Intérieur (Maeterlinck)/Drame en un acte
Un vieux jardin planté de saules. Au fond une maison, dont trois fenêtres du rez-de-chaussée sont éclairées. On aperçoit assez distinctement une famille qui fait la veillée sous la lampe. Le père est assis au coin du feu. La mère, un coude sur la table, regarde dans le vide. Deux jeunes filles, vêtues de blanc, brodent, rêvent et sourient à la tranquillité de la chambre. Un enfant sommeille, la tête sous le bras gauche de la mère. Il semble que lorsque l’un d’eux se lève, marche ou fait un geste, ses mouvements soient graves, lents, rares et comme spiritualisés par la distance, la lumière et le voile indécis des fenêtres.
Le vieillard et l’étranger entrent avec précaution dans le jardin.
Nous voici dans la partie du jardin qui s’étend derrière la maison. Ils n’y viennent jamais. Les portes sont de l’autre côté. — Elles sont fermées et les volets sont clos. Mais il n’y a pas de volets par ici et j’ai vu de la lumière… Oui ; ils veillent encore sous la lampe. Il est heureux qu’ils ne nous aient pas entendus ; la mère ou les jeunes filles seraient sorties peut-être, et alors, qu’aurait-il fallu faire ?…
Qu’allons nous faire ?
Je voudrais voir, d’abord, s’ils sont tous dans la salle. Oui, j’aperçois le père assis au coin du feu. Il attend, les mains sur les genoux… la mère s’accoude sur la table.
Elle nous regarde…
Non ; elle ne sait par ce qu’elle regarde ; ses yeux ne clignent pas. Elle ne peut pas nous voir ; nous sommes dans l’ombre des grands arbres. Mais n’approchez pas davantage… Les deux sœurs de la morte sont aussi dans la chambre. Elle brodent lentement ; et le petit enfant s’est endormi. Il est neuf heures à l’horloge qui se trouve dans le coin… Ils ne se doutent de rien et ils ne parlent pas.
Si l’on pouvait attirer l’attention du père, et lui faire quelque signe ? Il a tourné la tête de ce côté. Voulez-vous que je frappe à l’une des fenêtres ? Il faut bien que l’un d’eux l’apprenne avant les autres…
Je ne sais qui choisir… Il faut prendre de grandes précautions… Le père est vieux et maladif… La mère aussi ; et les sœurs sont trop jeunes… Et tous l’aimaient comme on n’aimera plus… Je n’avais jamais vu de maison plus heureuse… Non, non, n’approchez pas de la fenêtre ; ce serait pire qu’autre chose… Il vaut mieux l’annoncer le plus simplement que l’on peut ; comme si c’était un événement ordinaire ; et ne pas paraître trop tristes ; sans quoi, leur douleur veut surpasser la vôtre et ne sait plus que faire… Allons de l’autre côté du jardin. Nous frapperons à la porte et nous entrerons comme si rien n’était arrivé. J’entrerai le premier ; ils ne seront pas surpris de me voir ; je viens parfois, le soir, leur apporter des fleurs ou des fruits, et passer quelques heures avec eux.
Pourquoi faut-il que je vous accompagne ? Allez seul ; j’attendrai qu’on m’appelle… Ils ne m’ont jamais vu… Je ne suis qu’un passant ; je suis un étranger…
Il vaut mieux ne pas être seul. Un malheur qu’on n’apporte pas seul est moins net et moins lourd… J’y songeais en venant jusqu’ici… si j’entre seul, il me faudra parler dès le premier moment ; ils sauront tout en quelques mots et je n’aurai plus rien à dire ; et j’ai peur du silence qui suit les dernières paroles qui annoncent un malheur… C’est alors que le cœur se déchire… Si nous entrons ensemble, je leur dis par exemple, après de longs détours : On l’a trouvée ainsi… Elle flottait sur le fleuve et ses mains étaient jointes…
Ses mains n’étaient pas jointes ; ses bras pendaient le long du corps.
