Introduction à l’étude de la paléontologie stratigraphique/Tome 1/Chapitre VIII/A

La bibliothèque libre.


CHAPITRE VIII


DEUXIÈME PÉRIODE


Observations générales.


Les deux naturalistes contemporains dont les travaux nous ont principalement occupé dans le chapitre précédent peuvent servir utilement d’exemple pour montrer combien, dans la culture des sciences, on doit se garder des extrêmes, et combien les facultés, même les plus éminentes, restent peu fécondes si elles ne sont point soumises à la méthode. La synthèse la plus élevée, comme l’observation la plus minutieuse des détails, est insuffisante pour atteindre le but. Ce ne sont ni le génie, ni la force, ni la persévérance qui ont manqué à Buffon, ce n’est pas l’étude attentive et constante des faits les plus divers qui a manqué à Guettard, mais ç’a été chez tous deux l’absence d’une base, d’un point de départ bien établi, et de cet esprit qui d’abord analyse, discute et compare attentivement toutes les données acquises pour les ranger ensuite, d’après leurs vrais rapports naturels, de manière à en déduire les principes fondamentaux de la science.

Les idées de Buffon, pas plus que les recherches et les descriptions de Guettard, n’influèrent sensiblement sur la marche des études géologiques et paléontologiques de la fin du xviiie siècle dans notre pays ; les premières étaient trop élevées, les secondes trop diffuses ; les unes et les autres ne pouvaient être ni généralisées, ni utilisées et appliquées directement dans la pratique. La vraie méthode d’observer et de déduire n’étant point trouvée, l’édifice tout entier restait à élever ; la géologie et la paléontologie n’existaient pas comme science, comme corps de doctrine ; aussi les premiers naturalistes assez nombreux dont nous allons mentionner les travaux nous offriront-ils encore pour la plupart cette marche incertaine, cette absence de direction et de principe qui font que leurs résultats n’ont qu’un intérêt de localité, par conséquent assez secondaire.

Cependant il serait peu juste de ne pas leur savoir gré de ce qu’ils ont exécuté, quelquefois avec une grande persévérance et beaucoup de dévouement. Ces matériaux recueillis avec soin ont mis leurs successeurs sur la voie de nouvelles recherches ; ils ont pu être utilisés et ont, par conséquent, concouru aux progrès de la science.

La seconde période de l’histoire de la paléontologie stratigraphique en France, que nous avons admise, bien plus pour faciliter l’arrangement des matériaux que pour marquer une phase particulière dans la marche de la. science, est relativement assez courte ; cependant elle exigera des divisions qui n’avaient pas été nécessaires pour la première. Le nombre et la diversité des publications nous engagent à ranger les unes dans un ordre géographique, sous les désignations de France sud, France centrale, France nord, les autres par ordre de matière sous celles de Paléozoologie, de Traités généraux et enseignement de Paléontologie appliquée.

Nous commencerons par nos provinces du Midi, qui, vers la fin du siècle dernier, ont donné lieu à des travaux beaucoup plus importants que celles du Nord, ce qui a été précisément l’inverse pour le commencement du siècle actuel. Quelques-unes des recherches qui ont pour objet le nord de la France se sont aussi étendues au delà dans plusieurs directions ; mais, comme elles viennent chronologiquement après celles dont nous aurons déjà parlé, leur examen n’aura alors aucun inconvénient. Quant aux ouvrages purement zoologiques où il est traité des fossiles, nous les réunirons et les mentionnerons ensemble, après avoir exposé la plupart des faits de géologie stratigraphique et avant l’examen des dernières recherches qui ont consacré chez nous le principe de la paléontologie appliquée.

§ 1. France Sud.


Régions pyrénéenne.


Ce qui a d’abord attiré l’attention des observateurs sur la chaîne des Pyrénées, ce sont ses nombreuses sources thermales. Le président de Thou, qui était aux Eaux-Chaudes en 1582, en parle avec quelques détails ; depuis lors une multitude de mémoires et de notices ont été publiés sur ce sujet, qui sort entièrement de notre cadre. L’Histoire de la province du Languedoc, par Astruc, que nous avons déjà rappelée, et la Carte générale des Pyrénées, par Roussel, ne nous offrant pas plus d’intérêt, nous passerons immédiatement à l’Essai sur la minéralogie des monts Pyrénées[1], travail de l’abbé Palassou, remarquable pour l’époque.
Palassou.

Le texte est accompagné d’une carte générale du versant nord de la chaîne, que l’auteur a plus particulièrement étudié, de huit cartes minéralogiques de détail, à une grande échelle, où la direction des couches est toujours marquée et les divers gisements de roches, de minéraux ainsi que les sources thermales sont indiqués par des signes comme sur les cartes de Guettard, et de 12 planches représentant 24 vues de montagnes les plus intéressantes. L’auteur, en s’avançant de l’O. À l’E., décrit successivement chaque petite région naturelle, depuis les environs de Bayonne jusqu’à ceux de Perpignan, en notant partout avec le soin le plus scrupuleux l’inclinaison et la direction des couches. Comme il serait impossible de le suivre dans l’énumération des faits relatifs à chaque localité nous nous bornerons à citer quelques passages de son Introduction pour donner une idée de ses recherches et de leurs principaux résultats.

« Ce ne sont point, dit Palassou, des observations isolées faites au gré du hasard, qui ont été l’objet de mon voyage ; un plan suivi et uniforme les a dirigées. Mon travail commence à l’extrémité de la chaîne que l’Océan baigne de ses flots ; il continue suivant la position successive des lieux jusqu’aux montagnes qui vont se perdre dans la Méditerranée. La régularité que la nature a mise dans ses ouvrages a été mon seul guide ; elle a concouru à l’ordre des faits que je me propose de décrire…

« Il ne faut donc pas se hâter de prononcer sur la constitution des Pyrénées ; ces montagnes hérissées de pics, déchirées dans leurs flancs, sillonnées par une infinité de torrents, n’ont pas conservé leur forme primitive ; la terre, couverte de rochers confusément entassés, y montre souvent l’image du chaos ; ces grands changements empêchent de reconnaître au premier coup d’œil le plan régulier que la nature a suivi dans ses opérations ; mais, lorsqu’à travers les mines causées par le temps on pénètre dans le sein des montagnes, il est facile alors d’apercevoir l’uniformité constante de leur structure intérieure ! Des couches parallèles dévoilent le travail paisible de l’agent qui les a formées. »

Ainsi Palassou concluait pour les Pyrénées à l’inverse de de Saussure pour les Alpes, où ce dernier n’avait rien trouvé de constant que leur variété.

« Les monts Pyrénéens, continue-t-il, sont composés de bandes calcaires et de bandes argileuses ou schisteuses qui se succèdent alternativement et de masses de granite. Chaque bande est un assemblage de lits qui se prolongent en général de l’O.-N.-O. à l’E.-S.-E., formant un angle de 73° à l’Est et avec la méridienne de l’Observatoire de Paris. Ces bancs sont communément inclinés d’environ 50° avec la perpendiculaire. »

« Le granite n’observe que rarement la disposition régulière des bancs composés de pierre à chaux et de bancs argileux ou schisteux ; il est presque toujours en masses. On trouve cette roche, soit à la base, soit vers le sommet des montagnes, mais elle ne paraît pas dans toute la longueur de la chaîne. Les monts Pyrénées ne présentent, depuis la vallée d’Aspe jusqu’à l’Océan, que des lits calcaires et des lits argileux dont quelques-uns sont interrompus, dans le pays de Soule, par des « amas énormes de galets ; c’est une espèce de noyau qui coupe ces matières ainsi qu’une substance étrangère coupe un filon métallique. »

« Lorsque je fus parvenu à découvrir que les bancs se prolongeaient de l’O.-N.-O. À l’E.-S.-E., il me parut convenable, pour ne pas suivre un même lit dans toute sa longueur, de faire mes observations du N. au S. J’exécutai ce dessein avec d’autant plus de raison que, remontant les grandes vallées que les eaux ont creusées dans cette direction, j’avais la facilité de voir, sur des cartes géométriquement levées, la correspondance qui existe entre les matières de différents cantons ; je me suis donc principalement attaché à décrire la substance que l’on rencontre dans les profondes cavités qui séparent les montagnes. Chaque vallée a sa description particulière ; elle commence à la base des Pyrénées et finit au sommet.

« Comme ces montagnes présentent différents aspects, à mesure que l’on pénètre dans la chaîne qu’elles forment, je la divise du N. au S. en trois régions ; j’appelle la première région inférieure ; la seconde région moyenne, et la troisième région supérieure. »

Ainsi rien de plus méthodique et de mieux raisonné que cette marche, rien de plus net que ces premiers résultats généraux. La simplicité et la symétrie relative des Pyrénées avaient permis à Palassou d’adopter, dans ses recherches, un procédé. plus rationnel que ne l’avait pu faire de Saussure pour les Alpes ; on devait donc espérer que, continuant ses observations avec non moins de persévérance que le savant Genévois, il s’éclairerait de plus en plus sur l’origine et la véritable cause des grands phénomènes qu’il étudiait. Mais il n’en fut pas ainsi, et l’Essai sur la minéralogie des monts Pyrénées laissa toujours loin derrière lui les travaux que son auteur a publiés depuis.

Trente ans s’étaient écoulés lorsque Palassou donna ses Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacents[2]. Ces mémoires, qui n’ont aucun rapport entre eux, semblent avoir été écrits par autant de personnes qu’il y a de sujets différents. Les uns traitent des graviers, des blocs et des cailloux roulés des bassins du gave de Pau et de l’Adour, d’autres des diverses espèces de chênes, des tremblements de, terre, des oiseaux de passage, etc.

En parlant de l’inclinaison des strates dans les montagnes, l’auteur dit (p. 414) : « Pour moi je persiste à présumer que l’inclinaison générale des couches date de la même époque que leur origine, car il ne paraît pas vraisemblable, comme je l’ai dit dans l’Essai sur la minéralogie des monts Pyrénées, que les eaux de la mer aient pu former des bancs horizontaux sur les flancs des montagnes de granite primitif, au-dessus desquels les matières de seconde formation reposent… » Nous avons vu, en effet, de Saussure, sur l’opinion duquel Palassou s’appuie, admettre ce mode de formation au commencement de ses études ; mais bientôt, éclairé par les faits et la réflexion, il est revenu à des idées plus saines, exemple qu’aurait dû s’empresser de suivre aussi le naturaliste des Pyrénées, au lieu de s’obstiner dans une si fausse voie.

Dans la Suite des Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacents[3], le même observateur s’est proposé de distinguer comme secondaires tous les calcaires et les schistes fossilifères de ces montagnes, distinction dans laquelle la présence des fossiles et leurs caractères spécifiques n’entrent pour rien, et qui reposait sur des données exclusivement stratigraphiques. C’est un essai analogue à celui qui avait été tenté quelques années auparavant dans les Alpes de la Tarentaise, et qui ne pouvait avoir de résultat absolu. C’étaient les idées appliquées depuis longtemps en Allemagne, celles de Palla à l’Europe orientale, de de Saussure, de de Luc aux Alpes, etc. ; mais il n’y avait là aucun principe original, comme l’ont prétendu quelques personnes, auxquelles l’histoire comparée de la science est peu familière.

Palassou n’admet point le terrain de transition ; il le regarde comme une distinction inutile, ce qui prouve qu’il ne le comprenait pas encore et ce qui se conçoit d’ailleurs pour les Pyrénées à l’époque où il écrivait, comme on conçoit également qu’il aurait pu mettre, ainsi qu’on venait de le faire dans les Alpes, tout le terrain secondaire dans le terrain de transition ; il n’y avait pas de meilleure raison pour l’un que pour l’autre. Ses roches secondaires embrassent ainsi toute la série des terrains de transition, secondaire et tertiaire inférieur ; Aucune séparation n’est tracée entre eux, par suite de la différence des fossiles qu’on y trouve, de sorte que le principe déjà appliqué alors (en 1819), en Italie, en Allemagne, en Angleterre et dans le nord de son propre pays, était complètement ignoré de Palassou.

Dans la seconde partie de ce livre il traite des corps marins observés dans les pierres calcaires, grenues ou compactes des diverses parties de la chaîne. Déjà il en avait signalé en 1776, puis dans son ouvrage de 1802, auprès des Eaux-Chaudes et d’Etsaut. Il rappelle les observateurs qui, dans l’intervalle, en ont aussi indiqué ; mais il avait d’ailleurs si peu l’idée d’une relation entre les espèces et l’ancienneté des couches, que c’était sur l’état plus ou moins altéré des fossiles qu’il jugeait de leur âge.

Ses conclusions sont les suivantes (p. 92) : « Les calcaires grenus et les calcaires compactes ne doivent pas être séparés ; les calcaires de la chaîne, produits dans un temps déterminé, sont secondaires ; les alternances de calcaires et de schistes argileux inclinés généralement, et dirigés 0.-N.-O., E.-S.-E., sont le résultat d’une action simultanée postérieure à la formation du granite. Les couches calcaires comprises dans les couches de granite feuilleté en sont contemporaines, et celui-ci est moins ancien que le granite massif. Il y avait 70 ans que Lehmann était plus avancé sur la géologie de la Saxe et du Harz, régions qui ne laissent pas non plus que de présenter de nombreuses difficultés.

Disons ici qu’en traitant des roches désignées sous le nom d’ophite (p. 100), Palassou les assimile bien, minéralogiquement, au grunstein des géologues allemands et à la diabase de Brongniart ; ce sont donc ses successeurs qui, en consacrant ce nom, l’ont fait dévier de sa véritable acception originaire et ont apporté une confusion fâcheuse dans la terminologie.

Persistant dans son point de vue, Palassou attribue la formation des vallées des Pyrénées à l’action érosive des cours d’eau et rejette l’origine attribuée à celles des Alpes, par suite des dislocations et des bouleversements que celles-ci ont éprouvés, aussi bien que les courants marins.

Enfin, dans une dernière publication[4] destinée à compléter les précédentes, Palassou continue à observer les rapports stratigraphiques généraux, mais sans en tirer plus de lumières sur la position relative des couches ni sur leur situation première, qu’il suppose toujours avoir été plus ou moins inclinée et telle qu’on la voit aujourd’hui. Ainsi non-seulement l’auteur semble ignorer tout ce qui s’est fait autour de lui, non-seulement 40 années d’observations et de comparaisons n’ont apporté aucun changement dans ses vues, mais encore il méconnaît les lois les plus simples de la physique et de la mécanique naturelle. Il semble qu’isolé du monde entier, Palassou, qui était cependant Correspondant de l’Institut, ait voulu laisser après lui un exemple frappant de la persévérance dans les recherches jointe à l’immobilité complète dans le progrès.

Ce qui reste en résumé de ses nombreux travaux, et surtout de son Essai de 1782, c’est d’avoir reconnu le premier, dans les Pyrénées, le parallélisme général de la direction de la chaîne avec celle des couches qui la composent et qui est dirigée O.-N.-O., E.-S.-E., d’avoir observé l’inclinaison de ces couches partout avec un grand soin, l’alternance des calcaires et des schistes, la présence du granite dans les parties les plus basses aussi bien que dans les plus élevées, l’enchevêtrement du granite schisteux avec le granite massif et l’existence du calcaire dans ces mêmes roches cristallines.
Picot de Lapeirouse.

De son côté et dans le même temps, Picot de Lapeirouse[5] concluait de ses recherches (p. 413) que les roches des Pyrénées étaient, les unes vitrifiables, les autres calcaires et schisteuses. Les montagnes calcaires renferment des débris d’êtres organisés ou en sont dépourvues. Celles qui en renferment se trouvent placées en dehors de.la chaîne principale et présentent aussi des grès, du jayet, du charbon, du bois bitumineux, etc. Celles de l’intérieur sont sans fossiles. Les couches verticales ne doivent pas leur situation à un bouleversement… Elles ont dû être formées telles qu’elles existent aujourd’hui. « Il n’en a pas plus coûté à la nature, dit l’auteur, pour élever des couches verticales que pour les poser symétriquement les unes au-dessus des autres. » La position et l’arrangement des chaînes et des montagnes calcaires avec le granite, la serpentine et les autres roches dites primitives, prouvent qu’elles ont été élevées dans le même temps et par la même cause[6].

De Lapeirouse distingue deux sortes de calcaires : l’un déposé dans les eaux où vivaient les animaux dont on y trouve les restes, l’autre contemporain des roches les plus anciennes, mélangé avec elles et entrant dans leur composition. Les montagnes de dépôts plus récents sont formées de grands blocs roulés et de galets de granite avec d’autres roches, enveloppés de gravier, de sable ou de terre, qui remplissent la plupart des vallées. Plus ces dépôts sont éloignés de la chaîne et plus les cailloux en sont variés.

Ces débris, déposés avec ordre en lits horizontaux, contrastent avec la structure habituelle des montagnes, et les collines qu’ils constituent sont évidemment plus récentes que les roches qui ont fourni leurs matériaux et celles contre lesquelles elles s’appuient. L’origine de ces dépôts est d’ailleurs bien appréciée par l’auteur.

Le même ingénieur avait signalé des ossements de quadrupèdes trouvés pâle-mêle avec des coquilles et des polypiers, probablement non en place, sur la pente supérieure du Mont-Perdu [7]. Ils étaient dans un fort mauvais état de conservation, et rien ne prouvait leur contemporanéité avec les fossiles marins. En outre, ces circonstances, que leur coupe transverse est nette et unie, que leur surface porte des entailles vives et profondes, comme si elles avaient été faites par un instrument tranchant et dirigé avec force pendant la vie de l’animal, empêchent d’attribuer à ces restes aucune valeur géologique, ce que Fortis avait d’ailleurs présumé.

Le travail de Lapeirouse le plus important pour nous est sa. Description de plusieurs espèces nouvelles d’Orthocératites et d’Ostracites[8], qui a appelé l’attention des naturalistes sur des formes de coquilles que l’abbé de Sauvages avait déjà signalées, quarante ans auparavant, sur le versant oriental des Cévennes. Ces corps, qu’il prend les uns pour des céphalopodes à coquilles droites, les autres pour des Huîtres particulières, ne sont en réalité ni les uns ni les autres. Mais les figures, nombreuses et bien faites, ont mis leurs caractères assez en évidence pour qu’elles aient pu être mieux classées par la suite. C’est à l’est des Bains-de-Rennes, dans les Corbières, depuis Montferrand jusqu’à Sougraigne, et surtout à la montagne dite des Cornes, à cause de la prodigieuse quantité de ces corps, souvent fort allongés et un peu recourbés, qui y forment une assise puissante, que l’auteur avait fait une abondante récolte de tous ces fossiles.
Ramond.

Lorsque Ramond commença ses recherches dans les Pyrénées, en 1789, le Mont-Perdu était regardé comme le point culminant de la chaîne ; il le décrivit plus tard[9] et montra qu’il était composé de roches calcaires secondaires avec des corps marins fossiles, tandis qu’il n’en avait point rencontré dans les autres roches qu’il regardait comme du même âge. Il signala une Ammonite au Vignemale et une multitude de Peignes, de Cames, d’Huîtres, d’Astérites, de polypiers, etc. Dans son Voyage ou sommet du Mont-Perdu[10], il estima son élévation au-dessus de la mer à 1562 toises, et en donna une description à la fois pittoresque, physique et pétrographique fort intéressante. Il mentionne des fossiles au port de Pinède et la présence des Nummulites sur beaucoup de points.

