Jean-qui-lit et Snobinet/V

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V

La mythologie grecque racontée par le professeur Jean.

Les poètes racontent que sur le sommet du mont Olympe, dont la cime se perd dans les nuages, sont bâtis les palais habités par les dieux.

Le grand maître de l’Olympe c’est Jupiter, un monsieur pas commode, qui brandit le tonnerre dans sa main formidable et fait trembler tout l’Univers en fronçant seulement le sourcil gauche.

Il gouverne le ciel et la terre, ce qui ne représente pas une petite affaire. Un aigle gigantesque lui sert de pigeon voyageur et la gracieuse Hébé, déesse de la jeunesse, est chargée de verser dans sa coupe profonde le nectar, boisson délicieuse.

Junon, épouse du tonitruant souverain, une majestueuse personne orgueilleuse et acariâtre est le plus souvent suivie d’un paon, oiseau qui lui ressemble parce qu’il a un manteau brillant et un cri désagréable.

Les deux frères de Jupiter, Neptune et Pluton, sont l’un roi des Océans et l’autre empereur des Enfers.

Neptune est un rude marin à grande barbe verte ; il ne faudrait pas le prendre pour le dieu de la cuisine sous prétexte qu’il brandit une fourchette ; cette fourchette est un trident de pêcheur qui lui sert de sceptre.

À la mi-carême il monte avec Amphitrite, sa femme, sur un char traîné par des chevaux à queue de poisson et navigue à travers ses liquides États au milieu d’un cortège de gracieuses Néréides et de Tritons nageurs qui sonnent de la trompette en soufflant dans des coquillages.

Voici l’infernal et rébarbatif Pluton. Auprès de lui jappe le concierge de son ténébreux Empire, le hargneux Cerbère, un chien qui a trois têtes, une de bouledogue, une d’épagneul et une de caniche.

Quand ce terrible portier veut bien laisser passer les visiteurs auxquels le vieux batelier Charon a fait traverser le Styx, un fleuve d’encre, on rencontre, au milieu d’un paysage désolé, les farouches Erinnyes, Alecto, Mégère et Tisiphone, ces affreuses furies qui ont des boas autour du cou et des vipères sur la tête.


On voit aussi Ixion, l’éternel écureuil, tournant dans sa roue, Sisyphe poussant « sur un chemin montant, sablonneux, malaisé » comme dit La Fontaine, un gros rocher très lourd qui redescend tout le temps et ce pauvre Tantale qui est condamné à une bien dure peine.


Son supplice est célèbre. Tantale est ficelé sur une chaise à trois mètres d’une table sur laquelle son dîner est servi et se refroidit depuis des années et des années sans qu’il ait encore pu goûter à son potage.


La femme de Pluton, Proserpine, est rarement chez elle. Le séjour de l’obscur Tartare est si triste qu’elle préfère passer la moitié de l’année à la campagne, sur la terre, chez sa maman Cérès, la belle moissonneuse qui ressemble à la République avec sa couronne d’épis de blé.

Passons aux nombreux enfants de Jupiter :

Mars est militaire, il est le dieu du vacarme et du tumulte des combats. Précédé de la Discorde, une vilaine chauve-souris, ce tapageur marche à grand fracas, couvert de son bouclier d’airain et agitant le plumet de son haut casque d’or. Il a des bottes en fer.

Mercure court plus légèrement, il a des ailes aux talons de ses souliers. Il a choisi le commerce et, le caducée à la main, il fait les commissions et porte les messages des autres dieux.

Le bel Apollon aux cheveux en rayon de soleil, chante de façon agréable, compose des vers harmonieux et joue de la lyre en virtuose. Il est un peu médecin ainsi que son fils Esculape qui, s’il faut en croire les sculpteurs, paraît beaucoup plus vieux que son père, phénomène vraiment extraordinaire.

La sœur d’Apollon, Mademoiselle Diane, car elle n’a jamais voulu se marier, passe ses journées à la chasse, courant les champs et les bois avec les nymphes ses compagnes, vêtue comme elles d’une jupe courte et chaussée de guêtres. Le carquois à l’épaule elle poursuit le gibier en lui décochant les flèches de son arc fait du croissant de la lune.

Vulcain est maître de forges. Il fabrique les armes de Mars et la serrurerie des palais de Jupiter. Aidé par les fameux Cyclopes qui n’ont qu’un œil au milieu du front, il tape sur son enclume si fort qu’il est souvent la cause des tremblements de terre, et la fumée de ses ateliers sort par le cratère des volcans. Toujours crasseux, la barbe hirsute, les cheveux en broussailles, traînant la jambe, c’est le plus laid des immortels, et cependant il est le mari de la plus belle des déesses, Vénus, blanche comme l’écume de la mer d’où elle naquit un matin de printemps au milieu d’un vol de colombes, Vénus aux cheveux blonds, à la robe splendide, à la ceinture de pierres précieuses, une dame des plus élégantes et fort coquette.

Austère au contraire, le sage Minerve préside à l’étude, aux sciences, aux arts. Son aspect est celui sous lequel on représente d’ordinaire l’Académie française ; aussi en l’honneur de cette calme divinité qui s’habille en guerrière bien qu’elle ait l’âme pacifique ; les placides savants de l’Institut, aux jours de gala, ceignent martialement une épée et portent un bicorne de général.

Mais saluons le prodige de la famille, Hercule, l’homme fort. Il bat tous les records. Après avoir, bel exemple à

imiter, choisi le chemin que lui montrait la Vertu plutôt que

la route où le Vice l’invitait à s’engager, il vient à bout de douze travaux à jamais légendaires et l’arc, la massue et même le balai au poing, réduit en salade, en marmelade,

en chair à pâté, lions, hydres à sept ou huit têtes, taureaux,

sangliers, dragons, géants à triple torse, et court, sur ses deux jambes, plus prestement que les biches à quatre pattes, ou dépasse les Amazones qui ont six pieds en comptant ceux de leurs coursiers rapides.

Et le mauvais sujet a nom Bacchus. Ce dieu de la vigne couronné de grappes de chasselas, entraîne à sa suite un bruyant défilé de gens bizarres d’une tenue désordonnée et d’une anatomie déconcertante. Satyres à mollets de chèvre, ou Centaures à croupe de cheval.

Les compagnons de Bacchus ont l’humeur folâtre, l’allure capricieuse et la voix retentissante, ils chantent, hurlent, gambadent, font un charivari assourdissant, et le gros Silène, père nourricier du monarque des treilles, conduit le cortège à califourchon sur son âne, ainsi que Sancho Pança, au milieu d’une ronde de bacchantes échevelées qui gesticulent comme des folles et jouent des cymbales en dansant la farandole.