Vous voyez qu’on parle malgré soi… Et le malheur se perd dans les détails… sans quoi, si j’entre seul, aux premiers mots, tels que je les connais, ce serait effrayant, et Dieu sait ce qui arriverait… Mais si nous parlons tour à tour, ils nous écoutent et ne songent pas à regarder la mauvaise nouvelle face-à-face… N’oubliez pas que la mère sera là et que sa vie tient à si peu de chose… Il est bon que la première vague se brise sur quelques paroles inutiles… Il faut qu’on parle un peu autour des malheureux et qu’ils soient entourés. Les plus indifférents portent, sans le savoir, une part de la douleur… Elle se divise ainsi sans bruit et sans efforts, comme l’air ou la lumière…
Vos vêtements sont trempés et dégouttent sur les dalles.
Le bas de mon manteau seul a trempé dans l’eau. — Vous semblez avoir froid. Votre poitrine est couverte de terre… Je ne l’avais pas remarqué sur la route à cause de l’obscurité…
Je suis entré dans l’eau jusqu’à la ceinture.
Y avait-il longtemps que vous l’aviez trouvée lorsque je suis venu ?
Quelques instants à peine. J’allais vers le village ; il était déjà tard et la berge devenait obscure. Je marchais, les yeux fixés sur le fleuve parce qu’il était plus clair que la route, lorsque je vois une chose étrange à deux pas d’une touffe de roseaux… Je m’approche et j’aperçois sa chevelure qui s’était élevée presque en cercle, au dessus de sa tête, et qui tournoyait ainsi, selon le courant…
Avez-vous vu trembler sur leurs épaules la chevelure de ses deux sœurs ?
Elles ont tourné la tête de notre côté… Elles ont simplement tourné la tête. J’ai peut-être parlé trop haut (Les deux jeunes filles reprennent leur première position) Mais déjà elles ne regardent plus… Je suis entré dans l’eau jusqu’à la ceinture et j’ai pu la prendre par la main et l’amener sans efforts sur la rive… Elle était aussi belle que ses sœurs…
Elle était peut-être plus belle… Je ne sais pas pourquoi j’ai perdu tout courage…
De quel courage parlez-vous ? Nous avons fait tout ce que l’homme pouvait faire… Elle était morte depuis plus d’une heure…
Elle vivait ce matin !… Je l’avais rencontrée au sortir de l’église… Elle m’a dit qu’elle partait ; elle allait voir son aïeule de l’autre côté de ce fleuve où vous l’avez trouvée… Elle ne savait pas quand je la reverrais… Elle doit avoir été sur le point de me demander quelque chose ; puis elle n’a pas osé et elle m’a quitté brusquement. Mais j’y songe à présent… Et je n’avais rien vu !… Elle a souri comme sourient ceux qui veulent se taire ou qui ont peur qu’on ne comprenne pas… Elle semblait n’espérer qu’avec peine… ses yeux n’étaient pas clairs et ne m’ont presque pas regardé…
Des paysans m’ont dit qu’ils l’avaient vue errer jusqu’au soir sur la rive… Ils croyaient qu’elle cherchait des fleurs… Il se peut que sa mort…
On ne sait pas… Et qu’est ce que l’on sait ?… Elle était peut-être de celles qui ne veulent rien dire, et chacun porte en soi plus d’une raison de ne plus vivre… On ne voit pas dans l’âme comme on voit dans cette chambre. Elles sont toutes ainsi… Elles ne disent que des choses banales ; et personne ne se doute de rien… On vit pendant des mois à côté de quelqu’un qui n’est plus de ce monde et dont l’âme ne peut plus s’incliner ; on lui répond sans y songer : et vous voyez ce qui arrive… Elles ont l’air de poupées immobiles, et tant d’événements se passent dans leurs âmes… Elles ne savent pas elles mêmes ce qu’elles sont… Elle aurait vécu comme vivent les autres… Elle aurait dit jusqu’à sa mort : « Monsieur, Madame, il pleuvra ce matin ; » ou bien : Nous allons déjeuner, nous serons treize à table » ou bien : les fruits ne sont pas encore mûrs. » Elles parlent en souriant des fleurs qui sont tombées et pleurent dans l’obscurité… Un ange même ne verrait pas ce qu’il faut voir : et