Insaisissable amour/25

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Décarie, Hébert & Cie (p. 276-287).

XXV


George avait l’habitude d’aller voir Mamie tous les après-midi, et les heures qu’il passait avec elle étaient de beaucoup les plus agréables de sa journée. Il s’attendait tous les jours à trouver lourde cette perpétuelle conversation, mais chaque fois, après être resté vingt minutes dans la maison, il était sous le charme de Mamie. Rien ne pouvait démontrer plus clairement la supériorité de sa cousine sur les autres jeunes filles de son âge.

George savait bien au fond que son affection n’avait rien de démsurément passionné, et il n’en était que plus surpris de s’apercevoir que plus il voyait Mamie Trimm, plus il désirait la revoir.

« Crois-tu, lui dit-il un après-midi de novembre, que tous les fiancés jouissent autant que nous de leur temps de fiançailles.

— Je suis sûre que non, répondit Mamie. Mais nous sommes si raisonnables ! »

Ils étaient assis dans un petit boudoir attenant au salon. La porte était grande ouverte et ils pouvaient entendre le gai pétillement du premier feu de bois qui brûlait dans la pièce voisine. Mamie s’était installée sur un divan, un de ses petits pieds touchant à peine le tapis, l’autre restant couché, sa tête rejetée en arrière, sa petite main pendant sur le bord, si près de George qu’il n’avait qu’à étendre la sienne pour la toucher. Il était assis le dos tourné à la porte du salon, les mains croisées sur son genou. Il sourit de la réponse de Mamie.

« M’aimes-tu, George ? »

Cette question lui était posée pour la centième fois. Pour elle, elle était toujours nouvelle et la réponse toujours pleine d’intérêt, comme si elle n’avait encore jamais été donnée.

« Bien tendrement.

— Est-ce tout ? demanda-t-elle, feignant d’être désappointée, mais souriant. Quand je te demande si tu m’aimes, tu me fais presque toujours la même réponse.

— Évidemment, dit George en riant. Mais comme tu ne varies pas beaucoup la question, il n’est pas étonnant que mes réponses soient aussi un peu monotones.

— Mes questions t’ennuient peut-être, dis, George ?

— Non, ma chérie. Je serais bien difficile si tu m’ennuyais avec ton charme.

— Qu’est-ce que le charme ? Que veux-tu dire par là ?

— Le charme, répondit George, est ce que tout homme qui aime une femme trouve en elle…

— Mon Dieu ! s’écria la jeune fille, ne peux-tu faire une définition plus précise ?

— Peut-on définir ce qu’on sent seulement et qu’on ne peut voir…

— Et puis, si cela te fait m’aimer, pourquoi m’inquiéterais-je de savoir comment cela s’appelle. Du reste, sais-tu réellement ce que c’est ? C’est l’amour lui-même. C’est parce que je t’aime beaucoup, bien profondément, que je te fais m’aimer. Le charme n’existe pas. »

Mamie riait tout bas et remuait la main qui pendait sur le bord du canapé comme pour chercher à saisir les doigts de George. Il obéit machinalement à cet appel.

« Tiens ! qui est là ? » demanda Mamie après un instant de silence.

Elle croyait avoir entendu quelqu’un entrer dans le salon. George écouta quelques secondes.

« Personne, dit-il. Ce n’était que le feu. »

Pendant qu’ils causaient, Thomas Craik était effectivement entré dans la pièce voisine. S’ennuyant plus que de coutume ce jour-là, l’idée lui était venue qu’il trouverait peut-être Totty chez elle et s’amuserait à la taquiner d’une manière ou d’une autre. Mme Trimm allait rentrer, avait dit le domestique, et ce discret serviteur avait ajouté que M. George et Mlle Mamie étaient dans le boudoir. M. Craik dit qu’il attendrait dans le salon, où en conséquence il avait été introduit. Il connaissait la disposition de l’appartement et évita de faire du bruit, pour ne pas troubler la paix des jeunes gens. Trouvant très amusant d’écouter un peu te qu’ils disaient, il s’avança doucement sur l’épais tapis et. se plaça dans une position favorable pour entendre.

