Ingres d’après une correspondance inédite/XLI

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ÉPISTOLAIRE D’INGRES
De l’« Age d’Or » à la à la « Source » et au « Testament »

INGRES À GILIBERT
XLI
Paris, 26 juin 1842.

J’ai bien éprouvé une ancienne atteinte de paresse, mais me voilà. Je tiens aussi à pouvoir le dire, sans presque mentir, que j’ai enfin fini la copie de l’Odalisque, signée d’hier.

J’ai ébauché le portrait de Mme d’Haussonville. Demain, je vais à Dampierre, y voir mon pauvre duc, bien changé par sa longue maladie. Et, mardi, j’ai séance définitive avec M me de Rothschild, au prix d’une douzaine de lettres puériles et honnêtes, pour en venir là ! Vive les portraits ! Que Dieu confonde les… !

Dans les entr’actes, le petit tableau de Francesca est sur le chevalet. Que Dieu me conduise ! N’est-ce pas pour arriver enfin à la liberté de mon pauvre cerveau, pour pouvoir penser et me mettre à l’œuvre de mes grandes choses ? Le portrait du prince est toujours chez moi, et on ne m’a demandé encore rien de nouveau de ce grand sujet qu’il faut cependant que j’aborde, un de ces jours.

Sais-tu que le Roi de Prusse vient de me créer l’un des chevaliers de son nouvel Ordre du Mérite, créé par Frédéric-le-Grand ? Je t’avoue que j’en suis singulièrement flatté et heureux ; et tu seras de mon avis.

Mon noble barbier te remettra le calque de mon Odalisque et, de la part de ma femme, un plat de sa façon.

J’ai signé, hier, une pétition qui demande que l’on fasse venir à Paris les restes de notre grand maître David.

Écris donc des comédies ou des satires, mon ami ; je suis persuadé que tu t’y distinguerais. Ta séance de l’Académie de Montauban m’en donne l’assurance, et nous en avons bien ri.

Nous avons reçu le bon des deux mille cinq cents francs du tableau et l’épargne d’une lettre à répondre. Ceci n’est pas tout à fait vrai cependant, et je te prie de bien remercier l’acheteur et de lui dire que je suis heureux que cet ouvrage figure chez lui, d’autant plus que sa personne me plaît infiniment.

M. de Mortarieu fait trop attention à mon portrait. Est-ce qu’il faudrait lui répondre ? Je suis on ne peut plus sensible et reconnaissant à l’intérêt si aimable de nos belles Montalbanaises, et je remercie M. de Gironde d’en avoir donné l’occasion.

Tu penses bien, mon ami, que ton départ d’auprès de nous, nous a causé un véritable Cette chère enfant donnait à notre foyer quelque chose de paternel qu’il ne nous a pas été possible de goûter dans ce monde. Nous l’embrassons de tout notre cœur.

Et la Symphonie Pastorale ? J’ai à ce propos fait, dernièrement, de beaux trios que allons continuer, mardi prochain, avec Mademoiselle Oranger et son maître, accompagnateur distingué à Paris. Il a joué de la basse, comme de son violon, et m’a fait un honneur insigne en m’adressant des louanges. Les graines de pensées ne sont pas venues, au grand déplaisir de ma femme.

Mille amitiés à la famille de Gambon, dont j’aurai soin. Il vient de me faire voir une bonne esquisse.