des souvenirs du passé, dont il était cependant le gardien, est de date récente, et dans les siècles précédens un curé ne se gênait nullement pour faire blanchir, repeindre, nettoyer, selon que la fantaisie lui en prenait, sans souci aucun des peintures qu’il lui fallait effacer ou des objets d’art qu’il lui fallait déplacer, enlever ou quelquefois mutiler. Le clergé des cinquante dernières années tranche singulièrement, en cela comme en bien d’autres choses, sur le clergé des époques précédentes, et a réparé autant qu’il était en lui les dégâts que ses devanciers avaient opérés ou laissé opérer. C’est là l’histoire de ces souvenirs de la cathédrale de Nevers retrouvés sous le badigeon : dans le nombre, il s’y rencontre une œuvre charmante, une peinture à fresque consacrée au souvenir d’un certain chanoine Simon Laurendault, mort en 1445, et qui marquait probablement la place de sa sépulture. On reste étonné de l’insouciance stupide qui avait condamné à l’effacement cette page remarquable. Elle avait toute sorte de titres pour échapper à la destruction, une beauté réelle, un sentiment de naïveté des plus touchans, une perfection de travail rendue curieuse par la date ; aucun de ces mérites cependant n’avait pu la sauver contre le badigeon sous lequel elle est restée emprisonnée un temps infini à la façon de ces chevaliers et de ces dames que les enchanteurs des vieux poèmes enfermaient dans des arbres ou des pierres. Elle est de 1445, c’est-à-dire du printemps même de la renaissance italienne, à laquelle elle n’a rien à envier, et dont elle reproduirait exactement le caractère, si un sentiment de naïveté familière et de bonhomie pieuse qui se sent des vieux âges gaulois ne nous disait pas que c’est pour une église française et non pour une église italienne que cette fresque fut composée. Le chanoine, agenouillé sur ce tapis d’herbe et de fleurs si cher à tous les peintres de la première renaissance, est présenté par saint Pierre à la Vierge et à l’enfant. Cela est peint d’une large et ferme touche, sans gaucherie gothique d’aucun genre, ni mièvre minutie de détail. Saint Pierre offre tous les caractères du type traditionnellement établi par la peinture depuis la renaissance ; mais ce qui n’est rien moins que traditionnel, c’est la façon familière dont il présente le chanoine à la Vierge ; il le tient légèrement par l’occiput entre le pouce et l’index à peu près comme un père ou un maître tire l’oreille d’un enfant qu’il veut réprimander sans le punir, ou auquel il veut montrer un sentiment d’espiègle sympathie. La Vierge à laquelle le chanoine est ainsi amicalement recommandé est de son côté d’aspect peu redoutable et respire peu la sévérité. Rousse superbe, un peu charnue, son expression de bonté tranquille serait bien faite pour rassurer le suppliant, s’il pouvait être alarmé. Quant au chanoine, c’est une jolie figure de vieillard en qui se sont conservés quelques-uns des traits de l’enfance, pâle, fine, une figure d’une innocence presque virginale et qui fait penser qu’en s’adressant à la Vierge le chanoine s’adresse non-seulement à la protectrice commune des chrétiens, mais à sa patronne naturelle. Enfin le badigeon, qui n’a pu être enlevé à fond, prête encore un dernier charme à cette fresque, car elle nous apparaît ainsi comme un spectacle aimable que nous verrions distinctement à travers un rideau de gaze diaphane. C’est l’œuvre d’art la plus intéressante que contienne la cathédrale, et, comme elle n’est pas connue, la découverte étant relativement récente, et qu’elle n’a été mentionnée encore que par les archéologues de la province, nous la signalons à l’attention de tous les artistes qui traverseront Nevers[4].