(P. 344.) Des plantes monocotylédones aquatiques s’observent dans des grauwackes schisteuses reposant sur les roches cristallines ; au delà, dit l’auteur, tout est grès, calcaire ou poudingue. Les fossiles se montrent surtout dans les roches arénacées. Les Lenticulaires numismales y abondent en quantité si prodigieuse, ajoute-t-il, qu’elles épouvantent l’esprit le plus accoutumé à l’idée des grandes distinctions de la nature. Il en décrit de trois dimensions : la plus petite, de 2 millimètres de diamètre, appartient aux cimes mêmes du Mont-Perdu ; elle paraît, dit Ramond, avoir beaucoup souffert du transport[11] ; la seconde, observée dans le val de Broto et le fond du val d’Ordesa, se reconnaît à ses tubercules[12], et la troisième, qui est la plus grande, est très-bien conservée dans les couches les plus basses, au-dessous de Torla et vers la plaine.

Les couches sont tantôt horizontales et tantôt verticales. Les premières sont traversées par des fentes perpendiculaires. Ce qui caractériserait essentiellement la chaîne du Mont-Perdu, c’est une disposition à se diviser par des plans verticaux en parallélépipèdes rectangles, et, dans le massif même de la montagne, on remarque une disposition très-prononcée des couches en éventail, qui serait précisément inverse de celle que produirait un soulèvement.

Ramond a cru démontrer aussi l’existence du terrain de transition dans les Pyrénées ; mais, comme cette distinction n’était pas fondée sur des caractères paléontologiques, la plupart des couches qu’il considérait comme telles n’étaient pas le véritable terrain de transition de Werner. C’était une erreur générale alors de prendre pour tel tout ensemble de roches schisteuses ou calcaires, d’une teinte foncée, dures, d’un aspect ancien, en couches plus ou moins redressées et placées à peu de distance des roches cristallines, caractères que l’on sait aujourd’hui pouvoir se rencontrer surtout dans les grandes chaînes, aussi bien dans des dépôts secondaires et tertiaires que dans ceux qui sont plus anciens. On ne comprenait pas non plus que pour classer des roches dans le terrain de transition, ne fût-ce que par leurs caractères pétrographiques et stratigraphiques, il fallait déterminer aussi sa limite supérieure ou la base du terrain secondaire, et c’est ce que l’on ne faisait pas plus dans les Pyrénées que dans les Alpes.
Auteurs.

Il nous suffira de rappeler brièvement les publications suivantes, qui n’ont apporté dans la science que des faits de détail sans vues générales, des observations sans conclusions possibles d’une importance quelconque. Ainsi Dralet, dans sa Description des Pyrénées considérées principalement sous les rapports de la géologie, de l’économie politique, rurale, forestière, etc.[13], a donné un certain nombre d’altitudes ainsi que le résultat de recherches sur la température et les caractères physiques de la chaîne dont il décrit les mines, les carrières et autres exploitations. Reboul[14] a publié un mémoire sur les positions respectives des calcaires, des granites, des schistes argileux et des roches siliceuses au Marboré et au Mont-Perdu ; Noguès[15], une notice sur son voyage des bains de Barége à Gavarnie ; Pasumot, son Voyage physique dans les Pyrénées en 1788 et 89 ; Vidal et Reboul[16], les nivellements exécutés en 1780 et 90, opérations à la suite desquelles le Mont-Perdu fut dépouillé de la suprématie que lui enleva la Maladetta, visitée plus tard par L. Cordier[17]. ce dernier savant a donné une description fort exacte du gisement de sel gemme de Cardonne, situé en Catalogne sur le versant méridional de la chaîne, et il la termine par les conclusions suivantes : Le système des roches salines et gypseuses de Cardonne est disposé en couches verticales et posées sur la tranche ; ce système est recouvert par des couches secondaires de la plus ancienne formation et d’une manière transgressive ; d’après les conditions de cette superposition, les couches gypseuses et salines sont sans contredit d’une époque non-seulement antérieure, mais encore tout à fait distincte ; il existe dans les hautes Alpes des gypses purs et parfois salifères, qui font incontestablement partie du terrain intermédiaire ; ces roches gypseuses salifères ont des analogies avec celles du système de Cardonne ; enfin, d’après, toutes ces probabilités, ce système doit être placé lui-même dans le terrain intermédiaire[18]. Depuis lors il a été rapporté d’abord au grès vert et remonté, plus récemment encore, dans la série géologique, jusque dans le groupe tertiaire supérieur aux Nummulites. Les roches minéralogiquement analogues auxquelles Cordier les comparaît dans les Alpes ont été rangées dans le trias ou à la base de la formation jurassique.
De Charpentier.

Bien que l’ouvrage de Charpentier[19] n’ait été publié qu’en 1823, des mémoires antérieurs et diverses communications en avaient fait connaître les principaux résultats ; on sait d’ailleurs que toutes les recherches de ce savant furent exécutées de 1808 à 1812, par conséquent dans la période qui nous occupe.

L’auteur, formé à l’école de Werner, avait cet esprit de méthode puisé dans un enseignement sérieux qui manquait absolument à Palassou ; il passa beaucoup moins de temps que ce dernier à étudier la même région montagneuse, et cependant l’Essai sur la constitution géognostique des Pyrénées est, pour le temps, une œuvre complète à son point de vue, aussi bien par le fond que par la forme.

La disposition des principales masses minérales qui constituent la chaîne est bien indiquée sur la carte coloriée qui accompagne le texte ; l’étude des substances qui les constituent et de celles qui ne s’y trouvent qu’accidentellement a été faite avec un grand soin ; mais, malgré les profils généraux tracés à travers toute la chaîne et passant par cinq points différents de son axe, les relations stratigraphiques des divers systèmes de couches sédimentaires, soit entre eux, soit par rapport aux massifs cristallins, restent encore assez obscures, et les désignations employées par de Charpentier ne concordent guère avec nos classifications.

Il distingue 8 terrains dans l’étendue de sa carte ; ce sont les terrains granitique, du schiste micacé, du calcaire primitif, de transition, du grès rouge, du calcaire alpin et du calcaire du Jura, amphibolique secondaire (ophite de Palassou), tertiaire et d’atterrissements.

Dans ces divisions on trouverait aujourd’hui que le terrain de calcaire primitif comprend des roches de transition et jurassiques, le terrain de transition des roches de transition et jurassiques, le terrain de calcaire alpin et du Jura, presque exclusivement des roches crétacées et tertiaires inférieures, les terrains tertiaire et d’atterrissement, des dépôts tertiaires moyens, supérieurs et quaternaires.

En ce qui regarde les fossiles, on conçoit fort bien que, d’après la direction première de ses études et la nature même du vaste champ si accidenté qu’il parcourait, de Charpentier n’ait pas tiré grand profit de ceux qu’il a rencontrés. Il range dans le terrain de transition des roches où il signale des Bélemnites à Angoumer, au bois de Lembége près Saitnt-Girons, au pic de Bédillac, à la ferme d’Escot dans la vallée d’Aspe, puis des acéphales dans cette dernière, dans celle d’Ossau, de Ger, etc., des Ammonites dans les marbres rouges de Cierp, dans le marbre blanc de Getus (vallée d’Ossau), dans les calcaires de Lescure, etc., mais toujours assez rares.

Les Entroques seules abondent dans les calcaires schisteux de Port-Viel (vallée d’Estaubé), et particulièrement dans les roches calcaires. Des plantes monocotylédones ressemblant à des roseaux sont signalées dans des schistes argileux très-carburés, dans la grauwacke schisteuse, surtout dans la partie la plus ancienne qui avoisine le terrain primitif et dans les parties les plus élevées de la chaîne, non loin des grandes protubérances granitiques. De Charpentier rappelle aussi les fossiles signalés par ses devanciers dans le massif du Mont-Perdu rapporté par lui à son terrain du calcaire alpin. Les montagnes à l’est du port de Sahun, entre la vallée de la Cinca et celle de l’Essera, sont également fossilifères.
Languedoc

de Gensanne, de Servières, etc.

La partie minéralogique et géoponique de l’Histoire naturelle de la province du Languedoc[20], que l’on doit à de Gensanne, est presque uniquement consacrée aux substances minérales, à leur recherche et à leur exploitation. Les mines de houille, de fer, d’argent, de cuivre, de mercure, de plomb, les eaux thermales, les volcans anciens, les basaltes du Velay, des Coirons, d’Agde, etc., ont attiré l’attention de l’auteur beaucoup plus que la géologie stratigraphique, et surtout que les fossiles pour lesquels il cite particulièrement les environs de Bugarach et des Bains-de-Rennes dans les Corbières (vol. IV, p. 181-184) et les marbres de Caune (vol. II, p. 199).

L’origine des cailloux quartzeux des environs de Nismes a été le sujet de deux mémoires intéressants publiés par de Servières [21], qui les regarde comme ayant été apportés par le. Rhône, parce qu’ils sont semblables à ceux de la vallée que le fleuve parcourt dans le Dauphiné et la Provence. Les recherches historiques de l’auteur sur les alluvions du Rhône y sont fort étendues et pourraient être encore utilement consultées. Faujas de Saint-Fond a donné une notice sur une mine de charbon fossile du département du Gard, exploitation dans laquelle ont été rencontrés du succin et des coquilles[22]. Dans un second mémoire il s’est occupé d’un rayon ou piquant de poisson du genre des Raies, trouvé dans une pierre des environs d’Aigues-Mortes, ainsi que d’un os maxillaire de quadrupède provenant des carrières ouvertes, dans un calcaire coquillier marin de Saint-Grenier, à trois lieues de Montpellier. De son côté, Marcel de Serres[23], qui a consacré une partie de sa longue existence à l’histoire naturelle des environs de sa ville natale, préludait dans le même temps à ses nombreuses publications.
Giraud-Soulavie

Mais l’observateur qui, au commencement de notre seconde période, avait le mieux compris, dans cette même région, la géologie stratigraphique et qui l’avait appliquée avec le plus de discernement, est sans aucun doute l’abbé Giraud-Soulavie. Dans un mémoire intitulé : Géographie de la nature, ou distribution naturelle des trois règnes, accompagné d’une carte minéralogique et botanique du Vivarais[24], il établit que la connaissance de toutes les superpositions observées donne la chronologie de leur formation, résultat fondé sur ce principe incontestable que toute carrière superposée est de formation postérieure à celle de la carrière fondamentale. Ainsi les montagnes du Vivarais, composées de 6 couches de natures différentes, placées les unes au-dessus des autres, sont le résultat de 6 époques séparées et distinctes, puisqu’en examinant les roches de bas en haut on trouve : 1° le granite vif très-solide ; 2° un granite secondaire composé de blocs de cette roche, réunis par, un ciment sableux ; 3° une roche calcaire annonçant l’ancienne existence de la mer dans le pays ; 4° des couches énormes de poudingues fluviatiles composées de cailloux roulés granitiques, calcaires, quartzeux, basaltiques, avec des coquilles d’eau douce, des ossements, des bois pétrifiés, etc. ; 5° une assise puissante de basalte semblable à un courant qui se serait étendu sur le dépôt de cailloux roulés ; 6° des matières calcaires recouvrant en partie les nappes basaltiques des Coirons, vers le bas de la montagne, et remplissant les interstices sous la forme de calcaire spathique.

Suivent des principes de géographie botanique où la distribution des plantes est mise en rapport avec les altitudes ou l’élévation de lieux où elles croissent, principes que l’auteur applique aussi à la distribution des animaux. La carte coloriée jointe à ce petit travail si original est la première de cette sorte que nous connaissions en France ; elle est intitulée : Carte géographique de la nature, on disposition naturelle des minéraux, des végétaux, etc., observés dans le Vivarais. Toutes les roches d’origine volcanique y sont représentées par une teinte rouge ; les volcans à cratère sont distingués par un signe particulier. On y trouve bien marquée la séparation des granites et des calcaires, la ligne départage des bassins de la Loire et du Rhône, la limite de la culture de la vigne, de l’olivier et des plantes alpines, les filons basaltiques, les basaltes isolés, les substances métalliques, le quartz, le calcaire, etc.

Dans son Histoire naturelle de la France méridionale[25], l’abbé Giraud-Soulaviea appliqué ces principes sur une échelle plus étendue. Il range dans une première époque ou premier âge (vol. I, p. 317) les fossiles du Vivarais, dont on ne trouve plus les analogues vivants. Ils appartiennent à ce qu’il appelle la pierre calcaire primordiale. Ce sont les Ammonites, les Bélemnites, les Térébratules, les Gryphites, les Entroques, etc. Il en signale trois gisements différents, distingue bien les Ammonites des Nautiles par les caractères de leurs cloisons ; mais il prend pour des Orthocératites des cônes alvéolaires de Bélemnites. Il est frappé de la multitude d’Entroques que renferment les calcaires des environs d’Aubenas, où elles sont accompagnées de Térébratules plissées et de Bélemnites, dans des roches de diverses natures. Le nom de primordiales qu’il donne à ces dernières, toutes pour nous secondaires, s’explique par cette circonstance que le terrain de transition manquant dans ce pays, elles succèdent immédiatement aux roches massives cristallines.

Au-dessus d’elles viennent les calcaires secondaires de l’auteur, où il signale des fossiles d’espèces éteintes comme dans les précédentes, mais associées ici à d’autres qui auraient leurs analogues vivants (Cames, Moules, Nautiles, Buccardes, Peignes, etc.), et caractériseraient cette époque. Son troisième âge comprend aussi une roche calcaire avec des coquillages d’espèces récentes dont les descendants vivent encore dans nos mers. C’est une pierre blanche, tendre, où manquent les cornes d’Ammon, les Nautiles, les Bélemnites et les autres fossiles des premiers calcaires. Son peu d’ancienneté est encore prouvé par les cailloux roulés d’origine volcanique qu’elle renferme.

Dans un résumé à la fois stratigraphique, paléontologique et orographique, Giraud-Soulavie montre que ces trois séries de dépôts se succèdent dans le pays à niveau décroissant, ou sont d’autant moins élevées qu’elles sont moins anciennes.

Les schistes arborisés ou renfermant des empreintes végétales constitueraient les dépôts d’un quatrième âge, mal défini à cause de la difficulté qu’a eue l’auteur pour établir toujours leurs relations avec les calcaires. On voit en effet qu’il y a réuni des couches d’âges très-différents. Dans le cinquième sont rangés des poudingues, des brèches avec des restes d’Éléphants.

Le soulèvement des calcaires à Ammonites par suite de l’arrivée au jour des basaltes des Coirons est placé ici, et, dans les dépôts de transport les plus récents qui proviennent des montagnes environnantes, se trouvent encore des ossements d’Éléphants et peut-être de Bœufs, des fragments roulés de basalte, de laves, de calcaires de différentes époques, etc.

(P. 343.) « Voilà, dit l’auteur, l’aperçu général qu’offrent les sommets de nos montagnes antiques du Vivarais et les plaines récentes du Rhône qui mouille la lisière inférieure de la province. La suite des temps, et surtout des observations plus longues et des lumières plus étendues multiplieront les époques et rempliront les lacunes ; mais elles ne changeront point les places des époques que nous avons assignées. Nous avons réduit ainsi à cinq règnes seulement l’histoire chronologique de la nature dans les substances calcaires, pour ne pas nous exposer à multiplier les anachronismes en multipliant les époques. Tous les faits subalternes intermédiaires seront un jour développés et rangés les uns à côté des autres selon l’ordre des temps, comme on distingue, dans l’histoire civile des empires, celle d’un roi d’avec son successeur. »

En résumant la chronologie des êtres organisés, le judicieux abbé établit : « 1° Que les plantes inconnues renfermées dans les ardoises les plus anciennes et les coquillages marins renfermés dans les marbres primitifs ont occupé les premiers l’empire des mers et des terres ; 2° que les plantes aquatiques des bords de la mer ont existé avant celles des continents, puisque les ardoises premières offrent des espèces de joncs ; 3° que les animaux marins à coquilles ont vécu avant les autres ; 4° que parmi les coquilles il y a des familles qui ont existé avant d’autres ; qu’il s’éteignit même diverses familles et qu’il s’en éleva plusieurs autres secondaires ; 5° que parmi les végétaux, comme parmi les animaux[26], la nature a multiplié leurs familles, qu’elle a toujours perfectionnées de plus en plus en opérant d’abord le plus simple et ensuite le plus composé ; 6° que les arbres, les oiseaux, les quadrupèdes et l’homme ont dû exister après tous les ordres précédents, puisque leur subsistance suppose celle de plusieurs autres êtres qui leur ont été nécessaires pour vivre sur la surface de la terre.

« Si ces observations, que j’ai faites en Vivarais, sont confirmées dans d’autres provinces, il en résultera une histoire chronologique des animaux fossiles et vivants, établie par des faits incontestables. » Nous n’insisterons pas sur l’accord que signale Giraud-Soulavie entre ces données de l’observation et les récits de Moïse ; il fallait encore, à ce moment, voiler et même déguiser la vérité pour la faire accepter et n’être point inquiété.

Considérant ensuite les fossiles, non plus par rapport à l’ancienneté des couches, mais relativement à leurs caractères organiques et à leur origine, le savant abbé oublie tout à fait sa réserve habituelle et se laisse entraîner par les idées de de Maillet à admettre la transformation des animaux marins en animaux terrestres. Il se prononce énergiquement contre la possibilité que le déluge biblique ait occasionné le dépôt des fossiles, mais il admet que ses eaux ont pu couvrir les plus hautes montagnes et il croit aussi que les diverses couches ont pu se déposer sur des plans fort inclinés.

Dans le second volume de son ouvrage, il traite des volcans et des basaltes. Le troisième comprend l’histoire naturelle du Vélay, la description de ses volcans anciens, des calcaires et des gypses des environs du Puy, etc. La coupe qu’il donne du terrain houiller de Saint-Jean-de-Valeriscle est fort bien détaillée (p. 322). On y voit 37 couches différentes superposées dans la hauteur de la montagne qui est coupée à pic et dans l’intérieur de laquelle on a poussé douze galeries pour y suivre les couches. Il y en a 9 de charbon, alternant avec des grès, des poudingues et des schistes, offrant des empreintes de fougères qui ne vivent plus dans le pays, mais dont les analogues existeraient en Amérique, puis 9 assises de roches quartzeuses ou arénacées et 17 de schistes divers.

Le volume IV est consacré à la chronologie des volcans éteints de la France centrale, sujet traité d’une manière très-remarquable pour ce temps. L’auteur y distingue six époques d’éruption, étudie ensuite les formes géométriques des prismes basaltiques, passe à l’histoire naturelle de la Méditerranée, mentionne les environs de Bugarach, dans les Corbières, à cause des fossiles qu’on y trouve (p. 337), et étend ses recherches jusqu’aux anciens produits ignés de la Catalogne. Dans le cinquième, il revient sur les caractères physiques des côtes de la Méditerranée, examine les parties adjacentes des Allbères au Sud et du delta du Rhône au Nord, décrit les environs de Montpellier, de Nismes, et se trouve ramené à parler encore de ses calcaires primitifs. Dans l’histoire naturelle du Gévaudan, qui occupe le volume VI, les dépôts que nous désignons aujourd’hui sous le nom de lias sont fort bien indiqués partout où ils existent, puis viennent les calcaires des environs de Mende et la région schisteuse et granitique du même pays.

Enfin, le volume VII renferme diverses lettres sur des sujets d’histoire naturelle, la description des environs de l’Argentière et une correspondance avec l’abbé Roux, qui s’appuyait sur les idées de Rouelle. Dans ses répliques, Giraud-Soulavie expose clairement, et, à ce qu’il nous semble, pour la première fois en France, les vrais principes de la paléontologie stratigraphique, en faisant voir que les fossiles diffèrent par leur âge et la superposition des couches qui les renferment, et non suivant les divers lieux géographiques où on les rencontre, ainsi que cela résulterait de la disposition des amas de Rouelle (antè, p. 265), si vantée par Desmarest qui avait adopté aussi les expressions d’ancienne et de nouvelle terres.