« Ainsi tu crois que je ne t’aime que parce que tu m’aimes ? dit George. Ce n’est pas trop flatteur pour toi, »

Thomas Craik écouta quelque temps leur conversation avec attention, puis bientôt avec une expression d’ennui. Il avait eu peur de s’asseoir, dans la crainte de faire du bruit, et il se tenait debout devant une table sur laquelle, parmi beaucoup d’autres objets, était posé le petit cabinet indien qu’il avait donné autrefois à sa sœur. Bien des années s’étaient écoulées depuis qu’il le lui avait envoyé, mais sa mémoire des détails n’avait pas oublié le secret du tiroir. Il le considéra longtemps avec curiosité en se demandant si Totty n’y enfermait pas quelque objet de valeur. Puis il lui vint à l’esprit que si réellement elle y cachait quelque chose ce serait une excellente plaisanterie d’enlever cet objet pour le lui rapporter ensuite.

II posa doucement ses deux mains maigres sur le cabinet et se mit à l’ouvrir aussi silencieusement que possible.

Cette fois les fines oreilles de Mamie ne furent pas trompées. Elle se pencha en avant et dit tout bas à George :

« Il y a là quelqu’un. Va sur la pointe du pied regarder de derrière la portière. Ne te laisse pas voir, car nous serions obligés d’entrer par politesse. »

George obéit en silence, resta un moment à regarder dans le salon, caché par les tentures, puis revint près de Mamie.

« C’est ton oncle Tom, lui dit-il tout bas en souriant. Il doit faire quelque méchanceté, j’en suis sur, car il ouvre ce petit cabinet indien comme s’il désirait ne pas être entendu.

— Je le dirai à maman quand elle rentrera… Comme ce sera drôle, répondit Mamie. Il doit nous avoir entendus, aussi il faut que nous continuions à parler… de la pluie et du beau temps. »

Puis, élevant la voix, elle se mit à exposer leurs projets d’avenir.

Pendant ce temps, M. Craik avait ouvert le tiroir. Il n’y avait dedans que l’acte renfermé par Totty. Il le prit vivement et referma le cabinet. Quelque chose dans l’aspect du papier attira son attention et au lieu de le mettre dans sa poche pour le lire chez lui à loisir, comme il en avait d’abord l’intention, il le déplia et jeta un coup d’œil sur le contenu.

Il avait toujours su contenir sa colère, à moins qu’il n’y eut un avantage à la manifester, mais pour l’instant sa fureur était beaucoup trop motivée pour pouvoir la dissimuler. Ses veines se gonflèrent comme des cordes sous son front, sa bouche se contracta et ses mains tremblaient pendant qu’il lisait la feuille de papier attentivement pour s’assurer que c’était bien l’acte véritable et non un faux testament contenant des dispositions autres que celles qu’il avait dictées. Dès qu’il n’eut plus de doute, il donna libre cours à sa rage par un torrent de malédictions, arpentant la chambre et frappant du pied et agitant ses grands bras en tenant toujours le papier d’une main.

Mamie pâlit et saisit le bras de George. Il allait se lever pour entrer dans le salon, mais elle le retint de toutes ses forces.

« Non… reste ici ! lui dit-elle à voix basse. Tu ne peux rien faire de bon. Il savait que nous étions là… Il doit être arrivé quelque chose ! Oh ! George, qu’est-ce que cela peut être ?

— Si tu veux me laisser aller voir… »

Mais en ce moment il devint évident pour eux que Tom Craik n’était pas seul. Totty était entrée dans le salon. Son frère se tourna vers elle d’un air furieux, brandissant le testament et jurant. plus haut que jamais.

« Infernale sorcière ! cria-t-il. Abominable femme ! Voleuse !… Escroqueuse !… vous…

— Au secours !… au secours ! criait… Totty. Il est fou… il veut me tuer !