l’homme ne comprend qu’après coup… Hier soir, elle était là, sous la lampe comme ses sœurs, et vous ne les verriez pas, telles qu’il faut les voir, si cela n’était pas arrivé… Il me semble la voir pour la première fois… Il faut ajouter quelque chose à la vie ordinaire avant de pouvoir la comprendre… Elles sont à vos côtés jour et nuit ; et vous ne les apercevez qu’au moment où elles partent pour toujours… Et cependant, l’étrange petite âme qu’elle devait avoir ; la pauvre et naïve et inépuisable petite âme qu’elle a eue, mon enfant, si elle a dit ce qu’elle doit avoir dit, si elle a fait ce qu’elle doit avoir fait !…
En ce moment, ils sourient en silence dans la chambre…
Ils sont tranquilles… Ils ne l’attendaient pas ce soir…
Ils sourient sans bouger… mais voici que le père met un doigt sur les lèvres…
Il désigne l’enfant endormi sur le cœur de la mère…
Elle n’ose pas lever les yeux, de peur de troubler son sommeil…
Elles ne travaillent plus… Il règne un grand silence…
Elles ont laissé tomber l’écheveau de soie blanche…
Ils regardent l’enfant…
Ils ne savent pas que d’autres les regardent…
On nous regarde aussi…
Ils ont levé les yeux…
Et cependant ils ne peuvent rien voir…
Ils semblent heureux, et cependant, on ne sait pas ce qu’il y a…
Ils se croient à l’abri… Ils ont fermé les portes ; et les fenêtres ont des barreaux de fer… Ils ont consolidé les murs de la vieille maison ; ils ont mis des verroux aux trois portes de chêne… Ils ont prévu tout ce qu’on peut prévoir…
Il faudra finir par le dire… Quelqu’un pourrait venir l’annoncer brusquement… Il y avait une foule de paysans dans la prairie où se trouve la morte… Si l’un d’eux frappait à la porte…
Marthe et Marie sont aux côtés de la petite morte. Les paysans allaient faire un brancard de feuillages ; et j’ai dit à l’aînée de venir nous avertir en hâte, du moment qu’ils se mettraient en marche. Attendons qu’elle vienne ; elle m’accompagnera… Nous n’aurions pas pu les regarder ainsi… Je croyais qu’il n’y avait qu’à frapper à la porte ; à entrer simplement, à chercher quelques phrases et à dire… Mais je les ai vu vivre trop longtemps sous leur lampe…
Ils viennent, grand-père.
Est-ce toi ? — Où sont-ils ?
Ils sont au bas des dernières collines.
Ils viendront en silence ?
Je leur ai dit de prier à voix basse. Marthe les accompagne…
Ils sont nombreux ?
Tout le village est autour des porteurs. Ils avaient apporté des lumières. Je leur ai dit de les éteindre…
Par où viennent-ils ?
Ils viennent par les petits sentiers. Ils marchent lentement…
Il est temps…
Vous l’avez dit, grand-père ?
Vous voyez bien que nous n’avons rien dit… Ils attendent encore sous la lampe… Regardez, mon enfant, regardez : Vous verrez quelque chose de la vie…
Oh ! qu’ils semblent tranquilles !… On dirait que je les vois en rêve…
Prenez garde, j’ai vu tressaillir les deux sœurs…
Elles se lèvent…
Je crois qu’elles viennent vers les fenêtres…
(L’une des deux sœurs dont ils parlent s’approche en ce moment de la première fenêtre, l’autre, de la troisième ; et, appuyant en même temps les mains sur les vitres, regardent longuement dans l’obscurité).
Personne ne vient à la fenêtre du milieu…
Elles regardent… Elles écoutent…
L’aînée sourit à ce qu’elle ne voit pas.
Et la seconde a les yeux pleins de crainte…
Prenez garde ; on ne sait pas jusqu’à l’âme s’étend autour des hommes…
(Un long silence. Marie se blottit contre la poitrine du vieillard et l’embrasse).
Grand-père !…
Ne pleurez pas, mon enfant… nous aurons notre tour…
Elles regardent longtemps…
Elles regarderaient cent mille ans qu’elles n’apercevraient rien, les pauvres sœurs… la nuit est trop obscure… Elles regardent par ici ; et c’est par là que le malheur arrive…
Il est heureux qu’elles regardent par ici… Je ne sais pas ce qui s’avance du côté des prairies.