« Il est certain, dit l’abbé Soulavie (vol. VII, p. 156 des Lettres), que telle contrée contient une plus grande abondance de telle espèce de coquilles ; mais cette différence ne dépend pas de la variété du site dans un tel lieu, ni de tel centre, ni de tel autre placé ici ou là, mais de la différence de l’époque de formation des carrières. Ainsi, la mer ne nourrissait plus des Ammonites, précisément parce qu’elle est aujourd’hui à Marseille et qu’elle n’est plus en Vivarais, où il y a des Ammonites pétrifiées, mais elle n’en produit plus parce que ces coquilles appartiennent à d’autres époques ou à d’autres climats. La différence des coquilles dans les pierres est établie sur la différence d’antiquité et non sur la différence locale ; et, quand même une chute de terrain précipiterait le Bas-Vivarais au-dessous de la Méditerranée, il ne suit pas de là que cette mer, refluant de ce côté-là, produisit les anciennes coquilles qu’elle produisait alors ; la succession des temps a fait perdre les espèces ; aussi n’en voit-on pas dans les pierres plus récentes.

« Or, on doit appeler pierre calcaire plus ancienne celle qui, soit qu’elle existe sur les plus hautes montagnes, soit inférieurement, ne connaît aucune autre espèce de pierre calcaire au-dessous d’elle, mais qui est la base de toutes les autres. Après celle-ci vient une autre qui lui est posée dessus, et enfin la dernière de toutes est celle que la mer a formée tout récemment et même qu’elle forme encore, car les pierres coquillières, par exemple, qui ont été employées pour bâtir les remparts de Montpellier sont visiblement une pierre de formation très-récente, à laquelle on ne peut comparer cette chaîne de montagnes calcaires du Jura et des Cévennes, que je regarde comme la plus ancienne de toutes les pierres calcaires du monde. »

Si l’on se reporte au temps où l’abbé Soulavie écrivait et que l’on tienne compte des pays qu’il avait étudiés, on trouvera cette dernière manière de voir suffisamment justifiée. Ainsi, à quelques égards, l’auteur de l’Histoire naturelle de la France méridionale pourrait être regardé comme le continuateur de celui de Telliamed. Il en a les qualités comme observateur, avec moins d’originalité sans doute, mais avec plus de suite dans des recherches limitées à une région déterminée. Il avait plus que Guettard le sentiment de la géologie stratigraphique, une idée très-exacte de la succession des êtres organisés dans le temps qu’il a formulée le premier avec des exemples à l’appui ; mais on peut dire qu’il écrivait aussi mal, ce qui, à la fin du xviiie siècle, était un tort, même pour un savant. Quoi qu’il en soit, nous pensons que l’on n’a pas rendu à l’abbé Soulavie toute la justice que ses travaux méritaient ; il a été un de ceux que l’opinion générale déshérite sans qu’on sache pourquoi. Puissent ces quelques lignes engager les naturalistes qui s’occupent particulièrement. des Cévennes et de leurs versants oriental et méridional à ouvrir son livre ! Ils y trouveront certainement des renseignements utiles.

Dans un mémoire sur les mines de charbon de ce pays et sur la double empreinte des feuilles de fougères qu’on trouve dans leurs schistes, J. C. Bruguières[27] a repris la question déjà traitée par Lhwyd et Woodward en Angleterre, par Scheuchzer pour l’Allemagne et la Suisse, par Ant. de Jussieu en France, lorsqu’il s’occupa des schistes houillers de Saint-Chamond. Ce dernier, sans l’avoir complètement résolue, s’est cependant approché davantage de la vérité que ses prédécesseurs. Quant à Bruguières, il fait remarquer que la face inférieure des feuilles, celle qui porte les fructifications, est, par suite de sa plus grande porosité, pénétrée de la matière de la roche enveloppante et ne se détache jamais de celle-ci. Il en résulte que l’empreinte en relief des fougères doit être la substance même de la feuille à l’état fossile, devenue charbonneuse ou pénétrée par les parties les plus fines du schiste. Il n’y a donc, à proprement parler, qu’une seule empreinte, c’est celle qui est en creux et qui présente la face supérieure de la feuille ainsi conservée.

Après avoir étudié les plantes fossiles des diverses exploitations des Cévennes, l’auteur pense qu’elles diffèrent souvent dans chacune d’elles ; puis, s’occupant plus particulièrement des fougères, car les végétaux rapportés à des bambous, des bananiers, des palmiers-dattiers et à des troncs d’arbres sont d’une détermination plus douteuse, il a pu distinguer 3 espèces de fougères caractérisées par de Jussieu, 4 décrites et figurées dans l’Herborium diluvianum de Scheuchzer, et 3 dont les analogues vivraient encore à Madagascar.

Des empreintes de poissons et même d’ophidiens existeraient, suivant lui, avec les plantes ; quant aux coquilles citées dans des grès, il est probable qu’elles appartenaient à l’étage inférieur du lias des environs.

Pour Bruguières, ces couches à empreintes végétales résultent d’un dépôt régulier, lent, dont les plantes ont vécu à peu de distance de la côte et à une faible hauteur au-dessus du niveau de la mer, comme les plantes des continents actuels. Il n’y a d’ailleurs aucune analogie entre la disposition générale qu’affectent ces empreintes et celles que l’on trouve dans des tufs modernes ; aussi rejette-t-il l’opinion de de Jussieu, qui supposait, comme on l’a vu, que les plantes avaient été apportées par des courants des climats éloignés où elles croissaient, ce qui aurait certainement altéré et détruit tous les caractères si bien conservés qu’on leur trouve encore. En résumé, ces couches ont été formées au fond de la mer avec les détritus des végétaux apportés des terres voisines par les cours d’eau.

Marcel de Serres[28], après avoir rappelé que dès 1724 Ant. de Jussieu avait signalé à la Mosson, non loin de Montpellier, des restes d’Hippopotame, consistant en une tête et des pieds, décrivit à son tour des débris de Rhinocéros, d’Hippopotame et d’Éléphants provenant d’une petite vallée parallèle à la précédente, et enfouis, à ce qu’il semble, dans un gravier quaternaire. D’Hombres-Firmas[29] a donné un Essai sur les pétrifications, et en particulier sur celles qui se trouvent à Sauvages, près d’Alais (Gard). Ce sont des Gryphées, des Bélemnites, des polypiers siliceux dans des bancs de calcaires compactes gris.

Ferlus s’est aussi occupé des fossiles des Bains-de-Rennes (Journ. d’Hist. nat., no 12, p. 463) et Lemonnier des échinides de Bugarach (Aude).
Provence.

Darluc, médecin et professeur de botanique à Aix, s’est montré, dans son Histoire naturelle de la Provence[30], zoologiste et botaniste descriptif assez exact, faible minéralogiste, mais point du tout géologue ni paléontologiste. Il attribue encore à l’espèce humaine certains ossements trouvés dans les roches gypseuses des environs d’Aix, malgré ce qu’en avait déjà dit Guettard, et il en attribue d’autres à des animaux marins (vol. I, p. 45). En regardant le gypse du pays comme une formation marine (p. 50), il se montre moins judicieux que P. de Lamanon. Il donne (p. 80) une description succincte des lignites de Gardane, de Memet, de Greasque, de Fuveau, pris toujours pour de véritable houille. Cette dernière substance est d’ailleurs indiquée à 2 lieues au nord de Fréjus (vol. III, p. 320), et son gisement décrit sommairement.

Dans le second volume de son ouvrage, Darluc désigne encore les minéraux par l’expression de fossiles ; il appelle primitives toutes les montagnes qui s’élèvent depuis la Méditerranée jusqu’aux limites du Dauphiné, et l’on ne peut disconvenir, dit-il (p. 265), que ces montagnes n’aient été créées originairement avec le globe. Sa manière de distinguer les montagnes en primitives et secondaires est mal comprise et de beaucoup inférieure à ce qu’écrivait un peu auparavant l’abbé Soulavie sur les terrains de la rive droite du Rhône.

Dans un Mémoire sur la nature et la position des ossements trouvés à Aix dans un rocher[31], P. de Lamanon a rappelé d’abord que Hoppelius, cité par Henckel dans sa Flora saturnisans, rapporte que, vers 1583, on trouva au milieu d’un rocher que l’on avait fait sauter, près de la ville, un cadavre humain pétrifié, assertion qui fut reproduite sans commentaires par tous les auteurs venus ensuite. Le 28 janvier 1760, on rencontra également, dans la pierre, près de l’hôpital général, les ossements décrits par Guettard (antè, p. 292) qui y avait reconnu des restes de poissons.

Ceux-ci, dit Lamanon, se montrent dans la couche appelée feuillette, tandis que c’est plus bas, dans un calcaire très-dur, gypseux, qu’ont été observés les ossements. Ceux qu’il a décrits d’abord proviennent de tortues qu’il désigne par l’expression de Chelonelithes aquensis anomites maximè arcuatus, et qui sont les premiers signalés en France. Les os attribués au squelette humain proviennent de quadrupèdes mammifères. Quant à leur gisement en général, de Lamanon le regarde comme très-analogue à celui, des plâtrières des environs de Paris. Ce rapprochement, fait il y a plus de 80 ans, est très-juste et a été confirmé par les recherches les plus récentes. Nous reviendrons plus loin sur la théorie générale de l’auteur relativement à la formation des dépôts gypseux.

Ramatuel a donné en 1792 une coupe détaillée des mêmes collines gypseuses. Il a décrit les bancs et les caractères pétrographiques de chacun d’eux, signalé les coquilles dans les assises supérieures et des ossements avec des restes de carapace de tortues marines à 20 toises au-dessus du second banc de gypse exploité. Les Huîtres à grand talon ou Huîtres à manche de violon, comme on les appelait alors, s’observent, plus bas, à côté de la route de Marseille, au niveau du cours de la ville. Les poissons des marnes feuilletées sont tous posés à plat, et l’auteur les rapporte à des Goujons voisins des cyprinoïdes. Le fossile qu’il mentionne, en lui assignant 12 pieds de long sur 2 de large et 2 1/2 d’épaisseur, semble provenir d’un tronc de palmier aplati.

C’est vers ce même temps que de Saussure parcourait la Provence, le Vivarais et le Dauphiné, et nous avons reproduit quelques-unes de ses remarques les plus importantes (antè p. 72–74). Plus récemment Ménard de la Groye[32] s’est occupé des roches ignées de Beaulieu (Bouches-du-Rhône) et A. Risso a donné des Observations géologiques sur la presqu’île de Saint-Hospice, près de Nice[33]. Il a décrit l’aspect physique du pays, la côte et la baie de Villefranche, et, dans son résumé, il distingue trois formations principales comme constituant cette petite région, fort intéressante d’ailleurs. La première de ces époques, en allant de bas en haut ou des plus anciennes aux plus nouvelles, correspond au dépôt des calcaires compactes à grain fin qui sert de base à tous les autres systèmes de couches. On n’y trouve point de fossiles ; c’est le moins dérangé dans sa stratification et le moins altéré par les agents extérieurs.

Pendant la seconde époque, l’Océan ayant changé de nature, des roches différentes se sont déposées ; il a nourri une immense quantité de corps organisés dont les analogues n’existent plus, mais qui présentent dans leur apparition un ordre de succession évident. Ainsi on trouve : 1o le calcaire marneux à Gryphites[34]; 2o la marne chloritée enveloppant le grand amas de Bélemnites, d’Ammonites, etc. ; 3o le calcaire grossier avec Nummulites, Orbitolites, Pecten, etc. Le calcaire à Gryphites, élevé à plus de 2000 mètres dans la montagne, a été très-dérangé dans sa stratification ; ceux qui renferment des Bélemnites et des Nummulites sont au contraire plus réguliers et peu inclinés.

Pendant la troisième époque, la mer ne nourrissait plus que des animaux semblables à ceux qui vivent actuellement dans la Méditerranée ; elle semble avoir formé deux dépôts distincts : la lumachelle de la pointe méridionale de la presqu’île, puis les sables de l’anse de Groseuil, où Risso a recueilli 101 espèces de coquilles, crustacés et polypiers ayant leurs analogues vivants sur la côte ; aussi se demande-t-il si ces derniers sédiments, de 5 mètres d’épaisseur, n’appartiendraient pas aux temps historiques.
Dauphiné.

Il semble qu’après les mémoires de Guettard sur le Dauphiné, on ne devait pas s’attendre à voir de longtemps reprendre ce sujet aux mêmes points de vue ; cependant, Faujas de Saint-Fond, à qui Scheuchzer aurait pu appliquer ce qu’il disait des naturalistes allemands, ne tarda pas à commencer aussi sur ce pays une publication qui devait avoir quatre volumes et qui paraît s’être arrêtée au premier. L’Histoire naturelle de la province de Dauphiné[35] comprend une douzaine de chapitres sur les sujets les plus divers et les plus étrangers les uns aux autres.

Dans celui qui traite De quelques corps marins petrifiés de la classe des coquilles (p. 295), l’auteur signale, comme. ses prédécesseurs, dont il ne fait d’ailleurs aucune mention, les environs de Clansaye et de Saint-Paul-Trois-Châteaux, puis il décrit et figure des Échinites (Scutella et Schizaster), des Pecten et des Balanes. Plus loin (p. 337), il donne un premier mémoire sur divers os fossiles trouvés dans le pays, aux environs de Montélimart, de Saint-Paul-Trois-Châteaux (dans les couches marines tertiaires), de Saint-Vallier, de Vienne, etc. C’est un travail sans importance et qui ne doit pas nous arrêter plus longtemps.
Tarentaise.

En 1807, Brochant de Villiers[36], après avoir étudié les Alpes de la Tarentaise, sépara du terrain primitif certaines roches qu’on y avait comprises jusque-là et les rangea dans le terrain de transition. Mais cette tentative, tout estimable qu’elle fût, devait être aussi peu fructueuse au fond que celles de Palassou, de Ramond et de Picot de La Peirouse dans les Pyrénées, parce qu’elle manquait d’un véritable point d’appui, les caractères minéralogiques et stratigraphiques étant ici complètement insuffisants pour une classification rationnelle et définitive.

Il aurait fallu pouvoir déterminer la limite du terrain secondaire au-dessus pour être en droit de dire que l’on avait certainement sous les yeux le terrain de transition de Werner ; mais c’est ce que l’on ne pouvait guère affirmer alors, et, depuis, la plus grande partie de ces roches séparées du terrain primitif ont dû être rapportées au terrain secondaire.

Quant aux mémoires et aux rapports de Dolomieu, faits à la suite de deux excursions dans les Alpes, ils ne nous apprendraient absolument rien sur les sujets qui nous intéressent.


§ 2. France centrale.


Nous réunirons sous ce titre quelques observations qui, sans appartenir exclusivement à la région centrale proprement dite de la France, ne pourraient pas être rapportées non plus à ses parties sud ou nord, au moins géologiquement.

Touraine.

On a déjà vu que les dépôts coquilliers ou faluns, si riches dans la Touraine, avaient attiré l’attention de Réaumur et de Buffon. Plus tard, un voyageur anglais, nommé Odanel, confia à Bruguières les notes qu’il avait recueillies à ce sujet et qui furent publiées par ce dernier[37]. Les localités de Sainte-Maure, de Bossé, de Sainte-Catherine-de-Fière-Bois, de la Bosselière, où les faluns sont particulièrement exploités, sont décrites avec soin et exactitude. La Sauvagère, qui, dans ses Recherches historiques, avait parlé de ces dépôts sans les avoir vus, est vivement et justement critiqué pour avoir attribué leurs coquilles à une végétation spontanée ; il est certain que le temps de ces rêveries était passé. Bruguières ne fait d’ailleurs aucune mention des recherches antérieures qu’il devait connaître. Enfin Veau de Launay s’est aussi occupé de ce sujet[38].
Anjou.

De Gensanne[39] qui avait visité les environs de Doué, en Anjou. donne une description qui n’est pas sans intérêt. « À deux lieues de Saumur, près de la petite ville de Doué, il y a, dit-il, un banc de coquillages très-étendu, presque sans mélange de substances étrangères, la plupart entiers et bien conservés. Ces faluns renferment un très-grand nombre de coquilles de différentes espèces, des ossements de vertébrés marins, des dents de Requins ou Glossopètres, des Oursins, etc. Toutes les couches sont disposées par ondes régulières, telles qu’une mer médiocrement agitée a dû les arranger, à mesure que ces coquillages étaient déposés par les testacés qui vivaient dans ces parages. Ce banc, qui a jusqu’à 60 ou 80 pieds d’épaisseur, est assis sur un fond de vase noire qui constitue un des meilleurs engrais pour la culture des terres. Les maisons du village souterrain de Soulanget sont toutes taillées dans ces faluns, et les ouvertures supérieures des cheminées se voient à fleur de terre ; ce qu’il y a de plus singulier, remarque l’auteur, c’est que ces habitations souterraines ne sont ni humides ni malsaines. Auprès des murs de Doué, continue-t-il, un amphithéâtre a été taillé par les Romains dans ce même banc de falun. Juste Lipse nous en a conservé un dessin très-exact ; nous l’avons confronté et trouvé très-conforme au plan que nous en avons levé sur les lieux avec toute l’exactitude possible. »

Tous ces faits venaient confirmer les idées de d’Holbach, que le déluge universel n’avait point influé sur la formation des couches de la Terre, dont l’ordre, la succession régulière et la distribution également régulière des fossiles démontrent qu’elles se sont déposées d’après les mêmes lois que celles de nos jours, au fond ou sur le lit des bassins actuels.
Berry. etc.

La note de Gourjon de Laverne[40] sur l’ocrière de Moragne, située près de la Motte-d’Humbligny au nord-est de Bourges, nous apprend peu de chose, et les voyages minéralogiques de Monnet[41] en Auvergne sont complètement étrangers à notre sujet.

Passinge[42] a signalé des dépôts d’origine lacustre à Espaly, au Puy et à Retournad (Haute-Loire), à Sury-le-Comtat, A au nord de Roanne (Loire), de même que Ménard de la Groye, p au nord-ouest du Mans, sur la route d’Alençon (Sarthe)[43]. Passinge[44] a publié une série de mémoires pour servir à l’histoire naturelle du département de la Haute-Loire, mais qui sont presque exclusivement minéralogiques.
Cotentin

De Gerville

Au fond du Cotentin, loin de tout centre scientifique, du Hérissier de Gerville, en rentrant de l’émigration, s’était consacré à l’étude des antiquités et de l’histoire naturelle de son pays natal, et, pendant plus de quarante ans, s’occupa de la recherche des fossiles qu’il renferme. Il réunit ainsi une riche collection provenant de terrains très-variés, qu’il fit connaître par deux lettres adressées à M. Defrance, en 1814 et 1817[45]. Nous suivrons l’ordre de haut en bas que l’auteur a adopté dans la seconde de ces lettres, et qui est l’ordre naturel des couches, bien qu’il ne semble pas encore lui accorder une grande confiance, comme il l’avoue lui-même (p. 212).

Les carrières de tuf de Sainteny, de Motier-Saint-Georges, de Saint-André-de-Bouhon, d’Auxais, de Saint-Sébastien, de Saint-Germain-le-Vicomte, sont ouvertes au niveau des marais, entre celui de Saint-Georges et ceux de la Taute, dans une pierre qui ressemble à un falun pétrifié ou consolidé en masses irrégulières discontinues, renfermant une prodigieuse quantité de coquilles et de polypiers très-variés. La position et l’âge absolu de ces dépôts tertiaires, les plus récents du pays, ne sont pas d’ailleurs très-bien déterminés.

Le banc à Turritrlles est peu étendu dans la paroisse du Hasse, près de Montebourg, etc. Il est rempli de Troques, de Turritelles, de Cérites, et renferme beaucoup d’oolithes.

Le banc à Cérites est pour l’auteur l’analogue du calcaire grossier de Grignon, par l’abondance et les espèces de fossiles qu’on y trouve, surtout du genre Cérite. Les lambeaux séparés qu’il forme s’étendent de l’E. à l’O., de Saint-Sauveur-le-Vicomte à Gourbesville. Ce sont les marnières ou marlières du pays, composées de sable calcaire, de coquilles brisées. Dans la seconde lettre, de Gerville réunit ces trois bancs, sous la désignation générale de faluns, dont il distingue alors 3 variétés, et annonce y avoir recueilli 850 espèces fossiles dont il indique le nombre dans chaque genre.

