Journal (Eugène Delacroix)/15 avril 1860

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 401-402).

15 avril. — Sur les caractères au moment des révolutions politiques. (Voir mes notes écrites à Augerville, le 21 octobre 1859.)

Toutes les révolutions mettent en fièvre les natures basses et prêtes à mal faire. Les âmes traîtresses posent le masque ; elles ne peuvent se contenir à la vue du désordre universel qui semble offrir des proies à saisir. Ni le blâme du bienfaiteur que tous ces coquins, enveloppés dans leur peau de renard, flattaient encore dans l’attente de nouveaux bienfaits, ni le mépris des honnêtes gens, ni enfin la crainte d'être vus ce qu’ils sont, rien ne peut leur opposer de frein. Il leur semble que le monde n’est plus fait que pour les scélérats. Ils se trouvent à l’aise au milieu du silence des hommes honnêtes ; ils se flattent qu’il n’en est plus pour les juger et leur infliger l’infamie qu’ils méritent.