Journal d’une enfant vicieuse/Texte entier

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Jean-Claude Lattès, collection Les classiques interdits (p. Avertissement-245).

L’édition originale du
JOURNAL D’UNE ENFANT VICIEUSE
était signée MADAME DE MORENCY
et comportait, sous son titre, la mention suivante :

Ce manuscrit inédit de Suzanne Giroux, dite La Morency, — qui l’écrivit en l’an V (1796), en même temps qu’Alysine, est publié avec une préface de M. Hugues R., bibliothécaire de S. A. Mgr. le duc de ***.

PRÉFACE

(DE M. Hugues R.)

Ces pages, retrouvées par hasard à Soissons, viennent enrichir l’œuvre déjà si abondante de cette gracieuse Suzanne Giroux qui, sous le nom de Madame de Morency, a composé durant le Directoire, tant de livres passionnés, sans rien perdre de son charme de femme et sans jamais chausser le bas-bleu des pédantes. Sauf une note ajoutée après coup à la fin et qui est de la main de Colin d’Harleville, l’un de ses amants, Suzanne écrivit ce journal encore fillette, au courant de la plume, avec la même naïveté qu’elle laissa voir plus tard en nous initiant à ses nombreuses amours. Lorsqu’elle fixait ainsi ses impressions d’enfant, elle n’avait d’autre but que d’en conserver le souvenir pour elle-même et peut-être aussi ses petites amies. C’est justement ce manque d’apprêt qui nous les rend intéressantes. Plus âgée, Suzanne eût rougi de ces amusements et de ces misères qui remplirent ses premières années ; elle les eût plus ou moins dégustées, elle eût, comme dans ses romans, employé ce langage aux périphrases molles et fades qui masque beaucoup trop ces objets agréables, où, par exemple, trousser une jolie fille est dit « s’abandonner à sa tendresse ». Au contraire, l’ingénuité du journal le fera trouver savoureux à ces jouisseurs acharnés qui goûtent de l’amour jusqu’à la fleur encore indécise, et qui se plaisent à voir tressaillir et s’éveiller une petite âme libertine même quand ses mouvements manquent d’élégance et ne témoignent que d’une belle vivacité joyeuse ou d’une extrême liberté animale.

Cette Suzanne, ou la Rose du Journal (c’est la même personne) a « du vice » ; mais c’est le vice d’une gentille gamine qui a tous les appétits et toutes les facultés pour vivre avec énergie, donner à ses amants beaucoup de jouissances et jouir elle-même infiniment.

Dans l’enfant, dans la fillette, cette aptitude au plaisir s’annonce peut-être sous une forme incongrue, mais du moins très naturelle. Suzanne parle sans modération et avec une complaisance évidente du jeu de ses entrailles ; elle est émue à l’extrême quand elle lève ses jupes ou qu’on les lui relève contre son gré. Évidemment elle attache déjà une importance énorme aux assises mystérieuses de sa personne, elle veut bien jouir en petite égoïste, en secret, mais n’entend pas découvrir ses trésors. Il semble qu’au grand jour et devant des profanes ce glorieux siège du plaisir ne soit plus que l’envers de la médaille et les coulisses de la beauté, un sujet de dérision et de honte, dont sa coquetterie de future femme a grand effroi et ne peut plus tirer que des effets d’insolence.

Ainsi l’auteur, avec sa franchise et sa crudité impudique d’enfant, nous montre comment la jouissance se lie aux deux actes de la vie alimentaire, comment elle s’accompagne, selon les circonstances, d’orgueil et de honte, fière de prendre à la vie ambiante, ivre de se décomposer et d’être généreuse à la terre. Même châtiée, et au plus fort de la douleur, cette petite fille trouve une griserie et comme un opium ; les coups la font rentrer en elle-même, et ramenant toute son attention sur le point le plus délicat et le plus sensible de sa peau, la font vivre et même penser par son derrière, qui devient alors l’inspirateur et le maître de sa tête pour quelques instants. Quel rêve pour une enfant vicieuse ! c’est le cas de le dire, le vice suprême ! La peine et la déconvenue n’ont lieu réellement qu’avant ou après la correction. Alors notre fillette ne se trouve point à l’aise, car elle peut bien vivre comme un joli petit animal, elle n’en a pas moins des prétentions instinctives à être un ange et à conserver devant tous ses apparences angéliques. Or, quelle chute du ciel où elle planait lorsqu’elle se voit contrainte de ne laisser voir d’elle-même que des chairs joufflues, éloignées de l’idéal et tournées vers la terre, et encore de les étaler dans toute leur ampleur tandis qu’elle cache les traits divins de son visage ! En dévoilant et ensanglantant ce que couvrait avec tant de soin sa pudeur, on accomplit sur elle une sorte de viol, le seul que sa chair neuve et encore incomplètement formée soit bien capable alors de ressentir.

On voit que notre fillette, avant de se connaître un amant, un amour, et même de découvrir le lien secret de sa jouissance, ne manque pas de sensations. Ce n’est point qu’elle ait lu les Confessions de Rousseau, qui ne parurent que beaucoup plus tard, ce n’est point non plus qu’elle soit de la famille un peu extravagante du grand homme. Il suffit d’aller un soir à la Comédie Française à une représentation du Malade imaginaire ou du Médecin malgré lui, pour être convaincu que les sensations de notre petite héroïne ne sont point exceptionnelles. Les éclats de rire frais et sains de l’assistance nous apprendront que la vue des coups et les allusions aux jeux de nos organes ont toujours le don d’amuser les jeunes filles, comme au temps où elles accouraient en foule place Dauphine, écouter les farces de Tabarin sur le beau cul des Chambrières. Que les amis de l’idéal se voilent la face, mais c’est un sol engraissé de débris et riche de décompositions, qui porte les tiges les plus odorantes et les plus lourds calices ; c’est au milieu de beaucoup de rêves impurs et de caresses souillées, que la fantaisie amoureuse la plus légère, que les plus puissantes et les plus superbes passions prennent leur vol. Direz-vous que la maturité de l’amour seule nous intéresse ; mais cette préparation à la vie, cet instinct qui se reconnaît parmi des songes fameux et des images contradictoires n’est point non plus indifférent. Cette chair d’amoureuse a beau souiller ses langes, elle est malgré tout séduisante dans son désir de vivre et de prendre sa forme dans l’univers.

Il n’est pas inutile non plus d’observer dans ce Journal comment fut élevée cette jolie fille qui sut rendre heureux tous ses amants. Elle fut souvent fouettée. C’était la discipline de l’époque, et longtemps après la Révolution on l’appliquait encore. Il y a une lettre du véritable Duchêne où l’on nous apprend que M. Sédaine a retiré sa fille des mains des religieuses parce qu’elles lui avaient fait souffrir « mille tracasseries assaisonnées de verges ». Et l’auteur demande grâce pour « ces petits culs de vierges, embellis par les roses ». Il a peut-être tort. Sans parler de ces filles riches de sang, ivres de plaisir et d’orgueil, qu’il est nécessaire de dominer par la douleur, il importe que la cruauté naturelle des êtres puisse s’exercer innocemment de crainte qu’elle ne devienne autrement fort nuisible. Les haines féroces de certaines femmes, leur acharnement au mal viennent, soit d’une éducation trop douce où la cruauté n’a pas été domptée par la cruauté, soit encore de la retenue trop grande à laquelle les astreignent les mœurs modernes. Quelques coups donnés à leurs enfants et à leurs serviteurs les rendraient probablement plus calmes et moins haineuses. Elles satisferaient ainsi leur besoin d’autorité ou de vengeance sans autre inconvénient que de rendre un peu rouges les jeunes fesses parfois fort jolies de leur entourage et d’activer les circulations de sang trop paresseuses. En outre, elles préviendraient probablement un grand nombre de viols : si des amants malheureux maltraitent et battent les femmes parce qu’elles se refusent à leur désir, c’est aussi parce qu’ils ne peuvent fouetter des petits culs de fillettes, que des hommes en arrivent à cette aberration de désirer des enfants et de vouloir posséder un sexe qu’elles n’ont pas encore. Ne vaudrait-il pas mieux qu’ils fessent en paix ! Les hommes qui ont ce goût sont en effet bien excusables. Ce sont seulement des amoureux pressés dont le désir ne connaît point la patience et qui ne peuvent rencontrer une petite femme ébauchée sans que leur imagination n’en fasse aussitôt un chef-d’œuvre.

La Morency, dans son Journal, donne bien à cette sorte de jouisseurs le récit des plaisirs qui les attendent. Plaisirs certes sauvages et piquants ! Ce sont des fruits de haie et qu’on dérobe, secs, irritants, mais dont la flamme, l’aiguillon luxurieux rendent ensuite plus désirables le baume et le vin glacé, la saveur fraîche et enivrante du véritable amour. Soyons reconnaissants à l’aimable femme qui nous enseigne à les cueillir, ils réjouiront les avides et les curieux et pourront même tromper la faim de ces blasés, qui sont incapables d’en goûter d’autres. La Morency, jusque dans ses écrits, s’est montrée femme charitable. Comme pour ces galants chenus qu’un simple abandon et l’offre délicieuse de son corps ne pouvaient échauffer, son style use du moyen suprême :

Digitos habet, dit le poète. Il a des doigts !



Livre premier
L’ENFANCE DE ROSE













CHAPITRE PREMIER

Où ma tante se repent de s’être montrée
caressante

Moulin-Galant, juillet 1774.
 

C’était hier l’anniversaire de ma naissance. Ma tante qui, d’ordinaire, ne montre pas à mon égard un excès de tendresse, a eu toutes sortes d’amabilités. Pour célébrer mes douze ans, elle m’a donné une robe neuve qui est en mousseline à raies avec une jolie garniture, et où sont peints de petits bouquets de roses ; puis, au dîner, la cuisinière Manon avait fait une de ces tartes aux prunes que j’aime tant. Enfin, ma tante, avant de me coucher, m’a remis une petite boîte entourée d’un ruban. J’étais si désireuse de voir ce qu’il y avait dans cette boîte, que mes doigts ne prirent pas le temps de dénouer la faveur et que je saisis des ciseaux pour la couper ; mais ma tante, qui est soigneuse des moindres choses, défit elle-même le ruban et me tendit la boîte ouverte. J’aperçus alors, enfouie dans du coton, une mignonne petite croix d’or avec sa chaîne. J’étais folle de joie. Je courus à la cuisine montrer ma croix à Manon, qui poussa des cris d’admiration.

— Eh bien, fit ma tante, vous ne me remerciez pas ?

— Si ma tante, ma bonne tante.

Je me jetai à son cou et l’embrassai comme je n’avais encore embrassé que ma pauvre maman. Je n’ai même pu m’empêcher de regretter de l’avoir si bien traitée. Maman me faisait d’aussi beaux cadeaux et plus souvent, et elle ne me donnait pas des soufflets comme ma tante. Cependant ma tante m’a fait asseoir près d’elle et m’a tenu un long discours : « Mon enfant, m’a-t-elle dit, voici que vous avez douze ans, vous n’êtes donc plus une petite fille. Il est temps de vous corriger de vos défauts et de vous appliquer sérieusement à votre travail. Je n’ai pas eu, jusqu’à présent, à me plaindre de vous, votre conduite, toutefois n’est pas exemplaire, et vous le voyez vous-même, j’ai dû vous punir bien des fois, plus souvent que je ne l’aurais voulu. Il serait à désirer que je n’eusse désormais plus besoin de le faire. Cette croix que je vous donne doit être pour vous un encouragement à observer toujours, dans la suite, cette diligence que j’ai remarquée chez vous depuis un mois que nous sommes à la campagne et que je récompense aujourd’hui. Qu’elle vous fasse souvenir de votre âge et des obligations qu’il vous impose. »

Ma tante là-dessus m’a baisée au front et m’a envoyée coucher. J’étais très fière de ce cadeau qu’on venait de me faire, et à la fois heureuse et gênée de porter cette croix sur la poitrine : il me semblait que je n’étais plus la même et que je venais d’être revêtue d’une grande dignité. Je montai solennellement à ma chambre avec Manon qui m’aida à me déshabiller. Mais une fois que j’eus retiré la fameuse croix, ôté mon bonnet, enlevé mes jupes et défait mes cheveux, je me mis à faire des gambades et des cabrioles autour de ma chambre, puis, à un moment, me jetant à genoux en travers du lit, la tête basse et le derrière en l’air, j’ai troussé ma chemise et, appelant Manon qui était dans la chambre voisine occupée à ranger des vêtements :

— Manon ! Manon ! lui ai-je crié, viens voir ce que tu n’as jamais vu, et je lui ai présenté mes fesses.

Manon a éclaté de rire et pour me punir de mon indécence, elle a voulu me claquer, mais vive comme l’éclair je me suis glissée entre les draps. Une fois couchée, j’ai attiré Manon sur le lit et ai entrepris de lui faire raconter des histoires. Manon sait mille choses et elle ne se gêne pas pour dire tout ce qu’elle connaît. C’est une bonne amie, et qui m’a souvent épargné des corrections. Elle m’a parlé de papa que je n’ai jamais connu et d’une belle dame qui vint le voir un jour à la maison et que maman jeta à la porte par les épaules, ce qui rendit furieux papa quand il le sut.

— Maman était donc méchante quelquefois, ai-je demandé, elle était si douce pour moi ; elle ne m’a jamais frappée.

— Non, a répondu Manon, votre maman n’était pas méchante, mais c’est cette belle dame qui était une méchante femme et qui faisait du mal à votre père.

— Et papa ne s’en apercevait pas, de toutes ses méchancetés, me suis-je écriée. Mais comment n’a-t-il pas cru maman.

Manon a paru alors embarrassée et ne m’a rien répondu. Je l’ai ensuite fait s’approcher tout près de moi et je lui ai dit à l’oreille :

— J’ai vu un homme aujourd’hui qui pissait tout debout et sans enlever sa culotte. Comment donc est-il fait pour ne pas s’accroupir comme les autres. Il me semble qu’il doit gâter tous ses vêtements en pissant ainsi. Manon, il doit y avoir beaucoup de gens difformes dans le monde, n’est-ce pas ? Ainsi la femme de Pierre le maçon ? elle a un ventre énorme qu’elle n’avait pas l’année dernière, elle en est si gênée qu’elle se traîne avec peine, elle marche maintenant comme les canards.

Manon est partie d’un tel éclat de rire, qu’elle a dû réveiller toute la maison.

Ma tante est arrivée un flambeau à la main.

— Eh bien ! qu’est-ce que cela signifie ? Il est onze heures et vous ne dormez pas encore. Voulez-vous aller vous coucher ? Manon, et vous, Rose, qu’est-ce que cela veut dire, de babiller à cette heure-ci ; voyons, voulez-vous vous tourner, dites.

Et comme je ne bougeais pas, elle m’a appliqué un vigoureux soufflet.

— Je vois bien, a-t-elle ajouté, que ce n’est pas une croix que j’aurais dû vous donner ce soir, mais le fouet pour vous apprendre à être obéissante.

Là-dessus elle a soufflé la bougie et s’est retirée. Manon était déjà partie. Un si brusque changement, les coups et les menaces succédant aux récompenses, cela m’a bouleversé et j’ai éclaté en sanglots.

Je passai la nuit à pleurer et je commençais à m’endormir quand ma tante est venue dans ma chambre :

— Allons, paresseuse, hors du lit, Madame Dangevert m’écrit qu’elle va venir nous voir aujourd’hui avec sa fille, votre amie Valentine. Dépêchez-vous de vous habiller.

Je me suis habillée à la hâte, savonnée des pieds à la tête et j’ai pris ma belle robe de mousseline rose. L’idée de voir mon amie m’a donné de la promptitude et je ne me tenais pas d’impatience lorsque Manon m’a coiffée. Toute la matinée j’allais et je venais de ma chambre à la grille du jardin. Enfin, comme madame Dangevert ne venait point et qu’on l’attendait toujours, je me suis mise, pour me distraire, à écrire mon journal.

CHAPITRE II

Les amours de Rose et de Valentine

Quelles heures j’ai passées avec mon amie Valentine Dangevert ! Je ne sais pas où commencer mon récit tant je suis encore troublée par le souvenir de ce que nous avons fait ensemble, et cependant j’eus tant de plaisir hier que je ne puis m’empêcher de me raconter, dans ce journal à moi-même, cette journée : ce sera une manière de me la rendre davantage présente à l’imagination.

Dès que j’entendis le bruit des roues sur le sable de l’avenue et le trottement des chevaux, je descendis en toute hâte pour aller au-devant de mon amie, si vite même que je tombai dans l’escalier, je me fis une bosse au front et je déchirai ma belle robe. J’étais déjà confuse et attristée de ma chute qui allait peut-être me valoir, à cause de ma robe gâtée, une sévère remontrance ; quand madame Dangevert, Valentine et ma tante entrèrent dans le vestibule. Je restai immobile et toute honteuse, ne sachant quelle contenance tenir : j’eusse bien voulu me sauver.

— Eh bien Rose, qu’avez-vous ? demandait déjà ma tante.

Manon qui passait me tira encore d’embarras.

— Mademoiselle était si pressée de voir madame Dangevert et son amie, qu’elle a failli se casser les bras, les jambes et la tête. Heureusement qu’elle en est quitte pour avoir déchiré sa robe.

— La pauvre enfant ! s’écria madame Dangevert, elle souffre peut-être beaucoup.

Tout le monde alors s’empressa autour de moi, et ma tante elle-même, dont j’attendais des claques, ne me donna que des soins et des caresses ; je fus si émue de tant de bontés que j’en avais les larmes aux yeux : on crut que je pleurais à cause du mal que je m’étais fait en tombant et ma tante me releva mes robes pour examiner mes genoux. Ils étaient écorchés et Valentine en voyant la plaie à vif ne put retenir un cri.

— Ce ne sera rien dit ma tante, je vais seulement mettre un peu d’arnica sur la plaie.

Après m’avoir fait ce pansement qui me causa plus de mal que ma chute, ma tante me dit d’aller me changer dans ma chambre. Valentine voulut m’accompagner et nous montâmes ensemble.

Valentine était plus jolie encore que l’année passée : je l’avais quittée maigre et pâle, et je la trouvais grassouillette, fraîche et rose. Ses yeux étaient plus vifs et plus malins que jamais, sa bouche, aux lèvres fortes, était entrouverte et découvrait les plus jolies dents que j’aie vues. Elle était coiffée et vêtue avec une élégance qui me fit honte. Même ma robe neuve, si j’avais pu la garder, eût paru bien pauvre auprès de la sienne, en soie rose à raies, aux ramages de dentelles. Elle portait sur son chapeau des plumes noires magnifiques ; et j’avais envie de jeter ma croix d’or quand je regardais les bagues qui lui ornaient les doigts. De la voir si bien mise alors que moi j’avais une toilette si négligée, je conçus un dépit et un ennui que je montrai d’abord beaucoup trop à Valentine, en ne lui répondant, à toutes les aimables et joyeuses questions qu’elle m’adressait, que par monosyllabes. Mais à peine commençais-je à me déshabiller, que voici Valentine empressée à me servir, elle tirait sur un lacet, elle dénouait, déboutonnait sans relâche. Quand je sortis, comme d’un sac, de mes robes et de mes jupes entassées sur le tapis.

— Oh ! fit-elle, comme tu as une jolie peau, et à la campagne, c’est extraordinaire !

J’étais confuse, je ne savais comment répondre à tant d’obligeance, et mon ressentiment contre elle commençait à se dissiper.

Tout d’un coup, comme j’allais passer une robe, je sentis qu’on me serrait les jambes et qu’on me baisait le bas du corps. C’était Valentine qui s’était agenouillée derrière moi et qui m’embrassait ainsi. Je devins toute rouge, mon cœur battit plus fort :

— Cesse, dis-je, cesse, si ma tante venait ! tu sais bien que ce n’est pas convenable de s’embrasser à cet endroit.

— Grosse bête, s’écria Valentine, et elle me donna un dernier baiser, laissa retomber ma chemise qu’elle avait retroussée et se releva.

En ce moment la cloche sonna pour le déjeuner ; j’achevai ma toilette à la hâte et nous descendîmes sans nous rien dire. À table nous étions placées l’une près de l’autre ; et entre chaque plat, Valentine approchait sa jambe de la mienne ou prenait ma main. Je dis après chaque plat, car Valentine est très gourmande et se bourrait de nourriture. Ma tante était assez choquée de voir que sa belle-mère lui avait si peu appris la sobriété et qu’elle redemandait de chaque plat après avoir été servie une première fois. Mais Valentine ne sembla pas plus gênée à la maison que dans sa chambre ; elle boit de grands verres de vin pur, mange énormément, et quand elle a bu et mangé se caresse le ventre, pousse un soupir de satisfaction et dit : « C’est joliment bon ! » Sa belle-mère semble tout à fait indifférente à son éducation, ne la complimente, ni ne la reprend, elle se contente d’éclater de rire quand Valentine lance une de ces réparties extraordinaires dont elle a le secret.