— Je ne suis pas fou, misérable coquine ! hurlait Thomas Craik en la poursuivant et la saisissant d’une main tandis qu’il agitait de l’autre le testament devant sa figure. Regardez cela… regardez cela ! Mon testament, ici sous votre garde, tout ouvert ; sans enveloppe… voleuse ! Vous avez pénétré dans le bureau de votre mari, coquine ! Vous avez forcé mon coffre… regardez cela ! Le reconnaissez-vous ? Restez tranquille et répondez-moi, ou je vais vous tenir jusqu’à ce que l’on aille chercher la police. Comprenez-vous ? Les dernières volontés et le testament de Thomas Craik, et pas un cent pour Charlotte Trimm. Pas un cent et vous n’en aurez jamais un. George Winton Wood aura tout. Ah ! je comprends la raison qui vous l'a fait prendre à présent… vous vous l’êtes assuré pour votre fille… oui, naturellement, voilà… Vile et menteuse créature !

— Que signifie tout ceci ? » demanda George d’une voix vibrante.

Il s’était dégagé du bras de Mamie avec difficulté et elle l’avait suivi dans le salon, où elle se cramponnait à sa mère. George repoussa un peu Tom Craik et se plaça entre lui et Totty livide de terreur et paraissant incapable de dire un mot. L’apparition soudaine de la grande et anguleuse personne de George et l’expression résolue de ses yeux ramenèrent Tom Craik à la raison.

« Vous voulez savoir ce que cela signifie ? dit-il. Parfaitement juste. Vous allez le savoir. Quand j’étais mourant… il y a environ trois ans, j’ai fait un testament en votre faveur. Je vous instituai mon légataire universel. Pourquoi ? Parce que cela me plaisait. Cette femme croyait qu’elle devait être mon héritière. Oh ! vous auriez pu l’être sans votre infernale avidité, s’écria-t-il en se tournant vers Totty. Ce testament fut déposé dans mon coffre dans l’étude de Sherrington Trimm. Je l’y ai vu de mes propres yeux, au-dessus des autres papiers, la dernière fois que j’y suis allé, Sherry était alors en Europe. Ainsi c’est vous qui l’avez pris, et personne d’autre. Ce n’est certes pas ce pauvre Bond, quoique vous direz que c’est lui, maintenant qu’il est mort. Mais cela ne vous sauvera pas. Vous avez habilement comploté tout cela… Oh ! oui. Je connais vos tours. Vous avez fait rompre le mariage de George Wood avec la jeune fille qu’il aimait et puis vous l’avez fait venir passer l’été sur le fleuve… bien joli, luxueux, tranquille, pour un jeune auteur pauvre. Vous n’avez dit à personne qu’il y était… bien entendu ! Je vois tout cela maintenant, les promenades au clair de lune, à cheval, en bateau, et Totty à la maison avec la migraine ou à écrire des lettres. Quand tout a été arrangé, il a été facile d’obtenir le consentement de Sherry, n’est-ce pas ? Diablement facile. Sherry est un honnête homme… mais il connaissait le contenu du testament puisque c’était lui qui l’avait rédigé ; peu lui importait alors que George Winton Wood, le pauvre auteur, devint amoureux de sa fille. L’auteur sans le sou devait avoir des millions… des millions, coquine ! dès que le vieux frère serait cloué dans sa bière et emporté à Greenwood. Et il les aura ; mais il reste à savoir s’il aura votre fille. »

Craik s’arrêta pour respirer. George avait d’abord été trop étonné pour en croire ses oreilles et avait supposé que Craik était devenu fou ; pourtant la présence du testament, que le vieillard lui remettait sans cesse sous les yeux et dans lequel il voyait son nom écrit de la grande écriture de l’avocat, lui prouvait qu’il y avait un grand fond de vérité dans cette histoire.