Le banc à Baculites semble border plusieurs dépôts de faluns qui le recouvrent, comme on l’observe dans les exploitations souvent temporaires de Gourbesville, d’Aufreville, d’Orglandes, de Fréville, d’Hauteville et de Néhou. Dans d’autres communes, le calcaire compacte n’a pas plus de 1 pied d’épaisseur. Outre les Baculites, qui y sont le fossile le plus abondant et dont l’auteur signale 3 espèces, il mentionne une Ammonite, un Nautile, des Térébratules, des polypiers, etc., en tout 178 y espèces.

Le banc à Nautiles, particulièrement observé aux environs de Bayeux (Calvados), se compose de calcaire à gros grains et de calcaire compacte. Celui-ci est blanchâtre, assez tendre, à grain fin, et renferme peu de fossiles, tandis que le premier, d’un jaune sale, peu solide, rempli d’oolithes ferrugineuses, renferme une prodigieuse quantité de débris organiques (Ammonites, Bélemnites, Nautiles, Térébratules, Trochus, Turbo, Cérites, etc.), dont l’auteur a pu distinguer 107 espèces.

Le banc à Bélemnites, suivant de Gerville, serait tellement associé au suivant, avec lequel on le trouve en contact, qu’il a hésité à l’en séparer ; néanmoins on peut l’en distinguer par la nature du calcaire. Il s’étend sur le territoire de cinq ou six communes situées au nord-est, et est terminé d’un côté par une zone du banc à Gryphites contre le Grand-Vé, s’étend sur la pointe la plus élevée de Sainte-Marie-du-Mont, de Vierville, etc., jusqu’à Sehville et Corquebu. Dans le département du Calvados il s’observe à Tilly et à Vieux-Pont. Malgré la distinction qu’il établit et qui est très-fondée, l’auteur croit que les fossiles de ce banc, dont il signale 60 espèces (Bélemnites, Ammonites, Nautiles, Térébratules, Entroques, etc.), sont les mêmes que ceux du suivant.

Le banc à Gryphites est plus étendu qu’aucun autre banc coquillier du pays. Il occupe le canton de Sainte-Mère-Église tout entier et plusieurs communes de ceux de Montebourg et de Carantan. De Gerville mentionne tous les points où il l’a observé, renfermant des Gryphites et des Ammonites à double sillon. Les couches sont généralement horizontales, quelquefois inclinées de 10°. Au four à chaux de Blosville, où on le voit au contact du précédent, l’inclinaison change brusquement. Dans le département du Calvados, ce banc existe à Épinay, à Tesson, à l’ouest de Litry et à Longeau. 45 espèces de fossiles, particulièrement des Ammonites, y sont signalées.

Le banc à Pectinites, connu sous le nom de carreau de Valognes, et qui constitue le sol de cette ville, s’observe aussi à Picauville, à Baute, à Coigny, etc. Les couches en sont partout horizontales et séparées les unes des autres par des lits de glaise bleuâtre. Les fossiles, quoique fréquents, entre autres les Peignes, y sont peu variés ; une Ammonite est indiquée à Raute ; il n’y a point de Bélemnites. L’auteur y mentionne en tout 39 espèces.

Sous la désignation des lettres E et F, de Gerville indique ensuite des grès coquilliers assez répandus dans les arrondissements de Cherbourg et de Valognes, puis les calcaires marbres des carrières de Surtainville, de Pierreville, de Saint-Germain, de la Haye-du-Puits, de Montgardon, du havre de Surville, de Breuville, des environs de Coutances, de Néhou et de Saint-Sauveur, au sud de Valognes ; il indique des Trilobites entre Briquebec et Cherbourg, et, plus au sud, décrit les calcaires de Bahais, de Cavagny, de Moon, sur les bords de la Vire, au nord de Saint-Lô, etc. Outre les Trilobites, les Térébratules, les polypiers, les Entroques, une Calcéole, etc., ont permis de reconnaître 27 espèces fossiles tant dans les grès que dans les calcaires.

En résumé, de Gerville avait, en 1817, rassemblé et distingué 1427 espèces de fossiles invertébrés, réparties dans 10 terrains différents et caractérisés, pour la plupart, par le nom du genre de fossile qui y dominait. Trois divisions du terrain tertiaire, la craie, l’oolithe inférieure, trois divisions du lias, les grès et les calcaires de transition sont des coupes très-judicieusement tracées, entre Bayeux, Coutances et Cherbourg. À ce moment, aucune province de France ne pouvait se flatter de présenter un bilan paléozoologique, stratigraphique et géographique aussi varié et aussi complet. C’est ce qui nous fait regarder ces lettres de de Gerville comme le travail le plus original et le plus avancé que l’on ait encore exécuté dans cette voie. Cependant il n’eut aucun retentissement et ne fut cité nulle part, ce qui paraît tenir à la manière dont l’auteur a présenté les faits, n’ayant lui-même aucune confiance dans l’ordre où il décrit ses bancs, quoique cet ordre fût parfaitement exact, comme l’ont prouvé les observations subséquentes ; en sorte qu’on peut dire que de Gerville ne se doutait pas du mérite de son travail, ce qui ne doit pas nous empêcher de le constater.

Si de Gerville n’a rien publié lui-même des richesses qu’il avait rassemblées, elles ont été extrêmement utiles à tous ceux qui s’occupaient de paléontologie et auxquels il les communiquait avec une libéralité et une bonne grâce qu’on serait heureux de rencontrer toujours chez les personnes qui s’occupent de collections locales.
Vendée

Fleuriau de Bellevue

On avait signalé depuis longtemps, sur la côte basse et marécageuse de la Vendée, au sud de Luçon et sur la commune de Saint-Michel-en-l’Herm, des bancs d’Huîtres, fort élevés au-dessus du niveau actuel de la mer et à une certaine distance du rivage. Masse, en 1715, le P. Arcère[46], en 1755, et plus tard, Cavolau[47], ont constaté que les Huîtres étaient disposées par couches. Fleuriau de Bellevue[48], qui a de nouveau étudié ces bancs, y a fait pratiquer des excavations pour s’assurer de ce caractère, et l’y a également reconnu. On remarque trois éminences principales, disposées en zigzag à 3000 toises de distance de la mer, élevées de 30 à 45 pieds au-dessus du niveau des marais environnants et dont la plus haute est à 62 pieds au-dessus du niveau qu’occupent les bancs d’Huîtres de nos jours. La plupart des coquilles sont pourvues de leurs deux valves, et reposent la grande en dessous, formant des bancs horizontaux, traversés et séparés çà et là par des amas peu épais et peu étendus de coquilles accumulées pêle-mêle. Fleuriau de Bellevue ne doute pas que les monticules ne soient parfaitement en place et de composition identique avec ceux qui se forment aujourd’hui au-dessous de la mer dans le voisinage. L’espèce d’Huître (O. edulis) et les autres coquilles qui s’y trouvent çà et là mêlées sont celles qui vivent encore sur la côte. Les talus assez rapides et réguliers de ces sortes de digues flexueuses lui font penser que la mer les a abandonnées par un retrait subit de ses eaux. Mais il ne se prononce point sur la question de savoir si cet effet résulte d’un abaissement de l’Océan ou bien d’un soulèvement de la côte. À ce dernier égard, il fait remarquer qu’on n’en voit aucune trace dans les îlots voisins. Mais un soulèvement de 15 à 20 mètres, qui se serait produit lentement, dans une étendue de plage basse de 15 à 20 lieues de long, pourrait être inappréciable aujourd’hui sans des témoins de la nature de ces buttes coquillières. C’est d’ailleurs un fait à peu à près semblable à celui que, dans le même temps, Risso signalait près de Nice, et dont l’analogie n’a pas non plus échappé à Fleuriau de Bellevue, qui le rappelle.
Provinces de l’Est

Si nous nous reportons au nord-est de la France, nous aurons à mentionner seulement les études stratigraphiques auxquelles avaient donné lieu les exploitations de sel gemme de la Lorraine, qui, malgré les recherches de Guettard et de Piroux, n’ont pris un grand développement que par suite de travaux plus récents[49]. On doit aussi à Graffenauer un Essai de minéralogie alsacienne économico-technique[50]. Bien que les sources salées des environs de Vic fussent exploitées depuis longtemps, l’existence du banc de sel gemme qui les alimentait n’a été constatée qu’en 1819. Mathieu de Dombasle[51] annonça à cette époque que, dans un sondage, le sel gemme avait été atteint à 65 mètres du jour, et que le banc avait été reconnu déjà sur une épaisseur de 20 mètres divisée en trois parties par des lits d’argile.

A quatre myriamètres au sud-ouest de Mayence Beurard[52] découvrit dans des schistes des empreintes de poissons mouchetées de mercure sulfuré.


§ 3. France nord.


On a vu que Guettard et Lavoisier, qui avaient entrepris l’exécution d’un atlas minéralogique de la France, après des voyages déjà nombreux dans diverses provinces, et après avoir rassemblé beaucoup de matériaux importants, avaient abandonné ce travail, dont 16 cartes parurent en 1778. Monnet, qui fut chargé de le continuer, exécuta aussi plusieurs voyages à cet effet, et publia, en 1780, la première partie de l’Atlas et description minéralogique de la France, entrepris par ordre du Roi. Cette partie, composée de 31 cartes de détail et d’une carte d’ensemble, comprend le Beauvoisis, la Picardie, le Boulonnais, la Flandre française, le Soissonnais, la Lorraine allemande, une partie de la Lorraine française, le pays messin et une partie de la Champagne.

En marge de chaque carte se trouvent une ou plusieurs coupes de détails, soit locale ou d’une carrière, soit théorique et indiquant les principales masses de pierres qui s’observent dans l’étendue de la carte avec des désignations purement pétrographiques. Des signes minéralogiques dont l’explication se trouve aussi en marge indiquent la nature des pierres, les diverses substances minérales, les exploitations, etc.

On voit dans l’avant-propos (p. vii, viii et ix) que Monnet ne se faisait aucune idée de la succession générale ou de l’ordre des terrains ; il ne trouve de différence d’un pays à un autre que par la roche de la surface. Il croit que les grandes chaînes de montagnes qui traversent les continents en se dirigeant, dit-il, ordinairement de l’un des quatre points cardinaux vers un autre, ne sont pas construites comme les autres, qu’il n’y a jamais de coquilles ni de pierres coquillières dans leur intérieur, qu’elles ne sont point composées de bancs ni de couches, mais de masses continues de granite ou de schistes graniteux fendillés en divers sens, tandis que les petites chaînes qui vont dans toutes les directions, qui entourent les plaines et qui n’en diffèrent que par leur élévation, sont presque toujours le résultat de l’assemblage de coquilles, des parties provenant de la destruction d’anciennes roches ou des débris d’êtres organisés qui ont successivement habité la terre. Monnet rend d’ailleurs ici pleine et entière justice à Guettard, à qui revient, dit-il, la gloire de. lui avoir montré le chemin et d’avoir été le premier à faire voir qu’on pouvait représenter les caractères minéralogiques d’un pays au moyen de signes conventionnels placés sur des cartes disposées à cet effet. Cependant il n’en critique pas moins les bandes sablonneuses, marneuses et schisteuses de son prédécesseur (p. 54), lesquelles, ainsi que nous l’avons dit, n’étaient nullement prouvées avoir leurs prolongements souterrains.

Les trois voyages publiés et que Monnet avait faits dans le Nord et l’Ouest, de Paris à Boulogne, dans les Flandres, puis vers Soissons, Reims et la Champagne, et enfin à l’est, dans la Lorraine, peuvent être encore consultés pour les détails locaux qu’ils renferment et qui sont fort exacts. Mais ils sont complétement dépourvus de toute idée théorique et systématique quant à l’arrangement des roches que l’auteur décrit avec tant de soin. Il y a joint une table des lieux cités dans le texte et une table des matières des substances mentionnées.

Monnet avait aussi exécuté plusieurs voyages minéralogiques dans d’autres directions, et particulièrement en Auvergne, mais sans aucun résultat fructueux pour la partie de la science qui nous occupe.
Bassin de la Seine

Partie centrale.

Si maintenant nous restreignons nos considérations au bassin de la Seine et aux provinces qui l’avoisinent immédiatement, la nous verrons que les environs de Paris, sur lesquels Guettard, avait tant écrit, ne cessaient point d’attirer l’attention des naturalistes, qui marchaient toujours un peu au hasard et sans trop essayer de coordonner leurs découvertes.

Parlon[53], dans sa description de Montmartre, prend pour des os humains ceux que l’on avait trouvés dans les plâtrières de cette colline ; Pasumot[54], plus éclairé, figure et décrit des ossements et des dents provenant d’un quadrupède mammifère ; mais c’est à P. R. de Lamanon[55], l’un des infortunés compagnons de Lapeyrouse, que l’on doit les recherches les plus importantes. Il a d’abord relevé les erreurs de ses devanciers, rappelé les découvertes de Milien, de Morin et du P. Cotte, ce dernier ayant recueilli une mâchoire de mammifère dans les couches gypseuses de Montmorency, puis il a décrit à son tour les restes de mammifères, de poissons et d’oiseaux[56] dont il donne des figures. « On ne peut, dit-il ensuite, rapporter ces ossements à aucun des animaux terrestres que nous connaissions, et il en est de même pour les animaux marins recueillis dans la même colline. »

La théorie de Lamanon sur la formation des lacs qu’il appelle secondaires, distincts des lacs primitifs qui se seraient réunis pour former l’Océan, ne laisse pas que d’être assez obscure ; quoi qu’il en soit, c’est dans ces lacs secondaires que se seraient déposés les amas de gypse.

Dans le bassin de la Seine et entre les trois principaux cours d’eau qui durent se réunir, savoir : la Marne, la Seine et l’Oise, sont comprises les collines de gypse, s’étendant sur une longueur de 25 lieues avec une largeur variable. Cette masse énorme de pierre à plâtre repose sur des couches de pierre calcaire remplies de coquilles marines. La nature différente de ces deux pierres prouve qu’elles n’ont pas été déposées dans les mêmes eaux, et de plus on remarque qu’il n’y a point de coquilles dans le gypse qui renferme des ossements, tandis qu’il n’y a point d’ossements dans la pierre calcaire remplie de coquilles. Le gypse est tout à fait indépendant du calcaire sous-jacent qui était consolidé avant son dépôt, et le lac alimenté par les eaux de l’Aisne, de la Marne, de l’Oise et de la Seine, tenait en dissolution le gypse, qui se déposa de manière à former une île entourée de pierre calcaire. Ce lac devait occuper à peu près l’espace compris entre ces quatre cours d’eau.

La carte jointe au mémoire de Lamanon représente l’étendue présumée du lac gypseux qui, dans l’hypothèse, n’est point assez prolongée à l’ouest vers Marines, ni au sud vers Antony ; mais cet essai n’en était pas moins remarquable pour le temps. L’auteur suppose qu’après l’écoulement des eaux du lac, son lit a été cultivé et habité par les hommes. Ce lit était plus considérable que celui du lac de Genève ; il était, comme tous les lacs suisses, plus long que large, et sa première dimension était dans le sens de la rivière la plus importante.

De Lamanon décrit les alternances de gypse, de marnes et de marnes gypseuses en couches horizontales, parallèles, renfermant des coquilles qui ne vivent point dans la mer, qu’il prend pour des Unio et des Cyclades, et qu’il suppose exister encore dans la Seine, la Marne ou la Bièvre. Il mentionne également un Planorbe, et conclut que des coquilles d’eau douce peuplaient cet ancien lac. Quant à la formation du gypse, il admet que les eaux de la Marne apportaient le carbonate de chaux de la Champagne ; la décomposition des pyrites de la craie fournissait l’acide sulfurique, qui, réagissant sur le carbonate, se serait emparé de sa base. Cette hypothèse lui paraissait plus plausible que celle de Lamétherie qui attribuait le gypse à des émanations volcaniques.

Après l’écoulement des eaux du lac du côté de Meulan, ou vers l’ouest, les eaux pluviales ont sillonné son fond, les rivières ont creusé leur lit dans ces dépôts, et dès lors le pays a commencé à prendre l’aspect que nous lui voyons.

Des ouvriers des carrières ayant assuré à de Lamanon qu’ils avaient trouvé une clef en fer au milieu du gypse de Montmartre, que d’autres objets du même métal avaient été recueillis dans les mêmes conditions à Belleville et à Charonne, le savant naturaliste ne doutait point que l’homme, précédant la mise à sec du sol actuel de l’Ile-de-France, n’eût vécu sur les bords du lac séléniteux, et n’eût connu dès ce temps l’art de forger le fer. Les gypses des Sion, de Granges et des autres localités du Valais, ceux d’Aix et des autres points de la Provence, comme ceux de Brizembourg, près Cognac, auraient tous la même origine que la pierre à plâtre des environs de Paris.

De Lamanon a décrit aussi un os provenant d’un très-grand animal qu’il croit être un cétacé, et qui avait été trouvé à Paris dans une couche de glaise au-dessous de la rue Dauphine[57].
Partie sud

Si nous nous éloignons un instant de cette ville vers le sud, nous verrons que, dans le même temps, l’abbé Giraud-Soulavie s’occupant de l’histoire naturelle des environs de Malesherbes[58], décrivait, mieux que ne l’avait fait de Lassone, les grès et les sables qui constituent la base des collines et des plateaux qui s’étendent de Milly à Étampes. Il signale au-dessus des grès une couche de pierre à fusil (c’est un grès lustré), en blocs irréguliers, surmonté d’une couche de calcaire qui recouvre le tout. Il croit avoir reconnu la présence d’une Bélemnite dans le grès, mais il n’est point frappé des caractères particuliers du calcaire lacustre. La description du grès quartzeux, parfois calcarifère, est d’ailleurs exacte. Après le dépôt de ces diverses couches, les plateaux furent sillonnés par les eaux pluviales, qui tracèrent les vallées actuelles, et la végétation vint recouvrir le sol.

Plus au sud encore, Defay[59] signale la découverte de nombreux ossements fossiles à Montabuzard, commune d’Ingré, sur la rive droite de la Loire, à une Iieue d’Orléans. La carrière présentait la coupe suivante :

1o Terre végétale     2 à 3 pieds.
2o Calcaire en petits fragments     12 à 15
3o Calcaire en bancs continus     5 à 6

C’est dans l’assise no 3 que de 1778 à 1781 furent recueillis des ossements que l’auteur rapporte à l’Hippopotame, au Cerf, au Cheval, avec des bois de Chevreuil, des dents ressemblant à celles qu’a figurées Buffon dans les Époques de la nature et que nous avons vues appartenir au Mastodonte, des os longs, des dents de ruminants et d’autres inconnues. Il croit, comme le grand naturaliste que nous venons de citer, que les espèces animales anciennes avaient des dimensions plus considérables que celles de nos jours.

Guettard[60] a figuré ensuite quelques-uns de ces fossiles ; Faujas de Saint-Fond[61] s’en est occupé depuis, et Cuvier[62], en y reconnaissant les Mastodontes angustidens et tapiroides, une grande espèce de Lophiodon avec deux plus petites, le Palæotherium aurelianense, etc., croyait que la couche qui les renfermait était la même que celle qui, vers le centre du bassin, avait offert des restes de mammifères de ces deux derniers genres. Cette couche, passant ainsi sous les grès de Fontainebleau, serait venue affleurer sur les rives de la Loire. « Je ne doute guère, dit le savant anatomiste, que ces bancs de calcaire d’eau douce ne passent sous les immenses lits de sable et de grès sans coquilles qui constituent le fond de toute la plaine de Beauce, et qu’ils ne se rattachent par conséquent à cette ancienne formation d’eau douce dont nos plâtres de Paris font partie. » Les données stratigraphiques n’ont pas réalisé ces prévisions.

