Joie (Gille)

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Joie[1].

Soudain tout fut clarté, chanson, baiser, sourire,
Et la terre et le ciel semblaient partout redire
L’hymne prodigieux de mon cœur triomphant.
J’étais comme une fleur, j’étais comme un enfant
Dans l’éblouissement de l’aurore première ;
Des tourbillons et des cascades de lumière
M’élevaient, m’emportaient dans un divin émoi.
Chaque être, chaque esprit, chaque chose était moi.
Tout était mon bonheur : j’étais chaque parcelle
De la terre amoureuse où la vie étincelle ;
Je renaissais dans les oiseaux et dans les fleurs,
Dans les rayons qui font pétiller les couleurs,
Dans tout ce qui frémit, dans tout ce qui s’enflamme,
Et le soleil était le frère de mon âme.
En extase, ravi, mon esprit dilaté
Absorbait l’univers entier dans sa clarté ;
J’étais l’immense voix, j’étais l’écho mystique
De cet universel et sublime cantique
Qui vers les astres d’or roule dans l’infini ;
J’étais l’âme du monde. Elle m’avait souri.



  1. Extrait du recueil Le collier d’Opales (1899).