Journal (Eugène Delacroix)/18 juillet 1860

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 403-404).

Dieppe, 18 juillet. — Parti de Paris pour Dieppe après un désappointement que ma valu le changement des heures. Je comptais prendre le chemin de fer à huit heures et demie ; arrivé à la gare, on m’annonce que je ne partirai qu'à une heure par le train express. Je retourne à la maison où je vais tuer le temps jusqu'à l’heure dite, sauf le temps que j’ai passé à déjeuner à ce café du chemin de fer, rue Saint-Lazare. Jenny partait pour Champrosay à midi. Je trouve à la gare de Rouen Mme de Salvandy, fille cadette de Rivet.

Arrivé à cinq heures, trouvé à la gare Mme Grimblot dont j’admire, en marchant derrière elle et avant de la reconnaître, l’imposante crinoline. Elle habite Dieppe tout à fait. Je ne me suis pas enquis des motifs qui pouvaient la porter à une résolution si grave.

J'étais un peu après installé à l’hôtel Victoria sur le port, ainsi que je le désirais, et j’y faisais à six heures le plus détestable dîner avec des rogatons. Les hôtels n’ont eu garde de ne pas adopter la mode des dîners modernes qui font la cuisine en abrégé et vous servent des restes ; ils font au reste comme les grands seigneurs : la cuisine s’en va comme tant de bonnes choses. Je me suis un moment applaudi de cette mauvaise chère, en pensant que je n'éprouverais pas la tentation de manger trop, étant venu ici pour me mettre au régime.

A la jetée après dîner et tout d’un temps, quoique la nuit arrivât. J’ai longé la plage et l'établissement, et ai été visiter les rochers à la gauche des bains ; mais l’obscurité m’a chassé.