Interaction avec les sectes, un guide pour la police
FBI Law Enforcement Bulletin, volume 69, number 9, September 2000 (p. 2-9).
Interaction avec les sectes, un guide pour la police
Il existe une tendance à considérer les « sectes » avec un mélange de méfiance et de crainte. Une bonne partie de cette hostilité provient de mauvaises conceptions sur la nature des « sectes », basées sur des stéréotypes populaires ou sur l’ignorance. Bien qu’on puisse regretter ces conceptions erronées dans le grand public, elles peuvent s’avérer dangereuses lorsqu’elles influencent les autorités chargées de l’application des lois qui auraient affaire à ces groupes et sont sensés s’assurer aussi bien de la sécurité des membres de sectes que de celle du public en général.
L’intention de cet article est de mettre en lumière ce que sont les « sectes » et ce qu’elles ne sont pas et de donner aux autorités appliquant la loi des guides sur la manière d’approcher ces mouvements, ainsi que de fournir une illustration sur la façon dont un département de la police a convenablement traité l’arrivée d’une « secte » millénariste dans sa juridiction[1].
En termes sociologiques, une « secte » peut être définie comme un mouvement étranger à la culture au sein de laquelle il vit.[2]. Par conséquent, les américains définiraient comme » secte « un groupe, en général basé sur des croyances religieuses, dont les croyances et pratiques ne sont pas familières pour une majorité d’entre eux. Bien des groupements que les américains étiquetaient comme » sectes « , par exemple les Quakers, les Adventistes du septième Jour, ou les Mormons, furent autrefois considérés comme tels — et ont été ensuite reconnus et acceptés au point de devenir des églises accréditées[3]. D’autres, comme le Bouddhisme Zen, que bien des américains peuvent considérer comme » secte « , sont des mouvements importants dans d’autres parties du monde. Définir, par conséquent, un groupe comme » secte" est plutôt lié à la façon dont la société le perçoit qu’aux caractéristiques intrinsèques du groupe.
La plupart des universitaires des religions évitent le mot « secte » car il entraîne une série de caractéristiques négatives : les chefs de sectes sont des experts en escroquerie, les adeptes de « sectes » ont le cerveau lavé, les croyances des « sectes » sont bizarres et ridicules, et les mouvements sectaires sont dangereux, poussant à la violence et au suicide[4]. Ces universitaires désignent donc ces groupes par le terme « Nouveaux Mouvements religieux » ou NMR du fait que la majorité des « sectes » sont de jeunes mouvements religieux dans leurs premières générations.
Afin d’éviter les stéréotypes négatifs souvent associés au mot « secte », les auteurs s’y référeront dans cet article par l’expression « Nouveaux Mouvements religieux » ou NMR.
Les universitaires de religion ont identifié diverses caractéristiques communes aux NMR. Cependant, il s’avère délicat de fournir une description spécifique des NMR du fait qu’ils varient beaucoup, allant des associations New Age à des groupes de méditation bouddhiste ou des groupes chrétiens millénaristes. Les NMR peuvent se classer par taille de groupes, allant d’une poignée à plusieurs milliers d’individus et embrassent des doctrines fort différentes, d’ascétique à hédoniste, d’apocalyptique à utopiste, de réactionnaire à New Age, avec des attitudes sociétales très différentes[5]. Notons d’emblée qu’une majorité restent dans les limites légales[6]. En général, le public apprend leur existence uniquement à partir d’exceptions, c’est à dire des membres de NMR commettant le suicide, ou s’attaquant aux autorités, ou engagés dans des actions financières frauduleuses. Cependant, la majorité des NMR pratiquent en paix leur religion, n’attirent jamais l’attention du public, des médias, ou des autorités. En dépit de cela, les NMR provoquent des pensées négatives chez la plupart des gens en raison de mythes à la vie dure ou de conceptions erronées sur ces groupes et leurs activités.
