Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Cinquième partie/13

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Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 352-354).


CHAPITRE XIII

QUATRIÈME CONSIDÉRATION : DE l’AMOUR
QUE JÉSUS-CHRIST NOUS PORTE


Considérez l’amour avec lequel Jésus-Christ Notre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulièrement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire : cet amour vous regardait, et par toutes ces peines et travaux obtenait de Dieu le Père des bonnes résolutions et protestations pour votre cœur, et par même moyen obtenait encore tout ce qui vous est nécessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces résolutions. 0 résolution, que vous êtes précieuse, étant fille d’une telle mère comme est la Passion de mon Sauveur ! Oh ! combien mon âme vous doit chérir, puisque vous avez été si chère à mon Jésus ! Hélas ! o Sauveur de mon âme, vous mourûtes pour m’acquérir mes résolutions ; eh ! faites-moi la grâce que je meure plutôt que de les perdre.

Voyez-vous, ma Philothée, il est certain que le cœur de notre cher Jésus voyait le vôtre dès l’arbre de la Croix et l’aimait, et par cet amour lui obtenait tous les biens que vous aurez jamais, et entre autres nos résolutions ; oui, chère Philothée, nous pouvons tous dire comme Jérémie : « O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardiez et m’appeliez par mon nom » ; d’autant que vraiment sa divine Bonté prépara en son amour et miséricorde tous les moyens généraux et particuliers de notre salut, et par conséquent nos résolutions. Oui sans doute ; comme une femme enceinte prépare le berceau, les linges et bandelettes, et même une nourrice pour l’enfant qu’elle espère faire, encore qu’il ne soit pas au monde, ainsi Notre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, prétendant de vous enfanter au salut et vous rendre sa fille, prépara sur l’arbre de la Croix tout ce qu’il fallait pour vous : votre berceau spirituel, vos linges et bandelettes, votre nourrice et tout ce qui était convenable pour votre bonheur. Ce sont tous les moyens, tous les attraits, toutes les grâces avec lesquelles il conduit votre âme et la veut tirer à sa perfection.

Ah ! mon Dieu, que nous devrions profondément mettre ceci en notre mémoire : est-il possible que j’aie été aimée, et si doucement aimée de mon Sauveur, qu’il allât penser à moi en particulier, et en toutes ces petites occurences par lesquelles il m’a tirée à lui ? Et combien donc devons-nous aimer, chérir et bien employer tout cela à notre utilité ! Ceci est bien doux : ce cœur amiable de mon Dieu pensait en Philothée, l’aimait et lui procurait mille moyens de salut, autant comme s’il n’eût point eu d’autre âme au monde en qui il eût pensé, ainsi que le soleil éclairant un endroit de la terre ne l’éclaire pas moins que s’il n’éclairait point ailleurs et qu’il éclairât cela seul ; car tout de même notre Seigneur pensait et soignait pour tous ses chers enfants, en sorte qu’il pensait à un chacun de nous, comme s’il n’eût point pensé à tout le reste. « Il m’a aimé, dit saint Paul, et s’est donné pour moi » ; comme s’il disait : pour moi seul, tout autant comme s’il n’eût rien fait pour le reste. Ceci, Philothée, doit être gravé en votre âme, pour bien chérir et nourrir votre résolution, qui a été si précieuse au cœur du Sauveur.