Journal (Eugène Delacroix)/23 mai 1832

La bibliothèque libre.
Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 188-189).

Séville, mercredi 23 mai. — Rapports avec les Maures[1]. — Grandes portes partout ; compartiments des plafonds et menuiserie. — Les jardins, chaussée en briques bordée de faïence, la terre plus bas. Murs crénelés ; énormes clefs.

Alcala. — La nuit : la lune sur l’eau mélancolique ; le cri des grenouilles ; la chapelle gothique moresque avant d’entrer dans la ville près de l’aqueduc.

Séville. — Le matin, la cathédrale : magnifique obscurité ; le Christ en haut sur le damas rouge ; la grande grille qui entoure le maître-autel ; le derrière de l’autel avec petites fenêtres et entrée d’un souterrain.

Arcades sur les maisons. La femme couchée à la porte de l’église : bras bruns sur le noir de la mantille et le brun de la robe. Caractère singulier venant de ce qu’on ne voit presque pas de blanc portant autour de la tête.

Promenade le soir ; terrasse qui me rappelle mon enfance à Montpellier[2].

Bords du Guadalquivir.

Le capucin en chaire ; fenêtres couvertes avec de la toile et des draperies de couleur.

  1. Delacroix écrivait à Pierret, au moment de son retour d’Espagne : « J’ai retrouvé en Espagne tout ce que j’avais laissé chez les Mores. Rien n’y est changé que la religion ; le fanatisme, du reste, y est le même… Des églises et toute une civilisation comme il y a trois cents ans. » (Corresp., t. I, p. 180.)
  2. Delacroix fait ici allusion à sa toute première jeunesse, avant le commencement de ses études au lycée Louis-le-Grand : c’est là un ordre de souvenirs qui ne revient pas fréquemment dans le journal. Il est rare qu’il se reporte à ses années de première jeunesse, surtout à ses années de collège qui conservent un si grand charme pour certains, mais qui semblent lui avoir été pénibles.