ANALYSE DE MYTHES COMMUNS AU SUJET DES NMR
Les NMR engendrent quantité de crainte et de méfiance. Du fait qu’ils défendent ardemment des croyances anti-culturelles ou non orthodoxes, ils ont généralement peu de défenseurs[7]. De plus, les rapports inexacts ou sensationnels des médias ou d’organisations ayant des préjugés anti-sectaires sont souvent l’unique source d’information du public à leur sujet. Finalement, les NMR n’ont pas eux-mêmes assez de membres ou d’influence, ou, peut-être, d’intérêt, pour vouloir changer les impressions que la société entretient à leur sujet[8]. Il existe donc des mythes persistants au sujet des NMR, en dépit de l’absence de preuves. Pour parvenir à comprendre exactement et efficacement les NMR, les officiers chargés d’appliquer les lois doivent commencer sur des bases nouvelles, débarrassé des préjugés qui pourraient empêcher un travail de police correct.
LAVAGE DE CERVEAU
Le lavage de cerveau est une accusations les plus courantes à l’encontre des NMR. Pourtant, son existence même est vivement contestée par des scientifiques du comportement[9]. Dans le cas de mouvements coercitifs (par exemple, empêchant les adeptes de manger ou de s’en aller librement) ; il y a matière à invoquer l’application des lois. Mais, dans la plupart des cas, les NMR attirent leurs membres par des méthodes qu’utilisent beaucoup de missionnaires de mouvements religieux ou séculiers. Les membres des NMR peuvent aborder des étrangers ou distribuer des tracts dans l’espoir d’inciter les non-initiés à suivre des séries de classes ou de conférences portant sur les croyances de leur groupe. Au cours des séances, les groupes font généralement des réunions ou des prières durant lesquels ils mettent en valeur ou répètent certains messages. Toute activité illégale étant absente, le procédé est tout à fait légitime. Les critiques ne devraient pas appliquer le terme de « lavage de cerveau » au processus de conversion des NMR en mission, pour la seule raison qu’ils n’approuvent pas ou ne comprennent pas la religion en question.
Les conceptions erronées quant au lavage de cerveau peuvent perdurer au seul prétexte qu’il est difficile de comprendre l’attirance que peut produire le mode de vie du NMR. Bien des personnes pensent qu’un individu sain d’esprit ne se joindrait pas à un tel groupe à moins d’y être forcé physiquement ou mentalement. Ces gens négligent cependant les bienfaits psychologiques et sociaux énormes que les NMR peuvent offrir. Les adeptes de NMR peuvent trouver un sens à la vie, un cadre moral et fortement structuré pour leur comportement quotidien, et un sens de l’identité sociale et de la propriété élevés. À cet égard, les NMR semblent souvent plus séduisants aux yeux des adeptes potentiels que les églises établies, qui semblent parfois avoir perdu l’intensité de la révélation et de l’urgence. Pour des individus qui ont le sentiment d’une vie mal remplie, qui se sentent spirituellement égarés, ou simplement seuls, le fait de joindre un NMR peut être une bonne solution, du moins temporairement. Pour dresser le tableau des NMR dans son contexte, les mêmes individus joignant ces groupes peuvent tout aussi bien trouver le bonheur dans des mouvements laïques de forte intensité, comme les forces armées ou les Mouvements pour la Paix[10].
Alors qu’il peut s’avérer difficile de faire confiance à un adepte en raison de son implication absolue, il est néanmoins important que les autorités puissent au moins reconnaître la sincérité et la profondeur de son engagement. Négliger les croyances des membres des NMR sous prétexte de lavage de cerveau et de crédulité peut aboutir une mauvaise évaluation des leaders de NMR et de leurs membres et conduire à un des actes policiers dangereux et inefficaces.