La nourriture, les vins de plusieurs sortes que nous avons pris, la longueur du dîner, la chaleur du jour, l’animation de la causerie, nous avaient donné quelque fatigue ; et nous fûmes heureuses de prendre l’air. Tandis que ma tante se promenait avec madame Dangevert, je fis visiter à Valentine le jardin. Comme nous passions dans une allée ombragée, voici que Valentine se jette à mon cou, me donne un baiser sur la bouche, tandis que sa main me touche entre les jambes. J’étais toute confuse, je regardai Valentine avec frayeur, comme si elle avait été le diable, mais elle était si jolie, avec ses dents et ses yeux brillants, que je l’embrassai à mon tour, tout en chassant sa main de l’endroit où elle l’avait mise. Nous allions ensuite nous asseoir dans la charmille. Valentine me dit :

— Ferme les yeux et ouvre la bouche. Je lui obéissais comme un petit chien, je fis ce qu’elle me demandait. Je sentis aussitôt qu’elle me mettait la langue dans la bouche et qu’elle y déposait une délicieuse praline. J’ouvris les yeux en souriant et je vis alors qu’elle avait dans ses mains toutes sortes de bonbons qu’elle avait pris à même au déjeuner dans la boîte. Je fus à la fois étonnée et amusée de son audace :

— Si on t’avait vue ? lui dis-je.

— Eh bien ! répondit-elle, qu’est-ce que cela m’aurait fait.

Cependant elle s’était mise une autre praline dans la bouche, et me l’avait offerte sur le bout de sa langue où je l’attrapai en avançant la tête, car j’étais près d’elle.

— Avance-toi, s’écriait-elle alors, et, me prenant par le bras, elle me força de m’asseoir contre elle et me mit une jambe entre mes jambes, tandis que sa main, à ma grande confusion, tantôt s’introduisait au bas de mon ventre, tantôt me caressait le bas de mes reins :

— Tiens, dit-elle, mets cette dragée dans ta bouche, mâche-la de manière à en bien sentir le goût et tu me la présenteras ainsi sur la langue comme je t’ai présenté la praline :

Je lui obéis. Elle mangea la dragée avec des yeux que je ne lui avais jamais vus. Elle semblait au Paradis. Elle me donna ensuite un baiser sur la bouche en me prenant la tête entre ses mains :

— Ma chérie, comme je t’aime ! s’écria-t-elle.

Je la baisai à mon tour pour la remercier, mais sans avoir le plaisir qu’elle semblait ressentir. Elle fut étonnée que je n’eusse pas mis dans ce baiser autant d’ardeur qu’elle-même et garda quelques instants un silence qui m’intimida. Soudain :

— Ma chérie, dit-elle lentement, quand tu es seule le soir dans ton lit, n’as-tu jamais l’idée… Elle s’arrêta, et moi très étonnée :

— L’idée de quoi ? dis-je.

Alors, comme elle allait parler, j’entendis la voix de ma tante qui m’appelait ; sans attendre la réponse de Valentine, je me mis à courir et elle suivit.

Ma tante nous dit que nous allions au Château-Rouge qui est à deux lieues de la maison et que madame Dangevert ne connaît pas. Elle nous ordonna de nous préparer à la hâte, parce que la voiture qui devait nous conduire était déjà à la grille du jardin.

— Quelle chance d’aller à Château-Rouge, dis-je à Valentine. Tu ne peux pas te figurer comme l’endroit est intéressant à visiter. Il paraît que la grosse tour a été bâtie du temps de Hugues Capet. Puis le pays est très beau.

Mais Valentine ne semblait pas prêter attention à mes paroles, quoique ses yeux ne quittassent pas mon visage.

Madame Dangevert et ma tante montèrent les premières en voiture, avec le médecin et le bailli qui nous accompagnaient. Comme la voiture était étroite, ma tante me dit de prendre Valentine, qui était moins grande que moi, sur mes genoux. Je m’assis donc entre les deux Messieurs avec Valentine sur moi.

Elle était assez lourde, mais je ne me plaignais pas de ma charge, au contraire, cela m’amusait de sentir ses grosses fesses sur mes genoux, et sans doute elle aussi éprouvait du plaisir à être assise sur moi, car de temps en temps elle se détournait de mon côté et me montrait sa bouche souriante et ses grands yeux tout brillants de joie. À un moment le bailli, qui était à ma gauche, passa la main sous mon derrière ; je fus près de jeter un cri ; je ne sais pourquoi je me retins.

Après trois quarts d’heure environ, nous arrivâmes à une auberge, où on laissa la voiture, puis nous nous dirigeâmes à pied vers le château qui était tout proche. Madame Dangevert fut surprise des beaux arbres qu’entouraient les remparts en ruine. Ma tante qui connaissait fort bien l’endroit pour y être venue plusieurs fois, nous servit de guide. Comme la compagnie s’engageait dans l’allée principale, Valentine me retint à l’entrée et lorsque tout le monde fut éloigné sans faire attention à nous, elle se jeta dans un petit sentier qui se perdait sous bois et me fit signe de la suivre. Quand nous fûmes toutes deux assez loin du chemin et au milieu des arbres, je commençais à avoir peur. Les yeux de Valentine avaient encore plus d’éclat que tout à l’heure.

— Asseois-toi là, me dit-elle, là tout près de moi. Je t’ai demandé de me dire ce que tu faisais le soir dans ton lit toute seule ; pourquoi ne veux-tu pas me répondre ?

— Mais, je ne fais rien.

— Oh ! tu ne fais rien, c’est-à-dire que tu ne veux rien m’avouer, mais je sais bien que tu mets ton doigt ici, comme cela, sous ta robe.

— Mon Dieu ! que faites-vous, Valentine, je ne sais ce que vous avez.

— Ne veux-tu pas que mon doigt remplace le tien ?

— Mais je vous assure que jamais pareille chose ne m’est arrivée.

— Pas de mensonges !

— Eh bien si ! autrefois, quand maman vivait je me suis chatouillée, mais on m’a dit que c’était très mal, on m’a même fouettée pour m’en punir, et je n’ai jamais recommencé.

— Petite peureuse ! Ici, du moins, personne ne peut nous voir et tu n’as nulle crainte à avoir. Mais tu me souris, tu ne te défends pas, allons donc ! je savais bien que tu aimais cela.

Valentine m’avait relevé mes jupes et ma chemise et me frottait le bouton tout en me donnant de temps à autre des petits baisers sur la bouche. J’étais très effrayée, je craignais à tout moment que ma tante ne passât près de nous, puis, mon amie elle-même, je dois le dire, m’épouvantait, à voir ses regards, à entendre ses soupirs, je la croyais en proie à des souffrances infernales, je la croyais damnée, et pourtant elle était si belle et ses caresses si agréables que je m’abandonnais à elle. Bientôt, sans cesser de me frotter le bouton, de son autre main, elle me caressa le derrière, puis entr’ouvrant mes fesses elle chercha le petit trou et introduisit lentement son doigt. Pour du coup, je n’y tins plus, je tombai sur l’herbe et je me pâmai de jouissance. Je me relevais toute honteuse, avec l’idée d’avoir sali ma robe et défait ma coiffure quand Valentine me dit :

— Oh ! l’égoïste ! elle s’amuse toute seule et oublie ses amies. Ne pourrait-elle donner aux autres les plaisirs qu’on vient de lui procurer.

À ces mots elle trousse elle-même ses jupes et conduit mes mains, mais je suis trop inhabile, je n’arrive qu’à lui faire mal. Alors d’un geste elle me dit de cesser, se sert elle-même de ses doigts et n’est pas longtemps sans ressentir mon plaisir, mais au lieu d’en avoir comme moi du repentir et de la honte, elle ne finit ses divertissements que pour les recommencer. Sur son ordre, je m’étendis par terre, les jambes ouvertes, elle s’étendit elle-même en face de moi, avance son corps entre mes cuisses, lève les jambes et se frotte son bas du ventre contre le mien ; toutes deux, en même temps, ressentîmes du plaisir.

Quand elle se releva :

— Sens-moi donc les doigts, dit-elle, comme ils sentent bon !

Elle les respira comme un bouquet et me les passa sous le nez en riant.

Cependant, les divertissements que nous avions pris après les copieux dîner de l’après-midi, nous avaient causé quelque émotion dans les entrailles. Et nous eûmes toutes les deux besoin de nous accroupir ; moi j’avais honte de cette opération, et je cherchai, pour y satisfaire, à m’éloigner de Valentine. Quelle fut ma surprise, alors que je pensais m’être dérobée à ses regards, de la voir tout près de moi également accroupie et qui, en me considérant avec un sourire, poussait la charge de son ventre avec des cris de boulanger qui pétrit le pain, non sans lâcher des rapides et nombreuses détonations auxquelles ne manquait ni le bruit ni l’odeur. Elle se releva sans hâte, arracha des feuilles et des poignées d’herbe et, debout, se nettoya les parois de ses fesses, les robes sur les épaules, ne craignant pas de me montrer sa nudité et l’ordure qui la salissait, enfin elle laissa tomber ses jupes et, me prenant par la main, elle se mit à sauter.

Nous nous étions attardées, le soleil déjà bas, et le bois s’obscurcissait.

— Mon Dieu ! fis-je, que vont dire ma tante et madame Dangevert. Puis, allons-nous les retrouver ?

— Vilaine peureuse ! me répondit Valentine, quand donc prendras-tu un peu d’assurance ?

Valentine avait raison, en quelques minutes nous avions retrouvé l’allée du Château-Rouge, où nous aperçûmes ma tante et ses invités :

— Où étiez-vous donc ? dit madame Dangevert.

— Ah ! s’écria Valentine, nous avons fait une grande promenade.

— Petite malpropre, dit alors ma tante, vous voulez donc avoir la correction, que vous salissez ainsi votre robe.

J’étais toute tremblante de penser à l’idée du châtiment dont on me menaçait. Mais madame Dangevert plaida pour moi :

— Oh ! laissez-la donc, dit-elle, à la campagne il faut bien que les enfants s’amusent.

Et ma tante ne me battit point. Nous montâmes en voiture ; Valentine et moi étions un peu fatiguées de nos jeux ; et nous somnolions durant la route. À peine étions-nous arrivées, que nous soupâmes ; après le souper ; madame Dangevert partit avec sa fille. Quels adieux Valentine et moi nous nous fîmes ! Nos parents furent étonnés de notre tendresse, mais n’en devinèrent pas la cause :

— Écris-moi, reviens ! lui dis-je en la quittant.

Elle me le promit en me donnant un dernier baiser, elle s’en alla avec sa belle-mère.

Depuis je pense souvent, avec des remords et, je dois l’avouer, beaucoup de plaisir, à cette belle journée où Valentine eut une si bonne idée de négliger le Château-Rouge pour le bois où nous nous sommes tant amusées.

Aujourd’hui, après le déjeuner, je suis allée aux latrines où je me suis amusée comme Valentine me l’a montré. Je recommencerai ce soir dans mon lit quand j’aurai soufflé la bougie, et je penserai, pendant mon plaisir, au joli corps de Valentine. Si ma tante me voit, tant pis ! D’ailleurs elle ne s’en apercevra pas.

Manon est venue comme j’écrivais mon journal. Je lui ai fait respirer mon doigt :

« Sens, lui ai-je dit, je viens de le mettre dans mon cul. »

C’était vrai. Pour me punir de mon indécence, elle m’a claqué le derrière, je lui ai claqué le sien, et nous nous sommes amusées à nous battre pour rire, jusqu’au moment où, entendant le pas de ma tante, nous avons cessé de jouer et nous sommes toutes deux devenues sérieuses, moi m’appliquant à un résumé d’histoire sainte, et Manon s’occupant de ranger la chambre.

CHAPITRE III

Les pets de Valentine

Javais coutume de m’amuser à la campagne avec une paysanne qui était d’une ferme voisine du bourg. Nous jouions « au ménage » ; je faisais la demoiselle, et elle faisait la domestique. Ou bien c’était le jeu à la maîtresse d’école, et il n’est pas besoin de dire que souvent l’élève était mise à genoux et recevait le fouet avec des verges, mais sur ses jupes, car, comme nous jouions dans le jardin, je craignais, si je la troussais, que ma tante vînt à passer et ne nous troussa pour de bon. Un jour la maman de Goton (c’est ainsi que s’appelait cette petite paysanne) vint jusque dans le jardin où nous étions à jouer, elle se jeta sur ma petite amie, lui tira les cheveux et les oreilles, lui claqua les joues en répétant :

— Ah ! vilaine malhonnête, tu vas en avoir, je t’le promets, pour te punir de m’avoir brisé mes bouteilles. Tu savais bien c’que t’avais fait c’matin, saloperie, c’est pour ça que tu t’sauvais ; mais maintenant que je te tiens, j’vais te faire danser.

Là-dessus la commère, à mon grand étonnement, prit mon amie sous ses bras, et, en dépit de la rage de Goton qui cherche à égratigner et à ruer, elle lui lève ses robes et, sur son cul qu’elle avait fort gros, elle lui applique avec des brins d’osier une correction que je ne pus m’empêcher de trouver terrible. Goton poussait des cris épouvantables et joignait, à ces appels désespérés, des décharges postérieures non moins bruyantes. Son bourreau ne semblait faire attention qu’à la bien fouetter. Moi qui d’abord avait souffert une honte énorme à voir ainsi maltraiter mon amie, sans pouvoir m’interposer, je m’amusais maintenant à la voir ainsi se débattre, je prenais plaisir à regarder les grimaces de sa figure, les contractions de ses fesses et, dois-je le dire ? à l’entendre lâcher des pets sous les coups.

Le lendemain Goton vint encore me trouver, mais la démarche mal assurée, car la fessée avait endommagé son derrière et gênait ses mouvements ; elle avait encore les yeux rouges et gonflés et paraissait toute honteuse.

— Goton, lui dis-je, presque en la voyant, il faut que nous nous amusions bien aujourd’hui : jouons à la maîtresse d’école.

Je ne pouvais lui faire une proposition plus désagréable. Goton refusa absolument ; alors je lui dis qu’au lieu de faire la maîtresse, je ferais l’élève et que c’est elle qui administrerait la discipline au lieu de la recevoir. À cette condition elle consentit au jeu que je lui demandais, et elle se vengea sur ma peau avec des houssines épineuses de la correction qu’elle avait reçue la veille. Je goûtais je ne sais quelle singulière joie à me vautrer dans l’herbe, la tête par terre, et à présenter mes fesses aux cinglades de Goton. Puis voulant pousser plus loin le jeu, pour qu’on ne nous surprît pas, nous allâmes au fond d’un petit bois de pins qui se trouvait derrière la maison. Goton, qui jouait tout-à-fait bien son rôle de maîtresse de maison, me prit l’oreille et me souffleta en me disant, comme sa maman lui avait dit la veille :

— Eh ! salope, tu vas en avoir dans ton sale cul.

Alors, d’un coup de genou, et comme je ne me défendais que pour la forme, elle me fit m’étaler à plat ventre, le derrière en l’air ; trousse mes jupes, me met les fesses à nu, puis leur lance un coup terrible : c’est là que je l’attendais. Au moment où elle me frappe ma chair, je lui lâche, pour me venger, un pet qu’elle a certainement senti et entendu. Elle se mit d’abord à rire, mais voyant que, comme un vieux roussin, je continue ma musique du derrière, elle devient furieuse et me cingle les fesses sans interruption, tandis que je lui réponds à chaque coup par une nouvelle explosion de mon postérieur. À la fin, sur un coup trop fort, je me relève brusquement et je la fais tomber. J’allais lui rendre la correction qu’elle venait de m’administrer lorsqu’elle me demanda sa grâce d’une façon suppliante. J’avais relevé ses jupes, et le spectacle que m’offrait son pauvre cul me fit pitié. Pourtant le jeu me plaisait tellement qu’après une courte hésitation, je ne pus me refuser au plaisir de lui donner quelques cinglées qui, quoique légères, lui firent pousser de grands cris. Elle réussit enfin à m’échapper ; je la vis, avant que j’aie eu l’idée de la retenir, se glisser tout d’un coup sur les mains, se relever, rabattre ses jupons et se mettre à fuir à toutes jambes. Depuis, elle n’a jamais voulu revenir jouer avec moi, me trouvant sans doute trop cruelle. Heureusement qu’elle n’a rien dit, à sa maman, de nos jeux, ce que j’avais craint un instant.

Pendant quelques jours, j’ai donc été contrainte de jouer toute seule à la maîtresse d’école. Je montais dans une chambre de débarras qui se trouvait au second étage de la maison, et où il y avait une glace. Après avoir fermé la porte à clef, je m’agenouillais en tournant le dos à la glace, la tête renversée sur le plancher, de manière à voir l’image que réfléchissait le miroir. Alors me retroussant les jupes, je faisais à la fois la maîtresse et l’élève : mon derrière était à l’enfant coupable et mon bras à la correctrice. Je m’amusais aussi de voir mes fesses rougir sous les tapes que je leur donnais ; puis je me divertissais fort des grimaces que je faisais faire à mon cul, le tendant, le voyant se desserrer, avancer sa bouche plissée, l’ouvrir et lâcher des pets au miroir. À un certain moment, j’éprouvais un plaisir très vif, et je me pâmais sur le plancher, m’enfonçant un doigt dans le trou de mon derrière, tandis que de l’autre main je me pressais mon bouton. Je me divertis ainsi plusieurs jours à ce jeu, jusqu’à ce que, ayant rencontré ma tante comme je sortais de ma chambre, j’eus une si grande crainte d’être surprise et mon cœur battit si fort que je me jurai de ne plus recommencer : ma tante pourtant ne s’est jamais doutée de rien. Quand je suis allée voir Valentine, je lui ai demandé de jouer à la maîtresse d’école, et nous l’avons fait dans la chambre des servantes : je ne sais pourquoi j’avais moins peur d’être surprise chez elle que chez ma tante.

Valentine est d’ailleurs fort sale : un soir nous étions dans la charmille, elle lâche un gros pet.

— Tu ne m’accompagnes pas ? fait-elle.

Je la regardai en riant, mais un peu étonnée de cette liberté.

— Viens avec moi aux latrines, dit-elle alors, j’ai envie.

Je la suivis. Une fois entrées, nous fermons la porte à clef, puis Valentine retrousse jupes, robes, chemise et étale son cul qui est fort large. Alors elle me fit entendre une véritable musique avec son derrière. Des sons de flûte suivaient de longues et bizarres décharges d’artillerie, puis des notes vives, des voix de basses se succédaient au milieu de parfums peu délicats. À la fin, elle se courba le derrière en avant, et je vis un gros boudin jaune qui lui pendait entre les fesses. Elle fit tout le tour des latrines et dansant avec son étron au cul, et enfin montant sur le siège et s’accroupissant devant le trou, elle l’y laissa tomber.

— À ton tour, me dit-elle.

Mes mains sur les hanches je riais à gorge déployée, et le rire me secouait si bien le ventre que, malgré moi, je lâchai des pets au nez de Valentine qui s’était agenouillée devant mon cul et à chaque vent s’écriait :

— Celui-là sent le fromage, ou bien celui-là fleure le vieux chou.

Et nous riions toujours à qui mieux mieux. Enfin il a fallu me mettre sur le trône et y aller moi aussi de mon étron. Valentine regardait les crottes brunes tomber une à une dans le trou, annonçant celles qui étaient les petites, les moyennes et les grandes. Quand j’eus fini, elle me torcha elle-même le cul avec une feuille de papier, puis trouvant que le papier n’était pas bon pour cet office, elle me mit la langue dans le derrière. Je trouvais cela à la fois ignoble et délicieux.

Ayant une nouvelle envie, nous allions recommencer l’opération de compagnie — il y avait deux trous — et tâcher de faire s’accorder nos pets ensemble, tandis que nous frotterions du doigt notre petit bouton, quand Manon qui veille toujours sur nous, vint nous dire à travers la porte qu’on nous cherchait. Nous nous essuyâmes le derrière à la hâte, nous rabattîmes nos jupes, nous nous rajustâmes et sortîmes.

Valentine m’a conté alors un tour qu’elle a joué à une vieille dame dévote et prude qui était descendue au château chez sa belle-mère et devait y passer quelques jours. Il y avait un petit cabinet dans la chambre de cette dame, et dont la porte était condamnée. Valentine voulait lui faire croire que c’était une garde-robe qui servait de porte-manteaux. Le soir, quand la vieille dame fut couchée et commença ses prières, Valentine alla avec les servantes du château et étouffant leurs rires elles lâchaient le plus de pets qu’elles purent en ayant soin de les pousser retentissants. Elles avaient mangé haricots et navets en conséquence. À la fin Valentine, revêtue d’un grand drap noir, ouvre sans bruit la porte, se glisse en coup de vent auprès de la chandelle qu’elle éteint, et à la lueur du clair de lune qui éclaire la chambre, se troussant et se courbant, elle approche ses deux fesses découvertes du visage de la dame, et elle lui lâche au nez une dernière mais tonitruante pétarade, au risque de lui envoyer au visage autre chose que du vent, puis, vive comme l’éclair, elle disparaît. La vieille dame se levant alors, à la fois dégoûtée et terrifiée, se mit à prier le ciel, croyant que c’était le démon qui venait la tenter. Le lendemain, Valentine ayant recommencé cette farce, la vieille dame partit, n’osant dire pourquoi elle quittait si vite le château. Valentine déclara ce qu’elle avait fait à sa belle-mère qui rit beaucoup, la blâma un peu de son incongruité, mais en réalité fut fort satisfaite du départ de cette prude dont l’humeur ennuyait tout le monde.

CHAPITRE IV

Les pêches volées

Comme Manon était malade, elle a demandé à partir dans sa famille. Cette séparation m’a causé beaucoup de peine, Manon m’aimait tant ! Nous avons pleuré ensemble.