Ils suivent les ondulations du sentier… voici qu’ils reparaissent à côté d’un talus éclairé par la lune…
Oh ! qu’ils semblent nombreux… Ils accouraient déjà du faubourg de la ville, lorsque je suis venue… Ils font un grand détour…
Ils viendront malgré tout, et je les vois aussi… Ils sont en marche à travers les prairies… Ils semblent si petits qu’on les distingue à peine entre les herbes… On dirait des enfants qui jouent au clair de lune ; et si elles les voyaient elles ne comprendraient pas… Elles ont beau leur tourner le dos, ils approchent à chaque pas qu’ils font et le malheur grandit depuis plus de deux heures. Ils ne peuvent l’empêcher de grandir ; et ceux-là qui l’apportent ne peuvent plus l’arrêter… Il est leur maître aussi et il faut qu’ils le servent… Il a son but et il suit son chemin… Il est infatigable et il n’a qu’une idée… Il faut qu’ils lui prêtent leurs forces. Ils sont tristes mais ils viennent… Ils ont pitié mais ils doivent avancer…
L’aînée ne sourit plus, grand-père…
Elles quittent les fenêtres…
Elles embrassent leur mère…
L’aînée a caressé les boucles de l’enfant qui ne s’éveille pas…
Oh ! voici que le père veut qu’on l’embrasse aussi…
Maintenant le silence…
Elles reviennent aux côtés de la mère…
Et le père suit des yeux le grand balancier de l’horloge…
On dirait qu’elles prient sans savoir ce qu’elles font…
On dirait qu’elles écoutent leurs âmes…
Grand-père, ne le dites pas ce soir !…
Vous voyez que vous perdez courage aussi… Je savais bien qu’il ne fallait pas regarder. J’ai près de quatre-vingt-trois ans et c’est la première fois que la vue de la vie m’a frappé. Je ne sais pas pourquoi tout ce qu’ils font m’apparaît si étrange et si grave… Ils attendent la nuit, simplement, sous leur lampe, comme nous l’aurions attendue sous la nôtre ; et cependant je crois les voir du haut d’un autre monde, parceque je sais une petite vérité qu’ils ne savent pas encore… Est-ce cela, mes enfants ? Dites-moi donc pourquoi vous-êtes pâles aussi ? Y a-t-il peut-être autre chose, que l’on ne peut pas dire et qui nous fait pleurer ? Je ne savais pas qu’il y avait quelque chose de si triste dans la vie, et qu’elle fait peur à ceux qui la regardent… Et rien ne serait arrivé que j’aurais peur à les voir si tranquilles… Ils ont trop de confiance en ce monde… Ils sont là, séparés de l’ennemi par de pauvres fenêtres… Ils croient que rien n’arrivera parcequ’ils ont fermé la porte et ils ne savent pas qu’il arrive toujours quelque chose dans les âmes et que le monde ne finit pas aux portes des maisons… Ils sont si sûrs de leur petite vie, et ils ne se doutent pas que tant d’autres en savent davantage ; et que moi, pauvre vieux, je tiens ici, à deux pas de leur porte, tout leur petit bonheur, comme un oiseau malade, entre mes vieilles mains que je n’ose pas ouvrir…
Ayez pitié, grand-père…
Nous avons pitié d’eux, mon enfant, mais on n’a pas pitié de nous…
Dites-le demain, grand-père, dites-le quand il fait clair… ils ne seront pas aussi tristes…
Vous avez peut-être raison, mon enfant… Il vaudrait mieux laisser tout ceci dans la nuit. Et la lumière est douce à la douleur… Mais que nous diraient-ils demain ? Le malheur rend jaloux ; et ceux qu’il a frappés veulent être avertis avant les étrangers. Ils n’aiment pas qu’on le laisse aux mains des inconnus… Nous aurions l’air d’avoir dérobé quelque chose…
Il n’est plus temps d’ailleurs ; j’entends déjà le murmure des prières…
Ils sont là… Ils passent derrière les haies…
Me voici. Je les ai conduits jusqu’ici. Je leur ai dit d’attendre sur la route. (On entend des cris d’enfants). Ah ! les enfants crient encore… Je leur avais défendu de venir… Mais ils veulent voir aussi et les mères n’obéissaient pas… Je vais leur dire… Non ; ils se taisent. — Tout est-il prêt ? — J’ai apporté la petite bague qu’on a trouvée sur elle… J’ai aussi quelques fruits pour l’enfant… Je l’ai couchée moi-même sur le brancard. Elle a l’air de dormir… J’ai eu bien de la peine ; ses cheveux ne voulaient pas m’obéir… J’ai fait cueillir des marguerites… C’est triste, il n’y avait pas d’autres fleurs… Que faites-vous ici ? Pourquoi n’êtes-vous pas auprès d’eux ?… (Elle regarde aux fenêtres). Ils ne pleurent pas ?… ils… vous ne l’avez pas dit ?
