Itinéraire du Thibet

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ITINÉRAIRE DU THIBET.

L’un des plus intrépides explorateurs des monts Himalaya, M. Hodgson, a communiqué à la Société asiatique de Calcutta un itinéraire écrit sous la dictée d’un indigène du Thibet, qui, depuis vingt ans, sert d’interprète aux marchands qui vont du Népaul aux frontières de la Chine, à travers des contrées où nul Européen n’a encore pénétré. L’étendue de ce document plein d’intérêt nous oblige à n’en donner que quelques extraits.

On remarque de singuliers signes de civilisation à l’entrée même de ces pays perdus. Des piliers portant des inscriptions indiquent la démarcation du territoire ; on exige les passeports des voyageurs ; on les examine soigneusement, et on les échange contre d’autres. Une garnison de 500 hommes avec quatre pièces d’artillerie occupe la ville de Kouti, à l’extrême frontière du Boutan ; et de Tingri jusqu’à la Chine, à travers toute cette vaste région, il y a une ligne de postes avec des relais, qui permettent des communications régulières. Les voyageurs trouvent à louer des chevaux, des mules, et même des chameaux. La Cité sainte de Teschou-Chambhou est la résidence du grand Lama, on y voit plusieurs centaines de couvens ; mais c’est la ville de Natan qui semble la plus considérable. On assure qu’elle a 300,000 habitans. Digourchi, qui est gardée par une garnison de 5,000 hommes, est située près d’une rivière sur laquelle un ancien Lama a fait construire un pont en fer, long de 300 pieds et formé de treize arches. Lassa, qui est le siége du gouvernement, renferme une grande population ; elle est environnée de murs en pierre, et ses cinq portes sont soigneusement gardées. Il y a à Schouboudou un autre pont de fer de vingt-cinq arches ; un péage y est établi. Tazedo, qui se trouve plus rapprochée de la frontière de la Chine, paraît être encore une ville considérable ; et l’on est étonné du nombre de grandes cités qui sont signalées par cet itinéraire dans un pays que sa prodigieuse élévation et sa ceinture de montagnes neigeuses nous font regarder comme stérile et inhabité. Loin de là, on retrouve sur ce haut plateau du centre de l’ancien monde toutes les productions utiles de nos plus belles contrées, et, ce qui semble plus extraordinaire, tout ce qui paraît devoir appartenir en propre à la vieille civilisation de l’Europe. Par exemple, l’itinéraire constate qu’il y a, au Thibet, des ponts de fer, des maisons voûtées, des couvens à dômes dorés, des manufactures de draps, des teinturiers habiles, de grands marchés fermés au signal d’une cloche, des fonderies de canon, des officiers de police, des douaniers, des contrebandiers, des moines célibataires, riches et puissans, et enfin tout ce qui constitue, selon les idées européennes, une société complétement organisée.