Journal (Eugène Delacroix)/17 juin 1854

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 375-376).

17 juin. — Dîné chez Chabrier avec Poinsot, l’amiral Casy[1], d’Audiffret[2], Beauchesne[3], etc. Poinsot me conte à dîner l’anecdote à laquelle il a été présent sur les intentions de Napoléon relativement à la Madeleine, où il dit que son intention était que l’on fît des prières pour les mânes de Louis XVI, à l’occasion du 21 janvier ; qu’il en viendrait là, qu’il leur ferait avaler cela (il entendait les hommes comme Cambacérès, Fouché, etc.) comme une soupe au lait.

D’Audiffret me conte que Lamartine, voulant parler sur la conversion des rentes, va se renseigner auprès le lui. Il en était à ne pas savoir ce que c’est que la rente au pair, c’est-à-dire le premier mot des opérations les plus élémentaires : ce qui ne l’a pas empêché de faire un discours magnifique dont l’Europe a retenti.

Il me parle aussi de l’ignorance de Ledru-Rollin, arrivant au ministère de l’intérieur en 1848 et ignorant les éléments de l’administration qu’il avait attaquée pendant sa carrière d’opposition : il s’imaginait, par exemple, qu’un ministre n’avait qu’à ordonnancer une dépense pour que l’argent fût à sa disposition. Il comptait, par exemple, donner une fête, etc.

  1. L’amiral Casy (1787-1862). Engagé comme mousse, il gagna successivement tous ses grades dans la marine, devint en 1848 représentant à la Constituante, occupa un moment le ministère de la marine, puis, en 1853, fut nommé sénateur.
  2. Charles-Louis d’Audiffret, économiste et homme politique, né à Paris en 1787. Il rendit de grands services dans l’administration des finances, fut président de la Cour des comptes, pair de France, puis sénateur en 1852.
  3. Alcide-Hyacinthe du Bois de Beauchesne (1804-1873), littérateur, auteur d’ouvrages historiques estimés. Il fut, sous la Restauration, chef de cabinet au département des Beaux-Arts, et, sous le second Empire, chef de section aux Archives.