ESCROQUERIE
On accuse fréquemment les NMR d’être des escroqueries menées par des leaders opportunistes[11]. Incontestablement, certains fondateurs ont établi des NMR pour léser financièrement leurs adeptes ou promouvoir unilatéralement leurs propres intérêts. Mais le plus souvent, les leaders de NMR croient vraiment à leurs enseignements, même lorsque ceux-ci paraissent très fantaisistes ou exotiques. Ces leaders, ou prophètes, iront jusqu’à de grands sacrifices incluant la mort pour le seul profit de leur enseignement, si bien qu’il est dangereux pour les autorités d’approcher ces personnes comme s’il s’agissait d’escrocs calculateurs.
Certaines pratiques sont parfois prises pour des indices de la malhonnêteté des leaders. Par exemple, le fait qu’ils bénéficient d’avantages et de confort que n’ont pas leurs adeptes peut refléter l’honneur qu’attache le groupe à la position des leaders. De même, les exigences qu’un groupe peut avoir en demandant que le membre donne ses biens au mouvement peut être la conséquence d’une tentative sincère de promouvoir une forme de vie ascétique chez les membres. Les officiers chargés de l’application de la loi devraient être très prudents dans leur évaluation de la sincérité des leaders d’un mouvement.
Si les autorités estiment que les officiels d’un NMR ont des motifs douteux, ils devraient examiner leurs antécédents. Les sociopathes[12] ou les escrocs n’investiront généralement pas des années à faire passer leur message et à former des groupes sans en tirer des bénéfices certains. Les autorités devraient également se souvenir qu’il peut exister des motivations complexes au comportement des membres des NMR, chacune d’elles n’étant pas nécessairement cohérente avec le reste. Les leaders des NMR peuvent manipuler les autres et cependant avoir des croyances religieuses sincères. Par conséquent, même si les leaders montrent des signes de comportement sociopathe ou criminel, les officiers ne devraient pas assumer que ces individus ne sont pas sincères quant à leur foi. En l’absence d’évidence contraire, les officiers devraient estimer que les chefs de NMR sont sincères dans leurs convictions religieuses.
DÉTERMINER LES RISQUES PRÉSENTÉS PAR UN NMR
Facteurs de risqueCertaines caractéristiques fournissent des indices d’instabilité d’une NRM pouvant indiquer une violence potentielle. Alors que certains facteurs peuvent s’avérer plus significatifs que d’autres, certains peuvent signaler un changement marqué dans l’attitude d’un groupe, ou son comportement en regard de la violence.
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Les autorités font face à de grandes difficultés quand elles doivent évaluer les risques que présenterait un NMR[17]. Des groupes tels Aum Shinrikyo, qui a diffusé le gaz sarin dans le métro de Tokyo, sont incontestablement dangereux pour leurs communautés. D’autres, tels le Heaven’s Gate de San Diego, dont les membres se sont suicidés pour accéder à une soucoupe volante divine de passage, sont une menace pour eux-mêmes. La majorité, composée des groupes dont le public n’entend pas parler, reste discrète et n’ennuie personne.
Heureusement, les officiers peuvent prendre conseil auprès d’organisations établies fournissant des estimations de NMR ou d’individus membres. Les forces de l’ordre peuvent par exemple contacter le centre national d’analyse des crimes violents du FBI via leur office local, et obtenir gratuitement une estimation des menaces éventuelles. Les universitaires en religions peuvent également fournir des informations valables sur le système de croyance et le passé d’un groupe.
Les auteurs ont élaboré une table d’évaluation des risques qui peut aider à estimer la dangerosité des NMR. La table divise les caractéristiques des NMR en trois classes : facteurs de risque (éléments indiquant un danger potentiel), facteurs neutres (traits pouvant paraître dangereux, mais n’indiquant pas vraiment la menace que présenterait le groupe) et facteur de protection (indicateurs suggérant qu’un groupe est stable et non dangereux). Ces facteurs, bien qu’essentiellement dérivés des modes d’évaluations de menace plus généraux, peuvent cependant être adaptés par les officiers aux caractéristiques qu’ils rencontreraient dans un NMR[18]. Mais ces facteurs n’offriront pas le profil complet d’un groupe potentiellement violent. Les officiers devraient plutôt considérer les facteurs risque, neutre et protection comme guide, et non en remplacement de leur bon sens et de leurs premières impressions vis à vis d’un NMR donné.