— Je reviendrai quand je serai bien, mamz’elle, m’a-t-elle dit.

En attendant, la servante qui la remplace me fait horreur. C’est une grande ricaneuse, qui a l’air de se moquer de moi. Qu’elle marche droit, ou sinon j’avertirai ma tante. Mais, j’y songe, ma tante voudra-t-elle m’écouter ? J’ai remarqué depuis quelques temps un grand changement dans ses manières d’être avec moi. Sans doute elle n’a jamais été bonne, ni douce, mais si elle m’adressait des reproches, c’était tranquillement et sans une menace, comme elle fait à présent. Elle me donnait bien parfois, et même assez souvent, des claques, mais c’était par vivacité, elle le regrettait presque ensuite, et si elle me menaçait du fouet, elle ne me l’avait jamais donné qu’une fois, quand j’étais toute petite et du temps que ma pauvre maman vivait. Or, maintenant je vois qu’il suffirait d’un léger manquement à mon devoir pour qu’elle m’administrât la correction. Manon prétend que c’est l’abbé Plancheteau, le confesseur de ma tante, qui est cause de ce changement. Il est venu, il y a quelques jours, à la maison, et Manon a entendu une partie de la conversation qu’ils ont eue dans le salon.

— Elle est paresseuse, désobéissante, emportée, a dit ma tante en parlant de moi.

— Eh bien ! a répondu le Plancheteau, il faut lui donner le fouet. Vous savez les paroles du roi Salomon : « N’épargnez point la correction à l’enfant ; vous le frapperez avec la verge, et vous délivrerez son âme de l’enfer. »

— Vous avez raison, mon père, a repris ma tante, je vois que je ne l’ai pas traitée jusqu’ici avec assez de sévérité. Mais soyez sûr que dans l’avenir vous n’aurez rien à me reprocher.

Le vilain homme ! je le déteste. Je n’étais pas trop malheureuse chez ma tante, et maintenant je sens que la vie va être terrible pour moi… c’est ce méchant prêtre qui en sera la cause.

Moi qui m’amusais tant à jouer au fouet avec Valentine et la petite Mathurine, voici que l’idée que je puis le recevoir pour tout de bon me couvre de honte et me gâte mes plus agréables récréations. L’autre jour, ma tante, en se mettant à table, devant Rosalie, cette nouvelle domestique que je hais de plus en plus, a tiré de dessous son manteau un martinet de cuir :

— Je l’ai acheté pour vous, Mademoiselle, m’a-t-elle dit, je vois que la bonté ne vous profite point, et que, n’étant pas meilleure que les autres enfants, vous avez besoin comme eux de certains remèdes cuisants que je ne me ferai pas faute de vous appliquer. Oui ! vous sentirez la vertu de ces lanières, je vous le prédis, si vous continuez à vous conduire comme vous l’avez fait jusqu’ici. Voyez, les bas que je vous avais donnés à tricoter, ils ne sont pas encore achevés ! Si, ce soir, vous ne les avez pas finis, vous aurez du martinet, soyez-en sûre. Pour le moment, qu’il vous suffise de regarder l’instrument, vous saurez ainsi à quoi vous vous exposez par votre paresse et votre désobéissance.

Jamais je n’avais été si humiliée, je ne touchai pas au dîner, malgré les ordres et les menaces de ma tante. Je sentais arrêté sur moi le regard narquois de Rosalie, et j’eusse voulu rentrer sous terre. Aussi je travaillai toute la journée à ces bas, sans oser lever les yeux. Quand le soir je les eus achevés, je les montrai à ma tante qui me dit :

— Allons, c’est bien, quand vous vous conduirez comme vous le devez, vous savez que vous n’aurez rien à craindre de moi, je ne serai sévère que lorsque vous m’y contraindrez.

Malgré ces paroles, l’impression du matin ne s’est pas dissipée, je sens que je suis au pouvoir d’une femme qui peut, d’un moment à l’autre, m’infliger une punition ignominieuse, et j’en suis anéantie. Je me suis couchée à la hâte, baissant ma chemise avec soin sur mes jambes, comme pour me garantir des coups à venir, et me blottissant dans mon lit, me faisant bien petite, j’ai essayé de m’endormir.

Je vais rappeler d’horribles moments ; heureusement que je viens de voir mon amie Valentine et que cette visite m’a fait un peu oublier les douloureuses émotions que j’ai ressenties avant-hier.

Je commençais à oublier les menaces de ma tante et à retrouver ma gaieté que Manon, en partant, semblait avoir emportée avec elle. Ma misérable gourmandise m’a perdue.

Ma tante, qui voulait donner un dîner à plusieurs amies, gardait pour ce repas plusieurs belles pêches qu’elle laissait à l’espalier, et qu’elle se proposait de cueillir seulement le jour de son dîner. Sans m’avoir défendu particulièrement d’y toucher, je savais qu’elle ne me permettait jamais de manger des fruits sans sa permission, seulement je ne devais pas prendre ceux du jardin, mais encore ceux de l’office, dont d’ailleurs je n’avais pas la clef.

Mais comme je me promenais dans le jardin et que je voyais ces belles pêches, je ne pus m’empêcher de vouloir en manger une ou deux : leur peau empourprée les rendait si appétissantes ! Je pensais que comme on avait souvent parlé devant moi de maraudeurs qui volaient tout dans le pays, on serait porté à mettre le vol des pêches sur leur dos, et qu’on ne me soupçonnerait point, je choisis donc un moment où ma tante n’était pas à la maison pour cueillir les pêches. Non seulement j’en pris deux comme j’en avais d’abord l’intention, mais six des plus belles. Je les cueillis à la hâte et me sauvai pour les manger dans les latrines dont je fermai la porte à clef. Puis, m’asseyant sur le siège, je savourai ces fruits qui étaient excellents. Comme je mangeais la dernière pêche, voici que j’entends ma tante qui descendait dans le jardin. Elle appela Rosalie qui se trouvait dans la cuisine :

— Vous avez pris les pêches, Rosalie ?

— Oh ! Madame, fit Rosalie d’une voix indignée.

Je commençais à avoir peur et à trembler de tous mes membres ; je résolus de ne pas sortir des latrines avant que ma tante ait quitté le jardin, et comme j’avais un besoin pressant, je profitai de l’endroit. Je relevai mes jupes et me soulageai. Je finissais à peine quand j’entends ma tante demander à Rosalie où j’étais.

— Mamz’elle est dans les latrines, répond la fille.

Aussitôt ma tante m’appelle à grands cris. J’étais morte de peur ; je laisse tomber mes jupes, sors vivement et me mets à courir pour retrouver ma tante, qui me dit en m’apercevant :

— C’est vous, Mademoiselle, qui avez volé ces pêches ?

Malgré ma frayeur, je prends un air d’innocence et lui réponds sans hésitation :

— Non, ma tante, c’est Rosalie qui les a volées, je l’ai vue…

Tant d’assurance de ma part égare ses soupçons ; elle ordonne à Rosalie de venir :

— Vous entendez, lui dit-elle, on vous accuse.

— Faut-il mentir pareillement ! s’écrie la fille, j’ai vu, de mes yeux vu, mamz’elle Rose cueillir les pêches, les mettre dans ses poches et se cacher pour les manger dans les latrines… Et tenez, ajouta-t-elle, en v’là la preuve.

À ces mots elle a pris sur moi un noyau qui s’était accroché dans les plis de ma robe. Je ne pouvais nier. Je ne savais où me mettre, tant j’avais de frayeur à l’idée de ce qui allait se passer : je prévoyais une scène terrible. En effet, ma tante, après une minute d’étonnement et de silence, éclata :

— Ah ! petite misérable, c’est ainsi que vous joignez la désobéissance au vol et à la calomnie ! mais vous allez expier tout cela, je vous le promets. Agenouillez-vous d’abord devant Rosalie et demandez-lui pardon de votre abominable mensonge.

Je voulus me révolter contre l’humiliation qui m’était imposée, de m’agenouiller devant une domestique, et je restais debout, mais ma tante, d’une main me prit l’oreille, et de l’autre, pesant sur mes épaules de toutes ses forces, me força de m’agenouiller.

— Voulez-vous demander pardon ? dit-elle. Mais comme je restais muette, elle me donna un soufflet en pleine figure. J’éclatai en sanglots.

— Voulez-vous demander pardon ? fit-elle encore en me donnant un second soufflet.

Pour du coup, je dis d’une voix étouffée :

— Pardon !

— Mieux que cela, fait ma tante, il faut dire : pardon ma bonne Rosalie.

J’hésitais, on m’administra un troisième soufflet en même temps qu’un vigoureux coup de pied dans le derrière qui me fit pousser un cri de douleur.

Enfin, menacée de nouveaux coups, je m’exécute, puis, me relevant aussitôt, je m’apprête à m’enfuir.

— Voulez-vous venir ici ! dit ma tante.

Je reviens sur mes pas, mais voyant qu’on prend un balai, et me doutant de ce qu’on se propose d’en faire, je me mets à courir dans la direction de la porte à claire-voie qui donne sur la route. Ma tante alors court après moi et me rattrape par ma robe au moment où j’allais me sauver.

— Ah ! vous croyez que c’est fini pour vous, misérable petite voleuse ! vous vous trompez. Il y a trop longtemps que votre derrière n’avait goûté des verges ! cette fois du moins il ne se plaindra pas : il aura sa pitance.

Et comme Rosalie veut s’en aller, ma tante continue :

— Revenez Rosalie : il faut que vous assistiez à la correction de cette peste-là. Ah ! vous voulez vous enfuir, eh ! bien, pour que vous ne vous échappiez pas, vous aurez le fouet ici dans le jardin, devant votre servante, devant tous les gens qui passent sur la route et qui vont vous voir corriger pour votre plus grande honte. Allons ! à genoux !

Une seconde fois me voici forcée de m’agenouiller sur le sable qui me pique la peau. Il me faut baisser la tête jusqu’à terre et comme je ne veux pas rester dans cette position, Rosalie reçoit l’ordre de me tenir les mains et de m’administrer un bon soufflet toutes les fois que je ferai mine de me relever. Cette menace est la plus horrible : Être battue par les mains sales d’une servante ! J’en rougis encore.

Cependant ma tante s’est placée au-dessus de moi, ses jambes enserrant mon corps, elle se courbe vers mon derrière, elle relève mes robes et mes jupes d’une main preste et s’apprête à me relever aussi ma chemise. Mais alors un spectacle peu agréable s’offre à ses yeux. J’étais sortie si brusquement des latrines que je n’avais pas pris soin de m’essuyer le derrière ; il y restait de la crotte et le coup de pied que m’avait donné ma tante avait enfoncé ma chemise entre mes fesses où elle restait poissée. À cette vue, ma tante devint plus furieuse encore.

— Vilaine sale, abominable dégoûtante, dit-elle, je vous apprendrai à vous présenter ainsi devant moi. Regardez-moi cette horreur !

Mais la crotte ne l’empêcha pas de décoller ma chemise, de la relever et de découvrir mon derrière. Quel coup elle me donna pour commencer, mais j’avais à peine eu le temps de le sentir que j’en reçus un second, puis un troisième, et une vingtaine comme cela sans interruption. Je poussais des cris déchirants. Je ne pouvais faire un mouvement, ayant les mains et les épaules maintenues par Rosalie, le ventre tenu par ma tante, et je devais laisser mes fesses en l’air, bien ouvertes, souffrir cet épouvantable supplice du fouet dont j’avais pu, je me demande comment, quelques jours avant m’amuser. Je hurlais comme une possédée et dans ma douleur je faisais de si grands efforts pour échapper à mes bourreaux que je parvenais à me remuer un peu, mais sans profit pour moi. Les coups tombaient sur la fesse gauche au lieu de m’atteindre sur la droite, ou même sur la peau sensible du trou ou de l’entre-cuisses, et c’était tout ce que je gagnais. À la fin, ma tante m’enserra si étroitement de ses bras que je ne pus remuer ; tous les mouvements qui m’étaient permis de faire c’étaient ceux d’ouvrir ou de fermer mon pauvre cul, d’écarter ou de rapprocher les cuisses. La honte à laquelle j’avais été si sensible d’abord disparaissait devant la souffrance ; et j’étais si indifférente alors à toute idée d’amour-propre que sans y prendre garde je lâchai au nez de ma tante deux pets qui la mirent hors d’elle-même. Je n’eus conscience de son incongruité qu’à la figure de Rosalie qui ne put s’empêcher d’éclater de rire de leur retentissement malhonnête. La position où j’étais, les jambes écartées et la tête en bas, le vent qui me soufflait au derrière, la façon dont ma tante me pressait le ventre, tout cela ne m’eût pas permis de retenir mes vents, ma tante en fut pourtant indignée.

— Puante ordure, fit-elle, c’est trop fort de me manquer à ce point !

Et m’écartant les fesses, elle me cingla la chair à l’endroit coupable, sur les parois mêmes du trou indiscret. Je rugis, je me tordis. Il fallut toutefois supporter aussi le fouet dans cette partie sensible, après avoir eu les fesses et les cuisses toutes meurtries. Le sang coulait, le balai était brisé, ma tante était fatiguée de me fouetter, elle cessa enfin la correction, mais avant de me laisser aller, elle se fit apporter un bol rempli de vinaigre et m’épongea le derrière. La cuisson fut horrible. Ma croupe fit alors un si brusque mouvement que le bol de vinaigre s’échappa des mains de ma tante et que je me relevai et m’enfuis au milieu des rires des gens du village qui venant à passer devant le jardin avaient assisté à ma correction et s’en étaient divertis. J’allai me cacher dans ma chambre, où je me jetai sur mon lit à plat ventre et pleurai : je ne pouvais plus m’asseoir sur mon postérieur, tant il me faisait mal. Pourtant malgré mes souffrances, mes yeux rouges et bien que je fusse condamnée au pain et à l’eau pour huit jours, je dus me présenter au dîner. Ma tante prit soin de dire à tous ses invités que j’avais reçu le fouet et la honte de voir tous ces regards railleurs attachés sur moi me fit presque autant souffrir que la correction que j’avais reçue dans la journée. Pour augmenter mon humiliation, à la fin du dîner, ma tante sentant une mauvaise odeur, s’imagina que je n’avais pas changé de chemise et que je ne m’étais pas lavé le derrière, et elle me troussa au milieu de tous ses invités qui purent voir, de la sorte, mes fesses rouges et rayées par les verges.

— Je crois qu’elle a eu une bonne fessée, dit-on autour de moi. On ne trouva pas d’autre parole de consolation.

Hier matin, comme je souffrais encore du fouet que ma tante m’avait donné la veille et que je restais au lit, elle est venue, le martinet à la main, et prétendant que je devais être levée à cette heure, elle m’a fait m’étendre sur le ventre, a repoussé le drap et levé la chemise et puis, sans égard pour mon pauvre cul, m’a appliqué sept ou huit coups qui ont augmenté encore ma souffrance.

— Puisque vous n’avez pas dans la tête la pensée de bien faire, il faut que vous l’ayez dans le derrière, a-t-elle dit. Vos fesses fouettées vous rappelleront votre devoir.

Je me levai, me retenant à peine de crier. J’étais anéantie, je n’osais lever les yeux ni la tête, et je craignais qu’elle me vît pleurer.

— Ah ! disais-je, si maman était là !

Aujourd’hui Valentine est venue, je ne lui ai point dit ce qui m’était arrivé, j’en aurais eu trop de honte ; quoiqu’elle eût remarqué mes yeux rouges, elle se doutait si peu de ce que j’avais reçu, qu’elle me demanda de jouer à la maîtresse d’école. Naturellement je refusai, je ne pouvais plus d’ailleurs m’amuser de ce que j’avais à craindre à présent à chaque instant, et je ne voulais pas non plus qu’elle sût que j’avais eu le fouet. Mais comme elle s’étonnait que j’eusse la démarche gênée, il a fallu que Rosalie qui passait dans la chambre lui en dît la raison. Valentine — et cela m’a rendu furieuse contre elle — s’est mise à rire de mon malheur :

— Alors tante a fait pan-pan sur le cu-cu, m’a-t-elle dit.

— Voyons, voyons comment tante a arrangé les fesses de Rose.

Et avant que j’eusse eu le temps de l’en empêcher, elle était à genoux derrière moi, me soulevant les jupes, et regardait mon postérieur. Aussitôt, voyant la trace des verges, elle s’est relevée et m’a embrassée.

— Ma pauvre chérie ! s’est-elle écriée.

Je lui ai rendu son baiser. Voici la conversation que nous avons eue alors.

— On ne t’a jamais fouettée, toi ?

— Jamais, a répondu Valentine.

— Ah ! tu es heureuse… Il est vrai que ça t’arrivera peut-être un jour.

— Je ne crois pas, ma belle-mère n’aime pas donner la fessée, elle le disait encore hier.

— Mais ma tante ne me fouettait jamais avant la semaine dernière.

— Oh !

— C’est la vérité.

— Moi, on n’oserait pas me fouetter, je mordrais, je donnerais des coups de pied, je pisserais, lâcherais des pets et même mieux que cela, je…

J’ai regardé Valentine : je l’aime bien, mais elle est si vaniteuse que je voudrais qu’elle fût fouettée comme moi, oui : je verrais alors la figure qu’elle ferait : cela m’amuserait.

CHAPITRE V

Valentine se brouille avec l’amant
de sa mère.

Paris, Novembre 1774.

Nous sommes de retour à Paris ainsi que Valentine.

J’ai bien cru qu’aujourd’hui elle allait le recevoir. J’étais chez elle, et nous jouions dans le salon aux dominos, sur le sopha, devant une petite table. Bientôt entrèrent dans la pièce, la belle-mère de Valentine et un jeune homme, vêtu d’un habit bleu de roi, ayant des bas de soie blancs et une cravate de dentelle. Ils s’assirent tous les deux au bord de la table, sans nous voir et sans que Valentine, occupée de construire des châteaux avec des dominos, se doutât de leur venue. Le haut dossier du sofa nous cachait à leur vue, et comme ils nous tournaient le dos, je pouvais me pencher en dehors du sopha et les regarder sans trop risquer d’être surprise. Ils n’avaient d’ailleurs pas l’air de vouloir faire attention à autre chose qu’à eux-mêmes, bien qu’ils ne se parlassent point. Le jeune homme était très empressé près de madame Dangevert et je crois qu’ils se sont donné un baiser lèvre à lèvre, comme nous faisons quelquefois Valentine et moi. Même j’ai vu qu’il lui mettait sa langue dans la bouche, puis il lui a pris la main et lui a fait toucher sa culotte qui était très gonflée. Mme Dangevert s’est mise alors à rire, tandis qu’à son tour le jeune homme avançait sa main entre les cuisses de son amie, J’observais la scène le cœur battant, je ne pouvais pas croire qu’ils fissent ce que je faisais moi-même avec Valentine et cependant le jeune homme se rapprochait, se rapprochait de plus en plus de madame Dangevert qui levait les yeux au ciel et poussait des soupirs. Tout d’un coup je la vis étendre la main brusquement vers le bas du ventre du jeune homme, la plonger dans une fente qui devait s’y trouver, la retirer violemment et secouer avec fureur quelque chose que je ne pouvais pas discerner. Mais à ce moment Valentine remua la table pour faire tomber le château de dominos qu’elle venait d’y élever, en criant :

— Voilà le tonnerre !

En même temps elle leva la cuisse et fit partir, sous ses jupes, un pet retentissant et tout chargé d’odeur. À ce bruit malhonnête, madame Dangevert et son ami se levèrent soudain de leur siège, mais après le premier moment d’étonnement et de confusion, ils se dirigèrent vers le canapé.

— Que faisiez-vous là, Mademoiselle ? dit madame Dangevert à Valentine.

— Mais nous jouions, maman, répondit Valentine.

— Et c’est vous qui avez fait ce pet ?… Oh ! bien, vous allez vous promener dehors, je vous apprendrai à être aussi malpropre !

— Ah ! mon amie, fit alors le jeune homme, tant que vous ne voudrez pas corriger cette méchante fille, elle en fera bien d’autres.

— La corriger, j’y consens, comment ?

— Ce n’est pas difficile, reprit le jeune homme. Vous la prenez sous votre bras, retroussez ses robes, levez sa chemise et lui donnez sur les fesses de bonnes cinglades de verges jusqu’à ce qu’elle demande grâce.

Valentine tremblait pendant cette conversation, et se voyait déjà recevant la fessée, mais elle en fut encore cette fois quitte pour la peur.

— Que vous êtes cruel, Henri, dit madame Dangevert !… eh puis ! si elle s’avisait de me péter au nez, pendant que je lui donnerais la fessée, croyez-vous que ce ne serait pas désagréable pour moi.

Ils se parlaient en riant sans faire attention à nous. Enfin, madame Dangevert vint prendre Valentine par l’oreille et lui dit en la mettant à la porte.

— Vous êtes avertie, mademoiselle. Si vous recommencez vos incongruités, vous aurez le fouet. C’est la cuisinière qui vous le donnera. Elle a la paume solide et rugueuse. Vous devez penser si en sortant de ses mains vous aurez les fesses en bon état.

Lui ayant parlé de la sorte elle referma la porte sur nous et je les entendis rire aux éclats. Valentine, en sortant du salon, demeura toute honteuse et n’osa plus jouer. Tout de même elle ne l’a pas encore eue la fessée ! Il paraît que le jeune homme qui était avec sa belle-mère lui en veut parce qu’elle est toujours à le regarder lorsqu’il est avec sa belle-mère.