Reportons-nous actuellement au nord du même bassin ; nous y retrouverons encore l’abbé Soulavie décrivant les environs d’Ermenonville et y distinguant de haut en bas, à partir de la terre végétale : 1° un calcaire marneux avec des fossiles ; 2° le sable coquillier ; 3° des bancs de grès également coquilliers ; 4° des sables ; 5° un second calcaire avec fossiles ; 6° un troisième banc de sable ; 7° des sables ferrugineux sans coquilles ; 8° des sables blancs supportant le tout. Il donne une énumération des fossiles telle qu’on pouvait la faire alors, et fait remarquer leur bel état de conservation.

Plus loin dans cette direction, les mémoires de Poiret Sur les tourbes pyriteuses du Soissonnais[63], s’ils avaient été mieux appréciés, auraient pu prévenir les discussions que ces dépôts occasionnèrent un demi-siècle plus tard. Ces mémoires, en effet, non-seulement renferment d’excellentes observations sur la. composition, l’origine, le mode de formation et les usages de cette substance, mais encore des appréciations fort justes sur leur position et leur âge. « Ces tourbes, dit-il[64], n’ont pas été déposées par les eaux de la mer, mais dans les eaux douces, à l’endroit où on les trouve aujourd’hui, ce qui est prouvé par le banc de coquilles fluviatiles, placé entre deux couches de tourbes. Des dépôts marins sont venus recouvrir cette tourbe formée et précipitée dans des eaux douces ; donc son existence est antérieure à la présence des eaux de la mer dans ce pays. » Mais, n’ayant pas encore observé la tourbe pyriteuse sous les montagnes calcaires, il n’admet qu’avec réserve son antériorité à ces mêmes montagnes. F. Lemaître, dans son Essai sur la topographie minéralogique du ci-devant district de Laon et d’une partie de celui de Chauny[65], avait aussi étudié avec soin ces dépôts, connus dans le pays sous le nom de cendrières ; mais il n’était pas certain non plus qu’ils passassent sous les plateaux calcaires, et cela parce qu’il ne retrouvait pas leurs affleurements au même niveau de l’autre côté des collines. Cette raison était beaucoup meilleure que toutes celles qu’ont données depuis les antagonistes de l’antériorité ; cependant elle n’était pas concluante, parce que ces mêmes dépôts constituent des amas discontinus et non des couches suivies comme les sables et les calcaires qui les recouvrent. Quant à l’opinion de Coupé[66], qui pensait que les dépôts de lignites et les lits coquilliers qui les. accompagnent sont postérieurs au creusement des vallées, adossés au pied des talus des couches régulières, et qu’ils résulteraient de l’entraînement par les eaux des parties supérieures, elle prouve que cet observateur les avait mal étudiés, et ressemblait en cela à ceux qui depuis ont marché sur ses traces.
Lavoisier.

Lavoisier, que nous avons déjà vu associé aux recherches de Guettard, prouva qu’il aurait pu être aussi bien un grand naturaliste que le premier de nos chimistes. Dans ses Observations générales sur les couches modernes[67] il distingue, sous le nom de bancs littoraux, les dépôts formés le long des côtes, et, sous celui de bancs pélagiens, ceux qu’il suppose avoir été formés à une certaine distance, sous des eaux plus profondes. Il fait voir les différentes natures de leurs sédiments, la différence des coquilles ou des autres productions marines qu’ils doivent renfermer, enfin quels sont les mouvements de la mer auxquels on doit les attribuer. Il admet que les diverses couches sont dues à de très-lentes oscillations du niveau des mers, lesquelles se sont reproduites un certain nombre de fois ; d’où il résulterait, suivant lui, qu’une coupe des bancs horizontaux compris entre l’océan et les hautes montagnes doit offrir une alternance de bancs successivement littoraux et pélagiens, composés de substances différentes. « Si l’on pouvait prolonger cette coupe assez profondément pour atteindre l’ancienne terre, expression de Rouelle, dont se sert ici l’illustre chimiste, on pourrait, dit-il, juger, par le nombre des couches, du nombre des excursions que la mer a faites. Enfin, lorsque les couches du fond ou du sol immergé étaient de nature meuble comme des argiles et des sables, elles ont dû être fréquemment détruites par le retrait des eaux. »

À l’appui de ces idées, Lavoisier a donné des coupes fort exactes qui prouvent qu’il avait bien le sentiment de cette géologie stratigraphiques tardivement développée chez nous. Ce sont des coupes des environs de Villers-Cotterets, de la descente de Sèvres et de Saint-Gobain à La Fère. Il les compare, fait voir leurs rapports, leurs différences et leurs dispositions générales au-dessus de la craie qui partout leur sert de base.

On doit donc reconnaître, dans ce mémoire de Lavoisier, la première ébauche d’une classification rationnelle du terrain tertiaire du bassin de la Seine. On y voit très-nettement indiquées les relations de la meulière supérieure, des sables et grès supérieurs, du calcaire grossier, des sables inférieurs, de l’argile plastique et de la craie. Il n’y manque que la distinction, fort importante d’ailleurs, du groupe lacustre moyen et du gypse qui se trouve compris ici avec le calcaire grossier.
Coupé.

Coupé[68], qui avait déjà donné un mémoire sur la pierre meulière, la marne et les coquilles d’eau douce qu’on y trouve, travail dans lequel, tout en commettant quelques méprises, il n’en a pas moins bien saisi les rapports des meulières supérieures, des argiles, des grès et des sables sous-jacents, puis décrit fort exactement, mais sans leur donner de nom, les petits corps désignés plus tard sous celui de Gyrogonites ; Coupé, disons-nous [69], vint, 15 ans après Lavoisier, combler la lacune que ce dernier avait laissée. Sans doute, le style entortillé et les expressions baroques de l’auteur ont pu contribuer à le faire mal apprécier de ses contemporains et oublier par ses successeurs ; mais nous-devons ici tenir compte des faits, et nous allons voir qu’à travers la bizarrerie de la forme on découvre au fond des vues très-exactes.

« Le Parisis, dit-il, présente cinq dispositions distinctes qui ont été placées successivement et par époques différentes l’une au-dessus de l’autre. » Puis il énumère successivement la plus inférieure, qui est la craie, en masse continue et non divisée par lits, qui se fait distinguer encore par ses coagulations siliceuses noires, alignées, placées en cordons les unes au-dessus des autres (Bougival, Meudon), et dont on n’aperçoit que les parties les plus élevées. La seconde est une nappe de glaise bleue (Gentilly, Issy, Auteuil). La troisième au-dessus est un ensemble de lits successifs qui composent les carrières de pierre de taille. La quatrième est la déposition gypseuse, composée aussi de lits de gypse, de glaises et de calcaires alternant et diversement mélangés, formant comme les précédentes un ensemble dont les éléments ont été déposés de la même manière. La cinquième est une nappe épaisse de sable fin, uniforme, blanc, recouvrant tout le pays. Coupé ne parle point ici de la meulière supérieure ni des argiles, mais il les avait décrites l’année précédente dans le mémoire que nous venons de rappeler, et l’on ne peut douter qu’il ne les considérât comme une sixième disposition.

Quant au mode de formation de la craie et à son âge relatif, l’auteur émet les idées les moins admissibles. Dans un mémoire subséquent, il la confond[70] avec les calcaires lacustres moyens de Champigny, d’Essonne et de Corbeil, qui n’en seraient qu’une modification. « Ainsi la craie ordinaire, celle de Meudon, par exemple, en se semi-colliquéfiant, dit-il, a formé des nerfs de réfrigération ; tout cet ensemble s’entre-soutient et compose des voûtes inébranlablement suspendues. » C’est-à-dire que la craie qui aurait été à demi liquide se serait consolidée plus tard, et la silice, au lieu de se trouver en rognons de formes définies et disposés par cordons, se serait alors irrégulièrement disséminée dans la pâte calcaire. Coupé mentionne aussi les fossiles de la véritable craie, fait remarquer leur état particulier de conservation, et pense que les silex. qu’il appelle des larmes siliceuses noires, s’y sont consolidés ou, comme il dit, colliquéfiés et coagulés. depuis son dépôt ou pendant ce qu’il appelle sa subterranéation.

Il passe ensuite à la description des glaises bleues, des lits de pierres à bâtir, qu’il désigne par l’expression imagée et assez juste de pilé marin, du gisement coquillier de Grignon, etc. La limite nord du pilé marin de Paris se trouve, suivant lui, au delà de Senlis, sur la route de Flandre, au bord de l’Oise, où la craie de Picardie commence à lui succéder. Les dépôts de gypse et les marnes qui les accompagnent sont étudiés ensuite fort exactement. L’origine de la pierre à plâtre se trouverait, suivant l’auteur, fort éloignée du côté du nord et de l’est. Coupé ne semble d’ailleurs avoir eu aucune idée de la distinction des faunes suivant les diverses couches, car on le voit mentionner en même temps les reptiles de Maëstricht, des mammifères de Montmartre et ceux des dépôts de calloux roulés ou diluviens. Il admet six divisions principales dans la hauteur de la butte Montmartre ; elles sont bien justifiées par l’observation, et la dernière, celle des sables, « s’étend, dit-il, des bords de l’Oise à Fontainebleau, et même au delà, comme une vaste nappe de sable fin, pur et uniforme.

Si l’on fait maintenant la part des hypothèses plus que hasardées sur l’origine de certains dépôts, de la bizarrerie de certaines expressions que semble affectionner Coupé, on reconnaîtra que sa classification est encore la plus complète que l’on ait donnée jusque-là. Et si nous la mettons en regard de celle de Lavoisier, on aura, en les combinant, les divisions les plus importantes du bassin de la Seine dans leurs vraies positions relatives. Nous substituerons, pour faciliter la comparaison, les désignations actuelles à celles des deux auteurs.

LAVOISIER, 1789. COUPÉ, 1804-1805.
Calcaire lacustre supérieur (meulière). Meulière supérieure et argiles.
Sables supérieurs (de Fontainebleau). Sables supérieurs. Marnes, gypes et marnes gypseuses
Calcaire grossier Calcaire grossier (pilé marin).
Sables inférieurs
Argile plastique et lignites Argile plastique.
Craie blanche Craie blanche.

Ainsi se trouvait établie, dès les premières années de ce siècle, la série générale des dépôts tertiaires depuis Villers-Cotterets et Compiègne, et même depuis La Fère et Saint-Gobain, jusqu’à Fontainebleau, Étampes et Malesherbes, comme depuis Courtagnon jusqu’à Gisors.

Malgré l’exactitude de ces résultats, ils ne portèrent point une conviction bien profonde dans les esprits, parce qu’ils ne reposaient pas sur des données assez complètes ; ils n’étaient pas appuyés sur des preuves assez nombreuses, sur des études assez suivies, et la forme sous laquelle ils se présentaient, de même que les idées théoriques qui les accompagnaient, devaient également leur nuire. Il était réservé à deux savants plus spéciaux de donner aux dépôts tertiaires du bassin de la Seine une véritable célébrité par la variété et l’importance des faits qu’ils ont su y mettre en lumière, par l’impulsion que leurs travaux ont donnée à cette partie de la science, par les découvertes ultérieures qu’ils ont ainsi préparées. Nous devrons donc apporter dans l’examen de ce sujet une attention toute particulière que justifie la place qu’il occupe aujourd’hui dans l’histoire de la géologie et de la paléontologie stratigraphique.
Premiers travaux de G. Cuvier et d’Alex. Brongniart

1808.

En 1808, G. Cuvier et Alexandre Brongniart publièrent leur Premiers Essai sur la géographie minéralogique des environs de Paris, en même temps dans le Journal des Mines[71] et dans les Annales du Muséum[72](2). Ils commencent par jeter un coup d’œil sur la géographie physique, ou mieux orographique, et sur les limites de ce qu’ils appellent le bassin de Paris[73], car les considérations hydrographiques qui se rattachent toujours aux formes du sol y sont complètement omises, ce qui est une lacune assez singulière dans la description physique d’un pays dont les cours d’eau tracent les divisions les plus naturelles. Ils terminent cet exposé en disant qu’on peut se représenter les matériaux qui composent le bassin tertiaire de la Seine comme ayant été déposés dans un grand espace creux, dans une sorte de golfe dont les bords et le fond étaient formés parla craie.

Ils divisent ces matières, pour nous servir de leur expression, en deux étages. Le premier, qui recouvre la craie en remplissant le fond du golfe, se subdivise lui-même en deux parties égales, placées au même niveau et bout à bout, savoir : 1° le plateau de calcaire siliceux non coquillier ; 2° le plateau de calcaire grossier coquillier. Le second étage, ou gypso-marneux, ne s’observe que par places ou taches, d’épaisseur et de composition différentes. « Ces deux étages intermédiaires, disent-ils ensuite, aussi bien que les deux étages extrêmes, sont recouverts et leurs vides remplis par une cinquième sorte de terrain, mélangé de marne et de silice que nous appelons terrain d’eau douce, parce qu’il fourmille de coquilles d’eau douce seulement. »

Nous donnons textuellement cette phrase, parce qu’elle semble résumer la pensée générale des auteurs et qu’ils l’ont reproduite dans leurs diverses éditions ; mais nous avouerons qu’il nous est impossible de la comprendre et de la traduire autrement que par la disposition suivante.


Marnes et silex d’eau douce Marnes et silex d’eau douce.
2° Étage. Gypso-marneux Gypso-marneux.
1er Étage. Plateau de calcaire siliceux non coquillier Plateau de calcaire grossier coquillier
Craie Craie

Cet Essai est divisé en 9 articles correspondant aux divisions géologiques suivantes, que nous rétablissons ici dans leurs positions naturelles relatives, de haut en bas, tout en leur conservant les numéros qui leur ont été assignés dans l’ordre de la description.


classification de 1808
Article 9. Formation du limon d’atterrissement.
8. du terrain d’eau douce.
7. du grès sans coquilles.
6. du calcaire siliceux.
5. du sable et grès marin coquillier.
4. gypseuse.
3. du sable et du calcaire grossier.
2. de l’argile plastique.
1. de la craie.

Le premier article traité de la formation de la craie signalée à Meudon, à Bougival, etc., des lits de silex en rognons qu’on y observe, et indique 50 espèces de fossiles recueillies par Defrance, mais la plupart inédites. Les fragments de coquilles fibreuses pour lesquelles on créa depuis le genre Inoceramus n’avaient pas encore reçu de nom, et aucune trace de coquille de gastéropodes n’avait été observée.

La formation d’argile.plastique recouvre partout la craie ; elle atteint quelquefois jusqu’à 16 mètres d’épaisseur, et, par places, est réduite à quelques décimètres. Elle ne renferme aucune trace de corps organisés. Complètement distincte de la craie, elle a été déposée dans des circonstances entièrement différentes ; leurs caractères chimiques comme leur stratification doivent donc les faire séparer entièrement.

Formation du sable et du calcaire grossier. Ce dernier ne repose pas toujours immédiatement sur l’argile, mais il en est séparé souvent par une couche de sable plus ou moins épaisse, sur les relations exactes de laquelle Cuvier et Brongniart restent cependant fort incertains. Les divers bancs calcaires se suivent dans un ordre déterminé, constant, de bas en haut. Quelques-uns manquent accidentellement, mais ceux qui persistent conservent entre eux la même position relative sur une étendue d’au moins 12 myriamètres.

Les espèces fossiles répandues dans chaque couche restent généralement les mêmes dans toute son étendue ; mais elles diffèrent sensiblement quand on passe d’une couche à une autre. Ce caractère a servi aux auteurs pour les distinguer, puis pour les retrouver à dé très-grandes distances. « C’est un signe de reconnaissance, disent-ils, qui jusqu’à présent ne nous a point manqué. » Aucuns de ces fossiles n’existe dans la craie, mais la différence d’une de ces couches à l’autre est moindre que celle qui existe entre la craie et le calcaire, car cette dernière est complète. Cuvier et Brongniart décrivent ensuite chaque assise du calcaire grossier. Les plus basses sont celles qui renferment le plus de débris organiques et les plus variés ; ce sont aussi celles où se trouvent les Camérines (Nummulites), soit seules, soit associées avec des polypiers et de nombreuses coquilles (Vancienne, Chantilly, le mont Gannelon, le mont Ouin). En disant que dans tous les lieux cités, les couches calcaires sablonneuses remplies de coquilles succèdent immédiatement à l’argile plastique, superposés elle-même à la craie, on voit que dans cette région même, entre Villers-Gottenets et Compiègne, les auteurs de l’Essai sur la minéralogie des environs de Paris ont moins bien observé que Lavoisier, dent le nom ne se trouve d’ailleurs cité nulle part dans leur ouvrage.

À ses premiers bancs succèdent les autres assises du calcaire grossier des carrières des environs de Paris : le banc vert, la roche, le banc à Cérites, la rochette, etc., puis les marnes calcaires dures, les marnes tendres avec silex et cristaux de quartz, mais dépourvues de corps organisés.

Les fossiles du calcaire grossier ont été déposés lentement et ensevelis dans des couches régulières, distinctes où ils ne se sont pas mélangés. Tous diffèrent de ceux de la craie, et, à mesure que les couches se déposaient, les espèces changeaient ; plusieurs ont disparu et de nouvelles se sont montrées, ce qui suppose une assez longue suite d’animaux marins. Enfin le nombre des espèces a toujours été en diminuant, jusqu’au moment où elles ont entièrement disparu.

La formation gypseuse est superposés au calcaire grossier, ainsi que l’avait dit Coupé, mais non immédiatement comme semblent ici l’admettre Cuvièr et Brongniart, qui décrivent successivement, dans la colline de Montmartre, les trois masses de gypse, en signalant la présence des restes de vertébrés fossiles dans la première ou la plus élevée, désignée sous le nom des hauts piliers, À cause de ses divisions verticales grossièrement prismatiques. Ils pensent, avec de Lamanon, que ces assises se sont déposées et ont cristallisé dans des lacs d’eau douce. Ils mentionnent au-dessus les marnes blanches avec des troncs de palmiers changés en silex, des Limnées, des Planorbes, des marnes argileuses ou calcaires sans fossiles, des marnes jaunâtres feuilletées avec strontiane sulfatée et des lits minces remplis de moules et d’empreintes de petites bivalves rapprochées des Tellines.

Les mags argileuses vertes, sans débris organiques, mais très-constantes aussi et avec des géodes de strontiane sulfatée, sont surmontées de quelques lits également sans fossiles, que recouvrent les marnes jaunes avec des coquilles marines, un banc de grandes Huîtres et, de marnes blanches renfermant des lits de petites Huîtres.

Les observations qui suivent, relatives à la direction des collines de gypse dues à la puissance de la pierre à plâtre, plus grande vers le centre qu’aux extrémités ou sur les côtés, est exacte quant à la partie du bassin que les auteurs considèrent.

La formation du sable et du grès marin recouvre généralement la précédente. Elle comprend des bancs de sable siliceux très-pur, souvent à l’état de grès, remplis de coquilles marines très-variées, et que les auteurs regardent comme appartenant aux mêmes espèces que celles du calcaire grossier de Grignon. On observe ces couches à Montmartre, à Romainville, à Saint-Prix, à Montmorency, à Longjumeau.

La formation du calcaire siliceux occuperait une position parallèle au calcaire marin, ne se trouvant ni au-dessous ni au-dessus, mais à côté, ou, comme on l’a dit, bout à bout. Elle semble en tenir la place dans la grande étendue qu’elle occupe à l’est et au sud-est de Paris. Placée aussi immédiatement au-dessus de l’argile plastique, elle est composée de calcaires tendres, blancs, gris ou compactes, pénétrés de silex celluleux et ne contient aucun fossile marin ou d’eau douce. Elle renferme des pierres meulières exploitées, et, aux environs de Fontainebleau, elle est surmontée de marnes argileuses, de grès sans coquilles. et du terrain d’eau douce ou huitième formation.

