Inauguration de l’hôpital général du Puy

La bibliothèque libre.


INAUGURATION
de
L’HÔPITAL GÉNÉRAL DU PUY
(26 mai 1687).



L’Hôtel-Dieu du Puy fondé, au dire d’Oddo de Gissey et de frère Théodore, en 596, par l’évêque saint Bénigne, à l’aide des libéralités des hôteliers Manant Gras, le vieil Hôtel-Dieu était devenu depuis longtemps insuffisant pour contenir les vieillards et les malades incurables plus nombreux alors que de nos jours, lorsque l’évêque Armand de Béthune, secondé dans ses vues bienfaisantes par le vicomte Louis-Armand de Polignac, gouverneur, et les principaux habitants de la cité, songea à construire un nouvel asile hospitalier.

Les travaux de cette vaste construction, encore intacte aujourd’hui, furent poussés activement et l’Hôpital Général de la Charité, ainsi qu’on le nomma, fut en état de recevoir ses hôtes, le 26 mai 1687.

Le 1er mai, le bureau provisoire d’administration de l’Hôpital s’assemble pour régler les dispositions à prendre en vue de l’ouverture du nouvel établissement.

À cette séance assistent les pères Chaurand[1] et Guevaire, jésuites, inspecteurs des établissements hospitaliers, aux lumières desquels on avait désiré faire appel.

Le père Chaurand, prenant la parole, dit qu’il trouve le nouveau bâtiment bien distribué, mais que le réfectoire est insuffisant. Il invite, au nom du Roi, le bureau à faire toutes les diligences nécessaires pour parer à cette insuffisance et termine par des conseils pratiques sur la direction de la maison.

Après cette allocution, l’assemblée arrête les résolutions suivantes ainsi libellées sur le registre de ses délibérations conservé aux Archives de l’Hôtel-Dieu :

« 1o Monseigneur est supplié de continuer ses soins pour achever ce qui reste à faire pour le logement des pauvres et de donner la commission de bâtir incessamment un réfectoire plus grand que les deux déjà bâtis et qui seraient destinés aux ouvroirs des pauvres.

« 2o Mondit Seigneur ayant ordre du Roy de choisir des directeurs, indifféremment de tous les corps de la vile, propres à la direction des pauvres, a été supplié par la compagnie de les nommer présentement. Ce qu’ayant fait, l’Assemblée les a agréés et acceptés au corps du bureau et ce sont les suivants écrits sans distinction de rang :

MM.  
Bernard,
MM.  
Sordon,
MM.  
Valéry,
MM.  
Jean Genestet,
MM.  
Ignace Ranquet,
MM.  
Layes,
MM.  
Jacques Genestet,
MM.  
Exbrayat,
MM.  
Ignace Genestet,
MM.  
Deschamp,
MM.  
Pierre Ranquet,
MM.  
Nolhac,
MM.  
Roche.

Cette élection faite, le bureau a partagé les emplois et offices de chaque directeur et nommé les suivants :

Secrétaire, Pierre Ranquet ;
Receveur, Ignace Ranquet ;
Distributeur de pain, Roche ;
Directeur des pauvres honteux, Valéry ;
Directeur des passants, Layes ;
Directeur des malades, Bernard ;
Directeur des droits ou syndic, Deschamp ;
Directeur des habits, Exbrayat ;
Directeur des troncs, Ranquet.


Après la nomination des officiers, il a été arrêté que l’on procéderait incessamment à l’examen tant des pauvres de la ville, que de ceux de l’Hôtel-Dieu, pour choisir ceux qui devront être enfermés et secourus chez eux ; que cet examen sera fait par les directeurs qui voudront prendre cette peine et qui seront, au moins, au nombre de sept pour pouvoir conclure leur jugement.

Quant aux questes proposées, la Compagnie a supplié Monseigneur l’Évêque de vouloir bien les faire lui-même et de choisir ceux du bureau ou de la ville que sa Grandeur jugera propres à l’accompagner, ce qu’il a accepté.

Et parce que Monseigneur l’Intendant a déjà témoigné du désir de prendre grand part à cet établissement, la Compagnie a arrêté qu’on lui enverra une copie de la présente délibération avec de très humbles remerciements de la charité qu’il témoigne pour cet établissement.

Enfin, il est délibéré que le bureau n’assistera aucun pauvre valide s’il n’est originaire du lieu ou domicilié depuis cinq ans. Qu’on ne recevra aucun pauvre, dans l’Hôpital Général, au dessous de neuf ans et que durant quelques jours les directeurs s’assembleront chaque jour, à 2 heures apres midy, pour régler les autres affaires.

Le 7 may fut choisy, dans les personnages susnommés, un visiteur qui, à tour de rôle et chaque jour, devait visiter l’établissement et a arrêté que l’inauguration des malades aurait lieu le lundi 26 may.