Nevers conserve encore la petite maison d’Adam Billault, ce menuisier-poète qui est arrivé à la postérité avec une toute gentille chanson à boire, trop célèbre pour que nous ayons besoin de la rappeler. C’est à peu près tout ce que nous connaissons de lui ; nous avions eu d’abord la pensée de pousser plus avant la connaissance, mais vraiment la vie est trop courte pour que nous puissions en distraire une parcelle en faveur du vieux menuisier. Je doute d’ailleurs, au moins s’il faut en juger par une pièce détestable écrite en l’honneur des eaux de Fougues, dont il avait obtenu le privilège, et plus encore en l’honneur de sa protectrice, Marie de Gonzague, la reine de Pologne, que la plupart de ses vers vaillent ceux du maçon Charles Poncy, voire du cordonnier Savinien Lapointe, qui, moins heureux que lui, n’ont pas été entourés de leur vivant des mêmes nobles soins, et n’iront pas après leur mort à une aussi lointaine postérité, soins et hommages qui prouvent, par parenthèse, que l’ancienne France n’était pas une marâtre bien dénaturée, même pour les menuisiers. Si le bon Adam Billault revenait au monde aujourd’hui, combien ne lui faudrait-il pas de chansons à boire de la valeur de sa célèbre petite pièce pour acquérir la célébrité ? Peut-être lui vaudrait-elle la bienveillance de quelque petit journal pendant quinze jours, et encore faudrait-il qu’il eût bonne chance. L’arc de triomphe élevé en l’honneur de la bataille de Fontenoy au sommet de la ville est une laide maçonnerie qui ne vaut pas un regard, et les vers de Voltaire, gravés sur ses pierres, sont bien, je crois, les plus mauvais qui aient jamais échappé au grand écrivain. S’il est des communeux dans la Nièvre qui éprouvent un jour le besoin de démolir quelque chose, on peut leur concéder cet arc de triomphe comme os à ronger ; les arts n’y perdront rien, et le souvenir de Fontenoy n’en restera pas moins dans notre histoire comme celui d’une bataille gagnée. Cet exécrable monument ouvre une longue rue marchande qui se prolonge jusqu’à l’extrémité de la ville et qu’il faut parcourir dans toute son étendue, car elle a vraiment du caractère. Avec sa voie spacieuse et cependant quelque peu sombre, ses maisons d’un dessin net et sec et d’un l’on brun légèrement enfumé, elle n’est ni jeune ni vieille, et ressemble à une bourgeoise bien posée qui a eu de la beauté et qui garde encore du charme, qui ne date pas précisément d’hier, mais pour qui aujourd’hui existe encore. Enfin Nevers possède un musée lapidaire établi dans une des anciennes portes, la porte du Croux ; si on a du temps de reste, on peut y aller passer deux ou trois heures plus innocentes que celles que le juge Dandin demandait au spectacle de la question, mais qui ne seront cependant pas sans fatigue, car rien ne lasse plus l’esprit qu’une promenade prolongée au milieu de ces ossemens du passé, disjoints la plupart du temps du corps dont ils faisaient partie. Aussi avec quelle joie d’enfant n’ai-je pas salué certaine décoration dont la bonne nature a gratifié l’extérieur de cette vieille porte, et que peu d’habitans de Nevers auront, je le crois, remarquée ! D’une des tourelles, il ne reste plus que la base en forme de coquille de colimaçon sur laquelle elle s’élevait ; or les pluies et les saisons ont, avec le secours du temps, comblé de sable et de pierre végétale le large orifice de cette coquille de pierre, en sorte qu’elle est devenue fertile, s’est épanouie, et présente le spectacle d’une énorme vasque remplie jusqu’aux bords de, hautes herbes et de fleurs sauvages. C’est sur cette fraîche impression que j’ai naguère quitté Nevers, et que je veux aujourd’hui arrêter mes souvenirs.


EMILE MONTEGDUT.

  1. Nous trouvons ces très curieux détails dans une Histoire de Sancerre écrite au dernier siècle par l’abbé Poupard, qui fut pendant près de cinquante ans curé de cette ville. Ce livre, à peu près inconnu hors du Berry, mérite d’être lu et consulté par tous ceux qui s’occuperont de ces provinces du Nivernais et du Berry, ne fût-ce que pour un esprit de tolérance qui sent son XVIIIe siècle, et pour l’impartialité avec laquelle l’auteur, en dépit de ses croyances et de son titre, a jugé et utilisé les documens protestans. L’abbé Poupard fut un des députés du clergé pour la province du Berry aux états-généraux de 1789.