Marthe, Marthe, il y a trop de vie dans ton âme, tu ne peux pas comprendre…
Pourquoi ne comprendrais-Je pas ?… (après un silence et d’un ton de reproche très grave) Vous ne pouviez pas faire cela, grand-père…
Marthe, tu ne sais pas…
C’est moi qui vais le dire.
Reste ici, mon enfant et regarde un instant.
Oh ! qu’ils sont malheureux !… Ils ne peuvent plus attendre…
Pourquoi ?
Je ne sais pas… mais ce n’est plus possible !…
Viens ici, mon enfant…
Quelle patience ils ont !…
Viens ici, mon enfant…
(Se retournant) Où êtes-vous, grand-père ? Je suis si malheureuse que je ne vous vois plus… Moi-même, je ne sais plus que faire…
Ne les regarde plus ; jusqu’à ce qu’ils sachent tout…
Je veux y aller avec vous…
Non, Marthe, reste ici… Assieds-toi à côté de ta sœur, sur ce vieux banc de pierre, contre le mur de la maison, et ne regarde pas… Tu es trop jeune, tu ne pourrais plus oublier… Tu ne peux pas savoir ce que c’est qu’un visage au moment où la mort va passer dans ses yeux… Il y aura peut être des cris… Ne te retourne pas… Il n’y aura peut-être rien… Surtout, ne te retourne pas si tu n’entendais rien… On ne sait pas d’avance la marche de la douleur… Quelques petits sanglots aux racines profondes et c’est tout, d’ordinaire… Je ne sais pas moi-même ce que je pourrai faire quand je les entendrai… Cela n’appartient plus à cette vie… embrasse moi, mon enfant, avant que je m’en aille…
Restez ici… n’approchez pas des fenêtres… Où est-elle ?…
Qui ?
Les autres… les porteurs ?…
Ils arrivent par l’allée qui conduit à la porte.
S-t !… Ne parlez pas,
(La plus grande des deux sœurs se lève et va pousser les verrous de la porte…)
Elle l’ouvre ?
Au contraire, elle la ferme.
Grand-père n’est pas entré ?
Non… Elle revient s’asseoir à côté de la mère… les autres ne bougent pas et l’enfant dort toujours…
Ma petite sœur, donne-moi donc tes mains…
Marthe !…
Il doit avoir frappé… Ils ont levé la tête en même temps… ils se regardent…
Oh ! Oh ! ma pauvre petite sœur… Je vais crier aussi !…
(Elle étouffe ses sanglots sur l’épaule de sa sœur)
Il doit frapper encore… Le père regarde l’heure. Il se lève.
Ma sœur, ma sœur, je veux entrer aussi… Ils ne peuvent plus être seuls…
Marthe. Marthe !…
Le père est à la porte… Il tire les verrous… Il ouvre prudemment…
Oh !… vous ne voyez pas le…
Quoi ?
Ceux qui portent…
Il ouvre à peine… Je ne vois qu’un coin de la pelouse et le jet d’eau… Il ne lâche pas la porte… il recule… Il a l’air de dire : « Ah ! c’est vous !… » Il lève les bras… Il referme la porte avec soin… Votre grand-père est entré dans la chambre…
Il n’ose pas le dire… Il nous a regardés…
S…t !…
Il s’asseoit…
Oh ! la mère va comprendre !…
S…t !… Il ne l’a pas encore dit…
Il l’a dit… Il l’a dit tout-à-coup !…
Il l’a dit !… Il l’a dit !…
On n’entend rien…
Ils sortent ! Ils sortent !…
L’enfant ne s’est pas éveillé !…