Les officiers devraient garder à l’esprit qu’aucun facteur unique, exception faite pour un passé connu de violence, ne déterminera le potentiel de violence d’un groupe. Les groupes manifestant plusieurs facteurs de risque peuvent ne jamais commettre d’actes violents, alors que des groupes qui en montrent peu peuvent devenir dangereux. Par exemple, des NMR peuvent avoir des armes pour des raisons diverses. Du fait que certains NMR font preuve d’une certaine paranoïa, certains s’armeront pour se protéger d’une attaque du gouvernement, ou de groupes privés, ou d’un quelconque « ennemi » perçu comme tel. Les groupes ayant cette caractéristique sont très différents de ceux qui s’arment pour s’engager spécifiquement dans une croisade de violence. Ces derniers ont une orientation hostile spécifique, alors que les précédents ont une orientation « par réaction ». Les groupes offensifs posent évidemment plus de menaces envers la communauté que les groupes réactifs[19].Les officiers doivent donc essayer de déterminer l’orientation particulière d’un groupe et ne pas supposer qu’il y a des facteurs de violence potentielle simplement parce qu’il y a des armes ou un autre facteur de risque isolé.
Bien sûr, les officiers doivent garder à l’esprit les protections légales offertes aux citoyens américains. Avant d’entreprendre une enquête, les départements devraient consulter leurs représentants légaux pour s’assurer que les officiers ne violent pas les droits de certains citoyens. Finalement, et c’est ce qui importe le plus, les officiers devraient toujours exercer leur esprit critique en traitant avec des NMR qu’ils ne connaissent pas.
UNE ÉTUDE DE CAS AU BUREAU DE LA POLICE de Garland, Texas
Peu de choses différencient Garland, Texas, banlieue de Dallas, d’autres villes moyennes américaines. Le taux de criminalité reste peu élevé, principalement grâce aux stratégies progressistes orientées vers la communauté utilisées par la police locale. Malgré son approche modérée et moderne de l’application des lois, rien ne préparait le département de police à ce qui l’attendait à l’arrivée du mouvement religieux Chen Tao en ville.
Fondé en 1993 à Taïwan, le mouvement Chen Tao[20] est connu aussi sous l’appellation « la Vraie Voie » (the True Way"). Il pratique un mélange de Bouddhisme et de christianisme fondamentaliste. Comme dans d’autres NMR, les 150 membres offrent une obéissance totale à leur maître unique[21]. Ils fonctionnent comme une unité autonome, et certains membres du groupe, au moins, ont contribué à la survie du groupe en donnant leurs économies.
Lorsque le mouvement arriva à Garland en août 1997[22], le leader annonça que le 31 mars 1998, une soucoupe volante atterrirait en ville avec Dieu à bord. Ceci survenant juste après les suicides médiatisés de groupes religieux (dont le Temple Solaire en Suisse et au Canada et Heaven’s Gate en Californie), la police fut sur les dents, on le comprend. Que pouvait donc faire les forces de l’ordre pour que l’affaire se résolve le plus pacifiquement possible ?
En tout premier lieu, le bureau de police mobilisa ses ressources, forma un groupe d’officiers dotés d’une stratégie de communications avec les membres, et endossa le rôle clé de coordination des diverses branches du gouvernement local que la présence du groupe pouvait affecter. Ces branches incluaient le bureau du maire, les pompiers, le département de la santé, les services de protection de l’enfance, et, afin de se préparer à toute éventualité, le bureau de l’examinateur médical. Puis le département de police imagina une stratégie pour faire face à la situation, qui incluait l’estimation de risques du groupe, les prises de contact avec les responsables du Chen Tao, et la planification de problèmes potentiels.