Le 23, elle désigna un aumosnier, M. Arsac. »

Nous empruntons, en outre, au dit registre, le récit, d’une simplicité touchante, de la cérémonie d’inauguration de l’Hôpital :

26 mai 1687.

« L’enfermement se fit de cette sorte :

« Premièrement, tous les pauvres qui devoient estre enfermés de l’un et de l’autre sexe et qui avoient tous esté habilléz de neuf se rendirent après midy à la porte de la cathédrale. Les jeunes enfants et les vieillards qui ne pouvoient pas marcher y furent conduits sur trois chariots tapissés, de la manière que saint Laurent fit conduire au palais de l’empereur romain les pauvres qu’il appeloit les trésors de l’église. Chacun de ces pauvres estoit accompagné, les hommes et les garçons de deux enfants habillés en anges qui les conduisoient au milieu d’eux ; chaque femme et chaque fille estoit conduite aussi par deux jeunes filles habillées en vierges.

« Sur les deux heures, tous les corps réguliers et séculiers de la ville, les pénitents et les confréries se rendirent aussi dans la cathédrale d’où la procession partit à cet ordre après que Monseigneur l’Évêque y fut arrivé : les pauvres garçons précédés des clochettes et de leurs croix marchoient les premiers, les bras croisés, les hommes suivoient dans la même posture accompagnez chacun de deux anges. Les trois charriots chargés des malades et des estropiés les suivoient. Après les charriots suivoient les filles et les femmes à mains jointes accompagnées chacune de deux vierges. Après elles suivoient quatre garçons de l’Hospital habillés des robes rouges, de bonnets et calottes de même couleur et de surplis qui précédoient le prestre de l’Hospital et qui chantèrent les litanies de la Sainte-Vierge, ainsi que les chantoient les autres pauvres par divers chœurs qui les précédoient. À la fin de tous ces chœurs, suivoient deux à deux les membres du bureau après lesquels, selon la coustume ordinaire, tous les corps qui assistent aux processions générales. Tout le Chapitre conclut la marche avec beaucoup de dévotion et de solemnité précédant Mgr du Puy revestu pontificalement, le principal auteur de cet établissement et de cette auguste cérémonie. Ils estoient suivis de tous les officiers de justice et messieurs les six consuls revestus des robes rouges et de tout le reste des personnes les plus considérables de la ville.

Cette procession fit le tour ordinaire des processions générales et une station dans la place du Martoret, où, après que le P. Chaurand eut fait une petite exhortation sur le sujet et l’importance de ce nouvel établissement, Mgr l’Évêque entonna le Te Deum pour remercier Dieu du commencement de cette sainte œuvre ; il fut chanté par la musique de la cathédrale et après les prières faites pour le Roy, pour tous les bienfaiteurs et pour tous les domestiques de cette nouvelle famille, la procession continua sa marche jusqu’à la cathédrale et reçut les bénédictions du prélat, après lesquelles les pauvres entrèrent dans leur Hospice, chacun estant embrassé sur le seuil de la porte par les anges et les vierges qui l’avoient accompagné.

Dès que la procession fut achevée, on distribua à la place du Martoret le pain que le Bureau avait ordonné à chaque pauvre famille pour tout le reste de la semaine et l’on prépara dans la même place un réfectoire pour le souper de tous les pauvres enfermés. Ils s’y rendirent deux à deux. Ils y furent abondamment régalés des alimens que toute la ville avait envoyés ce mesme jour et furent servis à table par Mgr l’Évêque, par M. l’abbé de Polignac, par M. d’Urfé, doyen du Chapitre, par les principales dignités du même Chapitre, par Mme la duchesse d’Uzez, Mme la vicomtesse de Polignac, M. le comte de Latour-Maubourg et par Madame sa femme, par M. le Juge-Mage, MM. les Consuls et toutes les autres personnes les plus considérables de la ville.

Le lendemain Mgr l’Évêque et les directeurs furent occupés à ranger la maison et y à mettre le bon ordre et les visiteurs dès le dimanche suivant à faire leur visite chacun de son jour de la semaine. »

Depuis lors, c’est-à-dire depuis bientôt deux siècles, cet asile hospitalier n’a cessé de recueillir et de soulager la souffrance et pas un infortuné n’est venu, en vain, y demander, au nom de Dieu, un allègement, un réconfort, un sourire.

Henry MOSNIER.




  1. Le père Chaurand, dont le portrait est conservé dans la salle du conseil de l’Hôpital du Puy, s’était créé, comme organisateur de services et établissements hospitaliers, une véritable spécialité. Il collabora à la création de prés de quatre cents hôpitaux, soit en France, soit en Italie, où il avait été appelé par le Pape.