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Journal (Eugène Delacroix)/29 juin 1856

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 160-161).

29 juin. — Écrire à Guillemardet. Parler à Haro pour Leroux[1] de Passy.

Je trouve dans un article de Pelletan dans la Presse sur le fameux progrès, cette citation extraite des derniers ouvrages du grand homme d'État, à qui nous avons dû de faire tant d’expériences dans le sens du progrès indéfini, laquelle excite la profonde tristesse de son élève, qui ne lui répond que le sanglot à la bouche :

« Le progrès indéfini et continu est une chimère partout démontrée par l’histoire et par la nature ; mais le perfectionnement, etc. L’humanité monte et descend sans cesse sur sa route, mais elle ne descend ni ne remonte indéfiniment. »

— Je dîne aujourd’hui avec Villot et sa femme. Nous parlons peinture toute la soirée : cela me met en bonne disposition.

— J’ai été mécontent hier, en arrivant, de ce que j’avais laissé ici l’Herminie, le Boisguilbert enlevant Rebecca[2], les esquisses pour Hartmann, etc.

  1. Sans doute Jean-Marie Leroux (1788-1865), graveur et dessinateur, élève de David.
  2. L’Herminie et l’Enlèvement de Rebecca devaient figurer plus tard à l’Exposition de 1859, cette Exposition qui fut pour Delacroix, suivant l’expression de Burty, un véritable Waterloo. Dans le commentaire du Catalogue Robaut (no 1383), E. Chesneau dit à propos de l’Enlèvement de Rebecca : « On a peine à se défendre d’un mouvement d’irritation, quand on a été témoin comme nous de l’attitude du public dans les galeries du Salon de 1859, devant les huit tableaux, plus admirables les uns que les autres, que le maitre y avait envoyés. On s’attroupait devant l’Enlèvement, devant Ovide, devant les Bords du Sebou, devant l’Herminie, et l’on riait, et l’on faisait échange de quolibets. Je n’ai pas souvenir, dans ma vie de critique déjà si longue, d’un si honteux scandale. »