Aujourd’hui ma tante a reçu une lettre de madame Dangevert. Elle lui disait que sa belle-fille devenait insupportable et qu’elle avait l’intention de s’en séparer et de la mettre dans un couvent dont elle connaissait la supérieure — femme religieuse et instruite. Ma tante avait aussi depuis longtemps l’idée de me mettre au couvent. Elle reculait pourtant toujours devant l’exécution de ce projet, partagée entre l’idée du soulagement qu’elle aurait à se débarrasser de moi et celle du plaisir qu’elle ressentait à gouverner elle-même mon éducation. Mais cette lettre l’a décidée. Elle est donc allée voir ce soir madame Dangevert et elle m’a déclaré que dans dix jours je quitterais la maison et que j’entrerais avec mon amie Valentine aux Dames Noires de Corbeil. Quelle chance ! La supérieure et les religieuses auront beau être sévères, elles ne le seront pas plus que ma tante, n’est-ce pas ? Et, puisque Manon n’est plus ici, je m’en irai sans regret.

CHAPITRE VI

Le Couvent de Corbeil

Mai, 1775. Couvent des Ursulines à
Corbeil.

J’ai quitté la maison aujourd’hui. La belle-mère de Valentine nous a emmenées toutes deux en chaise de poste jusqu’à Corbeil, où se trouve le couvent où nous devons entrer. Il faisait très chaud, et de temps en temps un vent brûlant soulevait des tourbillons de poussière sur la route. Le mouvement de la voiture m’assoupit, je me penchai sur Valentine, et me laissai aller au sommeil. Quand je me réveillai, j’avais les mains entre ses fesses. Valentine qui était triste de quitter Paris, ne put s’empêcher de rire au mouvement que je fis pour me dégager. Madame Dangevert le remarqua, nous fit des observations sur notre indécence et nous ordonna de mieux nous tenir. Nous nous regardâmes en rougissant. Cependant nous penchions la tête par la portière pour voir le pays qui borde la route, car il est fort agréable, traversé de cours d’eau et très boisé. Le vent nous apportait des odeurs de foin coupé et de chèvrefeuille que nous respirions avec délices.

Enfin nous arrivâmes. Le couvent est situé au fond d’une large avenue de hêtres : il est tout entouré de murs et se compose d’un corps de bâtiment de neuf fenêtres de façade, d’un grand jardin potager, de deux cours pour les jeux des élèves, d’un jardin de promenade et de charmilles.

On nous conduisit dans la chambre de la mère supérieure qui, après avoir causé avec Madame Dangevert pendant quelques minutes, nous fit avancer et d’un regard sévère nous considéra toutes deux avec attention, de la tête aux pieds :

— Si ce sont de bonnes filles, dit-elle à Madame Dangevert, elles ne seront point malheureuses ici, mais si elles ne veulent pas suivre le droit chemin, elles auront la vie dure.

— Oh ! répondit Madame Dangevert, ce ne sont pas de méchantes enfants ; seulement elles ont besoin qu’on veille d’un peu près sur elles.

— Soyez persuadée que nous n’y manquerons pas, fit alors la sœur.

L’entretien se termina là. Madame Dangevert nous embrassa et remonta en voiture. Nous entendîmes le roulement de la chaise de poste avec une profonde tristesse.

La mère supérieure appela alors une des sœurs qui travaillait dans sa chambre et lui chuchota quelques mots si bas que nous n’entendîmes pas. Cette religieuse nous pria de la suivre, nous disant qu’elle allait nous faire connaître notre nouvelle demeure, nous présenter à nos condisciples et nos maîtresses.

Comme nous passions dans la cour, devant une porte entrouverte, nous entendîmes des cris perçants et nous vîmes une grosses fille d’une quinzaine d’années, les joues rouges et tout en pleurs, qui se débattait sous l’étreinte d’une sœur qui lui faisait présenter à toute la classe, encadré de ses jupes troussées, un fessier charnu où les verges avaient laissé des traces sanglantes. Valentine se mit à rire comme à un spectacle très divertissant, mais moi qui songeais que demain peut-être on me traiterait de la même façon, j’eus un serrement de cœur. La religieuse nous entraîna.

Elle nous mena au dortoir où étaient nos lits. La chambre était assez gaie ; chaque lit était fermé de rideaux blancs. À côté il y avait une petite table pour la toilette et deux chaises.

Les cinq fenêtres de cette chambre donnaient sur un grand balcon où les pensionnaires et les religieuses avaient mis des pots de fleurs et accroché des cages où il y avait des serins et des perruches. Au loin on apercevait les bois qui entouraient le couvent. Je fus heureuse d’apprendre que je coucherais dans la même chambre que Valentine. Après nous avoir fait visiter le réfectoire, la mère nous présenta à une religieuse qui devait nous apprendre le catéchisme. Celle qui allait nous faire la classe n’arrivait que le lendemain, étant en vacances. Les élèves étaient encore en classe quand nous arrivâmes : nous ne les vîmes qu’au souper à sept heures. J’avais faim et je mangeai avec appétit, mais je ne pus m’empêcher de m’attrister en constatant que ce repas n’était composé que de légumes et de laitage et que nous ne pouvions boire du vin. On ne parlait pas pendant le repas, et la religieuse qui présidait nous lut la vie de sainte Catherine, où le supplice de la sainte, attachée sur une roue garnie de pointes, me fit grand-peur. J’étais assise avec mes nouvelles compagnes sur des bancs sans dossier. À un moment, l’une de nous se permit de causer, la sœur s’en aperçut, interrompit sa lecture, fit sortir la délinquante du banc, lui donna un soufflet et lui dit de se mettre à genoux au milieu du réfectoire, ce qu’elle fit en pleurant. La pauvre fille dut manger du pain sec pour son souper.

Je remarquai mes voisines de table, l’une d’elles paraissait très bonne et très douce, mais les autres avaient l’air malicieux et railleur et semblaient nous jeter, à moi plus encore qu’à Valentine, des regards narquois.

Le souper fut vite terminé, nous nous agenouillâmes alors pour faire la prière. Comme je ne savais pas ce qu’on récitait, je ne répondais pas avec mes voisines ; une religieuse qui était près de moi s’en aperçut et m’ordonna, sur un ton sévère, de répondre ; je marmottai alors quelques mots sans savoir ce que je disais.

Après le souper, des élèves s’échappèrent à la hâte pour aller aux latrines ; j’y fus moi aussi ; seulement je dus attendre mon tour à la porte, et presque me disputer avec une élève pour y entrer. Il y avait six trous et les cinq étaient occupés par des grandes filles et des fillettes qui, les chemises et les jupes troussées, lâchaient des pets avec un grand sérieux et comme si elles avaient été seules. Malgré ma honte, je me troussai, moi aussi, et je tournai mon derrière vers le trou ; c’est alors qu’un vent, dont je voulus étouffer le bruit, s’échappa avec grand fracas et fit se détourner vers moi mes cinq voisines qui éclatèrent de rire ; j’étais toute rouge et si confuse que, sans me soulager le ventre, je me relevai aussitôt, laissai tomber mes jupes et sortis en courant.

Il était neuf heures et déjà tout était obscur dans la cour du couvent. Je reconnus à grand-peine l’escalier du dortoir. Comme je le montais, je sentis quelqu’un qui me saisissait le derrière et me le pinçait ; je me détournai et je reconnus une de mes voisines de table qui riait sous cape. Je parvins à me dégager, montai à la hâte au dortoir et me glissai dans mon lit où je ne tardai pas à m’endormir, malgré la nouveauté des lieux et des personnes avec lesquels je venais de faire connaissance. Comme je me réveillais le lendemain avant que la religieuse qui se trouvait dans le dortoir eût sonné la cloche, je sentis un baiser sur la bouche et deux bras qui m’entourèrent le cou ; c’était Valentine qui s’était levée de son lit pour m’embrasser.

Le réveil est à six heures du matin. On fait la prière, on descend à l’étude travailler jusqu’à huit heures ; nous assistons ensuite à la messe que vient dire l’aumônier du couvent, nous déjeunons, puis nous avons une leçon que nous donne une des sœurs. À une heure a lieu le dîner, et après le dîner la récréation. Commencées, les classes ne finissent qu’à sept heures, au moment du souper.

Nos devoirs consistent en des calculs et des dictées sur l’histoire sainte ou sur le catéchisme, que nous devons apprendre par cœur. On nous enseigne aussi à coudre les vêtements, à les repriser, à tricoter des bas, à faire de la dentelle.

Il y a deux grandes récréations toutes les semaines, où les sœurs emmènent à la campagne les élèves qui n’ont pas eu de mauvaises notes dans la semaine.

À la récréation d’aujourd’hui, j’ai causé avec une de mes petites voisines de classe, qui porte le nom de Charlotte Coutheau, et dont j’avais un peu peur d’abord, parce qu’elle a des yeux très malicieux et qu’elle rit sans cesse comme si elle se moquait de tout ce que font les autres, mais j’ai vu qu’elle était moins méchante que je me l’imaginais. Elle m’a raconté les aventures qui lui sont arrivées à sa dernière promenade.

Elle était partie avec la sœur tourière et une camarade de classe pour une ferme qui se trouve à une lieue et demie. La sœur devait faire un marché avec la fermière. Rendue là-bas, voici que Charlotte aperçoit un âne qui était attaché à la barrière ; pendant que la religieuse et la paysanne faisaient leurs comptes, ma Charlotte, qui n’a peur de rien, détache l’âne, casse une branchette, saute à califourchon sur son dos et hop ! hop ! à grands coups de badine, elle le fait trotter : mais mon âne ne voulait pas aller où Charlotte le conduisait ; le voici, tout d’un coup, qui se met à galoper vers un champ voisin. Il brise la clôture, saute dans le champ et court sur une ânesse qui était à paître. Charlotte, avec épouvante, le voit se dresser tout debout et se jeter sur le derrière de l’ânesse qui lève la tête mais ne bouge pas. La pauvre fille se tenait à grand-peine, embrassait le cou de l’animal et lui serrait les flancs le mieux qu’elle pouvait ; soudain l’âne retombe, les deux pattes en avant, sur la croupe de l’ânesse, tandis que son arrière-train se met à s’agiter et lâcher des pétarades comme un vrai derrière de roussin. Mais Charlotte, qui n’avait pas envie de rire, poussait des cris terribles qui ont fait accourir à son secours la fermière et la sœur. La paysanne n’a rien dit, mais il paraît que la sœur a donné à Charlotte de grands soufflets, elle lui avait même promis le fouet et avait déjà relevé les jupes, quand elle a vu passer M. le curé de C. qui se promenait dans le pays. Par décence, elle n’a pas voulu lui montrer un derrière de fille et elle a laissé Charlotte s’enfuir, le fessier sauf. C’est alors que mon amie, qui venait d’éprouver de grandes émotions, s’est sentie prise, comme cela arrive souvent dans de telles occasions, d’un besoin pressant. Elle s’est dirigée vers un petit chemin creux très ombragé qui bordait la route et là, a tourné son cul à la haie, puis relevant bien haut ses robes et sa chemise, elle s’est accroupie. Quelle frayeur n’a-t-elle pas eue, comme elle venait de commencer l’opération, lorsqu’elle a senti quelque chose de froid qui s’enfonçait dans son derrière ! Elle s’est relevée aussitôt en poussant un cri et alors elle s’est sentie mordue légèrement à la fesse. Se détournant brusquement, elle a vu, derrière elle et le nez dans ses jupes rabattues, un gros chien de berger à poils noirs qui semblait ne pas vouloir la lâcher. Pensant qu’elle ne pourrait pas s’en débarrasser autrement, elle s’est accroupie de nouveau, ayant toujours le chien à son fessier et elle a continué de se soulager le ventre ; l’animal, non seulement n’a pas perdu une bouchée de l’étron qu’elle a pondu, mais il a évité à Charlotte le soin de se torcher elle-même, et, d’une langue habile, il lui a nettoyé les parois des fesses d’une si aimable façon, que Charlotte a senti du plaisir et que voulant rendre sa jouissance plus complète, elle s’est mise à se chatouiller le devant avec son doigt, tandis que le bon chien lui léchait toujours les parois de ses fesses et sa petite fente, comme s’il eût eu, là aussi, de la pâte qui lui convînt. Enfin, Charlotte s’est relevée, le cul net, et le chien ne trouvant plus rien pour son goûter, a laissé Charlotte, non sans lui avoir léché la figure en remerciement. Mais, comme Charlotte rabaissait ses jupes, sa petite camarade est venue et lui demanda ce qu’elle était à faire. Charlotte le lui a dit et n’a pas manqué de lui parler du chien : « Tiens, a dit Thérèse (c’est ainsi que s’appelait cette fille), je vais voir s’il va aimer ma charcuterie comme il aime la tienne. » Et la voici qui, elle aussi, se trousse et se met en position, et qu’une grosse saucisse jaune paraît presque aussitôt au trou de son cul. Le chien n’a pas plutôt flairé l’odeur qu’il se précipite aux fesses embrenées de Thérèse et, d’un coup, il avale la friandise ; le trou de Thérèse se rouvre encore plein de pâte et le chien, très pressé, introduit sa langue jusqu’au fond. Pour du coup, ma Thérèse n’y tient plus ; elle éclate de rire à ce chatouillement et c’est à peine si elle a la force de s’appuyer au fossé pour ne pas tomber, mais, ô malheur, c’est que la sœur passait par là ; elle aperçoit tout le tableau, sauf, heureusement, la spectatrice Charlotte qui, entendant des pas, s’était cachée derrière un arbre. Scandalisée, la sœur commence par lancer une pierre à la tête du chien qui se sauve en hurlant, puis, saisissant Thérèse par l’oreille, elle la jette à travers le chemin, ventre par terre, derrière en l’air, arrache du fossé une touffe de genêt et, sur le cul que semble lui offrir Thérèse dans cette position, elle se met à fouetter jusqu’au sang la malheureuse qui, de peur et d’envie, lâcha tout ce qu’elle avait besoin de rendre au nez de la sœur. Cette furie, sans prendre garde au spectacle dégoûtant qu’elle a sous les yeux ni aux cris déchirants de Thérèse, continue à lui hacher le fessier. Sans l’intervention de la fermière qui accourut aux cris, je ne sais si Thérèse aurait pu marcher de quinze jours. Lorsqu’elles sont revenues au couvent, l’indécence de Thérèse était si honteuse, que la sœur, pourtant, n’en a point parlé à la sœur supérieure, mais on a bien vu, aux yeux rougis et à la démarche de la pauvre fille, qu’elle avait eu une terrible correction. Pourtant, son châtiment ne s’est pas borné à une seule fessée. Le soir, en se couchant, son derrière lui cuisait si fort qu’elle s’est mise à sangloter, et la surveillante du dortoir, furieuse du bruit qu’elle faisait en gémissant et en se remuant dans sa couche, est sortie de son lit, a couru vers elle et, levant le drap, la chemise, a forcé Thérèse à s’étendre sur le ventre ; elle lui a encore claqué son pauvre cul ensanglanté, aux grands cris de Thérèse et grands rires de ses camarades qui n’avaient point pitié d’elle et qui, d’ailleurs, à la faible lueur de la lampe, ne pouvaient pas voir combien ses fesses étaient endommagées. Seulement, Charlotte qui est une bonne fille, lorsque la surveillante a été endormie, au risque de recevoir le fouet elle-même, s’est approchée, sur la pointe du pied, du lit de Thérèse ; elle l’a embrassée et lui a mis dans la bouche deux pralines d’une boîte que sa marraine lui avait envoyée.

Il y a huit jours que cette scène s’est passée, puisque c’était la veille de mon arrivée au couvent, et j’ai remarqué que cette pauvre Thérèse avait encore beaucoup de peine à marcher, et que, quand elle était assise, elle remuait sans cesse, probablement parce que ses fesses lui faisaient encore mal. Enfin, ce soir, me trouvant aux latrines avec elle, j’ai vu qu’elle souffrait en se soulageant et que le trou de son derrière était rouge et tout écorché. Pauvre Thérèse ! pourvu que ces méchantes sœurs ne me fouettent pas comme elle !

CHAPITRE VII

Comment je m’amusais au dortoir
avec Valentine

Jai eu grand peur lundi dernier. Comme la mère venait de dire la prière et avait éteint la lampe du dortoir, je m’étais glissée dans mon lit où je me préparais à dormir. Soudain j’ai senti un corps près de moi ; j’ai été tellement saisie que j’en tremble encore maintenant quand je songe à l’émotion que j’ai éprouvée. J’allais pousser un cri perçant, mais deux mains me bâillonnèrent, tandis qu’une voix bien connue me disait de ne pas être épouvantée. C’était Valentine. Elle avait traversé tout le dortoir pour venir me trouver :

— Quelle imprudence, lui dis-je.

— Bah ! fit-elle, tu crains toujours d’être punie : personne ne s’avisera de me voir.

Nous étions bien serrées dans mon lit, mais cela m’amusa d’avoir le corps de mon amie contre le mien. Elle m’embrassa je l’embrassai à mon tour, puis Valentine chercha à me chatouiller, en me passant un doigt le long du dos, sur les épaules, sous les bras. Elle rencontra l’endroit sensible… et j’étouffai mes rires.

Quelle peur nous eûmes, quand nous entendîmes la sœur surveillante se retourner dans son lit ! Heureusement que ce n’était qu’une fausse alerte. La bonne femme bientôt poussa des ronflements, tantôt embarrassés comme le grincement d’une clef rouillée dans une vieille serrure, tantôt légers et discrets comme le souffle d’un poupon qui mange de la bouillie. Nous nous amusâmes beaucoup de la respiration de la religieuse ; puis, lassées d’écouter son bruyant sommeil, nous jouâmes à nous toucher entre les jambes, de la même manière que lorsque nous étions à la maison. Je crois qu’on nous eût joliment fouettées si on nous avait surprises, mais c’est si bon de se caresser ainsi, et puis la sœur dormait trop profondément, la chambre était trop obscure et nous faisions trop peu de bruit pour qu’il y eût rien à craindre. Valentine avait son doigt entre mes jambes, tandis que moi j’avais le mien entre les siennes et j’avoue que je lui fis plus de plaisir que lorsque nous étions dans le bois de Château-Rouge. Elle me dit elle-même que j’avais fait des progrès dans cet exercice et que mon doigt était beaucoup plus habile qu’autrefois.

Quand nous fûmes bien diverties, nous restâmes la tête sur l’oreiller un moment à nous reposer, puis Valentine tout d’un coup me dit à voix basse :

— Tournons-nous le dos.

Sans savoir ce qu’elle veut faire, je me tourne et elle se tourne aussi. Elle avance le fessier, puis je sens qu’elle le gonfle et qu’elle écrase le mien ; enfin, elle me presse si bien le derrière qu’elle en met la jointure sur mon cul, trou contre trou, je sens qu’elle pousse toujours, tout d’un coup un vent sifflant m’arrive dans le derrière et vient éclater à l’entrée. Je ris :

— Fais comme moi, dit Valentine, nous allons jouer au jeu d’échange-vent, c’est très amusant, tu vas voir.

Je me suis prêtée à son caprice, et les fesses unies, nous nous sommes poussé des vesses dans le cul l’une de l’autre ; parfois successivement, et parfois nous poussions ensemble. Certes nos voisines n’ont pas dû sentir une odeur agréable, d’autant plus que la cuisine des religieuses, consistant, en grande partie, de légumes et de fromage, fait les vents postérieurs forts et odorants. Mais toutes nos condisciples dormaient. Pourtant l’une de nos vesses a dégénéré en un gros pet et a rendu un ronflement épouvantable, et après avoir ri un moment, nous avons craint d’être découvertes. En effet, nous entendîmes à côté de nous des rires étouffés, mais on pouvait croire que ce pet avait échappé et on ne pouvait savoir, en somme, qui l’avait fait. Nous avons résolu, toutefois, de terminer là nos divertissements, mais Valentine, après m’avoir embrassée, m’a demandé de dormir avec moi :

— Oh, mais cela est impossible ! Et si la sœur te voit demain dans mon lit, que va-t-elle dire ?

— Pas de danger, à répondu Valentine, je serai levée une heure avant le réveil. Tu sais que je me réveille quand je veux.

Nous avons pourtant bien failli être prises. En effet, après tous ces jeux, nous nous sommes endormies très profondément. Il faisait grand jour quand nous avons ouvert les yeux. Valentine, toute effrayée, est vite descendue de mon lit et a gagné le sien. Personne ne l’a vue, heureusement ! Mais il n’y avait pas cinq minutes qu’elle était couchée, que la mère a ouvert ses rideaux et a sonné la cloche du réveil. Nous l’avons échappée belle ! Mais cette espiègle Valentine n’a-t-elle pas voulu recommencer le jeu la nuit suivante :

— Ah ! non, lui ai-je dit, tu sais, je ne tiens pas à recevoir le fouet comme l’a reçu cette pauvre Thérèse. Libre à toi, si ça t’amuse, d’avoir le derrière meurtri.

— Es-tu lâche, ma pauvre Rose, m’a dit Valentine en haussant les épaules.

Elle n’a cependant pas insisté et est allée s’amuser toute seule dans son lit.