« Défendez-vous donc, Totty, dit-il aussi tranquillement qu’il put. Dites-lui que cette histoire est absurde. M. Craik, je crois, n’est pas bien…

— Pas bien, jeune homme ? demanda Craik en le regardant avec un rire amer. Je vais aussi bien que vous. Voilà mon testament. Voilà le cabinet. Et voilà Charlotte Trimm. Envoyez chercher son mari. Demandez-lui si ce n’est pas une bonne affaire pour un jury. Vous pouvez être amoureux de la fille et elle être amoureuse de vous, mais ce sont les artifices de cette femme-là qui vous ont fait devenir amoureux. C’était le seul moyen qu’elle eût de faire entrer l’argent dans la famille. Elle connaît assez les affaires pour savoir qu’il peut y avoir un duplicata quelque part et qu’à la rigueur je pouvais en faire un très vite. D’ailleurs, brûler un testament signifie prison d’État et elle désire éviter cet endroit-la. »

La possibilité et la probabilité que toute cette histoire fût vraie traversa soudain l’esprit de George et il devint très pâle. Le souvenir de Détonnant désir de Totty de lui plaire était encore frais à sa mémoire, ses continuelles invitations, l’extrême envie de l’attirer à la campagne, l’insouciance avec laquelle elle le laissait seul avec sa fille, les manières de Totty le soir où elle lui avait persuadé qu’il aimait Mamie… le résultat, et le télégramme qu’elle lui avait montré, tout préparé et préjugeant du consentement de son mari. Pendant ce temps Totty s’était affaissée dans un fauteuil et sanglotait convulsivement, le visage caché dans son mouchoir. George s’approcha d’elle, tandis que le vieux Craik se tenait derrière lui, comme s’il craignait de le voir pardonner trop facilement.

« Depuis quand connaissez-vous le contenu de ce testament ? demanda George d’une voix ferme et pourtant s’efforçant de parler avec bonté.

— Depuis… la fin… d’avril, » dit Totty d’une voix entrecoupée de sanglots.

Elle sentait qu’il était impossible de mentir en présence de son frère.

« Ah, vraiment ! Bon… bon, cela doit tout fixer, dit Craik en partant d’un éclat de rire féroce. Je m’imagine que c’est à partir de cette époque qu’elle s’est mise à avoir tant d’affection pour vous, ajouta-t-il en regardant George.

— Vers le 1er mai, répondit froidement George. Je me rappelle effectivement que je vous ai rencontrée dans la rue et que vous m’avez prié d’aller tenir compagnie à Mamie qui était seule.

— Et moi, tu ne m’as pas demandé si je savais quelque chose, » dit Mamie en s’avançant.

Elle était d’une pâleur mortelle et ses yeux lançaient des flammes.

« Ta mère te connaissait trop bien pour te le dire, répondit George avec beaucoup de tendresse. Je ne te soupçonne pas, et comme j’ai promis de t’épouser, je ne veux pas reprendre ma parole.

— C’est à moi à reprendre la mienne, répondit fièrement la jeune fille. Aucune puissance humaine ne me fera t’épouser à présent.

Elle serra étroitement les lèvres et tint la tête haute.

« Pourquoi ne veux-tu pas m’épouser, Mamie ? » demanda George.

Il comprenait alors qu’il ne l’avait jamais aimée.

« J’ai déjà eu assez de honte, répondit-elle. Honte d’avoir été jetée à ta tête, honte de m’être imposée à toi… quoique ce ne fût pas pour ton argent. Je ne savais rien. Tu m’as demandé une fois comment je faisais pour connaître tes dispositions d’esprit, quand tu désirais ma compagnie ou quand tu désirais être seul. Demande-le à ma mère. Elle est plus habile que moi ! Elle savait à l’air de ton visage, longtemps avant moi, ce que tu désirais… et nous avions des signes et des mots convenus, elle et moi, afin qu’elle pût m’aider de ses conseils et m’apprendre comment faire désirer ma présence par celui que j’aimais. T’épouser à présent ? J’aimerais mieux mourir !

— Quoi qu’aient pu faire les autres, tu as toujours été bonne et sincère, Mamie, dit George. Il vaut peut-être mieux que nous ne nous mariions, pas, mais il n’y a pas eu de honte pour toi dans cela.

