Journal (Eugène Delacroix)/28 juin 1853
Mardi 28 juin. — Depuis que je suis de retour de Champrosay, je ne peux plus écrire ici ; il m’a fallu employer tous mes moments pour terminer les tableaux que j’avais promis ; et depuis samedi 25, je suis retourné travailler à l’Hôtel de ville. J’ai fini, plus promptement que je ne l’aurais cru, le Christ en croix[1] pour Bocquet, la répétition du Christ au tombeau, du Belge[2], pour Thomas, le Christ dormant pendant la tempête pour Grzymala[3].
Je suis sorti aujourd’hui, vers deux heures, de mon travail où j’avais peint pour la première fois au plafond ; j’ai été voir la chapelle de Signol[4] à Saint-Eustache : c’est toujours la même chose que ce que font tous les autres. J’ai été ensuite chez Henry, pour la question de l’Institut[5], qui se présente fort mal.
- ↑ Il existe de nombreuses variantes de ce sujet dans l’œuvre du maître. D’après le Catalogue Robaut, il n’y a, se référant à la date du Journal, qu’une « toile — 0 m. 74 c. × 0 m. 60 c. — exposée au boulevard des Italiens en 1860. Elle appartenait alors à M. Davin. » M. Robaut ajoute, observation que confirme le Journal du maître : « En cette année 1853, Delacroix ne peint guère que des sujets religieux. »
- ↑ Delacroix veut parler du comte de Géloës, d’Amsterdam. (Voir Catalogue Robaut, no 1034.)
- ↑ Voir Catalogue Robaut, no 1219.
- ↑ Émile Signol, peintre, né en 1804, élève de Gros, auteur de la Femme adultère. En 1849, il se présenta à l’Institut en même temps que Delacroix, mais il n’a été élu membre de l’Académie des beaux-arts qu’en 1860. Il est mort récemment.
- ↑ Delacroix s’était déjà présenté quatre fois à l’Institut, et la dernière fois, en 1849, on lui avait préféré Léon Cogniet. Sa lettre de candidature en 1849 est curieuse. Après avoir énuméré les principales compositions qu’il a exécutées : Dante et Virgile, Massacres de Scio, le Christ au jardin des Oliviers, la Justice de Trajan, l’Entrée des croisés à Constantinople, Médée, les décorations du Luxembourg, du Palais-Bourbon, de la salle du Trône, l’Évêque de Liège, Marino Faliero, les Femmes d’Alger, il ajoutait ces quelques lignes, qui se passent aisément de commentaires : « C’est pour la quatrième fois que j’ai l’honneur de me présenter aux suffrages de l’Académie. Cette insistance et le désir très naturel de faire partie d’un corps illustre suffiront-ils pour faire excuser l’infériorité de quelques-unes des productions que j’ai mentionnées ? J’éprouve une juste défiance en approchant d’une réunion qui représente les traditions et les principes éternels qui ont été ceux du grand goût chez tous les artistes célèbres. »