Estimation de la menace
Afin de déterminer les véritables motivations et intentions du groupe, la police de Garland contacta plusieurs sources, dont le centre du FBI cité plus haut, le département d’état américain, le service d’immigration et de naturalisation, ainsi que des organismes internationaux tel que l’office des affaires consulaires et économiques de Taïwan. Il examina également plusieurs sites Internet liés aux NMR en général et au Chen Tao en particulier. Enfin, il contacta des experts en NMR de la communauté universitaire et élabora un partenariat avec un professeur d’université local[23]. Avant de travailler avec l’expert, le bureau de la police établit des règles de base, incluant le rôle attribué à l’expert (il servirait plutôt de conseiller que de négociateur) et décidèrent quelle information l’expert pourrait ensuite utiliser dans la recherche, et quelles déclarations, si le cas se présentait, il pourrait faire aux médias.
Facteurs neutresLes NMR ayant de nombreux traits peu familiers, il est difficile d’évaluer les indices bizarres sans qu’ils soient nécessairement dangereux. Il existe plusieurs traits communs à ces groupes qui ne forment pas en soi des signaux de danger.
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Créer un dialogue significatif
Les conseillers en science du comportement des forces de l’ordre et les négociateurs en prises d’otages prônaient la doctrine du dialogue[25]. Cependant, les agences d’application de la loi devraient observer deux mises en garde à cette tentative de dialogue[26]. Tout d’abord, les autorités ne devaient approcher les NMR que si la sécurité semblait assurée. Ensuite, il fallait tenir compte du fait que la relation de confiance ne pouvait être établie que si le groupe avait l’impression que le bureau de la police tiendrait parole. Les mensonges et promesses non tenues mèneront à une rupture complète de la communication et Il aurait mieux valu en pareil cas ne pas chercher à établir le dialogue.
Établir un dialogue avec les responsables de Chen Tao dès le début semblait être la meilleure solution aux policiers de Garland afin de résoudre une situation potentiellement dangereuse. Lorsque le premier groupe arriva, le bureau de la police assigna à un lieutenant la tâche d’établir puis de maintenir un contact avec les membres durant leur séjour. Cet officier pratiqua une approche amicale et ouverte. Il s’assura que les membres sachent que le bureau de la police locale reconnaissait leurs droits fondés sur la constitution américaine, et ajouta qu’il était du devoir de la police de les faire respecter. Ce lieutenant rencontra souvent des responsables de ChenTao pour discuter de divers articles de journaux ou interviews parus dans les médias. Il fournit également un numéro où le contacter 24 heures sur 24. Les relations devinrent si cordiales avec les membres de Chen Tao qu’ils se réunissaient tous les quinze jours pour déjeuner dans un restaurant local.
Le rapport entre le groupe et le bureau de la police donna de bons résultats. Il établit d’abord un niveau de confiance et fit comprendre aux membres de Chen Tao qu’en effet, la police était là pour les aider. Les autorités de Garland renforcèrent ce facteur lors des rencontres publiques avec Chen Tao en rappelant que le bureau de la police était là pour les protéger d’individus qui pourraient ne pas apprécier le groupe ou souhaiteraient leur créer des ennuis. Ensuite, le rapport permit aux autorités de comprendre les activités du groupe au point de pouvoir constater certains changements au cas où le groupe planifierait une violence ou le suicide. Finalement, le rapport groupe/autorités s’améliora au point que les autorités purent poser des questions plus importantes, comme savoir s’il existait des intentions violentes ou suicidaires, et estimèrent que les réponses données à ces questions étaient valides.
Le bureau de la police établit aussi des relations avec deux autres entités hors du mouvement Chen Tao. Le premier était la population locale qui ne savait que penser de ce groupe. Sa présence gêna plusieurs habitants qui ne comprenaient pas leur style vestimentaire et leur comportement, et beaucoup craignaient la violence. Pendant le séjour du groupe, le département maintint le contact avec les membres de la communauté en les informant des résultats des enquêtes et des plans pour le bien-être de la communauté.