Il faut que je fasse le portrait de la Mère Sainte-Eugénie qui nous apprend l’histoire et l’arithmétique. Elle a un gros nez retroussé et tout rouge, aux narines béantes, de grands yeux d’un bleu pâle dont les paupières sont sans cesse baissées ; elle croit ainsi se donner des airs de modestie et de sainteté, mais son visage a surtout une expression d’arrogance et de mépris. Elle est à peu près sourde, de sorte qu’il faut lui crier aux oreilles pour qu’elle entende ; et elle se fâche tout rouge quand elle n’entend pas. À force d’être tendues, ses oreilles forment deux larges tuyaux en dehors de sa coiffe, ce qui lui donne une figure si drôle qu’on ne peut pas s’empêcher de rire quand on la voit pour la première fois. Mais il faut s’observer quand on est en sa présence, car elle ne plaisante pas, et le martinet qu’elle porte toujours sous son bras rappelle à celles qui pourraient l’oublier qu’elle n’a point peur de punir les délinquantes. La pauvre petite Agathe Sifflet, la fille du fermier-général, qui est très timide et n’ose pas parler, doit presque tous les jours recevoir les caresses de ce terrible instrument, qui a dix branches de cuir, terminées par de gros nœuds et dont la Mère Sainte-Eugénie se sert avec une vigueur et une cruauté qui passent l’imagination.

Ce qu’il y a de plaisant, c’est que la Mère Sainte-Eugénie, qui corrige ainsi la petite Agathe pour ne pas parler assez haut, parle elle-même tout bas. C’est seulement au moment où nous faisons nos devoirs sous sa surveillance qu’elle se laisse entendre, et malgré elle. Elle a coutume, en effet, de dire, son chapelet pendant que nous écrivons, et pour ne pas nous troubler, elle le récite soi-disant à voix basse, mais les mots sortent de ses lèvres avec un sifflement et elle produit un bruit de bouche, comme une vieille jument à qui on donne à manger. J’ai eu le temps de la connaître, depuis que je suis au couvent et j’ai grand-peur de son martinet ; mais, malgré l’habitude où je suis de son visage et la crainte que j’ai de ses corrections, je ne puis pas la regarder sans rire ; sa physionomie parfois a de si plaisantes grimaces que je dois me cacher la tête sous mon pupitre pour éclater à mon aise. Où elle est absolument divertissante, c’est à l’étude de deux heures ; elle vient de dîner, et il faut voir avec quelle majesté son vaste séant se repose sur sa chaise trop petite, hélas ! pour lui ! Plus rouge encore que d’ordinaire, avec mille mouvements de la gorge et de la bouche, la sœur essaie d’étouffer les rots qui lui montent de l’estomac, mais ses efforts tournent mal, car ils déterminent sur le côté opposé de son corps des décharges retentissantes qu’elle lâche avec d’autant plus d’aisance qu’elle ne les entend pas.

La sœur est d’une gourmandise honteuse. Manon de Chastelain m’a dit qu’au commencement de l’année, la sœur la fouettait aussi souvent que la petite Agathe, mais qu’elle avait réussi à adoucir son bourreau en lui donnant toutes les boîtes de dragées et de bonbons que sa famille lui envoyait. Quand on lui remplit le ventre, elle n’a plus de main pour frapper.

Aujourd’hui j’ai glissé en arrivant en classe, et je suis tombée, et en tombant, ma robe, qui est fort courte, s’est retroussée et on a vu mon derrière, ce qui a provoqué les rires de toute la classe. J’ai cru que cette vue allait mettre la sœur en humeur de fouet, mais elle s’est contentée de dire qu’il était de la dernière indécence de se promener ainsi sans avoir rien sous sa robe et elle m’a dit de me rendre immédiatement à la lingerie afin de me faire prendre mesure pour un caleçon. Ici, en effet, toutes les élèves en portent, on ne s’était pas aperçu que j’en manquais, et moi qui n’en portais jamais à la maison, je ne m’étais pas plainte de n’en pas avoir. Enfin on va emprisonner mon derrière, non point pour le protéger du froid, mais pour que sa vue ne choque point les yeux, et pourtant je me demande si on doit tant veiller à ce qu’il ait une couverture quand on prend soin si souvent de le découvrir. Que je le montre moi-même par maladresse ou qu’on me le fasse montrer avec intention pour m’infliger un châtiment, cela ne revient-il pas au même ? il est vrai qu’on veut peut-être, en nous le faisant toujours tenir caché, augmenter notre honte quand on nous force à le dévoiler.

La sœur Sainte-Eugénie ne peut avoir d’autres raisons, car il ne se passe point de jour qu’elle ne prenne l’une de mes camarades par l’oreille, la force à avancer au milieu de la classe, lui ordonne de s’agenouiller et après lui avoir levé successivement les jupes, la robe et la chemise, lui fasse tomber son caleçon et lui mette à nu ses fesses. Nous ne sommes que quatre jusqu’ici qui ayons échappé au châtiment, et hélas ! je tremble chaque jour que mon tour ne soit venu. Quand je récite mes leçons, quand je lis mes devoirs, j’en ai des battements de cœur. Valentine qui est toujours gaie se moque de moi. Mais pourtant n’est-ce pas terrible une correction comme celle que la sœur Sainte-Eugénie vous inflige ? Quelle honte d’abord de se voir troussée ainsi en pleine classe et d’étaler l’endroit de notre corps qui est si souvent sale, puis la douleur du fouet est atroce. On a pour trois jours à ne pouvoir s’asseoir sans souffrances. La sœur frappe d’abord avec ses mains, comme si elle avait plaisir elle-même à toucher notre derrière, puis elle prend son martinet et fouette les pauvres fesses qu’elle a sous sa justice jusqu’à ce qu’elles soient rouges, parfois jusqu’à ce qu’elles soient sanglantes. Surtout si vous avez un gros derrière, on dirait qu’elle ne se sent pas de joie de le meurtrir et elle ne se retient plus. La colère qu’elle avait en prononçant votre punition se change en jouissance, dès qu’elle vous l’inflige. Ni larmes, ni sanglots, ni cris, — dois-je le dire, ni incongruités des postérieurs maltraités ne l’arrêtent : elle tape comme une sourde qu’elle est. Et si l’élève fait mine de résister, si elle se débat, aussitôt la sœur saisit une grosse cloche qui est sur son pupitre pour appeler les sœurs tourières qui accourent, déshabillent l’indisciplinée et la maintiennent dans la position la plus propre à bien recevoir et à bien sentir la correction. Elles lui passent sous le ventre une tringle soutenue par deux tiges en fer qu’elles enfoncent dans des trous creusés exprès au milieu de la classe. Cette tringle et les deux tiges sont munies de courroies. Les sœurs tourières attachent la récalcitrante par la ceinture, à la tringle et par les jambes aux tiges en fer. De façon qu’elle ait le derrière bien en l’air et bien tendus, les jambes et les fesses très écartées. Puis, comme la sœur dit que les méchantes filles ne sont pas dignes de lever la tête et ne doivent que montrer ce qui indique leur honte, le haut du corps de la victime est en bas, son ventre repose à terre, et on attache ses mains à des anneaux qui sont scellés aux dalles. Enfin, pour augmenter l’humiliation de l’élève corrigée, et permettre à toute la classe de lire sur ses traits la honte qui l’accable et la douleur dont elle souffre, un hausse-col en fer fixé sous le menton lui tient la tête relevée et montre son visage à toutes ses camarades.

Presque toutes celles qui passent sous le martinet de la sœur Sainte-Eugénie ne peuvent se défendre de pleurer et de pousser des cris, et si perçants parfois, qu’on les entend du fond de la cour de récréation qui est pourtant bien éloignée de notre classe. Parfois aux cris d’en haut, se mêlent les soupirs d’en bas, auxquels la nourriture du couvent, la position où l’on nous met, la façon dont on nous tient les fesses, la douleur, la colère, l’insolence, l’espièglerie nous disposent. Le fouet nous est administré pour les moindres peccadilles. De plus, en dehors de la grande correction au milieu de la classes, à cul nu, comme disent mes amies, il y a d’autres fessées qui sont presque aussi douloureuses et parfois plus humiliantes. La sœur passe dans nos rangs pendant que nous sommes à faire les devoirs qu’elle nous a donnés, et si l’une de nous ne paraît pas attentive à son travail, elle lui lance un ou plusieurs coups de férule par-dessous la robe et l’élève punie sent d’autant mieux la férule que nous sommes forcées de tendre toujours le derrière quand nous sommes assises à écrire, parce que les bancs qui ne sont pas mobiles sont très éloignés des pupitres et nous obligent de courber le corps. Parfois aussi, elle nous fait lever, nous force à nous incliner le haut du corps sur le pupitre, et troussant seulement nos jupes, elle nous donne la férule sur notre caleçon ; nous devons ensuite rester, tout le temps que dure la classe, agenouillées sur le banc entre nos camarades et tenant nos jupes relevées par-dessus la tête pour que nous ayons plus de honte. Malheur alors à celle dont le caleçon n’est pas d’une irréprochable propreté. Comme cela est arrivé à Agathe, un jour qu’elle était pressée et qu’elle n’avait pu se munir de papier pour aller aux latrines en pleine classe. Elle a eu la honte de se décaleçonner et de se laver le postérieur aux grands éclats de rire de nous toutes, pendant que la sœur avec des verges lui donnait le fouet pour activer sa besogne et balayer sa maison de derrière, disait-elle.

Jugeant que la férule et le martinet ne faisaient pas assez de mal, sœur Sainte-Eugénie est arrivée un matin avec une sorte de pelle en bois à manche court, percée de trous, qu’elle brandissait avec un singulier sourire. Elle s’en est servie le jour même aux dépens des fesses de la pauvre Thérèse qui a hurlé à en perdre la voix. Elle lui avait relevé seulement les jupes et administrait la correction par-dessus son caleçon, mais après l’avoir bien battue, elle l’a forcée, pour l’exemple, de découvrir ses fesses et notre pauvre amie, les yeux en larmes, a dû baisser son caleçon au milieu de sanglots, et, en se tournant contre le mur, nous faire voir les grosses chairs toutes rouges de son derrière, marbrées de taches bleues et où la pelle à trous avait soulevé de larges cloques. C’était lamentable à voir et pourtant quelques élèves ont eu le courage de rire. Loin de les punir la sœur semblait elle-même les encourager par ses méchantes plaisanteries.

— Eh bien, disait-elle, mademoiselle, j’espère que vous prendrez, à l’avenir, un peu plus de soin de votre derrière. Il est si gros que j’aurais pensé, sans qu’il soit besoin de vous faire d’observation, que vous y veilliez vous-même, à sa prospérité, mais je vois qu’il aime trop la pelle à bois et que cela finira par le rendre bien laid. Il n’avait pas besoin de cela pourtant. J’aurais grand-honte, si j’étais à votre place, de le montrer ainsi à mes camarades. Nous avions assez du visage d’en haut, d’autant plus qu’il ressemble tellement à celui d’en bas qu’il nous dispense de le voir.

Mais si la sœur maltraite nos postérieurs, en revanche nous nous amusons parfois bien d’elle. Je veux raconter ici le tour que lui a joué Charlotte Coutheau. Il faut dire que sœur Sainte-Eugénie est extrêmement peureuse ; elle craint les revenants, les fantômes, les sorciers et principalement le diable. Or, il y a quelques jours nous formâmes le projet de nous divertir à l’effrayer. Nous étions allées à la porte du couvent avec elle, pendant une récréation pour aider les sœurs à transporter des caisses de livres qui arrivaient de Paris. Un vieux mendiant qui avait une barbe énorme, accompagné d’un chien tout noir, d’une extrême maigreur, vint à passer et à demander la charité à la sœur. La sœur ne lui répondit pas. Alors l’homme fit un geste de menace, marmotta je ne sais quoi entre ses dents, et s’éloigna avec son chien qui lança un aboiement sourd et suivit son maître. La sœur devint toute tremblante :

— L’avez-vous vu, dit-elle, il avait l’air d’un sorcier. J’ai peur qu’il n’ait lancé un sort à l’une de vous.

— Oh ! ma sœur, pourvu que ce ne soit pas à vous, dit Charlotte, mais je crains que ce ne soit à moi, car il m’a regardé avec attention, et je me sens toute drôle depuis ce moment-là.

— Alors, fit la sœur, allez vite demander de l’eau bénite à sœur Sainte-Ildegonde, et priez-la de vous en asperger tout le corps pour conjurer le sort ou chasser le démon.

Charlotte sortit et pendant son absence, nous nous mîmes à raconter à la sœur toutes les histoires de diablerie que nous savions. La sœur en fut si touchée qu’elle ne tarda pas, elle aussi, à aller faire des prières et à s’asperger d’eau bénite de la tête aux pieds. À trois heures la classe commença, et la sœur nous dictait plusieurs problèmes sur la division, quand voilà Charlotte qui, au lieu d’écrire, monte sur un banc et se met à chanter. La sœur à qui l’arithmétique avait fait oublier le sorcier et le diable, descend de sa chaise, le martinet à la main et se dispose à punir avec rigueur une pareille dissipation, mais Charlotte se met alors à courir autour de la classe et puis par de légères pirouettes échappe à la sœur au moment où celle-ci croit la tenir. Dire comme nous riions serait impossible ! Il arriva qu’en courant sœur Eugénie glissa et s’étala par terre. Je laisse à deviner sa fureur lorsqu’elle se releva. Sans continuer une poursuite qui lui réussissait si mal, elle saisit sa grosse cloche pour appeler les sœurs tourières, et celles-ci, un moment après, arrivaient, s’emparant de Charlotte et, sur l’ordre de la sœur Eugénie, la forçaient de s’agenouiller au milieu de la classe, lui troussaient ses jupes, baissaient ses caleçons et lui levaient sa chemise. Mais alors, elles poussent un cri effroyable, jettent les verges qu’elles avaient apportées et se sauvent de la classe. La sœur Sainte-Eugénie ne comprenant rien à ce qui se passe, s’approche de Charlotte, mais elle pousse comme elles un grand cri et se sauve dans la cour en appelant à l’aide.

Ce qui avait causé toute cette épouvante, c’était le derrière de Charlotte qui n’était point blanc ni rose comme le reste de son corps, mais d’un noir brillant d’ébène, ce qui faisait ressembler ses fesses à deux boulets de canon.

Dès que les sœurs furent parties, Charlotte se releva et comme nous savions ce qu’il en était, nous n’eûmes point peur de ce derrière de négresse, que Charlotte s’était fait avec deux sols de suif et un sol de noir de fumée, et que la sœur Sainte-Eugénie avait pensé ne pouvoir appartenir qu’à un possédé du diable — ne s’imaginait-elle pas, en effet, que le diable noircit tous les corps qu’il a touchés ! Elle s’était tout d’un coup rappelé l’aventure du mendiant et elle était persuadée que Charlotte était devenue sa proie. Cependant, comme nous craignions que la Mère supérieure, moins crédule que sœur Sainte-Eugénie, ne s’aperçût du tour et ne punît sévèrement notre amie, nous lui conseillâmes de se laver le postérieur. Elle y consentit et avec l’eau et le linge qui nettoyait le tableau noir, elle se débarbouilla, à notre grand amusement, sa maison de derrière.

À peine cette opération était-elle finie que voilà les sœurs tourières, la sœur Sainte-Eugénie et la Mère supérieure qui entrent dans notre classe.

— Charlotte, venez ici, dit la Mère supérieure.

Charlotte de son banc, cette fois, sans rire et avec un léger tremblement, s’avança.

— Troussez-vous, continua la supérieure.

Charlotte obéit.

Quand elle eut mis ses fesses à nu, toutes les sœurs approchèrent leur nez du derrière de notre camarade et purent se convaincre qu’il était blanc comme une aile de poulet. — Les trois sœurs qui l’avaient vu d’un si beau noir il y avait un instant ne purent dissimuler leur étonnement, mais la Mère supérieure dit à sœur Sainte-Eugénie :

— Vous voyez bien, ma sœur, que ce derrière a une couleur chrétienne et que vous deviez avoir la vue brouillée quand vous l’avez regardé. Seulement je crois qu’il appartient à une espiègle et que vous ferez bien de lui mettre un peu de rouge avec votre martinet : ça lui profitera.

Là-dessus elle sortit.

Sœur Sainte-Eugénie resta quelque temps à réfléchir sur l’aventure, enfin comprenant qu’on l’avait jouée, elle vint au pupitre de Charlotte, prit notre amie par l’oreille et la fit s’avancer au milieu de la classe ; là elle la contraignit de trousser ses robes et ses jupes. Ma Charlotte n’avait pas l’air trop rassuré, mais elle essayait pourtant de garder une bonne contenance.

— Pour vous punir de m’avoir fait courir après vous, vous allez faire le tour de la classe à genoux, à mes côtés.

À ces paroles, Charlotte, qui se crut quitte à bon compte eut l’idée de continuer pendant cette promenade ses espiègleries. La sœur la tenait par la main gauche et pour la faire avancer plus vite, elle lui lançait de temps à autre des coups de martinet sur les fesses, mais, comme elle était mal placée pour la fouetter, les coups n’arrivaient pas à destination ou ne lui faisaient pas grand mal, de sorte que cette punition, qui eût couvert une autre de honte, moi par exemple, ne produisait aucun effet sur Charlotte qui n’était guère sensible qu’à la douleur, s’en amusait plutôt et d’une façon fort incongrue comme on va voir. En effet, lorsque la sœur levait le martinet, Charlotte tendait le cul et lâchait un pet. On n’entendait que le cri de la sœur : « Voulez-vous avancer, insubordonnée », le flic, flac sur les grosses chairs des fesses et les prout, prout, courts, longs ou tonitruants qui partaient du postérieur molesté. Nous éclations de rire à cette musique et Charlotte, elle, riait sous cape. Sœur Sainte-Eugénie s’avançait la tête haute et si elle sentait certaines odeurs peu agréables lui monter au nez, ne pouvait en découvrir la cause, elle ne s’en préoccupait pas. Elle continuait donc à s’avancer avec sa joyeuse et venteuse victime, quand tout à coup comme Charlotte lançait un dixième ou onzième pet plus retentissant que les précédents, l’oreille de la sœur qui était mieux tournée, paraît-il, à ce moment, surprit cette explosion plus bruyante que les autres. Reconnaissant d’où elle venait, elle se baissa vivement et comme Charlotte après cet exploit se tournait vers ses voisines pour leur sourire, appliqua deux claques terribles au derrière malhonnête — une sur chaque fesse. Charlotte poussa un cri de douleur, mais manifesta encore plus son émotion. La surprise, la souffrance ou les efforts qu’elle avait faits pour pousser tous les gaz de son corps avait amené son étron à l’huis de ses fesses, tout à coup le cul s’entrouvrit et lança un boudin jaune et visqueux à la main de la sœur qui, justement, s’était mise en cet instant avec beaucoup d’imprudence à écarter les fesses de la fouettée et à taper sur cette ouverture malhonnête, soit qu’elle voulut châtier l’endroit coupable, soit que cette partie lui parût plus sensible.

Ce qui suivit ne dut pas être précisément du goût de Charlotte. Sœur Sainte-Eugénie avait pris encore une fois sa grosse cloche ; à ce signal, les sœurs tourières accoururent de nouveau avec les tringles que j’ai décrites et auxquelles on attacha la coupable, par les jambes et la ceinture, tandis qu’on lui mettait, sous le menton, le hausse-col de honte pour la forcer à lever la tête et à regarder ses camarades pendant le châtiment. Charlotte faisait maintenant une triste figure, et son gros derrière tout embrené était encore plus piteux. La sœur avait voulu qu’il restât ainsi souillé tout le temps que durerait la correction, pour que sa propriétaire en fût plus humiliée.

Avant la correction, Charlotte dut demander son pardon à la sœur, puis lécher sa propre ordure dont son derrière avait souillé la main, tandis qu’il recevait d’elle la fessée.

Ce fut alors que le châtiment commença. Les sœurs tourières l’administrèrent d’une main aussi rude que sœur Eugénie.

Charlotte reçut d’abord des coups de la pelle à bois qui lui firent pousser des râles sourds. Puis le martinet aux lanières de cuir venait zébrer de raies livides ses fesses déjà couvertes de cloques par le premier supplice. Elle eut beau serrer les fesses, les ouvrir, tendre le derrière, pleurer, crier, demander grâce, elle reçut du martinet une vingtaine de coups. Enfin comme elle croyait son châtiment fini, et pensait qu’on allait la détacher, elle aperçut les sœurs tourières qui étaient sorties un instant revenir avec des verges épineuses. Elle eut un tremblement qui ne nous échappa point, et poussa un gémissement affreux. Mais ce fut bien pis ensuite quand elle en sentit la première piqûre sur ses fesses déjà si endommagées, elle eut des hurlements extraordinaires, des cris d’animaux féroces, et sans pouvoir se contenir, dans d’horribles contorsions, péta, pissa et lâcha tout ce qu’elle avait encore dans le ventre.

Sœur Sainte-Eugénie à ce spectacle ne contint plus sa colère, elle se joignit aux deux tourières que les cris et les incongruités de l’élève fessée et peut-être le plaisir de la corriger excitaient au plus haut point, et les trois femmes se mirent ensemble à fouetter Charlotte, si bien que le sang ruissela sur les jambes de la victime. Enfin on la laissa aller toute sanglante et écorchée ; pour avoir voulu montrer un cul noir, elle eut le cul rouge.

