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Instruction libertine/00

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INTRODUCTION.

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Charles, âgé de 28 ans, d’une santé florissante, jouissant d’une honnête naissance qu’il devait au travail probe et laborieux de son père dans le commerce, avait pour maîtresse, Justine, âgée de 24 ans, femme d’un estimable garçon, mais d’un tempérament froid, qui formait un trop grand contraste avec celui de sa moitié, pour que celle-ci ne cherchât pas ailleurs, ce qu’elle ne trouvait guère dans les bras de son mari.

Charles, libre de ses actions, aimant les femmes, mais aussi les plaisirs tranquilles et sans délai, rencontra dans le monde Justine, qui lui parut devoir satisfaire ses goûts simples mais luxurieux. Celle-ci, de son côté, remarqua Charles qui lui sembla par ses manières discrètes, polies et ardentes, propre à réparer sans scandale, l’insuffisance de son mari résultant de sa froideur pour les plaisirs de l’amour. Les arrangements ne sauraient être longs quand les parties se conviennent, aussi la liaison s’établit-elle vîte, entre ces deux personnes ; Charles avait en dehors de son logement, et dans un autre quartier, une petite chambrette fort propre où se trouvaient lit, fauteuils, canapé, divan, chaises, coussins, carreaux de pieds, meubles et linges utiles pour l’objet auquel la chambrette était consacrée. Tout y était arrangé sans luxe, mais avec soin et propreté et commodité de toutes sortes. Une double petite clef permettait à Charles et Justine qui en avaient chacun une de s’y rendre séparément au jour et heure que Justine indiquait, soit d’un mot à la dérobée dans le monde où les amants se rencontraient souvent, soit par un billet qu’elle portait à la chambrette, car il avait été convenu que Charles y passerait tous les jours le matin, entre dix et onze heures, si on ne s’était pas vu la veille surtout.

Cet état de choses durait depuis dix huit mois, les amants avaient épuisé sans s’en lasser toutes les ressources de l’amour libre et heureux. L’accord le plus parfait régnait toujours entr’eux, malgré le temps et la jouissance satisfaite, ils avaient l’un dans l’autre une confiance absolue et méritée. Justine trouvait dans Charles, outre un amant discret et infatigable, un homme plein d’un esprit ferme, juste et sensé, exempt de préjugés, mais les respectant pour le monde.

Charles reconnaissait en Justine, une femme peu capricieuse, d’un cœur excellent porté à l’amour et à ses plaisirs par un tempérament de feu, mais réglé par un esprit raisonnable, perspicace autant curieux d’apprendre ! Ces deux âmes devaient s’entendre.

Un jour Charles trouva à la chambrette un avis de Justine, qui le prévenait que le soir même elle y viendrait passer la nuit, la journée du lendemain et la nuit suivante ; ayant obtenu de son mari d’aller passer deux ou trois jours chez une amie à quatre lieues de Paris ; elle se proposait de ne s’y rendre que le surlendemain et de n’y rester qu’un jour, pour en donner d’abord un entier et deux nuits à l’amour.

Les deux amants désiraient depuis longtemps pouvoir coucher ensemble au moins une nuit, et celà n’avait pas été possible jusques-là.

Charles fut enchanté, il lui semblait qu’il allait pour la première fois jouir réellement de sa maîtresse, quoiqu’il eût bien des fois passé plusieurs heures au lit dans ses bras, en état de pure nature tous deux, dans la bienheureuse chambrette.

Il attendit donc avec bonheur et impatience, presque comme à un premier rendez-vous, Justine, qui n’eut garde de manquer de parole, car elle partageait complètement les sentiments qu’éprouvait son amant, elle arriva à sept heures du soir.

Charles avait fait préparer un petit ambigu, coquet et réconfortant, la table était mise près du lit, on soupa gaîment et on se coucha de bonne heure pour avoir plus de temps à donner aux joûtes amoureuses auxquelles on se livra avec toute l’ardeur de véritables amants jeunes et vigoureux.

Après s’être donné beaucoup de mouvements dans ces joyeux exercices, nos deux amoureux se reposèrent et se mirent à causer de leurs doux plaisirs. On était tout frais pour traiter le sujet. La curieuse Justine prit alors la parole :