Il établit également un dialogue plus complet avec les médias. La suspicion de ces derniers était importante à l’arrivée du groupe Chen Tao. Les reporters et caméras vinrent même d’Angleterre ou de France, d’Allemagne et de Chine pour s’intéresser à l’affaire. Comme lors de tout évènement majeur, le bureau de police de Garland se servit de porte-parole avec les médias. Ils établirent des accréditations pour les médias, créèrent des dossiers de presse, fournirent des interviews et s’occupèrent de la logistique – comme des parkings ou des sanitaires.
Planification en vue de problèmes potentiels
À l’approche de la date de l’arrivée supposée de Dieu sur terre, le bureau de police était relativement tranquille sur le fait que même si Dieu ne mettait pas le pied sur la planète, les membres de Chen Tao ne recourraient pas à la violence ou au suicide. Il décida cependant de ne pas courir de risques. Il établit un poste de commandement avancé sur place disposant d’armes spécifiques et de tactiques pour répondre à la possibilité que le groupe s’en prenne aux autres. Il avait à sa disposition les services de protection de l’enfance pour s’occuper d’eux, le cas échéant. Au cas où le groupe utiliserait des gaz toxiques, le département avait des pompiers et des infirmiers prêts à intervenir et avait prévu des voies d’évacuation. Le bureau de police avait également un juge pouvant délivrer des avis de recherches. Et finalement, du fait que l’on craignait que le trafic des hélicoptères au-dessus de la zône où vivaient les membres de Chen Tao ne crée un risque, le département avait demandé à la régulation aérienne de restreindre le trafic si utile.
Tous ces plans arrivèrent à leur apogée le 31 mars 1998. Les officiers et citoyens de Garland retinrent leur respiration collectivement. Le temps passa, sans que Dieu se montre. La situation ne tourna pas pour autant à la tragédie. Le chef de Chen Tao annonça s’être manifestement trompé sur les plans divins et les membres rentrèrent chez eux. Les membres qui ne rentrèrent pas à Taïwan allèrent à New York pour continuer leur vigile.
Le bureau de Police de Garland passa bien du temps et fit de gros efforts pour résoudre paisiblement la situation Chen Tao. À la fin de cette journée, il pouvait être fier du résultat.
Facteurs de ProtectionCertaines caractéristiques peuvent indiquer qu’un NMR est stable ou en cours de stabilisation, et par conséquent, qu’il est moins dangereux.
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CONCLUSION
Faire face aux leaders des NMR et à leurs adeptes est l’une des tâches les plus délicates dont les forces de l’ordre modernes aient à s’occuper. Le bureau de police de Garland l’a constaté lorsque les membres de Chen Tao arrivèrent dans la communauté. Pour protéger les habitants, il a recueilli des informations sur le mouvement religieux, a établi un dialogue réel avec ses membres, mobilisé les ressources de la communauté et établi des plans prévoyant le pire. En utilisant cette forme de prise de décision bien informée et en évitant les conceptions erronées populaires, les autorités peuvent parvenir à des résultats similaires auprès d’autres NMR qu’ils croiseront.
- ↑ Les auteurs remercient les agents Alan Brantley et Kenneth Lanning du FBI’s National Center for the Analysis of Violent Crime ainsi que l’agent James Duffy, anciennement de l’unité du FBI’s Crisis Negotiation, Les docteurs. Anthony Pinizzotto et John Jarvis de l’unité du FBI’s Behavioral Science, le Dr. Catherine Wessinger de Loyola University à New Orleans, Louisiana, et le Dr. James T.Richardson de University of Nevada à Reno, Nevada, pour l’apport de leur expérience et de leurs points de vue enrichissants.
- ↑ Pour une approche plus générale des « sectes » et « mouvements sectaires » voir J. Gordon Melton, Encyclopedia of American Religions, 5’ « . (Detroit : Gale Research, 1996)
- ↑ Voir James R.P. Ogloff et Jeffrey E. Pfeifer, » Cults and the Law : A Discussion of the Legality of Alleged Cult Activities, « Behavioral Sciences and the Law, 10, n. 9 (1992) : 117, 119 ; and Jeffrey E. Pfeifer, » Equal Protection for Unpopular Sects, « New York University Review ofLaw and Society Change 7, n. 9 (1979) : 9-10.