  2. De tous les membres de cette famille de Sancerre, le plus illustre est Louis de Sancerre, connétable sous Charles VI, une des plus nobles physionomies militaires de l’ancienne France, et la plus noble de son temps, si l’on en excepte son maître et son ami Duguesclin, qu’il chérit et admira tant, une sorte de Mac-Mahon heureux du dernier âge de la féodalité pour la vaillance sans fracas et la simplicité héroïque. Elle est même mieux que noble, elle est touchante à force de modestie et de délicate réserve, vertus qui n’étaient pas précisément surabondantes à cette époque d’anarchie et de désastreuse dislocation. La charge de connétable, vacante depuis la mort de Duguesclin, lui fut offerte à l’avènement de Charles VI ; mais il s’excusa de l’accepter en alléguant qu’il n’était pas digne de succéder à un si grand homme, et la charge fut donnée à Olivier de Clisson. Vacante une seconde fois, elle lui fut encore offerte, et, la refusant de nouveau, il la laissa passer à Philippe, comte d’Eu. Enfin, après la lamentable expédition de Nicopolis, qui laissait la France sans connétable pour la troisième fois depuis vingt ans, il accepta ce titre, qui lui paraissait si lourd, le conserva cinq ans, et mourut avec une tranquillité et une piété d’enfant et de bonne femme. En souvenir de ma visite à Sancerre, j’ai voulu revoir la tombe du connétable à Saint-Denis. Il est représenté couché et revêtu de son armure militaire ; la figure est peu belle, mais la physionomie, d’une douceur singulière, ne dément pas l’âme que nous révèlent ses actions. Hélas ! l’effigie est pour le moment incomplète, car Louis de Sancerre se trouve être un des mutilés de notre dernière guerre ; les deux mains ont été amputées par les Prussiens. Mérimée a remarqué dans ses tournées archéologiques que la figure humaine poussait à la destruction ; mais il paraîtrait, d’après les dégâts de Saint-Denis, que l’instinct de destruction est différent selon les races, et que chez les Prussiens ce sont les mains et non la tête qui invitent à briser. Toutes les mutilations, en petit nombre d’ailleurs, il faut le reconnaître, qu’ils ont fait subir aux tombes princières ont porté sur les mains. Qu’est-ce que cela veut dire ? Serait-ce par hasard un symbole ? Cette invariable mutilation de l’organe qui est fait pour tenir l’épée signifierait-il que l’amputation de la gloire militaire française était le but et le véritable mobile de la dernière guerre ?
  3. Nous ne nous arrêterons pas à cette église de Sainte-Croix, dont les lecteurs curieux trouveront une description détaillée et exacte dans les notes archéologiques de Mérimée. Nous en dirons autant du fragment de sculpture sauvé par les soins de l’illustre romancier, qui en a indiqué avec un goût parfait les principaux caractères et les contrastes passablement surprenans. Ce bas-relief est divisé en deux parties superposées l’une au-dessus de l’autre. La partie inférieure représente l’adoration des rois mages et une autre scène dont il m’a été impossible de me bien rendre compte et qui se rapporte à la naissance du Christ. L’exécution est d’une finesse étonnante pour tout ce qui concerne les draperies et d’une gaucherie extrême pour tout ce qui concerne les personnages. C’est à la fois de l’art le plus avancé et le plus barbare. Mérimée a fort bien signalé ce caractère ; mais ce qu’il n’a pas dit, c’est que cette gaucherie n’exclut pas la profondeur morale, le mouvement par lequel les mages se précipitent vers Jésus à la file l’un de l’autre est plein de tendresse et de respectueuse allégresse. Le bas-relief supérieur est le plus beau : il représente Jésus au sein de sa gloire encadré dans l’oméga mystique, symbole de son éternité. A ses côtés sont deux apôtres ou plus probablement deux prophètes, Moïse et Élie. Aux deux coins du bas-relief sont placés trois autres personnages, deux d’un côté, un seul de l’autre, — probablement saint Pierre, saint Jean et la Vierge. Deux de ces personnages tiennent à la main une draperie dont la présence est faite pour émouvoir, sans que nous puissions dire cependant si elle est là pour rappeler les larmes que les personnages ont versées à la passion ou les linges dont ils enveloppèrent pieusement son corps. Quoi qu’il en soit, il y a quelque chose de touchant dans ce souvenir des douleurs de la terre persistant au sein de l’éternité glorieuse. Détail curieux à noter pour l’influence byzantine qu’il révèle, les yeux des personnages sont formés de boules en verre de couleur. Quant à la partie purement décorative de ces sculptures, aux ornemens qui les entourent, ils sont d’une habileté achevée, et il y a là notamment sur les chapiteaux de deux colonnes deux petites figures de cavaliers qui rappellent sans désavantage les souvenirs de l’art grec.
  4. On a beaucoup écrit sur la cathédrale de Nevers dans ces quarante dernières années ; nous signalerons seulement les travaux que nous avons consultés bien que nous en ayons peu profité, le Voyage archéologique de Mérimée dans le midi de la France, l’intéressante monographie de Mgr Crosnier, évêque de Nevers, une brochure de l’abbé Bouthillier, enfin l’excellente description qu’a donnée de la cathédrale M. de Soultrait dans son Guide archéologique à Nevers, description qui permet de retrouver dans l’église actuelle toutes les dispositions de l’église d’autrefois.