La formation du grès sans coquilles, qui recouvre la précédente, n’a au-dessus d’elle que le terrain d’eau douce. Les auteurs décrivent les sables et les grès de la forêt de Fontainebleau et des environs, que de Lassone et l’abbé Soulavie avaient fait connaître, mais dont les noms ne sont point rappelés. Ils n’y ont pas observé de coquilles non plus qu’à Étampes, au sud et à la butte d’Aumont au nord. Cette distinction des formations 5 et 7 ne s’est point trouvée justifiée, car ce ne sont en réalité que les deux parties d’un même tout, fossilifère sur un point, et sans fossiles sur d’autres. Coupé, suivant, comme il le dit, la même nappe de sable et de grès de Montmartre à Fontainebleau, n’avait pas fait cette faute. Quant aux sables de la butte d’Aumont qui leur sont ici associés, ils sont au contraire d’un âge très-différent.

La formation du terrain d’eau douce, qui paraît s’étendre sur toutes les autres, ressemble par sa composition au calcaire siliceux précédent. On y trouve également des silex meulières ; mais il y a de plus beaucoup de coquilles d’eau douce, semblables en tout à celles qui vivent encore dans nos marais, et de petits corps ronds cannelés, désignés par de Lamarck sous le nom de Gyrogonites.

Enfin, la neuvième formation est celle du limon d’atterrissemont, comprenant les cailloux roulés et le sable des vallées avec des ossements de grands quadrupèdes.

Tel est l’exposé de la première publication de Cuvier et de Bmngniart, donnée par eux comme un extrait de leur travail complet, qui, présenté aussi à l’Institut, le 11 avril de la même année, ne parut dans les Mémoires de la classe de physique et de mathématique que trois-ans après[74]. D’assez nombreux changements y furent apportés dans cet intervalle, sans cependant qu’aucune mention en ait été faite par les auteurs ; mais nous suppléerons à cette lacune en les signalant ici.

Après une Introduction qui est la reproduction littérale de celle de 1808, on voit qu’au lieu de 9 divisions ou articles comme ils les appellent, ils en proposent ici 11, arrangés dans un ordre différent, comme il suit :

classification de 1811
11. Formation du limon d’atterrissement (ancien et moderne, cailloux roulés, sables, graviers, poudingnes, etc.).
10. du second terrain d’eau douce (marnes et meulières à coquilles d’eau douce).
9. des meulières sans coquilles et du sable argileux.
8. du grès marin supérieur.
7. du grès sans coquilles et du sable.
6. des marnes marines.
5. du gypse à ossements et du premier terrain d’eau douce.
4. du calcaire siliceux.
3. du calcaire grossier et de son grès marin.
2. de l’argile plastique.
1. de la craie.

La formation de la craie est décrite comme ci-dessus, avec quelques détails de plus et l’indication plus complète des fossiles.

Dans celle de l’argile plastique sont distinguées les fausses glaises, où des fossiles sont signalés. Dans la description du calcaire grossier et de son grès coquillier marin, on retrouve d’abord la même incertitude quant aux sables de l’argile plastique, puis les mêmes détails, exactement reproduits jusqu’à la page 25, où se trouve ajoutée une petite liste de fossiles de chacune des trois divisions inférieure, moyenne et supérieure, ou systèmes introduits dans la formation. Or, d’après les auteurs, les deux systèmes supérieurs seraient quelquefois entièrement remplacés par des grès solides ou friables, blancs, gris ou foncés, remplis de coquilles bien conservées, mélangées parfois de cailloux roulés. « Tantôt, ajoutent-ils (p. 25), ces grès et les silex sont placés immédiatement sur les couches ou dans les couches du calcaire marin ; tantôt ils semblent remplacer entièrement la formation du calcaire. En comparant les fossiles de ces grès avec ceux de Grignon, ils trouvent assez de différences pour les regarder comme ayant vécu dans des circonstances qui n’étaient pas absolument les mêmes.

On remarquera d’abord que précédemment Cuvier et Brongniart regardaient les coquilles du grès marin supérieur comme semblables à celles du calcaire grossier de Grignon, et qu’ici les fossiles des sables de ce même calcaire grossier sont au contraire différents de ceux de ce calcaire ; ensuite ils citent la localité de Beauchamp comme l’une de celles où les grès remplacent entièrement la formation calcaire.

Cette manière de voir se comprend très-bien lorsqu’on examine cette localité, où les relations stratigraphiques étaient alors assez obscures ; mais ce que l’on conçoit moins, c’est que, depuis que l’erreur a été reconnue, quelques personnes, par un singulier contre-sens, se soient obstinées à désigner sous le nom de grès de Beauchamp ce grand ensemble de sable, de grès et de calcaire, aussi puissant que le calcaire grossier lui-même, et s’étendant presque autant que lui dans toutes les directions. Vouloir consacrer ainsi le souvenir d’une erreur, c’est être peu soucieux de la gloire du maître ; les continuateurs de Werner, en pareille circonstance, se montraient plus intelligents.

Le mélange de coquilles lacustres et terrestres avec les coquilles marines a été signalé aussi sur ce point, de même qu’à Pierrelay, par Gillet de Laumond et Beudant.

Le calcaire siliceux est maintenu au niveau du calcaire grossier ; mais, plus conséquents que dans leur Essai de 1808, les auteurs le décrivent immédiatement après les sables et les grès dont nous venons de parler, tout en continuant de le placer immédiatement au-dessus de l’argile plastique.

Les articles 5 et 6, consacrés au gypse, à la première formation d’eau douce et de marnes marines, présentent toujours la pierre à plâtre placée aussi immédiatement au-dessus du calcaire marin, relations appuyées sur les mêmes motifs. Les petites coquilles ou plutôt les empreintes et les moules du lit de marne placée vers la partie supérieure, désignés d’abord comme ayant appartenu à des Tellines, sont rapportés ici au genre Cythérée. Une liste est donnée des fossiles de la pierre à plâtre et des marnes marines situées au-dessus. La distinction de la formation n° 6 est en partie bien motivée par la différence de l’origine des dépôts. Ces fossiles sont distribués comme il suit, de bas en haut.

Formation d’eau douce. Masse gypseuse avec mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, mollusques (un seul individu de Cyclostoma mumia) ; marnes blanches supérieures avec palmiers, poissons, Limnées et Planorbes ; formation marine, compreuant des marnes jaunes feuilletées avec des Ciythérées, des poissons, le Cerithium plicatum, des marnes vertes, des marnes jaunes avec des coquilles marines, des marnes calcaires avec Ostrea longirostris, etc., et des marnes avec Ostrea cyathula, linguatula, cochlearia, des Balanes et des crustacés.

La formation des sables et des grès sans coquilles portait aussi le n° 7 dans l’Essai de 1808, parce qu’elle ne venait qu’après les sables et grès marins.

Quant à celle du sable et du grès marin supérieur, sa place. est intervertie ; elle est ici au-dessus du n° 7 au lieu d’être au-dessous, ce qui n’est pas plus exact, puisque en réalité ces deux formations sont le prolongement l’une de l’autre ou placées au même niveau et faisant partie du même tout.

Il y a en outre ici une erreur comparable à celle du calcaire siliceux mis en parallèle avec le calcaire grossier, c’est d’avoir, confondu, avec ces sables et ces grès supérieurs, ceux qui appartiennent au niveau inférieur au gypse, dont nous avons parlé tout à l’heure, à Beauchamp, à Pierrelaye, à Triel, et que les auteurs regardent comme une modification locale et latérale du calcaire grossier. C’est ainsi que les sables et les grès de la butte d’Aumont dans la forêt de Senlis, de la Chapelle, d’Ermenonville, de Nanteuil et de Lévignan sont rapportés à cette formation supérieure. Cuvier et Brongniart admettent alors aux environs de Paris trois sortes de grès, parfois semblables minéralogiquement, mais très-différents par leur position ou leurs caractères géologique. En réalité, il n’y en avait encore que deux, l’un au-dessus et l’autre au-dessous du gypse, et ce dernier est indépendant ou distinct du calcaire grossier au lieu d’en être une modification locale.

La formation des meulières sans coquilles est ici séparée de la suivante, à laquelle elle avait été réunie précédemment. Ce sont des sables argilo-ferrugineux, des marnes argileuses verdâtres, rougeâtres ou blanches, et des meulières proprement dites, le tout sans fossiles. Quant au second terrain d’eau douce, outre que sa position par rapport à la formation précédente n’est pas exacte, on voit, par la citation des localités, que les auteurs ont aussi confondu, de même que pour les sables et grès marins supérieurs, des calcaires lacustres inférieurs au gypse (Saint-Ouen, le Bourget, Château-Landon, la Ferté-sous-Jouarre), avec d’autres supérieurs (Montmorency, Saint-Cyr, Trappes).

Cuvier et Brongniart ont fait suivre cet exposé des résultats généraux et théoriques de leurs recherches par une description, détaillée dans chacune des petites régions naturelles du pays, de tout ce qu’ils avaient observé dans leurs différents voyages. Ce sont, à proprement parler, les preuves à l’appui, preuves dans lesquelles on trouve çà et là des faits particuliers ajoutés après coup, et qui ne s’accordent pas toujours avec les déductions générales plus anciennes.

Si nous comparons maintenant ces résultats stratigraphiques avec ceux déduits des observations de Lavoisier et de Coupé (ante, p. 578), qui avaient établi la position relative, l’un de la meulière supérieure, des sables supérieurs, du calcaire grossier, des sables inférieurs, de l’argile plastique et de la craie, l’autre, celle du groupe lacustre et du gypse dont la véritable origine avait été démontrée par de Lamanon, on reconnaîtra que les auteurs de la Description minéralogique des environs de Paris, après des recherches plus multipliées sur des surfaces plus étendues, qui ont apporté dans la science beaucoup de faits nouveaux et intéressants, n’ont cependant résolu aucune des questions secondaires que leurs prédécesseurs n’avaient point abordées.

Ainsi, tout le grand étage si complexe des sables inférieurs leur est à peu près resté inconnu, l’étage que nous appelons des sables et grès moyens a été mal compris, puisqu’une partie était regardée comme une modification du calcaire grossier, et l’autre placée au-dessus du gypse ; le calcaire lacustre moyen ou calcaire siliceux a été mis au niveau du calcaire grossier au lieu de lui être superposé, et dans certaines localités il a été assimilé au calcaire lacustre supérieur, distingué de la meulière. Sous ces divers rapports, le travail complet de 1811 avec les descriptions locales, une carte géologique et des coupes, quoique différant à plusieurs égards de l’Essai publié trois ans auparavant, n’est cependant pas plus exact. Les erreurs de superposition du premier travail n’ont pas été corrigées dans le second, qui, de plus, en présente de nouvelles, de sorte que stratigraphiquement parlant, on ne peut pas dire que ces études aient rien ajouté de bien essentiel aux modestes esquisses de Lavoisier et de Coupé.

On doit remarquer néanmoins, pour ne rien omettre, que dans leur coupe générale et idéale (pl. 1, fig. 1), Cuvier et Brongniart indiquent un terrain d’eau douce inférieur, avec Limnées et Planorbes, entre le gypse, et le grès marin inférieur, et reposant également sur le calcaire siliceux. Ce même terrain d’eau douce est indiqué dans la coupe n° 2, au-dessous du gypse de Saint-Leu, dans le puits de la rue Rochechouart et à Saint-Ouen ; mais, excepté la coupe du puits donnée (p. 170), nous ne voyons nulle part ce fait si important, mentionné dans le texte. (p. 9 et 26), où, au contraire, le premier et le plus ancien terrain d’eau douce, caractérisé par des Limnées et des à Planorbes, est toujours représenté par les marnes blanches supérieures au gypse.

Le système adopté dans la construction des profils que Cuvier et Brongniart ont joints à leur mémoire peut aussi expliquer, jusqu’à un certain point, leurs incertitudes, le défaut d’ensemble dans leurs vues générales et les erreurs de stratigraphie. La disposition tronçonnée ou discontinue des coupes, les vides ou lacunes laissés entre leurs diverses parties, l’excessive exagération des hauteurs par rapport aux distances, horizontales, étaient plus propres à masquer les fautes qu’à les faire apercevoir et à les corriger, car on n’est point alors forcé de remplir ces lacunes, ni d’expliquer la relation des terrains sur tous les points d’une ligne donnée, et l’on ne représente que ceux que l’on a vus ou que l’on connaît le mieux. En outre, ces recherches, limitées aux parties centrales du bassin, devaient en exagérer l’importance relative, et elles ne donnaient pas d’éclaircissements suffisants sur certains faits, sur certains rapports dont l’explication ne pouvait se trouver que vers les extrémités nord et est de cet ensemble de dépôts. Nous verrons, en effet, tout à l’heure, que la véritable théorie générale de ceux-ci n’a été bien saisie que par un autre géologue, qui, dans le même temps, procédait en s’avançant des bords du bassin vers son centre.

Mais, considéré à un autre point de vue très-essentiel aussi, celui de la distribution des corps organisés fossiles dans les différentes couches, hâtons-nous de reconnaître que le travail de Cuvier et de Brongniart ouvrait à la science, dans notre pays, une voie à peine indiquée, et lui imprimait en même temps une marche plus sûre, semblable à celle que W. Smith suivait de l’autre côté du détroit, et en s’appuyant sur le même principe. On ne peut trop insister sur ce service rendu par les auteurs de l’Essai sur la géographie minéralogique des environs de Paris, et nous verrons même l’un d’eux dépasser dans cette direction, par la hardiesse de ses vues, tout ce que l’on avait fait jusque-là dans le reste de l’Europe.

Dans les travaux exécutés en commun, il est souvent difficile d’apprécier exactement la part qui revient à chaque auteur, et c’est même un sujet assez délicat à traiter pour que la critique s’en abstienne ; mais ici la tâche est très-simplifiée, car l’un d’eux a été, en quelque sorte, au-devant de cette recherche. Nous verrons, en effet, plus loin, que Cuvier, en rendant une éclatante justice à son savant collaborateur, a reconnu que la plus grande part de leur ouvrage revenait à Alex. Brongniart. Tout nous prouve, en effet, que ce dernier est l’auteur du principe dont il fit, quelques années après, de si remarquables applications.

Maintenant, devons-nous chercher à qui appartient la priorité de ce principe, appliqué dans le même temps en France et en Angleterre ? Nous croyons à la simultanéité et à l’indépendance de la découverte des deux côtés du détroit. Tout semblait en effet préparé pour que les germes depuis longtemps semés se développassent simultanément sur plusieurs points. C’est ainsi que le calcul intégral prit naissance en Allemagne pendant que la méthode des fluxions voyait le jour sur les bords de la Tamise, et que Leibnitz eut aux yeux de la postérité la même gloire que Newton ; de même la relation des faunes avec l’ancienneté des couches doit, suivant nous, faire autant d’honneur à Alex. Brongniart qu’à W. Smith qui eurent aussi pour précurseur l’abbé Giraud-Soulavie.

Dans l’intervalle des deux publications que nous venons de rappeler et de comparer, Alex. Brongniart avait donné un Mémoire sur des terrains qui paraissent avoir été formés sous l’eau douce[75]. Ces dépôts, dit-il, sont composés de trois sortes de pierres, savoir : des calcaires, des silex et du gypse, définition beaucoup trop restreinte, car les marnes, les argiles, les sables peuvent avoir la même origine. En ne faisant aussi remonter la distinction des couches d’eau douce qu’à de Lamanon et à Coupé, on voit qu’il ignorait que cette observation avait été faite en Italie plus d’un siècle auparavant et qu’elle avait été répétée par beaucoup de naturalistes de ce pays où cette circonstance était admise comme une chose fort ordinaire.

Brongniart décrit ensuite 8 espèces de sa première formation d’eau douce et 15 de la seconde, réparties dans les genres Cyclostome, Potamide, Planorbe, Limnée, Bulime, Maillot, Hélice. Il signale en outre des bois de palmier dans l’une, puis d’autres végétaux et des Gyrogonites dans toutes deux.

Guidé par la nature des roches et la présence des coquilles fluviatiles et terrestres, il mentionne, après les dépôts d’eau douce des environs de Paris et d’Orléans, ceux du Mans, à l’est et au sud ceux d’Aurillac et de Thiezac dans le Cantal, de Nonnette, sur la rive droite de l’Allier, entre Saint-Germain-de-Lambron et Issoire, avec des Potamides Lamarckii, des Helix Cocqii, du puy de Corent, de Gergovia et d’autres localités de la Limagne, les calcaires à Indusia (tubes de Phryganes), ceux de Vertaison et de Pont-du-Château, etc. Après avoir insisté sur les caractères pétrographiques généraux communs à tous ces dépôts et sur la présence d’un certain nombre d’espèces qui se retrouvent dans chacun d’eux, il pense que ces coquilles sont analogues à celles qui vivent encore dans les eaux douces. Les couches à coquilles marines n’en renfermeraient point, suivant lui, qui aient vécu dans des eaux non salées, et celles que l’on avait prises pour telles doivent appartenir à des genres différents.

Peut-être pourrait-on s’étonner qu’avec des faits aussi précis, aussi nombreux et aussi concluants, Brongniart n’ait pas adopté de suite l’hypothèse, ou mieux, l’explication fort naturelle d’anciens lacs, suggérée par de Lamanon et par d’autres observateurs. Nous possédons, dit-il, trop peu de faits pour établir aucune hypothèse raisonnable sur la formation de la terre (p. 405). Nous nous contentons d’annoncer aux naturalistes qu’il existe des terrains formés avant les temps historiques, qui sont tous composés de la même manière, qu’ils représentent les mêmes caractères, quoique situés à de grandes distances les uns des autres, et que ces terrains, au lieu de renfermer des productions marines, ne contiennent généralement que des productions terrestres ou d’eau douce. » La conséquence était ici tellement directe, qu’on ne se rend pas compte de l’extrême, réserve de l’auteur lorsqu’il vient d’insister lui-même sur l’absence du mélange des coquilles d’eau douce avec les espèces marines.
1er mémoire de d’Omalius d’Halloy

1808

Si nous passons actuellement aux observations que faisait et publiait aussi, vers le commencement de ce siècle, un autre géologue, moins versé peut-être dans la connaissance des corps organisés que Cuvier et Brongniart, mais doué d’une profonde sagacité, d’un jugement droit, libre d’idées systématiques ou préconçues ; nous le verrons prendre aussi une grande part à l’avancement de la géologie stratigraphique du nord de la France et de quelques contrées voisines.

En 1808, M. d’Omalius d’Halloy[76] distinguait dans cette région deux ordres de terrains. Dans l’un, dit-il, les couches sont toujours horizontales, dans l’autre, elles sont ordinairement inclinées, quelquefois même verticales. Dans un même bassin, les terrains en couches horizontales sont toujours moins anciens que ceux en couches redressées. Les caractères différentiels des roches et des fossiles de ces sortes de terrains sont en rapport avec leur ancienneté relative. Les terrains inclinés, se divisent en ceux qui contiennent des corps organisés et ceux qui n’en renferment pas.

Après avoir examiné les diverses sortes de roches qui les composent, l’auteur passe à leur description dans chaque région géographique naturelle, ce qui, vu l’état de la science, était alors on ne peut plus rationnel.