CHAPITRE VIII

Comment fouettent les Ursulines
de Corbeil

Je viens de passer des journées d’humiliation et de douleur inoubliable ; je ne sais ce que me réserve la vie, mais je ne crois pas qu’on puisse souffrir dans l’âme et dans le corps plus cruellement que j’ai souffert durant cette dernière semaine. Heureusement ma peine est finie, et ce m’est presque un plaisir maintenant de la raconter. Il semble, tant le souvenir m’en afflige peu aujourd’hui, que c’est une autre que moi qui ai subi toutes les tribulations dont je vais parler dans ce journal.

Valentine et moi, en revenant d’une promenade qui s’était prolongée fort tard dans la soirée, comme nous étions seules au dortoir, nous aperçûmes la chatte de la sœur tourière qui nous suivait. Je crus qu’elle était très malade, tant elle poussait des miaulements et se frottait désespérément contre nos jambes, mais Valentine, à qui je fis part de ma crainte, me dit :

— Bête ! tu ne vois pas qu’elle est amoureuse.

Je rougis, très fâchée d’avoir montré ma sottise et mon ignorance à Valentine, mais Valentine, sans plus se moquer de moi, me dit à l’oreille :

— Prenons-la sous notre robe ; nous nous amuserons bien dans le lit cette nuit avec elle.

Cette Valentine fait de moi tout ce qu’elle veut. Après l’infériorité d’esprit dont je venais de témoigner, je n’osais pas d’ailleurs rien lui refuser. Je pris donc la minette sous ma robe, et aussitôt elle cessa ses miaulements et fit seulement entendre un ronron très sourd qui m’amusa beaucoup. Mais comme j’allais entrer au dortoir, je fus prise d’une frayeur :

— La sœur va nous voir, dis-je, et nous serons punies.

Ce à quoi Valentine répondit :

— Tu ne l’entends donc pas ronfler ? Va donc. Il n’y a rien craindre.

En effet, le dortoir était sombre… on n’entendait que les soupirs légers de nos camarades que dominaient les ronflements bruyants de la sœur surveillante.

Alors je me dirigeai à pas de loup vers le lit avec Valentine. Elle se déshabilla la première tandis que je tenais la chatte et que je la caressais, puis, me prenant l’animal des mains, elle se fourra dans les draps avec elle ; je me déshabillai à mon tour et me glissai à son côté. Nous avions entre nous la chatte qui se frottait la tête ou le derrière contre nos jambes, en continuant son ronron. À ce moment Valentine imagina d’aller chercher une tasse de lait qu’on l’avait autorisée à garder près de son lit, à cause qu’elle avait eu grand mal à la gorge ces jours-ci. Elle se lève donc avec mille précautions, va chercher la tasse, me la présente en me disant d’y tremper les doigts et de m’en frotter entre les cuisses ; je lui obéis en riant, mais comme à son gré je ne prenais pas assez de lait au bout de mon doigt, elle se charge elle-même de m’en mettre à mon petit bouton, et elle le touche avec une telle frénésie que je me pâme de plaisir sous sa caresse ; ensuite, saisissant une éponge dont je me servais pour ma toilette, elle la trempe dans la tasse et l’épreint sur ses cuisses, de façon à s’en inonder l’entre-jambes. Elle met le nez du chat dans ses cuisses, et voici la minette qui, de sa langue gourmande lui lèche la chair rose. Comme la chatte relevait la tête et qu’elle se léchait et se reléchait le poil, Valentine la prit par la peau du cou, la mit entre mes cuisses. La chatte me donna le plaisir qu’elle venait de causer à mon amie, bien que je trouvai sa langue un peu rude, mais le chatouillement était plus vif ; et puis j’étais si excitée à ce moment-là que le moindre attouchement m’eût causé une jouissance. Quand elle eut fini, et qu’elle se fut bien reléchée, elle leva le derrière et le tendit vers nous, la queue haute et gonflée. Je vis les deux trous qu’elle avait au milieu de son poil. Valentine lui introduisit alors le doigt dans le trou le plus éloigné de sa queue, et la chatte commença à lever et à baisser son arrière-train et à remuer l’une après l’autre ses pattes de derrière en miaulant. Tout à coup elle se roula sur le lit en poussant des cris horribles. J’étais effrayée, mais Valentine ne put se retenir de rire, et elle éclata. Mais, hélas ! autre chose que son rire éclata aussi.

La sœur, en entendant les cris de la chatte, s’était réveillée en sursaut ; elle avait allumé une chandelle et elle promenait ses yeux sur le dortoir. Mais nous étions fourrées sous les draps avec le chat, mais mon lit était très étroit, les rideaux en avaient été enlevés, et il était impossible, si l’on y regardait attentivement, de ne pas voir que je n’y étais pas seule. La sœur ayant remarqué le gonflement inusité de la couverture, se lève à la hâte. Ce fut une minute inoubliable. Quelle frayeur j’avais. J’entends encore le lit craquant sous son poids ; nous nous serrions l’une contre l’autre et Valentine, je crois bien, n’était pas plus rassurée que moi : elle pissait de peur sur mes jambes. Enfin la sœur est devant nous, elle lève le drap :

— Ah ! les petites misérables, s’écrie-t-elle, et elle ne peut retenir une exclamation d’étonnement en voyant la chatte qu’elle saisit par la queue et qu’elle jette au milieu du dortoir. « Voulez-vous sortir de ce lit », dit-elle à Valentine en lui tirant les cheveux et les oreilles, et en lui donnant une paire de soufflets.

Valentine se sauve éperdue.

— Demain, continue la sœur, la Mère supérieure sera mise au courant de votre conduite.

Cependant le dortoir est en rumeur, nos amies sont toutes assises sur leur séant, écarquillant leurs yeux pleins de sommeil.

— Ah ? vous riez, je crois, me dit la sœur qui prend un mouvement de lèvres de ma part pour un sourire, « eh bien ! je vais vous apprendre à rire, vous allez voir ».

Et la voici qui, d’une main brutale, me couche sur le ventre, lève la chemise, expose mon fessier à la vue de tout le dortoir et se met à le claquer : elle frappe si fort que je ne puis m’empêcher de pousser des hurlements ; elle me laisse enfin gémissante et meurtrie, pour courir au lit de Valentine.

— Et vous aussi, dit-elle, vous allez avoir votre compte.

Je crois que Valentine résiste, qu’elle lève les jambes en l’air, qu’elle pleure, demande grâce, fait des rugissements, mais il n’en faut pas moins céder à la force de dragon de la sœur qui met Valentine sur le ventre, aussi bien que moi, et malgré ses ruades et ses cris, lui fait rudement rougir la peau. Certes, dans un autre moment cela m’eût bien amusée de voir fesser le gros cul de Valentine, pour lequel c’était un événement plus épouvantable encore que pour le mien, car jusqu’à présent il n’avait jamais eu le fouet. Mais je suivais maintenant les mouvements de son postérieur avec indifférence. J’étais comme privée de sentiment d’après la souffrance et l’humiliation que l’on m’avait infligées. Quand elle eut bien fessé Valentine, la sœur la laissa hurler et se frotter le derrière en lui assurant ainsi que moi que demain nos fesses sauraient à quoi s’en tenir. Nous ne dormîmes pas de la nuit, tant la douleur, la honte et les menaces nous avaient causé d’émotion.

Le lendemain, dès que nous fûmes habillées, la sœur nous conduisit, les yeux en larmes et toutes tremblantes, à la Mère supérieure qui nous fit un discours interminable, mais que nous étions trop émues pour écouter. Ce que nous entendîmes très bien, par exemple, ce fut notre condamnation.

— Valentine, dit la mère, vous avez été jusqu’ici une bonne élève, c’est pourquoi je me contente de vous mettre au pain sec pendant huit jours. Pour aussi vous laisser un cuisant souvenir de cette nuit abominable, vous allez avoir le fouet tout à l’heure dans ma chambre. Mais cette petite misérable qui a donné un tel exemple à son amie (comme Valentine était moins âgée que moi, on croyait que c’était moi qui étais la plus coupable), cette petite vaurienne qui se conduit avec autant de paresse aux heures des classes, que d’indécence aux heures de repos (j’avais eu toute cette semaine de mauvaises notes, ne sachant jamais mes leçons et faisant mal mes devoirs), cette petite misérable n’en sera pas quitte à bon marché. Nous allons vous soigner, Mademoiselle, je vous en réponds, et puisqu’on ne peut vous mettre de bons préceptes dans la tête, on vous les fera entrer par le derrière, je vous le promets ! Aujourd’hui vous aurez le fouet en secret, il est vrai, mais vous serez exposée au tour après la correction, le postérieur découvert, pour que toutes les sœurs et toutes vos jeunes condisciples puissent connaître votre châtiment, demain vous serez enfermée au cachot, au pain sec et à l’eau pour huit jours. La sœur Sainte-Ursule, la correctrice, viendra chaque matin vous rappeler, par une bonne fessée, à la pénitence. Si, pendant ces huit jours, vous vous conduisez d’une façon satisfaisante, que vous montrez un véritable repentir, et que vous receviez sans murmures vos corrections, on vous donnera la liberté. Mais vous devrez toutefois, auparavant, vous soumettre à une discipline publique sur vos fesses nues, devant les sœurs et vos condisciples.

Ainsi parlé, la supérieure nous congédia, gardant Valentine pour lui infliger son châtiment ; (Valentine a prétendu, avec cet orgueil qui ne l’abandonne jamais, qu’elle ne l’avait pas reçu et que la supérieure lui avait fait grâce). Moi, je fus entraînée par la surveillante jusqu’au tour où je devais avoir le fouet aux coups de huit heures. Je dus m’agenouiller pour attendre la correction, j’avais les jambes molles, la bouche sèche et tout mon corps tremblait.

Enfin paraît la sœur qui doit me fouetter. C’est la préfète elle-même, celle qui s’occupe de la discipline du couvent, et qu’on appelle pour administrer les grandes punitions. Elle arrive tranquillement, tenant à la main, avec une baguette, des verges de bouleau et un martinet de cuir à nœuds. Je frémis à la vue de ces instruments. Mon bourreau a cet air froid et indifférent qui m’exaspère encore plus qu’une expression de méchanceté.

— Allons, dit-elle aux sœurs qui l’accompagnent, qu’on la prépare.

Aussitôt les sœurs ouvrent devant moi le battant supérieur d’une petite roue qui donne accès dans un cabinet noir. Chaque battant est percé d’un trou en demi-cercle, en se joignant, les deux battants forment le cercle complet. Au bout du battant inférieur, et fixé dans le cabinet noir, est une sorte de chevalet très incliné avec un appui mobile qui s’avance en dehors par le trou en demi-cercle. L’une des sœurs surveillantes enjambe le battant fermé, pénètre dans le cabinet noir et m’attire par les mains à elle. Je veux résister, mais je me sens tout à coup saisie par derrière, à la taille, on me prend les jambes, on me les enlève, et je suis portée sur le chevalet, la tête en bas, et le ventre posé sur l’appui mobile. La sœur, après m’avoir attaché les cheveux à la ceinture, ce qui me force à relever la tête et à conserver une attitude très gênante, m’attache aussi sur le chevalet, les mains par la taille, trousse mes jupes, ma chemise, me déculotte, et me met le cul à nu ; puis elle sort du cabinet et se met en devoir de m’attacher les pieds à des anneaux fixés sur le battant inférieur. Au même instant le battant supérieur retombe sur mon dos, et je me trouve prise dans un étau, le haut du corps dans l’intérieur du cabinet noir, tandis que mon derrière se trouve en l’air et en dehors, exposé à la vue des sœurs.

Je m’attendais à recevoir le fouet aussitôt après toutes ces préparations, mais des secondes, des minutes, des heures, se passèrent sans que l’on me touchât. Mon appréhension, mon angoisse étaient extrêmes. Je n’entendais plus aucun bruit, je croyais qu’on m’avait abandonnée. La honte, l’horreur d’être ainsi étalée se mêlaient, pour me torturer, à la gêne insupportable que me causait ma position. Je sentis en ce moment un besoin pressant, et j’étais si peu maîtresse de mes actions que je satisfis des deux côtés de mon corps presque sans savoir ce que je faisais, et sans penser à ce que me vaudrait de pareilles libertés.

À peine m’étais-je soulagée que tout à coup je fus éblouie par une vive lumière. Une lucarne placée en face de moi et que je n’avais pas remarquée dans l’obscurité, venait de s’ouvrir, et j’aperçus le visage de la supérieure qui me regardait avec un mauvais sourire.

— J’espère, vilaine méchante, dit-elle, que durant le temps qu’on vous a laissée seule, vous avez réfléchi à ce que vous avez fait, et que vous vous êtes repentie de vos actions sales. Maintenant, il faut graver votre pénitence dans votre derrière, pour que chaque fois que vous vous asseyez, à chaque mouvement que vous faites, une vive cuisson vous rappelle votre devoir et ce à quoi vous vous exposez en vous y dérobant.

Puis elle ajouta, en parlant à une sœur que je ne voyais pas :

— Allons, sœur Sainte Émilienne, commencez à donner la correction à cette fille indisciplinée ; surtout frappez fort et ne lui ménagez pas le fessier. Il ne faut point avoir confiance dans la mémoire de pareilles écolières, mais plutôt dans la délicatesse de leur postérieur qui enregistre les châtiments mieux que leur intelligence ne garde une admonestation.

À ces mots elle se retire ; la lucarne se referme, et je me retrouve dans l’obscurité. Presque au même instant, et alors que je ne m’y attendais point, je reçois un premier coup terrible, cinglant, qui me coupe les deux fesses. Un mouvement causé par la douleur me fait serrer le cul, puis l’entrouvrir. À ce moment je reçois le second coup, en travers cette fois, et dans la raie. Je souffre horriblement, mais je ne veux pas crier. Hélas ! c’est une résolution bien vaine ; au troisième coup, je pousse un cri, dès lors je ne puis me retenir ; plus les cruelles verges que l’on emploie pour me fouetter déchirent la peau, plus les cris se font violents, je hurle de toutes mes forces, je demande grâce, je dis des insultes, je rugis, l’un de mes pieds mal attaché parvient à se débarrasser de ses entraves, et se met à lancer de grands coups dans le battant de la porte. La sœur fouette encore plus fort, et accompagne chaque coup d’une remarque qui me couvre de confusion.

— Hein ! sens-moi cela, coquine, et cela !… Sur le cul, tu en auras, je te le promets ! Encore ! Encore !… Ah ça ! veux-tu tenir ta jambe tranquille ?… Tes joues de derrière n’ont pas assez de couleur, je vais leur en donner… Veux-tu finir, et me bien présenter le postérieur au fouet. Ah ! je vais t’apprendre, tu sais, à te tenir et à être sage… La reçois-tu la fessée ? Tu ne fais pas la fière, je crois, maintenant qu’il faut que ton derrière fasse connaissance dans un instant avec Madame du Bouleau, surtout quand on a des fesses de cette proportion.

Et l’impitoyable sœur me frappe toujours. Enfin la correction cesse, je crois qu’on va me délivrer, mais non, on me laisse là sans me dire une parole ; j’entends les pas de la sœur s’éloigner, d’autres pas s’approcher. Alors mes cris de douleurs se mêlent à des sanglots. Une seconde fois la lucarne s’ouvre, et la figure railleuse de la supérieure paraît ; l’on me regarde. La lucarne se referme et se rouvre encore plusieurs fois ; des sœurs, des camarades viennent me considérer en ricanant, et, après avoir considéré mon derrière meurtri, se moquent de mon visage en pleurs. Malgré mon humiliation, je ne puis retenir mes cris de douleur devant elles, mais elles n’en sont pas plus émues. Même une misérable que je voudrais bien connaître, m’introduit dans le trou du derrière une plume qui me pique cruellement. Heureusement par une vive contraction que je fais, je parviens à faire tomber la plume.

Bientôt la sœur qui m’avait fouettée revient pour me détacher, mais en me donnant une tape sur le cul, elle découvre qu’il est embrené, et m’en témoigne sa colère et son dégoût. En même temps, elle voit à terre ce que j’y avais déposé. Sans doute enrhumée, tout à l’heure elle n’avait pas senti la mauvaise odeur que j’exhalais, cette fois, malheureusement, elle y prit garde.

— Misérable fumier, fit-elle, je vais vous apprendre à me manquer de respect. Vous avez donc été élevé avec des porcs, pour vous permettre devant moi de pareilles incongruités ! Mais je vous promets que vous allez vous en repentir. Vous allez goûter du martinet, et tout de suite.

En effet, un martinet de lanières de cuir terminées par des nœuds, achève de me mettre les fesses en sang. Ni mes cris, ni même les pets bruyants que dans ma douleur je finis par lui lancer au nez, ne lui font interrompre mon châtiment. Ils ne servent qu’à en augmenter la rigueur.

Enfin, on lève le battant supérieur du cabinet noir, on me détache, on me fait sortir (mais je dois, le derrière nu et sous la menace du martinet, nettoyer à genoux les souillures que j’ai faites).

Le cachot où je dois faire ma pénitence contenait en ce moment une de nos camarades qui y finissait le lendemain sa pénitence. On m’a donc enfermée dans une petite chambre du tour, en attendant que mon tour fût venu de la remplacer.

Le lendemain on m’a dépouillée de tous mes vêtements et revêtue d’une robe puante de grosse laine qui sert à toutes les écolières que l’on mène en pénitence ; de plus, on m’a mis des gantelets de fer garnis de pointes pour m’empêcher de me toucher entre les jambes, enfin on m’a conduite au cachot où l’on m’a attaché à la ceinture une grosse chaîne qui tient au mur et m’enlève la faculté de parcourir ce cachot dans sa longueur, me forçant de me tenir dans un étroit espace. Le cachot n’est éclairé que par une petite fenêtre qui laisse passer un mince rayon de jour tombant sur un crucifix au-dessous duquel se trouvait accrochés un martinet et des verges, pour que toute la journée j’aie en perspective le châtiment qui m’attend chaque matin — car quand on est au cachot, le règlement du couvent veut que l’on ait le fouet tous les jours. — Il y en a même des malheureuses qui le reçoivent deux ou trois fois dans vingt-quatre heures. Pour lit, j’ai une mauvaise couverture de laine. Dans un coin une cruche d’eau et un morceau de pain noir. Une odeur infecte emplit ce cachot qui manque d’air et qui est contigu aux latrines de premières classes : je puis même entendre les jeunes filles qui y viennent ouvrir précipitamment la porte, tirer le verrou, lâcher un ou plusieurs pets, pisser abondamment et se soulager le ventre. Quand elles rentrent en classe, elles ne manquent point de venir me regarder par un petit guichet qu’elles peuvent ouvrir à volonté et qui a été établi là pour augmenter la honte des malheureuses prisonnières. Les unes jettent un regard rapide dans mon cachot, d’autres me considèrent d’un air railleur, d’autres enfin font des réflexions, rient et se moquent de moi. À un moment, lorsque je pensais qu’elles étaient en classe, je crus pouvoir me soulager. Hélas ! il fallait déposer mes ordures où j’étais et les garder avec moi jusqu’au lendemain matin. Mais mon besoin était si pressant que je m’accroupis. Je pissai et fis un énorme étron. Comme j’allais me relever, voici le guichet qui s’entrouvre et Valentine qui paraît. J’étais consternée de cette apparition inattendue. Valentine referma le guichet presque aussitôt, mais je vis qu’elle avait eu pour moi non un regard de pitié, mais qu’elle avait souri comme les autres élèves. Cela augmenta mon chagrin. Dans le trouble que je ressentis à la suite de cette apparition, je tombai dans les ordures que je venais de faire, je salis ma robe, et la muraille à laquelle je m’appuyai le derrière fut aussi souillée.

La nuit vint pourtant et je m’étendis sur la couverture, essayant de dormir malgré la puanteur de l’air, la saleté qui m’environnait, et l’état de misère où j’étais. Je m’assoupis un peu, mais l’air vif du matin et les premières clartés du jour passant à travers les barreaux de mon cachot me réveillèrent. J’avais la terrible appréhension du châtiment que j’allais recevoir. Qui allait me l’administrer ? Et mon bourreau sera-t-il bien sévère ? L’appréhension est plus terrible encore que la douleur qui l’inspire.

Enfin j’entends une clef dans la serrure, un verrou qu’on pousse, la porte s’ouvre et la sœur Sainte-Ursule paraît :

— Oh ! infection ! dit-elle, infection ! Mais, attendez ! je vais vous apprendre à être propre ! Allons ! approchez ici.

Pour un instant elle m’enlève ma ceinture et mes gantelets ; elle me donne un balai et me dit de rapproprier mon cachot après avoir jeté mes ordures dans le seau qu’elle a apporté. Comme je mets à accomplir cet ordre quelque hésitation, elle décroche les verges et m’en donne des coups sur les épaules en attendant qu’elle me châtie sur une partie plus sensible de mon corps, puis quand j’ai balayé, voyant la muraille souillée :

— Ah ! saleté ! dit-elle.

Et alors elle me force à faire une pénitence horrible : elle me fait nettoyer avec ma langue le mur que j’ai sali, punissant chaque moment de répugnance de ma part d’une cinglade à travers les jambes.

