Jeanne/VI

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J. Hetzel (Œuvres illustrées de George Sand, volume 3p. 22-26).
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VI.

LE FEU DU CIEL.

« Salut à la perle des curés ! dit Léon Marsillat, en secouant familièrement la main du desservant. C’est encore moi, mon cher Guillaume. Curé, vous ne me refuserez pas l’hospitalité d’un fagot et d’un verre de vin, car je suis glacé. Comme ce diable d’ouragan a subitement changé le fond de l’air !

— Je vous croyais déjà loin sur la route de Boussac ? dit le jeune baron.

— J’ai eu pitié de laisser trotter dans la crotte la Dulcinée que j’avais en croupe, et, en véritable don Quichotte, je suis venu la déposer au sein du Toboso. Mon cheval, ayant ce rude chemin à gravir avec deux personnes sur le corps, n’a pu monter vite. Tudieu ! que les Gaulois entendaient mal le pavage des routes ! Mais puisqu’il plaît au tonnerre et à la grêle de recommencer leur tapage, je ne me soucie pas de m’y exposer sans nécessité, j’attendrai le beau temps en trop bonne compagnie pour m’impatienter.

— Monsieur Léon, dit le curé, qui venait d’appeler la servante, pour ranimer le feu et remplir le pichet au vin, vous avez toujours quelque compagne de voyage à promener en triomphe par les chemins. Savez-vous que cela fait jaser sur le compte de nos jeunes filles ?

— Et vous écoutez les mauvais propos ? un bijou, un modèle de curé comme vous ! vous me scandalisez ! vous me blâmez d’être humain et charitable ? c’est affreux de votre part, l’abbé !

— Voilà comme il répond toujours ! dit le curé, qui, au fond, doué d’une extrême bienveillance, et n’étant pas fâché de voir souvent un homme instruit pour lui faire part de ses inductions scientifiques, aimait Léon Marsillat sans l’estimer beaucoup. On veut le gronder, et c’est lui qui vous fait un sermon.

— Est-ce que ce n’est pas notre métier à tous deux de prêcher ! Un curé, à sa chaire, un avocat, à son banc, c’est tout un.

— Non pas, non pas ! dit le curé, cela fait deux.

— À la bonne heure ! deux bavards, deux ergoteurs. Ah ! mon petit curé, que votre joli vin gratte agréablement le gosier ! il me semble que j’avale une brosse ; d’où tirez-vous ce nectar des dieux ?

— De Saint-Marcel. Voulez-vous de l’Argenton ?

— Vous me direz encore que cela fait deux, n’est-ce pas ? mais je ne me plains pas de ce clairet, il est charmant. Eh bien ! Guillaume, qu’avez-vous donc ? vous ne me tenez pas compagnie ? Et vous, curé ? allons, aidez-moi, ou je retourne mon verre… j’ai pourtant une belle découverte à vous confier.

— Une découverte archéologique ?

— Non, géologique ! savez-vous ce que Claudie m’a conté en chemin ? Vous allez voir que cela sert à quelque chose de mener les filles en croupe : on se forme l’esprit et le cœur. Si vous vouliez m’en croire, vous ne monteriez jamais la Grise sans avoir quelque petite brune en guise de porte-manteau, pour vous dire des légendes.

— Toujours vos mauvaises plaisanteries ?

— Aimez-vous mieux les blondes ? prenez des blondes.

Le curé se troubla encore ; mais Guillaume, qui était tourné vers la cheminée, ne s’en aperçut pas, et Marsillat ne parut pas s’en apercevoir.

— Eh bien ! voyons donc votre histoire, reprit le curé pour se donner quelque contenance ; quelque sornette !

— Écoutez ! vous savez bien la roche de Baume sur laquelle on voit l’empreinte d’un pied humain ?