La région connue sous le nom de Campine offrait peu d’intérêt ; mais, dans la Flandre, M. d’Omalius décrit la craie et un grès calcarifère dont les fossiles semblent être les mêmes que ceux de la craie des environs de Paris. Sous le nom de chaux carbonatée grossière, il comprend les roches coquillières des alentours de Bruxelles, dent nous avons vu que de Launay et Burtin avaient fait connaître les fossiles, puis le calcaire grossier des bords de la Meuse, particulièrement aux environs de Maëstricht dont il rappelle les fossiles décrits par Faujas. Il établit bien la postériorité du calcaire grossier de la Flandre et du Brabant à la craie et en même temps son parallélisme avec celui de Paris, mais il place le calcaire de Maéstricht sur le même horizon, opinion qu’il n’a pas d’ailleurs tardé à désavouer. Il distingue non moins nettement les dépôts meubles plus récents.

Toutes les couches qui constituent la région du Cendros, située à l’est de la précédente, sont non-seulement plus ou moins inclinées, mais encore contournées, repliées, bouleversées en divers sens. Elles affectent cependant une direction commune. N.-E., S.-O., à peu près comme les vallées longitudinales du pays, de telle sorte que celui-ci est partagé dans sa longueur en bandes composées des mêmes roches dans toute leur étendue et arrangées de la même manière, comme on a vu que l’avait indiqué Limbourg en 1774. Ces bandes ne sont point d’ailleurs absolument parallèles ni continues, et l’auteur donne à leur ensemble le nom de formation bituminifère, les supposant eoloréespar du bitume. Ces bandes sont composées de calcaires, de chaux cerbonifère bituminifère, de quartz ou de grès et de schistes.

Considérant en particulier ces divers chaînons, leur composition et les substances minérales qu’ils renferment, M. d’Omalius fait remarquer surtout que, le pays étant divisé par des vallées longitudinales, le milieu de celles-ci correspond aux couches calcaires et les sommets des collines à celles de grès et de schistes, circonstance contraire en apparence à cet autre fait que dans les vallées irrégulières et profondes que parcourent les rivières, le calcaire a toujours été la roche la plus résistante, constituant les escarpements perpendiculaires, tandis que les schistes et les grès sont arrondis en pente douce. L’ordre de succession de ces divers systèmes de roches n’est pas encore nettement tracé. Ce difficile problème ne devait être résolu que vingt ans plus tard.

Passant ensuite à l’examen du terrain houiller de cette même région, M. d’Omalius y distingue quatre bassins principaux qu’il décrit successivement, ainsi que leurs gisements métallifères. Ce sont les bassins d’Aix-la-Chapelle, de Liége, d’Huy et de Namur.

Dans le Hainaut, le même savant décrit les roches ignées ou porphyres de Quenast et de Lessines, les schistes ardoises qui les entourent, puis sa formation bituminifère, prolongement de celle du Condros, dont plusieurs des chaînons peuvent être retrouvés. Après avoir mentionné les marbres, des Écaussines, connus sous le nom impropre de petit granite, il étudie le terrain houiller de Charleroi, de Mons, de Valenciennes et de Douai, localités sur lesquelles des mémoires spéciaux avaient été publiés, mais sans vues générales ni d’ensemble. Aux environs de Tournay, les strates calcaires sont horizontaux, circonstance exceptionnelle pour les roches de cet âge dans ce pays où elles sont surmontées de grès blanc et de sables également horizontaux, décrits précédemment par l’abbé Witry.

Dans l’Artois, toutes les couches affectent cette dernière disposition et comprennent la craie de structure et de texture variables avec des silex gris ou blancs, et les sables, prolongement de ceux du Hainaut, qui occupent la même position. Au nord-ouest, dans le Bas-Boulonnais, où les marbres et le terrain houiller sont analogues à ceux du Condros et du Hainaut, c’est, dit M. d’Omalius, le dernier terme de cette série de bassins houillers qui traverse tout le nord de la France, la ressemblance que nous avons observée entre tous ces bassins ne permettrait pas de douter que celui-ci ne fût encore semblable aux autres.

Le sol de l’Ardenne, dont les caractères physiques sont, ensuite esquissés, appartient à la formation ardoisière de M. d’Omalius ; les schistes et les quartzites y alternent, plus ou moins inclinés, souvent verticaux, courant généralement du N.-E. au S.-O., mais moins tourmentés et moins variables dans leur inclinaison que les couches de la formation bitumineuse. Les roches et les substances minérales qu’elles renferment ayant été décrites, le savant auteur passe à l’étude de l’Eifel, pays compris entre l’Ardenne, le Rhin et la Moselle, et où s’observent les formations basaltique, ardoisière, bituminifère, le grès rouge et le terrain volcanique proprement dit, et enfin à celle du massif montagneux du Hundsruck, du Luxembourg et du Palatinat[77].

Les distinctions, établies pour la première fois par M. d’Omalius dans cette étendue de pays si varié, compris entre la Manche et le Rhin, la répartition de ses divisions, les caractères stratigraphiques généraux et leurs rapports indiqués font de ce travail le meilleur exposé de sa géologie que l’on ait eu jusqu’alors ; aussi avons-nous dû insister à son égard, parce qu’il s’éloigne de la marche si longtemps suivie dans les observations faites en France, en Belgique, dans les provinces rhénanes, et qu’il inaugure, en quelque sorte, une ère nouvelle dans l’étude de leurs terrains sédimentaires.
2e mémoire

1813-1816

Si, pour mieux suivre l’ordre des idées et des faits en même temps que l’ordre géographique, nous intervertissons, dans leur date de publication, deux des mémoires de M. d’Omalius, dont il nous reste à parler, nous verrons que celui où il traite de l’Étendue géographique des terrains des environs de Paris, lu à l’Institut, le 16 août 1813, mais imprimé seulement trois ans après[78], renferme des résultats plus importants encore que le précédent.

Il esquisse d’abord la distribution de ces terrains sur une surface d’environ 170 myriamètres carrées, formant un polygone irrégulier, allongé du N. au S., et dont le grand axe serait représenté par une ligne de 30 myriamètres entre Laon et Blois. Dans toute cette étendue, le terrain tertiaire repose sur la craie qui circonscrit la dépression dont Paris occupe le centre. Il étudie ensuite sa portion orientale, les limites et les caractères, de la craie, ceux des collines qui lui sont superposées, les argiles à lignites, dont il constate la vraie position sur les bords de la Marne, le gisement coquillier de Courtagnon et d’autres semblables, puis, au-dessus, la présence de calcaires et de marnes sans coquilles, d’autres couches plus élevées, renferment le Cyclostoma mumia et le Cerithium lapidum, des marnes vertes, des calcaires avec des Limnées et de petites Paludines, surmontés, à leur tour, par une meulière sans coquilles. Ces trois dernières assises sont d’origine d’eau douce.

Dans leur disposition générale, ces couches s’abaissent du N. au S. de manière à présenter des espèces de coins placés les uns au-dessus des autres comme les tuiles d’un toit, avec cette circonstance cependant que le coin inférieur atteindrait, suivant M. d’Omalius, la plus grande élévation, ce qui n’est pas tout à fait exact aujourd’hui, les calcaires lacustres de la montagne de Reims et de la forêt de Villers-Cotterets offrant de plus grandes altitudes que les couches marines sous-jacentes. Le savant auteur regardait, à la vérité, le calcaire à Cérites comme le premier étage, et le signale à 300 mètres de hauteur absolue sur le plateau de Laon à sa limite nord ; mais il y a ici une erreur de chiffre qui en a entraîné une dans le raisonnement, car, d’après les mesures barométriques de Lemaître, auquel il renvoie, cette altitude ne serait que de 100 toises, élévation encore plus considérable que celle donnée depuis par les mesures géodésiques, qui n’est que de 183 mètres.

Néanmoins, et c’est là le plus essentiel, le fait général est vrai, puisqu’à partir du sommet de ces collines ou mieux de ces plateaux les bancs calcaires s’abaissent constamment au S., pour disparaître au delà de la Marne ou du Morin, et à une certaine distance de la rive gauche de la Seine. On voit d’après cela que tout, ou du moins la plus grande partie du groupe si complexe des sables inférieurs, dont la puissance, sur la limite nord du bassin, est plus que double de celle du calcaire à Cérites, a été omis dans cette étude comme dans celle des auteurs de l’Essai sur la géographie minéralogique des environs de Paris, et cependant c’est en réalité ce groupe qui forme le coin inférieur ou la base de tout le système, et qui, en s’abaissant au N. comme tous les autres, se réduit à quelques mètres dans le voisinage immédiat de la capitale.

Le second étage de M. d’Omalius ou première formation d’eau douce avec des gypses subordonnés est, suivant lui, plus élevé sur sa limite orientale que partout ailleurs, et plonge au S.-O., ce qui est très-vrai, car au-dessus de Verzy, à l’extrémité est de la montagne de Reims, le calcaire lacustre se trouve à 280 mètres d’altitude ; c’est le point le plus élevé qu’atteignent les dépôts tertiaires entre la vallée de la Loire et la mer du Nord. En réunissant ici le calcaire siliceux de Cuvier et de Brongniart à la formation gypseuse, l’auteur rectifie l’une des méprises les plus graves de ses prédécesseurs.

Le troisième étage affecte une disposition différente. Il comprend avec raison les marnes marines supérieures au gypse, les sables et les grès sans coquilles ainsi que les grès coquilliers supérieurs, qu’on peut regarder comme les parties d’un même tout complètement distinct, par son origine marine, des couches d’eau douce placées au-dessus et au-dessous. C’était encore un point de vue très-juste qui modifiait celui de Cuvier et de Brongniart. Peu développé en surface au nord de la Seine, cet étage s’étend, au contraire, beaucoup au sud, au delà des limites des précédents, s’incline aussi dans cette direction où, malgré sa plus grande épaisseur, son élévation est moindre qu’au nord.

Il disparaît à son tour sous la seconde formation d’eau douce ou le quatrième étage de l’auteur, qui recouvrait la plus grande partie du bassin, quoique fréquemment interrompu là où se montrent les étages inférieurs. Il acquiert plus d’épaisseur à mesure qu’il se rapproche de la rive gauche de la Seine, et au delà d’une ligne tirée de Chartres à Nemours, où s’arrêtent les grès du troisième étage, il règne seul ensuite pour reposer lui-même sur la craie, comme au nord, à l’est et à l’ouest, reposent les dépôts les plus inférieurs de toute la série tertiaire.

Plus au sud encore, au delà de Montargis et de Neuville, en s’approchant de la Loire, ces calcaires lacustres sont recouverts eux-mêmes par un dépôt sableux qu’on pourrait jusqu’à un certain point, considérer comme un cinquième et dernier étage venant se confondre avec les sables de la partie nord de la Soogne.

« Ainsi, dit M. d’Omalius, les formations principales du bassin de la Seine, outre leur superposition successive, affectent encore une véritable distribution géographique qui partage le pays en régions physiques distinguées par leur aspect général et leur agriculture. » En effet, la plupart des grandes forêts, et même les bois d’une moindre importance, depuis la forêt de Coucy, au nord, jusqu’à celle de Fontainebleau, au sud, sont sur l’un des trois grands étages sableux ; les plaines de la craie, les plateaux du calcaire grossier, les plaines du calcaire siliceux de la Brie, comme celles du calcaire lacustre supérieur de la Beauce, sont particulièrement consacrés aux céréales, et les vallées qui les séparent aux prairies naturelles.

Si tous les points restés douteux vers le centre du bassin n’ont pas été éclaircis par ces recherches de M. d’Omalius, on doit reconnaître, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, qu’il a apporté deux modifications fort importantes aux vues de Cuvier et de Brongniart : 1° en démontrant que leur calcaire siliceux était superposé au calcaire grossier et non placé bout à bout comme ils le disaient ; 2° en prouvant que les grès coquilliers et non coquilliers supérieurs ne formaient qu’un seul dépôt marin. En outre, il a beaucoup étendu les horizons déjà tracés, et il a saisi avec une rare justesse de coup d’œil cette disposition générale si remarquable des dépôts tertiaires du nord de la France, que personne n’avait comprise auparavant, et qui ne pouvait l’être qu’en procédant, comme l’a fait M. d’Omalius, des bords ou des limites extérieures du bassin vers son centre.

En réunissant ensuite ces observations à celles qu’il avait déjà dirigées sur les rives de la Loire jusqu’à Cosne, où se relèvent les couches de la craie, le même géologue fait voir que les dépôts des environs de Paris, qui, sur leur pourtour au nord, dominaient si longtemps cette même craie, s’abaissent tellement au sud que, d’abord arrivés à son niveau, ils finissent, à leur extrémité méridionale, par occuper une vallée plus basse encore. En outre, continue M. d’Omalius, les dépôts d’eau douce, la seconde formation marine et l’argile plastique du bassin de la Seine, s’étendent bien au delà de ses limites géographiques actuelles.

Mais ici il y a, comme on pouvait le prévoir, une certaine confusion dans les rapprochements proposés par l’auteur, qui croyait que le calcaire grossier ou son premier étage reposait immédiatement sur la craie, entre Reims et Damerie (p. 235), qui rattachait les terres noires avec lignites à l’argile plastique en face de Château-Thierry, ce qui est vrai, puis au calcaire à Cérites, ce qui ne l’est plus, et qui fait remarquer que ces mêmes argiles se prolongent assez loin çà et là, au nord des limites de ce dernier calcaire. Cette observation est encore juste ; mais les grès que l’on trouve aussi fréquemment dans cette direction, loin de représenter la seconde formation marine, appartiennent à cette grande division si naturelle des sables inférieurs au calcaire à Cérites ou calcaire grossier, toujours méconnue ou mal appréciée depuis Lavoisier, malgré son développement entre la Marne, l’Aisne et l’Oise. Ce rapprochement devait paraître d’autant plus singulier qu’il est complètement en opposition avec la disposition générale des divers systèmes, si bien indiquée du N. au S. par M. d’Omalius. Quant à l’extension des sédiments lacustres dans le bassin de la Loire, elle ne s’applique qu’à ceux de la formation supérieure.

Pour le calcaire à Cérites, il est au contraire circonscrit par les limites du bassin proprement dit, ce qui, suivant l’auteur, est une circonstance très-digne de fixer l’attention ; il ne l’a point en effet rencontré ailleurs, malgré tout ce que l’on a prétendu d’après certaines analogies dans les caractères de quelques roches en réalité plus anciennes.

Mais, sans se borner à nous faire connaître dans ce mémoire les dépôts du nord de la France plus récents que la craie blanche, M. d’Omalius poursuit ses études dans le temps, et esquisse avec non moins de bonheur les caractères et la disposition des dépôts plus anciens.

« Des couches plus ou moins différentes de la véritable craie, dit-il, (p. 252), par leurs caractères minéralogiques, par leur nature chimique et même par des fossiles particuliers, séparent ce terrain de l’ancien calcaire horizontal (calcaires jurassiques actuels), mais se rattachent à la craie proprement dite par des nuances insensibles. » Il distingue dans cette nouvelle série, limitée ainsi en haut et en bas, quatre modifications, savoir : 1° craie à silex pâles ; 2° craie tuffeau ou grossière souvent chloritée ; 3° sables et grès presque toujours mélangés de calcaire ; 4° argile grisâtre, ordinairement marneuse, rarement plastique, quelquefois feuilletée.

Bien que certains passages ou alternances de ces diverses roches ne semblent pas permettre à M. d’Omalius d’y tracer un ordre de superposition très-constant, il ne laisse pas que d’ajouter que la craie à silex pâles est la plus récente, et que les assises argileuses constituent le premier terme ou la base de la formation. C’est ce que depuis l’on a appelé le gault. Quant au niveau réel des grès et des sables, son incertitude était d’autant mieux justifiée qu’elle a régné dans la science jusque dans ces derniers temps.

Les détails qui suivent, relatifs à la distribution générale de ces divers systèmes de couches dans le Perche, le Maine, la Touraine, le Berry, la Puysaie et la Champagne, où l’étage argileux une bordure continue, limitant d’une part, la craie chloritée et de l’autre les calcaires plus anciens, sont exacts, pris dans leur ensemble. Cette dernière division se fait remarquer par la constance de ses caractères, dans toute la région de l’est jusqu’à la limite de l’Ardenne, en constituant le fond d’une dépression comprise, ainsi qu’on vient de le dire, entre les plateaux de craie et l’ancien calcaire horizontal (étages néocomiens et jurassiques supérieurs).

La craie qui formait les plaines basses de la Champagne, en sortant de dessous les dépôts tertiaires des environs de Reims et d’Épernay, se relève graduellement à son tour dans la direction de l’E., pour atteindre une élévation au moins égale à celle de ces dépôts, et se terminer à la limite orientale de la région par un escarpement dont le pied est bordé par la zone d’argile marneuse précitée.

Les principaux caractères du pays de Bray, comparé à une île allongée ou au sommet d’une montagne, entouré par le grand dépôt crayeux, ont été aussi fort bien compris par M. d’Omalius, qui rapporte à la craie les calcaires gris-jaunâtre du centre de l’ellipse, tout en les distinguant néanmoins des roches environnantes, et en signalant leur ressemblance minéralogique et géologique avec des calcaires fort éloignés, dans le Berry, la Lorraine, le Bas-Boulonnais, les côtes de Normandie, etc. Seulement, l’auteur prend, dans ce dernier cas, pour les analogues de ses couches du pays de Bray, celles des falaises des Vaches-Noires au lieu de celles de la base du cap la Hève, ce qui, pour le temps où il écrivait, était une méprise bien légère.

À ce travail, déjà si remarquable par la netteté et l’étendue des aperçus, sont joints encore une carte coloriée comprenant une grande partie du nord de la France et un profil tracé du N. au S., d’Hirson à Guéret, mettant en évidence la disposition générale des divers terrains entre les schistes ardoisiers de l’Ardenne et les roches cristallines du plateau central. Ce sont les premiers essais systématiques de ce genre exécutés en France sur une grande surface, et qui puissent être regardés comme ayant une valeur réelle ; car, si l’on compare ces résultats et la marche suivie pour les obtenir avec ceux de Guettard et de Monnet, on sera de plus en plus convaincu que les cartes minéralogiques de ces derniers, non-seulement ne représentent que les caractères du sol superficiel, mais encore ne permettent pas de croire que leurs auteurs soupçonnassent la continuité souterraine des roches dont elles indiquent les affleurements.
Dépôts lacustres.

M. d’Omalius

M. d’Omalius avait déjà étendu ses recherches sur les dépôts d’eau douce bien au delà des limites comprises dans le travail dont nous venons de parler. Ainsi, dans le département du Cher[79], il décrit entre Levet et Bruère, sur la route de Bourges à Saint-Amand, des calcaires d’eau douce reposant directement sur les couches jurassiques. Ces calcaires sont blanchâtres, friables, grumeleux, semblables à celui de la Beauce, des environs de Blois et d’Orléans. On y trouve des Planorbes, des Limnées et des silex se fondant dans la pâte. On les observe encore lorsqu’on remonte la vallée de l’Allier et qu’on se rapproche des plateaux granitiques. De Gannat à Chantelle se montrent des collines de calcaire lacustre comme entre Bourbon-l’Archambault et Saint-Pierre-lès-Moutier, entre Soligny et la Palisse. Les localités de Thiaux et de Biard, aux environs de Nevers, sont particulièrement signalées et comparées à celles des environs d°Orléans, décrites par Bigot de Morogues[80].

Considérant ensuite la disposition des calcaires lacustres dans les vallées de la Loire et de l’Allier, en Auvergne et jusque dans le Vélay, celle des plaines sablonneuses de la Sologne jusqu’aux plaines crayeuses de la Champagne et de la Picardie à l’est et au nord, enfin les caractères de ces dépôts à l’ouest, aux environs du Mans et de Tours, dépôts tous horizontaux, mais situés à des niveaux très-différents, M. d’Omalius en conclut qu’ils se sont déposés, non dans une vaste mer, mais dans des lacs séparés, échelonnés, se déversant les uns dans les autres suivant un vaste plan incliné, qui s’abaissait depuis les montagnes d’Auvergne jusqu’au delà de la Seine. Ces lacs, peu étendus dans les régions montagneuses élevées, couvraient au contraire des surfaces considérables dans les plaines de l’Orléanais et des environs de Paris.

