Journal (Eugène Delacroix)/12 août 1850

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 31-33).

Bruxelles, lundi 12 août. — Sorti à neuf heures. Hôtel Tirlemont. Revu la cathédrale et ses magnifiques vitraux. Dessiné trop tôt et trouble d’estomac qui m’a causé un accident passager dont je me suis senti toute la journée. C’est en allant au Musée. J’y suis resté cependant jusqu’à trois heures.

— Tableau de Flinck. Celui de la première salle librement peint.

Le coup de lance. Le soldat qui perce le côté, d’une tonalité plus foncée que le larron qui est derrière, ce qui l’enlève parfaitement. Le larron, d’un ton doré, — son linge également de même valeur qui se confond avec le ciel qui est d’un gris chaud. Le cou du cheval plus clair : — un luisant très vif sur l’armure sous le bras du soldat à la lance, et le ciel très bleu entre les bras de l’autre.

La lumière dégradée sur les jambes du Christ depuis les genoux. La tête, le bras et l’autre main de la Madeleine très vifs. Les pieds du Christ, très demi-teintés, mais d’une légèreté admirable. Le genou se détachant à merveille sur le bras et la main de la Madeleine. Tout le genou du soldat qui descend de l’échelle, d’une valeur analogue aux pieds du Christ, sauf quelques luisants, mais doux.

Le linge du haut du bras de la Madeleine d’un blanc mat, quoique vif et analogue au col. La partie éclairée de l’échelle qui sépare ses cheveux du manteau rouge de saint Jean, d’un gris perle jaunâtre, presque comme les cheveux.

L’échelle contre les jambes du larron, ses deux jambes (sauf le genou droit un peu plus coloré), mais les pieds surtout, sauf l’ombre, du même ton gris bleuâtre, brunâtre. La croix près des pieds, de même. Le ciel à peu près de même valeur. Le bras du soldat se détache de la jambe du larron, seulement parce qu’il est un peu plus rouge.

Le groupe de la Vierge plus sombre en masse que la Madeleine, quoique dans le clair ; mais la tête très brillante, quoiqu’un peu moins que la Madeleine, et les mains aussi brillantes que possible. Le saint Jean d’une valeur très demi-teintée du haut en bas. Le manteau bleu de la Vierge un peu plus clair que le rouge du manteau. Sa robe gris violet un peu plus foncée.

Le bâton de l’échelle a un clair qui se prolonge jusqu’à la jambe du larron.

La tête de la Madeleine se détache à merveille sur la partie demi-teinte claire du bois de la croix et par derrière sur le ciel de même valeur ; comme je l’ai dit, toute cette grappe sublime de l’échelle, des pieds du larron, des jambes du soldat, de la cuirasse foncée avec son luisant qui relève le tout.

— Les petites esquisses sont bien plus fermes et mieux dessinées que les grands tableaux.

— Promenade dans le parc, pour me remettre, par un temps gris. Descendu dans l’enfoncement. Le soir, promenade vers le théâtre et à travers les passages, J’aimais à revoir tous ces lieux où je me suis plu il y a onze ans.