— C’est le pied de Saint-Martial qui est venu en personne détruire le culte des idoles et prêcher le christianisme à Toull-Sainte-Croix, l’an de notre Seigneur…

— Il s’agit bien de Saint-Martial et de notre Seigneur ! Faites semblant d’y croire. Je vous dis, moi, que c’est la Grand’Fade, la reine des fées, qui, mécontente des honneurs rendus à votre saint, a frappé du pied avec colère et a tari la source d’eau chaude qui coulait ici, pour l’envoyer jaillir à Évaux.

— Eh bien ! je sais ce conte-là ; est-ce toute votre découverte ?

— Oh, curé sans profondeur !… Et vous ne concluez pas ?

— Je conclus que Claudie répète les fadaises de sa grand’mère.

— Eh bien ! moi, je conclus que si votre système est vrai, si la tradition orale est l’histoire omise dans les livres et conservée dans les symboles du peuple, il y avait à Bord-Saint-Georges et à Toull des sources d’eau chaude.

— Et que seraient-elles devenues ?

— Belle demande ! curé, vous baissez, en vérité ! Dans la destruction de votre cité gauloise, catastrophe violente et soudaine, les bains d’eau chaude, établis certainement du temps de la domination romaine, au versant de la montagne, ont été écrasés, comblés, et la source a disparu sous des amas de décombres et de terres refoulées.

— Pourquoi dites-vous au versant de la montagne ? dit le curé, qui commençait à écouter avec attention.

— Et que faites-vous donc des viviers ? Qu’est-ce que les viviers ? Vous n’avez jamais songé à cela ! Ces viviers, qui fument comme des bouilloires en plein hiver ? Ces viviers dont on ne trouve pas le fond ? Ces viviers qui ne sont pas des marécages conservateurs de l’eau pluviale, puisqu’ils sont situés sur une pente aride et toute disposée pour l’écoulement ? Ces viviers enfin, qui renferment peut-être des sources minérales plus chaudes, plus efficaces, plus abondantes que celles d’Évaux, à trois lieues d’ici ? Et vous cherchez le trésor sous les pierres ? c’est dans l’eau qu’il faut le chercher. Là serait le véritable trésor, la subite richesse du pays. Je parie que vous n’avez jamais songé à faire donner trois coups de pioche dans ces viviers !

— Jamais, et pourtant les paysans ne cessent de répéter qu’il y a quelque chose là-dessous !

— Et jamais vous n’avez songé à y enfoncer un thermomètre pour savoir si cette vase, tiède à la surface, n’est pas brûlante à six pieds sous terre ?

— Oh ! je voudrais bien avoir un thermomètre, s’écria le curé en se levant : il faut que je m’en donne un ! Cela coûte-t-il bien cher, monsieur Léon ?

— J’en ai un superbe à la maison. Je vous l’apporterai demain.

— Demain, vrai ?

— Et nous en ferons l’expérience ensemble.

— Demain ! demain ! ce n’est pas pour rire ?

— Topez là ! s’écria Léon en tendant sa main au curé.

Le curé lui donna un grand coup dans la main avec la joie et la confiance d’un enfant.

— Ô, ma pauvre Jeanne ! pensait Guillaume en écoutant ce dialogue, tu es une fille bien mal gardée, et l’ennemi de ta vertu saura facilement endormir la prudence de tes défenseurs naturels. Ce bon curé a une monomanie dont Marsillat saura tirer parti à peu de frais. Il ne te reste donc que moi, pauvre orpheline ! Eh bien ! je ne t’abandonnerai pas, et s’il est trop tard, du moins je préviendrai les funestes suites de ta faute.

— Tiens ! c’est cette pauvre Jeanne, dit Marsillat en regardant du coin de l’œil le desservant, qui changeait encore une fois de visage, en s’apercevant du piége où il était tombé.

Guillaume tressaillit sur sa chaise, et se tourna brusquement pour voir la physionomie de Jeanne rencontrant celle de Marsillat ; mais grâce à l’effronterie de l’un, et à l’innocence de l’autre, ces deux physionomies n’eurent ensemble aucune espèce d’intelligence.

— Bonsoir, monsieur le curé, dit Jeanne. Bonsoir, monsieur Léon. Je cherche mon parrain. Ah ! bonsoir, mon parrain. Tenez, mon parrain, il me reste tout ça d’argent, que je vous rapporte. En vous remerciant, mon parrain.