— Je n’en suis pas bien sûr, dit Tom Craik avec un mauvais soutire. Elle est plus habile qu’elle n’en a l’air… »

George se tourna vers le vieillard avec une violence extrême.

« Monsieur ! s’écria-t-il avec impétuosité, si vous répétez cela encore une fois, je vous romps les os, tout vieux qu’ils sont, dussé-je être pendu ensuite.

— Aime ce garçon-là, murmura Craik avec une plus agréable expression qu’il n’en avait eu jusque-là. L’aime de plus en plus.

— Je ne tiens pas à ce que vous m’aimiez, et vous savez bien pourquoi, dit George.

— Ah ! vous n’y tenez pas, vous n’y tenez pas ? Bon… bon. Peu importe.

— Non, je n’y tiens pas. Et, qui plus est, je vais vous dire quelque chose, monsieur Craik. Quand vous étiez malade, si je suis allé demander de vos nouvelles, c’est que j’espérais apprendre que vous étiez mort. Cela peut vous expliquer ce que j’éprouve pour vous. Je n’ai pas eu l’occasion de le faire plus tôt : sans cela je l’aurais fait.

— Bon encore ! répliqua le vieillard. Aime la franchise chez les gens. Hein, Totty ? Hein, Mamie ? Jeune homme très franc, celui-là, hein ?

— Plus encore, monsieur Craik, continua George sans faire attention à lui, je vous dirai même que je ne lèverai pas un doigt pour avoir votre argent. Je n’en ai pas besoin

— Parfaitement. Jamais éprouvé plus de plaisir de ma vie qu’en essayant de faire prendre de force de l’argent à un homme pauvre. Bon cela, quoi ? Hein, Totty ? Ne trouvez-vous pas cela drôle ? Pauvre vieille Totty… toute bouleversée. Supporte mieux ces petites choses, moi. »

Totty avait une attaque de nerfs et n’entendait rien de ce qui se passait, enfoncée dans son fauteuil, sanglotant, gémissant, et riant tout à la fois. George lui lança un regard de mépris.

« Allez-vous-en, dit-il à Craik, ou bien qu’on emmène Mme Trimm. Je ne vous laisserai pas ici pour tourmenter ces dames.

— Place dans ma voiture ? Partons ! » répondit Craik avec empressement.

George attira Mamie dans un coin du salon.

« Qu’est-ce donc, George ? demanda Mamie avec un effort. Veux-tu me dire adieu ?

— Voici ce que je veux te dire, ma chère Mamie. J’ai été indignement trompé, mais pas par toi. Tu as été franche et sincère depuis le commencement jusqu’à la fin. Le meilleur moyen de garder tout ceci secret, c’est de nous marier comme si de rien n’était. Personne n’y pourra croire alors, malgré ce qu’en pourra dire M. Craik dans sa colère.

— Je t’ai dit ma résolution, répondit Mamie avec fermeté, quoique ses lèvres fussent toutes blanches. Je n’ai rien de plus à te dire.

— Réfléchis bien à ce que tu fais. On ne doit jamais prendre de semblables résolutions quand on est en colère. Me voici, Mamie prends-moi si tu veux et oublie tout. »

Pendant un moment Mamie hésita.

« M’aimes-tu ? » demanda-t-elle en essayant de lire dans le cœur et dans les yeux de George.

Mais la pauvre passion qui avait pris la place de l’amour avait disparu. La certitude qu’il avait été joué lui avait porté un rude coup.

« Oui » répondit-il courageusement en s’efforçant de sentir qu’il disait vrai.

Mais il n’y avait rien de vivant dans ce mot.

« Non, mon cher George, dit simplement Mamie, tu ne m’as jamais aimée. Je le vois à présent. »

Il aurait voulu protester d’une manière ou d’une autre ; mais elle s’éloigna de lui et de la main qu’il lui tendait.

« Veux-tu me laisser seule ? » demanda-t-elle.

Il inclina la tête et quitta le salon derrière M. Craik.