Mais le moment suprême de ma peine est arrivé. Je dois m’avancer sur le pas de la porte, de manière que les élèves qui passent puissent me voir m’agenouiller la face contre terre, relever ma robe et découvrir mon derrière aux coups de la sœur Sainte-Ursule. Quelle honte ! d’autant plus que n’ayant rien pour m’essuyer, je dois avoir les fesses toutes brunes de crotte, mais sans doute que la sœur

Sainte-Ursule est habituée à la malpropreté des derrières qu’elle a à corriger, car elle ne me fait pas d’observation, et sans dégoût se penche sur mon pauvre cul pour le meurtrir encore. Je m’étais promis de ne pas crier, mais elle frappait si fort que je me lamentai au premier coup. Elle m’administra douze cinglées et me dit qu’elle m’en donnerait vingt le lendemain si je n’étais pas plus propre.

Quand je me relevai en pleurant j’eus la honte de voir rire les jeunes élèves qui assistaient à mon châtiment. La sœur alors baissa ma robe, me remit mes gantelets, me rattacha à la chaîne et après m’avoir donné un morceau de pain noir et renouvelé l’eau de ma cruche, elle sortit du cachot qu’elle referma avec soin, me laissant à la souffrance qu’elle venait de me causer, et à mes larmes.

La même cérémonie se renouvela tous les jours pendant une semaine, jusqu’au jour où, pour le coup de grâce, on me donna le fouet au milieu de la grande cour, devant tout le pensionnat.

Ce fut la dernière journée de mon supplice, mais aussi la plus cruelle.

Réveillée de bonne heure, la pensée que j’allais être fouettée devant tout le couvent et les religieuses, me rendait malade d’angoisse et d’inquiétude. Quelles injures me lancerait-on au passage ? De quelles verges épineuses, de quels martinets plus rudes se servirait-on pour me châtier ?

Cependant la sœur tourière arrive. Elle a un paquet sous son bras qu’elle développe au-dehors, craignant de le salir dans mon cachot. Elle m’ordonne alors de me soulager ; elle craint qu’au moment de mon supplice, l’émotion, le mal ou un désir de vengeance, ne me rende plus qu’inconvenante. Mais j’ai beau vouloir lui obéir, la honte est plus forte. Il faut qu’elle me contraigne à m’accroupir.

— Je ne peux pas, ma sœur !

— Nous allons bien voir, dit-elle.

Et m’écartant les fesses, elle insère un doigt dans les profondeurs de mon derrière, me causant une douleur insupportable.

— Cochonne ! s’écrie-t-elle en m’essuyant son doigt souillé sur le visage et sous le nez. C’est pour la cérémonie que vous vous retenez. Eh bien ! nous allons voir si vous ne m’obéirez pas.

Et une seconde fois elle appuie sur mes épaules, me contraint à me courber, trousse la robe, et d’une sangle, pour que les coups paraissent moins, elle me cingle le milieu du derrière. La peur agit enfin. Devant elle, comme un animal, je décharge mon corps.

Elle me fait alors laver le caveau, la muraille, puis, quand mon cachot est nettoyé, je quitte ma robe, mais pour en revêtir une presque aussi sale, et qui est coupée et cousue de telle sorte, que je dois être dedans ridicule. Elle est faite de carreaux d’étoffes différentes et de toutes couleurs grands ou petits, des bleus, des rouges, des jaunes, qui forment des dessins extravagants. La robe traîne par-devant, par-derrière au contraire, elle est fort courte et coupée par le milieu. La robe mise, on me coiffe d’un chapeau encore plus ridicule, formant visière par-devant et comme un bateau par-derrière. Comme, par dérision, on l’a orné d’orties et de feuilles de houx, un morceau de grosse toile qu’on me noue sous le manteau doit retenir le chapeau. Ainsi arrangée, je fais le tour de la cour, les mains attachées derrière le dos, à côté de la tourière qui a un martinet à la main et me tient par une corde. Toutes les élèves m’accueillent par des cris et des quolibets.

— Voilà une jolie toilette pour aller au bal.

— Un beau chapeau, j’en demanderai un comme ça pour ma fête.

— Comme elle est fière, regardez donc, Louise, on voit qu’elle a eu la croix.

— Sur son derrière, oui. Il doit être d’une belle couleur à présent.

— Elle aimait se mettre du rouge, la coquette, elle ne doit pas se plaindre.

Il doit y avoir aussi autre chose que du rouge. Vous savez comme elle est propre !

— Ça va être drôle de la voir fesser tout à l’heure.

— Prenez garde qu’on ne vous fesse aussi, vous, méchante, dit une religieuse. Il fallait que les sœurs vinssent elles-mêmes menacer ces misérables bavardes pour les faire se taire, mais elles-mêmes, tout en restant silencieuses, ne prenaient pas moins de plaisir que leurs élèves à mon châtiment. Leur sourire, leurs yeux brillants le disaient assez.

Enfin je découvre l’estrade où je dois subir mon châtiment. La tourière me fait monter à genoux les cinq degrés où je vois les instruments de mon supplice : la pelle à bois, le martinet de cuir, un balai d’épines et d’orties. Toujours agenouillée, j’écoute une longue remontrance de la mère supérieure qui, par-dessus ses lunettes, me coule un mauvais regard, jouissant beaucoup de l’émotion que je laisse paraître, mais ce ne sont pas ses paroles que j’écoute. Je ne vois que la pelle à bois, le martinet et le balai d’orties. Il semble que mon derrière les sent déjà sur sa peau. On me les donne à baiser ou plutôt on me passe le manche des verges et du martinet sous les lèvres ; puis, c’est la main de la sœur correctrice que je dois baiser. Cette fois je me révolte et je crache contre elle. J’entends une grande rumeur dans la cour, puis une voix à mon oreille qui dit : « Demandez pardon tout de suite. » Je dis : « Pardon », sans trop savoir ce que je fais. Mais cela n’a pas apaisé la sœur correctrice qui me dit à l’oreille : « Je vais bien te soigner, je te le promets. »

Mes jambes tremblent et je peux à peine me soutenir, mais on m’en épargne la peine. Deux sœurs m’ont courbée contre l’estrade ; mes jambes, mes mains, sont attachées aussitôt, j’ai le haut du corps très incliné, je ne m’appuie sur l’estrade que par les coudes et le haut de la poitrine. Mon derrière est rejeté en arrière, maintenu par une tringle qui me passe sous le ventre. La position est si incommode que c’est presque une torture. Pour l’accroître encore, voici que la mère supérieure me fait attacher mes cheveux à la ceinture, ce qui me force à relever la tête. Je vois toutes les élèves qui passent devant moi, me regardant ; quelques-unes font des grimaces. Je veux répondre, mais déjà les premiers coups de la pelle à bois tombent sur mon derrière, m’arrachant un horrible hurlement. Vainement je veux retenir mes cris, ils jaillissent malgré moi, à chaque coup qui vient me surprendre à une place inattendue. Il me semble que toute ma peau se soulève, éclate sous la plaque trouée ; mais le martinet a remplacé la pelle. Les cinglades me courbent, m’anéantissent. Toute mon âme, tout mon être sont dans mes pauvres fesses, et je ne vis plus que dans l’attente d’une douleur ; les coups sont si rapprochés bientôt, que je perds, au milieu de mon supplice, le sentiment de moi-même. Je ne suis plus qu’un cri, une plainte, un sanglot.

— Saigne-t-elle ? demanda la mère supérieure.

Elle était un peu inquiète, car « je ne devais pas saigner encore ». Une bonne correctrice doit pouvoir appliquer le martinet sans entamer la peau. La correctrice me passa indécemment la main sur les fesses et même dans l’anus et sur ma fente, puis montrant sa paume sèche à la supérieure, elle lui prouva qu’elle s’était acquittée de ce premier châtiment en fouetteuse expérimentée.

Cependant je n’avais pas fini avec la sœur fesseuse ; elle saisit le balai d’orties et m’en frotta le cul. Il me sembla que mes fesses prenaient feu et avec elles tout mon corps. La cuisson était si vive que je hurlais comme une chienne, je ne me sentais plus moi-même. Je n’étais plus qu’un cul fessé par la plus terrible des fessades. J’avais la sensation qu’on me coulait de la poix bouillante et de la chaux vive dans le trou de mon derrière, et alors comme si j’avais pu repousser mon bourreau, je lui donnais des coups de fesses, je les ouvrais, je les tendais menaçantes, et à un moment, malgré les précautions de la tourière, trouvant à son poste mes défenses ordinaires, je lâchai au nez de la fesseuse une décharge fort copieuse, et j’inondai l’estrade. De grands rires partirent derrière moi et aussi des murmures d’étonnement et de réprobation.

— La correction serait finie, me dit la mère supérieure, mais cet acte d’indécence est trop grand et trop honteux pour qu’elle en réchappe ainsi. Continuez la fouettée d’orties, ma sœur, et puis toi, crotte, ma fille, si le cœur t’en dit, seulement je te promets que tu ne crotteras pas demain avec plaisir.

Dès lors il n’y eut plus aucun ménagement de la part de mes fouetteuses.

Je crus qu’on allait me tuer ; elles s’étaient mises deux à me fouetter ; les verges volaient, se brisaient sur mon cul ; la pisse, le sang se mêlaient aux excréments. Mes hurlements étaient suivis de rires et de remarques immondes que les religieuses provoquaient à présent au lieu de chercher à les punir.

— Finissez, dit la mère supérieure qui craignait de me voir m’évanouir.

Les verges s’arrêtèrent enfin, mais je n’en sus rien ; pendant longtemps, je continuai à tordre mon corps. La douleur était à un point qu’on ne pouvait pas dépasser. Je souffrais tellement que je n’avais plus conscience de ce qui se passait. On me laissa ainsi attachée plusieurs heures ; et comme la douleur s’apaisait peu à peu, j’eus la honte de voir mes condisciples passer devant moi, s’arrêter, me regarder, se moquer. À un moment, j’entendis une voix chuchoter derrière moi :

— Ah ! ton cul n’est pas joli aujourd’hui, ma mignonne.

C’était Valentine.

— Il est encore trop joli pour toi, lui dis-je, et comme elle s’approchait de l’estrade, je lui poussai un pet qu’elle dut renifler.

— Cochonne ! s’écria-t-elle, je vais dire à la sœur ce que tu viens de faire. Tu vas en avoir encore, je te le promets.

Et en effet, la petite saleté courut à une religieuse qui passait, et me montrant du doigt, lui rapporta mon incongruité, mais la religieuse haussa les épaules et continua sa promenade.

On me détacha le soir, et l’on dut me conduire à l’infirmerie pour me panser, mes souffrances n’étant pas finies. Il fallait me retirer les échardes et les épines du derrière. Pendant plusieurs jours je ne pus pas m’asseoir, et quand j’allais aux latrines, toutes les jeunes filles qui y étaient, se penchaient pour regarder mon trou ensanglanté.

— Il a l’air d’un gros sucre d’orge, faisaient-elles.

— Suce-le donc, disais-je.

Pendant longtemps, au couvent de Corbeil, on disait aux fillettes pour leur faire peur :

— On vous donnera une fessée à la rose.

C’était dire qu’elles auraient le cul bien écorché.

L’une d’elles fit un jour aux sœurs cette réplique :

— Oh, ma mère, si j’ai la malice, je n’ai pas le derrière de Rose, mon cul n’est pas assez grand pour servir d’exemple.

Il est certain que le mien était un objet d’étonnement, et les religieuses comme les élèves, prenaient un amusement extrême à considérer la grosseur considérable de mes fesses. À l’infirmerie, dans les draps chauds, nous nous amusions à dire des balivernes et à nous montrer.

Nous nous tendions les fesses, parfois d’un lit à l’autre, la tête cachée dans l’oreiller, nous nous envoyions des vents. À certains après-midi où les religieuses étaient absentes, on ne voyait que de petits ou gros culs braqués les uns devant les autres.

— Je ne m’étonne pas qu’elle soit paresseuse, faisait Charlotte, elle en a des coussins pour se reposer !

— Tant mieux, répliquais-je, vous n’avez pas de quoi vous asseoir, vous autres. Quand on vous fesse, il faut viser, moi, on a beau me déchirer le derrière, j’ai toujours de l’étoffe pour le raccommoder.

— Votre derrière est indécent, quand vous pétez, on vous entend du fond de l’église.

— C’est mon réveil-matin, faisais-je en riant. Il ne manque jamais de sonner à six heures. Les vôtres, on ne sait jamais quelle heure ils marquent.

Quand je me dressais et je m’asseyais, j’avais l’air de porter un enfant au bas de mon dos, tant mon cul était large et épanoui. À chaque instant on me disait :

Ton cul est indécent, ramasse-le donc. On ne le tend pas comme cela !

— Il prend l’air, vous voyez bien, pour sentir bon.

CHAPITRE IX

J’enseigne à une petite dévote
les dévotions de Vénus

Les vacances étaient venues, mais comme ma tante était en voyage, je ne partis pas avec mes condisciples. Je laissai s’en aller Valentine toute seule. Elle avait honte de moi depuis que l’on m’avait fessée en pleine cour, et moi je la trouvais trop oublieuse. Nous ne nous dîmes pas même adieu. Je restai donc au couvent avec une de mes condisciples, âgée de douze ans, gracieuse enfant toute blonde, mais un peu maigre d’apparence. J’aime les bonnes grosses joues où l’on mord comme à des pêches, et les beaux gros culs qui vivent dans les jupons comme des bouffons savants en facéties et des acrobates qui n’ignorent rien des jolis tours. Mais mon amie, qui s’appelait Germaine, ne pensait qu’au bon Dieu et aux saints, et semblait ignorer qu’elle avait un derrière. J’en étais réduite au mien. Et malheureusement il n’y avait pas de Manon chez les religieuses de Corbeil, de sorte que je ne pouvais lui dire bonjour et bonsoir que par mes doigts. Je n’y manquais pas. Nous couchions dans une grande salle, mais mon lit était rapproché de celui de la sœur qui était chargée de nous surveiller et couchait avec Germaine. La religieuse s’appelait mère sainte Ildefonse. C’était une grosse fille de campagne, encore jeune, rouge, corpulente tout en étant encore fort alerte, aimant gronder et fesser, claquant à pleines et solides paumes, mais sans trop de cruauté pourtant. Naturellement, Germaine, qui était une petite sainte et ne jouissait qu’en rêvant au paradis, avait toutes les faveurs de la sœur. On ne lui levait point les jupons, on ne les lui avait même jamais levés ; et si elle faisait quelque faute, on se contentait d’une petite remontrance sans jamais toucher ni à ses joues, ni à ses fesses. Moi, j’empochais pour deux. Mais ce qu’il y avait de singulier, c’est que tandis que les fessées administrées par les sœurs m’étaient infiniment douloureuses et me remplissaient d’humiliation, celles, au contraire, que me donnait la mère sainte Ildefonse, tout en me causant beaucoup de honte et en n’étant pas précisément agréables à mon derrière, me causaient pourtant au milieu même de la souffrance, je ne sais quel singulier plaisir.

Bien qu’on m’eût surprise plus d’une fois la main sous mes jupes, on ne me mettait pas les fameux gants comme au cachot pour ne pas donner de mauvaises pensées à Germaine. Seulement, chaque matin, lorsque Germaine était descendue se laver à la pompe, la sœur me faisait lever tout en chemise, et elle me prenait les mains et me sentait les doigts en les reniflant très fort.

— Tu t’es chatouillée aujourd’hui, faisait-elle ; ou bien : Tu as mis ton doigt dans le trou de ton derrière. Dis que ce n’est pas vrai ! Ah ! cochonne, on ne te corrigera donc jamais !

— Mais, mère, ce n’est pas vrai, faisais-je toute confuse.

— Ce n’est pas vrai ? Tiens, voilà pour ton mensonge, et elle me donnait une paire de gifles qui m’aplatissait comme une pomme cuite. Et puis tourne-toi, veux-tu te tourner, et tout de suite, et montre-moi ton derrière que je le soigne. Veux-tu bien, ou tu l’auras devant Germaine !

Il fallait me mettre à plat ventre sur le lit, et alors la religieuse me levait le drapeau comme elle disait, et retirant sa savate, une savate dont la semelle était dure et souple, elle me repoussait convenablement le fondement, mes deux fesses, le trou, la petite fente, les cuisses, tout en recevait. J’avais beau pleurer, j’avais ma fessée.

Le jour, je devais lui demander la permission pour tout faire, même pour aller aux latrines. Il fallait lui dire si j’avais besoin de pisser ou d’autre chose. Elle [ne] me donnait que le temps strictement nécessaire, et quand je partais comme lorsque je revenais, regardait l’horloge. Une fois je m’attardai. Elle me fit présenter mes doigts.

— Ah, cochonne ! cria-t-elle, qu’as-tu fait depuis que tu es partie ? Tu t’es touchée ? Ne mens pas ! C’est excellent, c’est excellent. Viens ici que je te sente les doigts.

Elle les reniflait, puis :

— Heureusement qu’aujourd’hui j’ai de quoi améliorer ces pays bas. On m’a apporté de Corbeil un instrument qui va m’être bien utile.

Et elle tirait d’une armoire un grand martinet de cuir. Je tremblai. La savate suffisait déjà et me faisait bien assez mal. Mais la grosse religieuse m’avait déjà empoigné et elle m’avait mis la tête entre ses cuisses qu’elle serrait à m’étrangler. J’étais là, la face dans sa robe, suffoquée par les fortes odeurs qu’elle dégageait, toute honteuse et étourdie dans l’obscurité de ses jupes. Cependant elle m’avait levé mon jupon, ma chemise poissait aux fesses.

— Salope ! cria-t-elle, tu vas salir mon martinet neuf, mais tu l’essuieras avec ta langue, je te le promets. Qui m’a donné une merdeuse de fille pareille. Sale et vicieuse, elle a tous les vices.

Les lanières bientôt fouillèrent dans mes fesses, en écrasèrent et en balayèrent l’ordure, et hachèrent la peau vive. Je rugissais et je la mordis à la cuisse.

— Ah ! je vais te faire la dent molle, tu vas voir ça.

Elle m’emporta comme une poupée, me jeta en travers du lit et mit son derrière presque entièrement sur ma tête. Puis, m’ayant ainsi à sa merci, sans avoir besoin de me tenir, elle m’ouvrait les fesses et me fouettait les peaux tendres de ma fente et de mon trou du derrière.

Ce fut une terrible correction, mais j’avais je ne sais quel plaisir d’esclave à recevoir le fouet de cette religieuse.

Mais quand Germaine rentra et me vit tout en larmes, cette charitable petite dévote se mit à rire derrière.

Je fus si outrée de colère que je me dis : « Toi ma chère, je te veux faire fesser et avant qu’il soit longtemps. »

— Pourquoi riez-vous ? lui dis-je. On pourrait bien vous corriger aussi.

— Oh ! non, pas moi !

— Enfin, cela pourrait vous arriver. Vous avez un cul, vous aussi !

Tout son visage s’empourpra de honte et elle ne m’adressa pas un mot de la journée. Elle faisait un grand mystère lorsqu’elle allait aux latrines, comme si elle eût voulu laisser croire qu’elle était réellement un petit ange. Elle n’y allait que le soir, quand la sœur et moi étions couchées. Et lorsque la sœur fatiguée reposait, je profitai de ce sommeil et de l’obscurité pour aller surprendre mon ange à ses fonctions terrestres, et me couvrant du drap de mon lit, j’allai me cacher dans les latrines. À peine y étais-je, que mon ange, une chandelle à la main, arrive et se retrousse. J’eus alors le plaisir de voir que la maigreur de Germaine n’était qu’apparente. Sa taille était fine et souple, mais au bas s’épanouissait un copieux fessier, bien gras, gonflé à en éclater, et qui tendait ses lèvres comme pour y jouer un air de flûte. De fait j’entendis sonner l’air, de jolies notes. Il y avait réellement dans ce cul des petites voix angéliques, claires, argentines, et aussi parfois de grosses et de graves sonorités comme en rend un cul de dame mûre et vénérable. En même temps se projetait entre les grosses joues tendues, une belle coulée de pâte qui pendait comme une queue au crâne d’un Chinois. Elle était accroupie, montée sur le siège des latrines, tendant bien et ouvrant bien son mignon trou rose et pissant d’un jet doré. Alors sous mon drap, je me mis à pousser de grands cris et à remuer les bras. Elle eut tellement peur que je crus qu’elle allait tomber dans le trou ; mais non, elle eut la force de descendre du siège et se sauva laissant tomber ses cotillons sans peut-être prendre la peine de couper la queue grasse qui pendait à son derrière.

Je marchais derrière elle assez vite ; je l’atteignis comme elle allait rentrer à notre dortoir, soufflai sur sa chandelle à travers mon drap, l’éteignis, rentrai bien vite et allai me blottir dans mon lit.

À peine y étais-je que la sœur se réveillait.

— Tiens, où est donc Germaine, se demanda-t-elle.

Mais elle ne s’en inquiéta pas. Elle devait aller à des prières que les religieuses, au moment de la fête de la Vierge, récitaient la nuit, et elle s’habillait à la hâte, car elle était un peu en retard, et elle craignait, elle aussi, de mériter la discipline, car les mères la reçoivent jusqu’à la supérieure qui l’a du père abbé.

Elle sortit donc et Germaine rentra morte de peur, se glissa dans le lit, récita toutes sortes d’oraisons à haute voix pour se protéger du diable, et je crus qu’elle délirait tant elle parla longtemps. Enfin elle s’assoupit.

Après une prière, voici la mère saint Ildefonse qui rentre, moi je somnolais un peu, mais la lumière me réveilla tout à fait. La sœur se déshabille, se signe avec plus de précipitation que de coutume, car elle avait sommeil, et va se coucher ; mais au moment où elle lève le drap, elle s’arrête.