— Je t’ai dit que je ne le reprendrais pas, ma bonne Jeanne.

— Qu’est-ce qu’il faudra donc en faire, mon parrain ? Je n’ai pas besoin de tant d’argent. Il y a là au moins… quarante francs !

— Vous achèterez vos vêtements de deuil, dit le curé d’une voix singulièrement douce et paternelle, et vous garderez le reste pour vos besoins ou pour ceux de vos parents, de vos amis.

De même que Guillaume avait interrogé attentivement les figures de Marsillat et de Jeanne, Marsillat examinait en cet instant Jeanne et le curé. L’émotion involontaire et secrète du vertueux prêtre était bien visible pour lui. Mais le calme angélique de la paisible Jeanne ne se démentait point, et pour Marsillat, qui s’y connaissait mieux que Guillaume, le cœur de la bergère d’Ep-Nell était libre de tout amour comme de toute méfiance.

— À présent, je vais vous dire bonsoir, mon parrain, au plaisir de vous revoir, dit Jeanne ; et, jetant ses bras au cou de Guillaume, avec un abandon et une familiarité toute rustique, elle l’embrassa sur les deux joues, sans se départir un instant de sa tranquille et grave innocence.

Ce chaste embrassement qui laissa les traces des larmes de Jeanne sur les joues de Guillaume, n’étonna point Marsillat et ne scandalisa pas le curé. Ils connaissaient les manières et les usages du pays. Mais ce serait s’avancer beaucoup que d’affirmer que le curé vit ce baiser sans souffrir : on n’embrasse jamais les curés. Quant à Léon, il le vit en frémissant de dépit : on n’embrasse que son parrain.


Le curé Alain.

Guillaume, étourdi d’abord de cette marque de respect qu’il prenait pour une preuve de confiance extrême, retrouva bientôt ses esprits en se rappelant qu’à son arrivée à Boussac, huit jours auparavant, une grosse servante, qui n’était pas suspecte de coquetterie, lui avait donné, en l’appelant son petit maître, la même accolade familière. Ma chère enfant, dit-il à Jeanne, en affectant de prendre, à cause de Marsillat, un ton fort grave : je ne vous dis pas adieu ; je vous reverrai demain pour l’enterrement de ma pauvre mère nourrice, auquel je compte assister.

— Ce sera bien de l’honneur pour nous, mon parrain, dit Jeanne.

— C’est bien de votre part, cela, Monsieur le baron, s’écria le curé ; c’est très-beau. J’ose dire qu’il y a peu de jeunes gens dans les hautes classes capables d’un sentiment aussi humble et d’un acte aussi religieux. Ma chère Jeanne, vous avez là un bon parrain, un véritable ami. Prenez donc courage, ma fille, et, en acceptant avec résignation le malheur qui vous a frappée aujourd’hui, songez aussi à remercier la Providence, qui vous envoie si à propos un protecteur généreux, comme pour vous épargner l’horreur de l’abandon. Je souhaite vivement que la respectable mère de M. le baron vous prenne auprès d’elle, afin que vous retrouviez en elle une seconde mère, comme vous avez déjà un véritable frère en Jésus-Christ, dans la personne de son fils.

— Mon petit parrain, vous me faites bien plus d’amitiés que je n’en mérite ; je prierai bien le bon Dieu pour vous, et pour vous aussi, monsieur le curé. Et, attendrie jusqu’au fond du cœur, de l’intérêt qu’on lui montrait, la bonne Jeanne se retira en sanglotant.

Le curé sortit pour l’aider à reprendre sa besace, qu’elle avait laissée derrière la porte, et qui contenait les provisions pour le repas des funérailles. Le fils de Léonard, un gros garçon de seize ans, franchement laid et jovial, attendait Jeanne dans la cuisine pour la reconduire chez elle et l’aider à porter le reste. La pluie avait cessé, mais le vent soufflait encore avec violence, et la nuit, plus prompte qu’à l’ordinaire, à cause des voiles épais qui cachaient le soleil, s’étendait sur la campagne.