Appuyé ainsi sur ses propres observations, sur d’autres dont nous avons déjà parlé et sur celles que nous rappellerons tout à l’heure, le savant géologue réfute aisément l’opinion opposée à l’existence de ces anciens lacs d’eau douce, et qui se basait principalement sur les alternances des dépôts marins et d’eau douce, sur le mélange des coquilles marines et fluviatiles, sur la possibilité que les mêmes espèces de mollusques aient pu vivre dans les deux liquides ; car il y avait alors, comme toujours dans la science, ce que nous appellerions actuellement un parti de la résistance, représenté par Faujas, Brard, de Lamétherie, etc., tandis que Cuvier, Brongniart, de Férussac, d’Omalius, Marcel de Serres, etc., étaient du parti avancé ou du mouvement.

L’étude des dépôts d’eau douce était alors à la mode ; c’était pour le plus grand nombre une nouveauté qui paraissait d’autant plus piquante, qu’on croyait que le sujet n’avait pas encore été traité. M. d’Omalius ne s’arrêta pas là, et nous le voyons en Italie retrouver aussi des calcaires de même origine, blancs, durs, compactes, celluleux, placés sous une couche d’argile grise près de Cisterna, à l’entrée des Marais-Pontins, sur la route de Rome à Naples. Ces calcaires avec des Limnées et des Planorbes seraient plus anciens que les produits volcaniques du Latium que recouvre le travertin moderne des environs de Rome[81]. Les mêmes calcaires d’eau douce se voient à Colli, dans le bassin de l’Elsa, remplis de Limnées, de Planorbes, d’Hélices, et occupent une plaine horizontale. Les coquilles de ces dépôts diffèrent de celles du travertin, identiques avec celles qui vivent encore dans le pays.

Enfin, dans le bassin du Danube, aux environs d’Ulm, M. d’Omalius signale des dépôts semblables, tels que ceux d’Urspring, sur la route de cette ville à Stuttgard, où abondent les Hélices, les Planorbes, les Limnées, les Ancyles, les Bulimes, etc., et qu’il place sur l’horizon du calcaire siliceux des environs de Paris.
De Férussac.

Parmi les naturalistes de cette époque, de Férussac fut un de ceux qui se livrèrent avec le plus d’ardeur à l’étude de ces mêmes dépôts lacustres. Dans un mémoire présenté à l’Institut le 27 avril 1812[82], il compare d’abord deux Melanopsis des lignites tertiaires inférieurs du Soissonnais avec des espèces qui vivent encore en Orient dans les eaux douces ; puis il examine au même point de vue les dépôts coquilliers lacustres des environs de Mayence (colline de Weisenau), dont il décrit les petits gastéropodes comme étant des Cyclostomes et non des Bulimes, et comme ayant leurs analogues vivants dans les rivières du pays.

Pendant son séjour en Espagne, il avait constaté la présence de couches de même origine entre Logrogno et Burgos, et au delà de cette dernière ville les calcaires exploités sont remplis de coquilles fluviatiles (une petite Paludine analogue à celle de Mayence, la Limnæa stagnalis, une multitude de Planorbes, etc.). Il en existe aussi sur les limites des provinces d’Estramadure et de Séville.

Dans le midi de la France, les plateaux supérieurs du Quercy et de l’Agénais sont formés par un banc fort épais de mollasse, surmontée d’une couche de 8 à 10 pieds d’épaisseur, de calcaire d’eau douce sans le moindre mélange de coquilles marines. De Férussac le désigne sous le nom de calcaire d’eau douce de seconde formation, n’ayant point découvert ceux qui seraient contemporains de la première formation du bassin de la Seine.

La description des caractères et de la répartition générale de ces calcaires entre le Lot et la Garonne est bien faite, et l’auteur y ajoute l’énumération des espèces de coquilles fluviatiles et terrestres qu’il y a trouvées, savoir : 4 Helix dont le -analogues ne sont pas connues à l’état vivant ; 6 Limnées toutes vivantes dans le pays ; 5 Planorbes, dont 3 ont leurs représentants vivants soit dans le pays, soit en Allemagne ; 1 Physe vivante du pays, 3 Paludines toutes vivantes aussi, et 2 Glans (Bulimes), aussi vivants.

En 1814, dans la réimpression de ce mémoire, où se trouve exposé l’état de la science à ce moment sur les dépôts d’eau douce, de Férussac insiste avec raison sur la nécessité d’observer et de décrire, d’une manière uniforme, tous les terrains de cette nature dans un grand pays comme la France, de prendre et de comparer les niveaux des couches et d’établir les rapports de toutes les observations ainsi recueillies. « On pourrait alors, continue-t-il, construire une carte des parties couvertes par les eaux douces à tel ou tel moment. » Cette pensée fort juste et le vœu émis, il y a 50 ans, parle savant naturaliste, n’ont encore reçu d’exécution que dans quelques localités, et ce qu’il demandait était un travail d’ensemble qui ne paraît pas devoir être exécuté de longtemps.

Il signala aussi des ossements de mammifères dans les couches des environs de Moissac, sur la paroisse de Saint-Laurent. Ce sont des restes d’Hippopotames, de Palæotherium et d’Anoplotherium qui lui font regarder ces dépôts et ceux du bassin du Tarn, comme parallèles au gypse des environs de Paris.

Dans ses Considérations générales sur les mollusques terrestres et fluviatiles et sur les terrains d’eau douce, mémoire sur lequel Cuvier fit un rapport à l’Académie des sciences, le 10 février 1813, de Férussac pose en principe que, dans l’étude des dépôts lacustres, les espèces seules de coquilles fluviatiles, et non les genres, doivent servir de preuves pour établir leur origine, puisque plusieurs de ceux-ci ont des représentants qui vivent, les uns dans les eaux douces, les autres dans les eaux salées. Dans le catalogue qui termine le mémoire on trouve réunies toutes les espèces, alors connues dans ces dépôts. Ce sont 18 Hélices, 1 Bulime, 2 Maillot (ces deux genres sont réunis au premier par l’auteur), 2 Vertigo, 23 Limnées, 10 Planorbes, 1 Physe, 5 Cyclostomes, 11 Paludines, 1 Cérite, 3 Mélanopsides, 3 Mélanies, 2 coquilles de genres indéterminés et des Néritines également indéterminées, en tout, 85 ou 86 espèces d’univalves, car on n’avait encore découvert aucune trace d’acéphales. Cette circonstance particulière qui n’avait pas échappé à Brongniart est rappelée par de Férussac ; et en effet les Cyclades, les Mulettes et les Anodontes habitent aujourd’hui les mêmes eaux que les gastéropodes précédents. Si depuis lors on en a rencontré dans ces dépôts lacustres, on doit reconnaître qu’ils sont encore loin d’y être en nombre égal ou en proportion de ce que l’on voit dans les eaux douces actuelles. On avait donc à ce moment trouvé à l’état fossile presque tous les genres de gastéropodes fluviatiles et terrestres, représentés dans la faune de nos jours. En outre, plusieurs espèces fossiles avaient leurs analogues vivants, d’autres auraient vécu là où on ne les observe plus aujourd’hui, enfin il y en a beaucoup qui paraissent éteintes.

Après avoir rappelé les diverses localités de l’Europe, où des dépôts de cette nature ont été indiqués, « il reste à savoir, dit l’auteur, s’ils sont les suites d’une cause générale ou bien d’événements particuliers. La succession, l’égalité des couches qui les composent, pourront servir à le vérifier ainsi que leur position par rapport aux terrains sur lesquels ils reposent ; mais surtout ce qui est bien important à déterminer, c’est l’analogie des espèces fossiles qui se trouvent dans les couches, afin de découvrir si elles sont les mêmes que celles qui vivent dans le pays où on les voit fossiles, si leurs analogues vivent dans des climats semblables ou différents, enfin, si telles espèces sont communes aux deux formations d’eau douce que l’on admet, »

Si ces remarques de Férussac n’avaient pas été précédées de quelques années par les travaux dont nous avons parlé, elles eussent eu une bien grande valeur ; car nous y voyons exprimés les vrais principes de la paléontologie stratigraphique ; néanmoins, c’est encore un mérite réel que de les avoir compris aussi vite et appliqués avec autant de discernement.
Brad.

Vers le même temps, Brard étudiait d’une manière toute spéciale les coquilles d’eau douce des dépôts lacustres des environs de Paris. Dans un premier mémoire[83], il décrit les Limnées, les Planorbes, un Cérite de la formation supérieure, et fait voir, contrairement à ce que l’on avait avancé, que toutes les espèces sont différentes de celles qui vivent encore. Dans un second mémoire [84], il continue cette étude pour les couches inférieures au gypse et y ajoute quelques espèces terrestres (Cyclostome). Un troisième mémoire[85] est consacré à l’examen des Paludines, et le quatrième[86] traite des coquilles fluviatiles et terrestres provenant de gisements plus ou moins éloignés, tels que les départements de la Drôme et de Vaucluse, les environs d’Angers, de Bouxwiller, l’île Sheppey, et en particulier des Hélices de Mayence, de Gergovia, d’Orléans, de Ronca, de Nice (espèce vivante des brèches osseuses), puis des Mélanies, des Bulimes, des Ampullaires, etc.
Marcel de Serres.

Ces mémoires de Brard constituent donc un ensemble de documents importants sur ce sujet. Néanmoins, ses idées sur la nature même et l’origine des dépôts lacustres n’avaient point toute la netteté de celles que nous avons rapportées, et Marcel de Serres, qui avait appliqué dans le Languedoc les vues très-justes de Brongniart et de M. d’Omalius, accumula de nombreuses preuves à l’appui dans son Mémoire sur les terrains d’eau douce ainsi que sur les animaux et les plantes qui vivaient alternativement dans les eaux douces et dans les eaux salées[87]. Il combattit les arguments que Brard, Faujas et Beudant déduisaient de la présence des coquilles fluviatiles et terrestres avec les coquilles marines dans certaines localités ; il fit voir que ces assertions devaient tomber devant un examen un peu attentif des faits, et que l’existence indépendante des sédiments d’eau douce devait être acceptée dans toutes ses conséquences comme une vérité démontrée. Outre les deux formations lacustres du bassin de la Seine, Marcel de Serres en admet deux plus récentes : l’une qui avait pour type les calcaires de Montredon, et l’autre, développée aussi aux environs de Montpellier, sur divers points du département de l’Hérault, puis aux environs d’Anduze, de Mende, de Lodève, dans la vallée du Rhône, près de Lyon, etc.


  1. In-4. Paris, 1782. — Un rapport favorable avait été fait sur le manuscrit, à l’Académie des sciences, par d’Arci, Lavoisier et Desmarest, le 1er avril 1778.
  2. In-8. Pau, 1815.
  3. In-8. Pau, 1819.
  4. Nouveaux Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des Pyrénées et des pays adjacents, in-8. Pau, 1823.
  5. Excursion dans une partie du comté de Foix. — Hist. et Mém. de l’Acad. r. des sciences de Toulouse, vol. III, p. 384, 1788, lu en 1786. — Traité sur les minerais de fer du comté de Foix. — Voyage au Mont-Perdu et Observations sur la nature des crêtes les plus élevées des Pyrénées. — Journal des mines, an VI (1797-98), p. 39.
  6. On doit supposer que par le mot élevées l’auteur entend formées, sans quoi il serait en contradiction avec ce qui précède.
  7. Journ. de phys., vol. L, p. 81 ; 1800.
  8. In-f°. Erlangen, 1781, avec 13 pl.
  9. Mémoire lu à l’Institut le 21 vend. au Vl. — Journ. des mines, n° 37, p. 35, an VI.
  10. Journ. des mines, n° 83, p. 321, an XI.
  11. Cette remarque est fort juste ; car cette espèce, que nous avons dédiée à M. Leymerie, s’altère, en effet, sur son pourtour d’une manière qui lui est tout à fait particulière.
  12. C’est la N. granulosa.
  13. 1 vol. in-8 ; 1813.
  14. Mém. lu à l’Académie de Toulouse, 1788.
  15. In-8. Tarbes, 1813.
  16. Mém. de l’Acad. de Toulouse, vol. IV, p. 1
  17. Journ. des mines, au XII.
  18. Journ. de phys., vol. LXXXII, p. 343 ; 1816.
  19. Essai sur la constitution géognostique des Pyrénées, in-8 avec carte. Paris, 1823. — Voy. aussi : Reboul, Sur la géologie des montagnes Maudites (Malahata ou Maladetta), Ann. de chimie et de phys., 1817. ─ Journal de phys., vol. LXXXV. 1822. La Description minéralogique du département de la Haute-Garonne, par Brochin, justifie son titre sans avoir pour nous un intérêt particulier (Voy. Journal des mines, vol. XIV, p. 415, et suivantes, 1808).
  20. 5 vol. in-8. Montpellier 1776-79.
  21. Journ. de phys., vol. XXII, p. 370 ; 1783. — Ib., vol. XXIV, p. 48 ; 1784.
  22. Ann. du Muséum, vol. XIV, p. 314 ; 1809. ─ Ib., p. 376.
  23. Journ. de phys., vol. LXXXVII, p. 31, 118, 161 ; 1818. — Nous reviendrons plus loin sur ce travail.
  24. In-8. Paris, 1780. — Mem. de geologic et de minéralogie, vol. II.
  25. 7 vol. in-8, avec cartes et vues. Paris, 1780-84. ─ La première partie du chap. vii que nous analysons ici avait été lue à l’Académie des sciences le 14 août 1779 et avait été écrite en 1777.
  26. Il y a dans le texte minéraux, évidemment par erreur. aucun de ces paragraphes ne faisant allusion aux corps inorganiques.
  27. Journ. d’hist. naturelle, vol. I, p. 109 ; 1792.
  28. Journal de phys., vol. LXXXVIII, p. 382, 1819, mém. présenté à l’Acad. des sciences le 7 août 1816.
  29. Ibid., vol. LXXXIX, p. 247, 1819.
  30. 3 vol. in-8. Avignon, 1782-86.
  31. Journ. de phys., vol. XVI, p. 468 ; 1780.
  32. Journ. de phys., vol. LXXXII, p. 149 ; 1816.
  33. Journ. de phys., vol. LXXVII, p. 197 ; 1813.
  34. Le mot Gryphite était souvent employé alors pour désigner la Gryphée arquée du lias, mais ici il s’applique évidemment à la G. colombe de la craie tuffeau.
  35. In-8. Grenoble, 1781.
  36. Observations géologiques sur les terrains de transition qui se rencontrent dans les Alpes de la Tarentaise et autres parties de la chaîne. Lu à l’Institut en mars 1807. — Journ. des mines, vol. XXIII, mai 1808.
  37. Journ. d’hist. naturelle, vol. II, p. 34.
  38. Journ. de phys., vol. LXI, p. 404 ; 1805.
  39. Hist. naturelle de la province du Languedoc, vol. II. ─ Discours préliminaire, p. 6 ; 1776.
  40. Journ. de phys., vol. XXXI, p. 11 : 1787.
  41. Journ. de phys., vol. XXXII, p. 115, 179 ; 1788. — Ib., vol. XXXIII. p. 112 et 321 ; 1788.
  42. Journ. des mines, vol. VI, p. 813.
  43. Ann. du Museum, vol. XV, p. 380 ; 1810.
  44. Journal des mines, vol. VII, p. 117, 181, etc. ; 1797-98.
  45. Lettres de M. du Hérissier de Gerville à M. Defrance. (Journ. de phys., vol. LXXIX, p. 16, 1811, et vol. LXXXIV, p. 197 ; 1817.)
  46. Histoire de la Rochelle et du pays d’Aunis, vol. I, p. 14 ; 1755.
  47. Annuaire-statistique de la Vendée, an XII, p. 33.
  48. Observations géologiques sur les côtes de la Charente-Inférieure. (Journ. de phys., vol. LXXVIII, p. 401 ; 1814.)
  49. Voy. Hist. des progrès de la géologie, vol. VIII, p. 89.
  50. In-8 avec carte. Strasbourg, 1806.
  51. Journ. de Phys., vol. LXXXIX, p. 395 ; 1819.
  52. Journ. des mines, vol. XIV, p. 409 ; 1803.
  53. Journ. de phys., oct. 1780, p. 289.
  54. Lettre sur quelques ossements trouvés dans les carrières de Montmartre, ib., vol. XX, p. 98, pl. 2 ; 1782.
  55. Description de divers fossiles trouvés dans les carrières de Montmartre, etc., ib., vol. XIX, p. 173 ; 1782.
  56. Ibid., vol. XXII, p. 309 ; 1783.
  57. Journ. de phys., vol. XVII, p. 393, pl. 2 ; 1781.
  58. Hist. naturelle de la France méridionale, vol. VI, p. 35 ; 1784.
  59. La Nature considérée dans plusieurs de ses opérations, ou Mémoire et observations sur diverses parties de l’histoire naturelle, avec la minéralogie de l’Orléanais, in-8, p. 55 ; 1783.
  60. Mémoires, vol. VI. ─ Mémoire X, pl. 6 et 7, 1786.
  61. Journ. de phys., vol. LV, p. 445 ; 1794.
  62. Recherches sur les ossements fossiles, vol. III, p. 408. — Vol. V, p. 438.
  63. Journal de phys., vol. LI, p. 292 ; 1800. — Ib., vol. LIII, p. 1 ; 1801. — Ib., LVII, p. 249.
  64. 2e Mém., loc. cit., vol. LIII, p. 17 ; 1801.
  65. Journ. des mines, an V, vol. VI, p. 853.
  66. Lettre à Poiret (Journ. de phys., vol. LII, p 150 ; 1801).
  67. Mem. de l’Acad. r. des sciences, 1789, p. 350, pl. 7.
  68. Journ. de phys., vol. LIX, p. 161 ; 1804.
  69. Ibid., vol LXI, p. 363 ; 1805.
  70. Journ, de phys., vol. LXIII, p. 279, 1806.
  71. Vol. XXIII, p. 421-458 ; juin 1808.
  72. Vol. XI, p. 293 ; 1808.
  73. Cette expression est inexacte ; on dit le bassin d’une rivière, ce qui, physiquement, implique une idée juste ; il n’en est pas de même du bassin d’une ville qui n’a aucun sens, si ce n’est pour exprimer les masses d’eau comprises dans son enceinte, comme on dit : le bassin du Havre, le bassin de Marseille, etc., et, dans un sens encore plus restreint, le bassin des Tuileries.
  74. Vol. XI, année 1810, publié en 1811.
  75. Ann. du Muséum, vol. XV, p. 357, 2 pl. ; 1810.
  76. Essai sur la géologie du nord de la France (Journ. des Mines. vol. XXIV, p. 123 ; 1808)
  77. Faujas avait donné quelques notices sur certaines parties de cette région si variée. Description du lignite ou terre d’ombre de Cologne (Journ. des mines, n° 36, Ann. du Muséum, vol. L, p. 445). Voyage géologique de Mayence à Oberstein (Ann. du Muséum, vol. V, p. 294).
  78. Ann. des mines, vol. I, p. 231 : 1816.
  79. Journ. des mines, vol. XXXII, p. 43 ; 1812.
  80. Sur la constitution minér. et géol. des environs d’orléans, 1810. — Voy. aussi de Tristan, Note sur la géologie du Gatinais, 1812.
  81. Voy. L. de Buch, Geognostische Beobachtungen. Berlin, 1809.
  82. Mémoire sur des terrains d’eau douce observées en divers lieux, et sur les fossiles terrestres et fluviatiles.
  83. Ann. du Muséum d’hist. natur., vol. XIV, p. 426 ; 1809.
  84. Ibid., vol. XV, p. 406 ; 1810.
  85. Ibid.
  86. Ibid.
  87. Journ. de phys, vol. LXXXVII, 118, 161 ; 1818.