Journal (Eugène Delacroix)/11 avril 1848
Mercredi 11 avril. — Je crois que c’est ce soir que j’ai revu Mme Potocka chez Chopin. Même effet admirable de la voix. Elle a chanté des morceaux, des nocturnes et de la musique de piano de Chopin, entre autres celui du Moulin de Nohant, qu’elle arrangeait pour un O salutaris. Cela faisait admirablement. Je lui ai dit ce que je pense très sincèrement : c’est qu’en musique, comme sans doute dans tous les autres arts, sitôt que le style, le caractère, le sérieux, en un mot, vient à se montrer, le reste disparaît. Je l’aime bien mieux quand elle chante le Salice, que tous ses charmants airs napolitains. Elle a essayé le Lac de Lamartine avec l’air si connu et si prétentieux de Niedermeyer. Ce maudit motif ma tourmenté pendant deux jours.