— Oui, monsieur le baron, disait le desservant ému, en rentrant dans la chambre haute où il avait laissé ses deux hôtes, Jeanne serait pour votre maison une excellente acquisition. C’est le meilleur sujet de ma paroisse, et je ne peux pas trop vous la recommander.



La courageuse et robuste fille portait le cadavre. (Page 27.)

— Voilà donc de quoi il retourne ? pensa Marsillat. À la bonne heure ! je dresserai mes batteries en conséquence. Et ce bon curé, qui, par vertu, travaille avec zèle à éloigner de ses yeux un objet funeste à son repos, et qui la pousse dans les bras de Guillaume ! Oh ! prêtres, vous voilà bien ! que les autres se damnent, vous vous en lavez les mains, pourvu que vous sauviez votre âme. — Cher curé, dit-il, je vous approuve de donner ce conseil à mon ami Guillaume. Certainement, Jeanne, sous l’aile d’un tel mentor, ne sera plus en butte aux séductions des jeunes gens de votre village. Mais ne craignez-vous rien pour M. de Boussac, dans tout cet arrangement chrétien et paternel ?

— Expliquez-vous, dit froidement Guillaume ; je n’ai pas assez de perspicacité pour deviner vos jeux d’esprit au premier mot.

— Je ne puis m’expliquer là-dessus qu’avec le curé, mon père spirituel, mon ami doux ! comme dit Panurge. Avez-vous lu Rabelais, monsieur le curé ?

— Non, Monsieur.

— Tant pis pour vous ; vous y auriez appris, mon cher curé, qu’il ne faut pas enfermer le loup dans la bergerie.

— Je ne vous entends point.

— Allons ! est-ce que vous ne savez pas que Jeanne est sorcière, et que si elle veut ensorceler mon ami Guillaume, elle n’aura que trois mots à dire à sa bonne amie la Grand’Fade, la reine des fées, dont elle est la favorite, comme chacun sait ?

— Je ne sais pas comment vous avez le cœur de plaisanter sur le compte d’une honnête et intéressante créature qui vient de perdre sa mère, et qui n’a jamais donné lieu, par sa conduite, à ce qu’un libertin comme vous lui fasse l’honneur de s’occuper d’elle.

— Ah ! curé ! si vous vous mettez à dire de gros mots, je vous rappellerai à l’esprit de charité. Est-ce que je m’occupe de vos paroissiennes ? Il faudrait être bien fin pour les détourner de la bonne voie où vous les conduisez ; et d’ailleurs est-ce que je manque de commisération et d’estime pour Jeanne, en disant que sa mère lui a transmis des secrets ?…

Des cris aigus et un grand mouvement de sabots qui se firent entendre dans la cuisine éveillèrent l’attention du curé. — Qu’est-ce ? dit-il en mettant la main sur le bras de Marsillat, on crie au feu, je crois.

— Le feu ! le feu ! cria-t-on d’en-bas distinctement ; le curé et ses deux hôtes s’élancèrent dans l’escalier.

— Le feu du ciel est tombé du côté d’Épinelle ; il y a au moins vingt maisons qui brûlent, criait Claudie, sans songer qu’il n’y avait à Épinelle qu’une seule chaumière, celle de Jeanne. Courons, mes amis, courons ! s’écria le curé en s’élançant sur la place de Toull, et en s’adressant à ses paroissiens effarés, qui voulaient tous monter sur la plate-forme pour regarder l’incendie sans songer à y porter remède. « Que chacun de vous aille prendre un seau dans sa maison, dit Marsillat ; si c’est à Épinelle, il y a de l’eau.

— Si c’est à Épinelle, c’est peut-être la maison de Jeanne qui brûle, s’écria Guillaume en s’armant à la hâte des deux seaux de la maison du curé.

Ca la l’est bien sûr, disait Léonard. Cette pauvre Jeanne, c’est trop de malheur comme ça pour elle dans un jour !