- ↑ J. Dillon et J. Richardson, « The Cult Concept : The Politics of Representation Analysis, » Syzygy : Journal of Alternative Religion and Culture 3 (Fall/Winter 1994) : 185-196
- ↑ Pour une description des caractéristiques structurelles et démographiques des «sectes», voir J. Gordon Melton, Encyclopedia of American Religions, 5th ed. (Detroit : Gale Research, 1996) ; and Philip Lamy, Millennium Rage (New York : Plenum Publishing, 1996).
- ↑ voir note 2.
- ↑ Pour une analyse des réactions négatives du public aux NMR, voir David Bromley et Anson Shupe, « Public Reaction Against New Religious Movements » in Cults and New Religious Movements, ed. Marc Galanter (Washington, DC : American Psychiatric Association, 1989), 305-330.
- ↑ Cependant, quelques groupes ont utilisé des agents de relations publiques dans ce objectif (Dr. Catherine Wessinger, interview by authors, December 12,1999).
- ↑ Plusieurs universitaires soutiennent qu’on ne peut pas « laver le cerveau » d’un individu au point de le pousser à agir contre sa volonté. Voir Miriam Karmel Feldman, « The Mind Control Myth : Is Brainwashing All Wet ? » Utne Reader 92 (March/April 1999) : 14-15 ; and James T. Richardson and Brock Kilbourne, « Classical and Contemporary Applications of Brainwashing Models : A Comparison and Critique, » in The Brainwashing/ Deprogramming Controversy : Sociological, Psychological, Legal and Historical Perspectives, ed. David G. Bromley and James T. Richardson (New York : Edwin Mellen Press, 1983), 29-45. D’autres scientifiques prétendent que les NMR emploient des techniques de contrôle mental. Voir Margaret Thaler Singer and Janja Lalich, Cults in Our Midst : The Hidden Menace in Our Everyday Lives (San Francisco : Jossey-Bass Publishers, 1995).
- ↑ Pour les raisons pour lesquelles des personnes adhèrent au NMR, voir Philip Zimbardo, « What Messages Are Behind Today’s Cults ? » available from http : //www.icsahome.com/infoserv articles/zimbardo philip messeges.htm
- ↑ Voir Saul V. Levine, « Life in the Cults » in Cults and New Religious Movements : A Report of the American Psychiatric Association, ed. Marc Galanter (Washington DC : American Psychiatric Association, 1989), 101-102.
- ↑ Les termes «sociopathe» ou «personnalité antisociale» sont utilisés par les professionnels du milieu médical. Pour les forces de l’ordre, ces personnalités désignent des personnes égocentriques, sans conscience ni remords pour leurs actes et qui ne tirent pas d’enseignement de leurs erreurs. Les forces de l’ordre passent beaucoup de temps avec ce genre de personnalités qui sont, certains le pensent, responsables de la plus grande partie des actes criminels dans nos sociétés. Pour plus d’informations, lire The Sociopath A Criminal Enigma produced by the FBI’s Behavioral Science Unit.
- ↑ Un certain degré de paranoïa est normal chez les leaders de NMR. Cependant, la croissance de la paranoïa est une alerte. Pour une analyse de ce phénomène, lire Robert Robins et Jerrold M. Post, Political Paranoia : The Psychopolitics of Hatred (New Haven, CT : Yale University Press, 1997).
- ↑ Ceci illustre la raison pour laquelle les agents de police doivent utiliser leur bon sens et établir un dialogue dans l’interaction avec les NMR. La consommation de boissons ou de certaines nourritures, qui pourraient être le signe de préparation d’un suicide, peut tout aussi bien être un rituel religieux, partie de leurs pratiques. Dans le christianisme, par exemple, le pain et le vin sont consommés au moment de la communion. Les forces de l’ordre doivent évaluer le but de ces actes, la meilleure façon de procéder pour cela étant d’interroger les membres du groupe.
