Journal (Eugène Delacroix)/2 septembre 1854

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Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 431).

2 septembre. — Les savants[1] ne font autre chose, après tout, que trouver dans la nature ce qui y est. La personnalité du savant est absente de son œuvre ; il en est tout autrement de l’artiste. C’est le cachet qu’il imprime à son ouvrage qui en fait une œuvre d’artiste, c’est-à-dire d’inventeur. Le savant découvre les éléments des choses, si on veut, et l’artiste, avec des éléments sans valeur là où ils sont, compose, invente un tout, crée, en un mot ; il frappe l’imagination des hommes par le spectacle de ses créations, et d’une manière particulière. Il résume, il rend claires pour le commun des hommes qui ne voit et ne sent que vaguement en présence de la nature, les sensations que les choses éveillent en nous.

  1. La partialité et l’injustice de Delacroix à l’égard des savants se sont déjà manifestées à maintes reprises dans le Journal : la chose est d’autant plus surprenante que nous nous étions habitués à envisager les idées générales du maître comme supérieures à celles que nous trouvons exprimées ici. (Voir sur ce point la Vie de M. Frédéric-Thomas Graindorge, de H. Taine.)