— Mais courez donc aussi, sacristain ! disait Marsillat en poussant de force devant lui tous les faiseurs de lamentations et de commentaires.

— Je peux-t-y courir, moi qui suis boiteux ? dit Léonard, faudra bien que j’arrive le dernier par force ; mais j’vas d’abord sonner le tocsin.

— Oui, oui, sonnez l’alarme, dit Marsillat ; cela attirera du monde pour porter secours. Allons, tout le monde, venez, au lieu de crier et de vous étonner ! Les femmes, les enfants, le charpentier du village pour faire la part du feu, où est-il ? à la ville ? Eh bien ! conduisez-moi à son cafornion[1] que je prenne sa hache.

— Je vas vous la chercher, monsieur Léon, dit une femme ; mais, dame ! faudra pas perdre l’hache à mon homme.

— Monsieur le curé faudra faire une pinte d’eau bénite, disait l’une, c’est souverain contre le feu qui vient du ciel.

— Il n’y a pas besoin de tout ça, disait l’autre ; faut aller chercher la mère Guite. Elle sait des paroles pour le feu.

— Comment donc qu’elle ira, puisqu’elle ne peut pas marcher ? — On la mettra sur un chevau… Justement qu’il y a un grand chevau dans son étable.

— Ah ouache ! la Jeanne en sait bien aussi, des paroles ; elle en sait plus long que la mère Guite, allez ! Oh ! bien sûr, sa mère ne sera pas morte sans lui apprendre la chose.

Guillaume et Marsillat, avec deux ou trois des plus résolus, descendaient déjà la montagne en courant. Un groupe de curieux et de pleureuses venaient derrière eux. Le curé resta le dernier pour décider les retardataires et les égoïstes, et pour rassembler des seaux, la chose nécessaire et introuvable à la campagne dans de pareilles occasions. La nuit se faisait de plus en plus, et à mesure que l’avant-garde approchait du lieu du sinistre, l’énorme gerbe du feu qui jaillissait du chaume enflammé, et que le vent faisait ondoyer avec fureur, ne justifiait que trop les cris : C’est trop tard ! c’est trop tard ! que Guillaume et Marsillat entendaient répéter autour d’eux à chaque pas. Enfin ils arrivèrent haletants et couverts de sueur, étonnés que Jeanne les eût tant devancés ; ils s’attendaient à la joindre en chemin, et ils ne la rencontrèrent pas.

Les bonnes femmes des chaumières éparses aux environs s’étaient déjà rassemblées autour de l’incendie, et comme des fades impuissantes contre un démon supérieur, elles s’épuisaient en cris perçants et en conjurations vaines. Le peu d’hommes qui se trouvaient là, aidaient la Grand’Gothe à arracher de force de la bergerie les chèvres et les brebis, qui, frappées de la terreur stupide dont ces animaux sont la proie en pareille circonstance, s’obstinaient à ne pas bouger. Cette partie de la cabane était encore intacte, mais le toit de la maison principale s’envolait par flocons de paille embrasée sur les assistants, et, dans l’attente de l’écroulement de cette masse, personne n’osait se hasarder à monter sur le toit voisin pour opérer la séparation. Marsillat, armé de sa hache, l’osa seul, à la grande terreur de Claudie, qui jetait des cris affreux. Guillaume allait le suivre : mais une autre pensée l’arrêta. Où était Jeanne ? Il la cherchait en vain dans cette petite foule qui s’amoncelait bruyante et inerte autour de l’incendie. Jeanne ne paraissait pas. Était-elle revenue de Toull ? Quelqu’un l’avait-il vue ? Personne n’écoutait les questions de Guillaume. Il entra dans la bergerie où la fumée était déjà si épaisse qu’il ne distinguait rien. Il appela Jeanne, personne ne lui répondit. La Grand’Gothe, sous le hangar de derrière, criait d’une voix lamentable : « Et mes poules, mes poules ! mes chers voisins, mes bons voisins, sauvez mes poules !

  1. Capharnaüm, endroit où les paysans rassemblent et serrent leurs outils de travail.