- ↑ Une bonne enquête déterminera si le groupe a déjà donné des dates semblables dans le passé. Et si tel est le cas, comment le groupe a-t-il réagit dans le passé une fois que les dates sont passées ? Un groupe qui a rebondi malgré les déceptions du passé, sera moins enclin à l’autodestruction lors de la prochaine prophétie manquée. Certains groupes peuvent expliquer la non venue de Dieu à la date prévue par le fait qu’il a changé d’avis ou qu’il n’est apparu qu’à ceux qui méritaient de le voir.
- ↑ Pour la protection de la liberté d’expression et de culte, les bureaux de police doivent consulter leurs juristes avant leur étude des publications du mouvement en question
- ↑ Pour les milices et groupes extrémistes lire James E. Duffy et Alan C. Brantley, « Militias : Initiating Contact, » FBI Law Enforcement Bulletin, July 1997,22-26 ; Anthony J. Pinizzotto, « Deviant Social Groups, » Law and Order, October 1\996,75-80 ; and Catherine Wessinger, « Presentation to the FBI, June 7,1999 » ; available from http : lwww.loyno.edu/ —wessing ; accessed July 13,2000. À ce sujet, les auteurs ont obtenu de nombreuses informations au travers des conversations avec l’agent Alan Brantley.
- ↑ Voir la note : Saul V. Levine, « Life in the Cults »
- ↑ Cependant, si un groupe armé perçoit les forces de l’ordre comme une menace, même un groupe « réactif » pourrait répondre par la violence ou le suicide
- ↑ Ce mouvement apparut il y a près de 40 ans à partir d’un autre groupe appelé le groupe de recherché de la lumière de l’âme qui avait près de 3000 membres. Le leader actuel, un ancien professeur de sociologie de Chianan College of Pharmacology and Science à Taiwan, réorganisa le mouvement autour de la révélation du retour de Dieu qu’il aurait reçue en 1993. voir Matthew Goff ; « An Historical Overview of the Chen Tao » ; sur http : llwww.channell.coml users/tdaniels/Articles/72-history.html.
- ↑ Bien que la loyauté à l’égard des leaders soit un stéréotype associé aux NMR, ce phénomène varie d’un groupe à l’autre. (Dr. James T. Richardson, interview with authors, December 29,1999).
- ↑ Le mouvement arrive aux USA en 1996 à San Dimas, Californie. Le leader déplaça le groupe au Texas sur ce qu’il pensait être des instructions de Dieu. Les membres choisirent Garland parce que le nom ressemblait à « Godland. » (Patrie de Dieu) voir Ted Daniels, « Chen Tao and Rationalization of Failure » ; available from http : //www. channell. com/users/tdaniels/ Articles/71-chentao.html.
- ↑ Le dr. Lonnie Kliever fournit des informations importantes au bureau de police de Garland. Lire Lonnie Kliever, « Meeting God in Garland : A Model of Religious Tolerance, » Nova Religio : TheJournal of Alternative and Emergent Religions 3, n. 1 (October 1999) : 45-53.
- ↑ Pour l’étude des circonstances dans lesquelles l’isolement peut provoquer la violence dans un groupe, lire Kevin M. Gilmartin, « The Lethal Triad : Understanding the Nature of Isolated Extremist Groups, » FBI Law Enforcement Bulletin, September 1996,1— 5.
- ↑ Pour la valeur des stratégies de communications avec les groupes armés, James E. Duffy and Alan C. Brantley, « Militias : Initiating Contact, » FBI Law Enforcement Bulletin, July 1997,22-26 ; and Anthony J. Pinizzotto, « Deviant Social Groups, » Law and Order, October 1996,75-80.
- ↑ Voir la section précédente sur les risques de NMR