— Qu’est cela ? fait-elle.

Cela, c’était la longue traînée de pâte que, dans sa frayeur, mon petit ange de Germaine avait emportée entre ses deux fesses et venait d’abandonner dans les draps. Ah ! ma Germaine n’était plus une sainte, ni un ange aux yeux de ma mère sainte Ildefonse, je vous prie de croire. Paf ! Paf ! voici qu’elle la réveille. Germaine se réveille, crie, croit voir le diable.

— Voulez-vous me dire ce que vous avez fait, dégoûtante.

Germaine se mit à pleurer en regardant son œuvre.

— Ce n’est pas moi.

— Comment ce n’est pas vous ?

— C’est le diable ou Rose. (Je m’étais mise à ronfler.)

— Rose dort, et le diable ne vient pas dans mon lit, apprenez-le, mademoiselle. Je sais bien où est le diable, moi, tenez, je vais vous le dire… Tournez-vous ! Vas-tu te tourner, dégoûtante !

Et la sœur donne à Germaine une grosse claque sur le cul. Germaine qui jamais n’avait été fouettée, était folle de douleur et de honte. Elle sanglotait, criant à chaque chiquenaude de la sœur comme si on l’avait écorchée. Cependant la sœur, les lunettes sur son nez, regardait la chemise poissée, l’arrachait des fesses, et découvrait une raie du cul tout embourbée.

— C’est trop fort, par exemple ! cria-t-elle. Et elle alla chercher son martinet dans son armoire, puis surmontant son dégoût, elle prit mon petit ange sous le bras et son cul barbouillé, elle fouetta et refouetta, si bien qu’au milieu de l’ordure de belles gouttes de sang perlèrent.

— Vous allez lécher cela avec votre langue, cochonne ! dit la religieuse, et elle la força à nettoyer le lit puis à se nettoyer elle-même. Enfin elle la fit se coucher et se coucha auprès d’elle, mais comme Germaine sanglotait bruyamment, plus d’une fois la lourde main de la sœur s’abattit sur le postérieur de l’ange.

Germaine, le lendemain, ne savait où se mettre tant elle était honteuse ; enfin la correction de la nuit avait été sérieuse, car, malgré son orgueil de « sainte », elle portait fréquemment la main à ses fesses.

À un moment que nous étions seules, je lui dis :

— Germaine, tu as mal ?

Elle ne me répondit pas. Je recommençai ma question. Cette fois elle ne put s’empêcher de dire :

— Oh, oui ! j’ai grand mal.

Et des larmes lui vinrent aux yeux. Le fouet lui avait fait du bien, car il l’avait attendrie.

— Veux-tu que je te fasse passer ton mal ?

— Comment cela ?

— Laisse-toi faire. Étends-toi sur le lit et ferme les yeux.

— Mais la sœur, si elle vient ! Elle m’a dit, la méchante, ce matin : « Si vous souffrez, tant mieux. Je ne vous ai pas donné la fessée pour que vous ne souffriez pas ! Et si c’est la première fois, ce ne sera pas la dernière, a-t-elle ajouté. On a jusqu’ici été trop bonne pour vous. »

— Je vais te montrer qu’on ne doit pas craindre le fouet. Allons, couche-toi sur le lit.

— Mais si la sœur vient.

— Laisse la sœur tranquille ; elle est à manger, elle ne se dérangera pas.

Alors je retroussai ma Germaine, je mis à l’air ces jolies petites cuisses.

— Montre-moi tes fesses, dis-je.

Elle voulut refuser.

— Oh, non ! non ! non !

Je l’étreignais avec force, et alors sans craindre ce qu’il pouvait y rester de la veille, ravie par ces deux fesses angéliques, qu’elles étaient réellement, je léchais ces traces livides qu’avait laissées le martinet, et insérant ma langue dans le petit trou écorché, je léchais le sang frais, et pendant ce temps je frottais vivement la petite languette rose de sa fente, puis je picotais le bouton mignon et ses jolies lèvres comme Valentine me l’avait appris à lui faire. Elle se tordait, voulait me repousser, disant toujours :

— Assez ! Assez !

Mais je continuais sans relâche, sans fatigue. Enfin je vis qu’elle allait se pâmer, je lui entrai un doigt dans le trou du derrière et je secouai énergiquement le petit goulot. Elle se roula sur le lit, puis demeura immobile les bras étendus.

— Oh, mon Dieu ! dit-elle en se relevant au bout d’un instant comme si elle se réveillait d’un rêve, je vais être damnée.

— Non, seulement ce soir, quand la sœur dormira, tu viendras dans mon lit. Je t’apprendrai autre chose.

— Quoi donc ?

— La sœur m’a fessée ce matin, eh bien il faut que tu me rendes ce que je viens de te faire.

— Ça, jamais !

— Alors je raconte à la sœur que tu t’es touchée entre les fesses.

— Elle ne te croira pas.

— Elle croira tout de toi depuis ta correction d’hier soir. Ah ! maintenant, tu es, que tu le veuilles ou non, ma petite chose.

— Ah ! mon Dieu ! secourez-moi ! s’écria-t-elle.

— Va, je ne te ferai pas de mal, tu peux être tranquille. Je rendrai heureuses tes petites fesses que la sœur a meurtries si cruellement. Et puis aussi quand la sœur te fessera, car elle te refessera.

— Tu crois ?

— C’est sûr. Quand elle te refessera donc, remue ton derrière sous les coups, et au lieu d’avoir mal, au moins sur le moment, tu n’auras que du plaisir.

— J’en aurai, dit Germaine.



Livre second
ROSE, DEMOISELLE À MARIER













CHAPITRE PREMIER

Je jouis en grande fille
et l’on me traite en enfant.

Paris, 1776.

Quel bonheur ! Ma tante et venue la semaine dernière me chercher au couvent. Il paraît que je n’y retournerai plus. Je ne connaîtrai plus le fouet, les pensums, le cachot, les moqueries de mes camarades, la voix aigre des religieuses, et les devoirs qui empêchent de sortir par les beaux jours de soleil, et la cloche qui vous prive de sommeil le matin. Je n’ai plus maintenant qu’à me promener et à lire des histoires. Malheureusement celles qu’on me donne sont un peu plus morales que je ne le souhaiterais.

À la place de ces ennuyeuses et sévères maîtresses d’autrefois, j’ai pour professeur un monsieur qui ma foi, n’a point mauvaise tournure, et qui m’enseigne le chant et la danse. Je ne puis pourtant faire avec lui tout ce que je désirerais ; par exemple, je souhaiterais d’être seule avec lui, quand je prends mes leçons, mais ma tante ne me quitte pas des yeux tout le temps que le professeur est avec moi. Cela est ridicule et m’ennuie beaucoup. Est-ce que je ne suis pas une assez grande fille à présent pour qu’on ne puisse oublier une seule minute de me surveiller.

Songez donc ! Je suis bonne à marier. Hier, après m’être lavée, pendant que ma tante était sortie, je me suis regardée, dans la grande glace de sa chambre, toute nue. Cela m’a fait plaisir de me voir, et par-devant et par-derrière ; je ne m’étais jamais regardée avec autant d’attention. Je suis plus belle que toutes mes amies. Valentine, il est vrai, a des traits plus réguliers que les miens, mais n’a pas des yeux si beaux et une bouche si expressive : on me l’a toujours dit. J’ai de jolies dents, une oreille bien dessinée, mes cheveux, qui me descendent jusqu’aux reins, sont fins et d’un blond agréable. Je ne connais que les seins d’Olympe qui soient d’un dessin plus ferme et plus délicat que les miens : et encore, à mon goût, sont-ils trop gros. Mes hanches s’arrondissent délicatement, mes cuisses sont fortes, mon mollet mince, mais bien fait. Après m’être regardée le devant, je me suis tournée et j’ai aimé mes larges épaules et mes belles grosses fesses. S’est-on amusé à taper sur elles au couvent. N’importe ! Je suis une jolie fille et l’homme qui me prendra ne sera pas malheureux. Mais, j’y songe ? Comment sera-t-il, mon mari ? Blond ou brun, grand ou petit ? Je veux toujours qu’il soit bien doux, bien empressé à me satisfaire et à m’aimer. Un baiser d’un mari, ça doit être si bon ! Je voudrais embrasser mon professeur de danse : ça me donnerait un avant-goût de la chose.

Pendant que je me divertissais à me regarder le derrière, à écarter et à avancer mes fesses vers la glace, j’ai entendu la porte de la rue se refermer : c’était ma tante. J’ai eu grand-peur d’être surprise et je me suis hâtée de m’habiller.

Ma grande joie, maintenant, c’est de pouvoir me coucher et me lever à l’heure qu’il me plaît. Pourvu que je sois prête aux heures des repas, ma tante ne me fait aucune observation. Mon lit est si moelleux, surtout si je le compare à la petite et dure couchette que j’avais au couvent. L’autre soir, à huit heures, après le souper, le vent s’était levé et il faisait froid au jardin : je demandai à ma tante la permission de me coucher, alléguant la grande fatigue que j’éprouvais. Ma tante voulut bien me permettre de me retirer. En réalité, je me portais à merveille, mais la conversation de ma tante et des dames, ses amies, m’ennuyait, et j’avais hâte de jouer dans mon bon lit. Je me déshabille à la hâte, puis me mets un instant devant la glace, dégrafant ma chemise par-devant pour regarder mes seins que je caresse doucement quelques minutes, puis la troussant par-derrière pour voir mes fesses, que je tends et que je gonfle à plaisir. D’abord satisfaite de ce spectacle, je me coule dans mon lit où le froid des draps, puis la chaleur que je parviens à ressentir au milieu des couvertures, me procure des sensations délicieuses. Une fois réchauffée, je rejette les couvertures, je retire ma chemise elle-même, et, toute nue, je m’enveloppe dans les draps, de manière à ce qu’ils couvrent mes formes sans les déguiser. Le contact fin de la toile me chatouillait agréablement et je prenais plaisir à me caresser tout le corps. À un moment, je fus si excitée, que je roulai une partie du drap entre mes jambes, puis je me frottai sur ce bourrelet voluptueux jusqu’à ce que j’eusse éprouvé la plus exquise des jouissances. Un peu honteuse, je m’éveillais de mon ivresse, quand, tout à coup, la porte s’est ouverte et ma tante a paru :

— Est-ce que vous êtes souffrante, Rose ? m’a-t-elle dit.

— Non, ma tante, mais je ne puis dormir.

— Aussi pourquoi vous agitez-vous comme cela, s’est-elle écriée, en remettant les couvertures sur mon lit. Il faut souffler cette bougie et ne plus songer à rien : vous êtes trop préoccupée, ma fille.

Je me suis tournée dans la ruelle pour qu’elle ne vît pas ma figure rouge et elle ne s’est pas aperçue de mon trouble ni de ma frayeur.

28 mai.

Il faisait si chaud aujourd’hui, que j’ai obtenu de ma tante la permission d’aller aux bains. L’eau tiède m’a rafraîchie tout en me donnant cette sensation de chaleur modérée qui est si agréable.

Quand j’en suis sortie, j’étais alerte et joyeuse, un petit vent s’était élevé qui me fouettait les jupes sur mon corps et devait joliment dessiner ma croupe et mes jambes. À un moment, je me retournai et je vis deux jeunes garçons qui regardaient précisément le bas de mon corps ; je leur ai fait de gros yeux de reproche et d’indignation, mais je n’ai pu ensuite m’empêcher d’éclater de rire, en songeant qu’un coup de vent malhonnête pourrait me trousser complètement à leurs yeux.

— Qu’avez-vous ? me dit ma tante en me considérant d’un air étonné et soupçonneux.

Je ne lui ai rien répondu et suis redevenue subitement sérieuse.

De retour à la maison, j’ai eu très grand-faim et j’ai demandé à Manon, la cuisinière, de me donner quelque chose à manger, bien que le souper dût avoir lieu dans une heure, je ne pouvais attendre, j’étais impatiente de manger. Ma tante s’y est opposée, mais je sais où elle met ses confitures de fraises, qu’elle sucre avec autant de science que la meilleure des pâtissières. Je lui ai volé un pot de ces excellentes confitures et j’ai fait la gourmande et la goulue jusqu’au souper. Comme devant ma tante je mangeais très peu et qu’elle s’en étonnait :

— Ma faim est passée, madame, lui ai-je répondu.

Mais après le dîner j’eus besoin de délacer mon corset, de dégrafer ma robe et de me jeter sur mon lit, en léchant, comme ma chatte, mes lèvres encore sucrées et parfumées. J’étais punie de ma gourmandise.

Moulin-Galant, 28 mai.

Nous sommes allées à la campagne, ma tante, notre jeune cuisinière Manon et moi. Ma tante alla faire visite à monsieur le curé, et, pendant ce temps-là, Manon et moi, nous fûmes à la promenade.

Je n’ai pu voir ces belles prairies couvertes d’une herbe haute et toutes ombragées du soleil par de grands chênes, sans avoir l’idée de m’étendre tout de mon long par terre :

— Mademoiselle ! mademoiselle ! m’a crié Manon, quand elle me vit m’élancer dans l’herbe. Que va dire votre tante ? Vous allez salir votre belle robe blanche. Votre tante est capable de vous battre.

— On ne bat pas une fille de mon âge, Manon, répondis-je avec fierté.

Et pour prouver que je n’avais pas peur de ma tante, je me jetai d’abord à plat ventre dans l’herbe fraîche et m’y roulai avec délices. Dans cette couche encore plus voluptueuse qu’un lit, flairant l’odeur exquise du foin, je glissai un doigt entre mes cuisses et me pâmai de plaisir.

Quand je rentrai j’avais très grand-soif et je cherchai Manon pour lui demander à boire ; elle n’était pas à la cuisine, ni dans l’office. J’eus l’idée d’aller moi-même dans ma cave. Qu’est-ce que je vois ? Dans la pénombre, couchée sur une barrique, la robe relevée, Manon qui avait une longue carotte entre les jambes et poussait des soupirs :

— À quelle pratique vous livrez-vous, Manon, lui dis-je.

— Ah ! mademoiselle, on fait ce qu’on peut quand on n’a pas d’amoureux.

Et elle continua l’opération que j’avais si mal à propos interrompue. Je voulus aussi, moi, suivre son exemple. J’allai chercher, dans la cuisine, une grosse carotte qui trempait dans l’eau fraîche, je me mis à côté de Manon et prit son attitude. Je n’enfonçai pas la carotte, mais je m’en chatouillai mon petit bouton avec un vif plaisir, puis, peu à peu, je l’introduisis dans mon derrière.

— La sucerez-vous bien à présent, me dit Manon en riant.

— Suce-la toi-même, lui dis-je.

Et je mis presque de force, dans sa bouche, la carotte souillée ; elle me repoussa et rejeta le légume de dégoût, en crachant.

Une idée bizarre me vint alors d’exprimer le jus des prunes sur cette délicate partie qui venait de me procurer de si grandes jouissances. Je fis part de mon idée à Manon, et bientôt nous étions toutes deux à écraser de belles prunes de Reine-Claude entre nos cuisses et entre nos fesses, excitées de la plus voluptueuse façon par ce jus de fruit gluant qui nous inondait devant et derrière.

La voix sévère de ma tante se fit alors entendre, nous n’eûmes que le temps d’abaisser nos jupes. Ma tante était accompagnée de monsieur le curé et venait avertir Manon que nous aurions le soir plusieurs invités.

— Que complotez-vous ensemble toutes les deux, nous a-t-elle demandé, en nous jetant à toutes deux un coup d’œil scrutateur.

Soudain elle a vu ma robe et est entrée en fureur.

— C’est ainsi que vous arrangez votre toilette, mademoiselle. Ah ! c’est trop fort.

La poussière de la cave s’était jointe à la tache verte de l’herbe, pour faire de ma jupe un chiffon fort sale. J’avais honte de paraître ainsi devant le prêtre, mais ma tante m’a forcée de me présenter à lui et de la plus honteuse façon. M’attirant jusqu’à la porte du jardin et me faisant courber, elle m’a administré sur le derrière une dizaine de cinglées d’une petite houssine qu’elle avait coupée dans une haie durant sa promenade. Par égard pour le prêtre, elle ne m’avait pas levé ma robe, mais j’ai bien senti tout de même la force de sa main ; j’étais si confuse et si humiliée que je ne me suis pas défendue et je me suis retenue de crier. Quand elle eut fini de me fouetter :

— Allez, mademoiselle, et soyez exacte à revenir pour le dîner, m’a-t-elle crié.

Je suis partie sans demander mon reste, tandis que le prêtre souriait de la correction ; mais à peine me suis-je trouvée dans ma chambre, que j’ai éclaté en sanglots. Quoi ! me disais-je, me donner le fouet ! à mon âge et comme à une fillette ! Méchante ! misérable tante ! J’étais indignée. Et je rêvai mille vengeances. Ce qui me révoltait le plus, c’était cette ironie cruelle de m’inviter à dîner après m’avoir battue. Je jurai de mourir de faim plutôt que d’assister au repas. Mais ma tante vint elle-même me chercher et me contraignit de descendre, me menaçant d’une seconde correction si je refusais de la suivre.

Je dus me montrer avec mes yeux rouges, non seulement au prêtre, mais à l’assistance qui était assez nombreuse. Je crus mourir de honte. Il fallut m’asseoir au milieu de cette compagnie et soutenir les regards railleurs des invités. Pour comble d’humiliation, on parla, ce soir-là, de la façon de punir les enfants. Décidément on ne me regardait pas comme une grande fille.

— Ma pauvre demoiselle, me dit mon voisin, un gros homme rouge qui avait des verrues sur le nez, vous avez donc eu le fouet.

— Et ce ne sera pas la dernière fois qu’elle le recevra, dit ma tante, tant que mademoiselle se conduira aussi mal, on n’aura point d’égards pour son derrière.

— Le fouet est d’ailleurs bien bon pour la santé, dit le médecin d’un air grave, cela prévient la constipation et donne au sang de l’activité.

Je me retirai du dîner toute confuse et sans avoir eu le courage de rien manger.

2 juin.

Comme cette correction m’avait toute bouleversée, que ce matin J’étais fort pâle et que je n’avais point d’appétit au déjeuner, ma tante a fait venir le docteur qui a ordonné de me purger, j’étais honteuse d’un pareil remède, mais j’ai dû l’accepter. Moi qui avais si grand plaisir à montrer mon derrière aux jeunes filles du couvent, il a fallu me menacer d’une correction pour que je me décidasse à me mettre en position. Rose[ws 1] était chargée de la délicate opération de me donner le lavement et, sans le vouloir, elle m’a causé un plaisir auquel je ne m’attendais pas. Comme je m’étais mise sur le côté pour lui présenter mon postérieur, elle ne put faire pénétrer la canule. Je dus me coucher à plat ventre, en travers du lit, la tête en bas et les fesses en l’air bien écartées. Rose[ws 1] m’amusa vivement à chercher le trou, comme si elle était aveugle, et quand elle l’eût trouvé, l’introduction de la canule dans mon derrière ne me causa que du plaisir. J’eus même de la peine à retenir un rire, réellement désastreux s’il eût éclaté, car il aurait renvoyé la canule et le lavement au nez de mon apothicaire. Enfin je me laissai emplir le derrière : le gourmand bouffa tout.

Ce qui suivit, par exemple, m’a causé un vif désagrément. Les latrines sont à côté de la cuisine et, pour aller me soulager, je dus quatre fois passer devant l’amoureux de Rose[ws 1], qui ne put s’empêcher de rire en me voyant dans mon accoutrement de malade, me rendre aussi souvent au seul réduit, sans compter que le bruit malhonnête que produisaient presque inévitablement ces violents soulagements, leur devait bien parvenir à l’oreille.

Le soir, enfin, ma tante, pour laquelle je cherchais à me guérir de ma frayeur, me prouva que je n’avais pas tort de craindre sa sévérité. Comme le médecin m’avait ordonné de demeurer au lit et que j’étais un peu impatiente de n’y rien faire, pour me divertir j’eus l’idée d’aller voir, en l’absence de ma tante, si je ne découvrirais pas, dans la petite bibliothèque qui se trouvait dans une chambre voisine de la mienne, un livre amusant. On m’a défendu de lire des livres autres que ceux qu’on me donnait. Mais c’étaient justement les autres que je désirais connaître. J’aperçus derrière les vitres de la bibliothèque des titres qui m’alléchèrent : Les amours d’Élise, Le nain amoureux, La belle maîtresse. Je me disais que ces livres parlaient d’amour et qu’ils devaient être fort intéressants. La bibliothèque, malheureusement, était fermée, mais en cherchant ici et là, j’eus le bonheur de trouver la clef. Avec quelle précipitation je l’introduisis dans la serrure ! j’ouvris et je saisis les livres, sans même prendre le soin de remettre à leur place les volumes que j’avais dérangés. Je me recouchai à la hâte avec les livres précieux et je les ouvris le cœur battant. Quel ravissement ! On n’y parlait que de caresses et de baisers ! Des gravures ne représentaient que de belles femmes et de beaux hommes, mais je me suis étonnée de la façon dont les hommes sont conformés, ce qu’ils portent au milieu du corps m’intrigue et me fait rire. Est-ce une difformité ? Je ne comprends pas tout ce que je lis, mais cela m’intéresse aussi vivement que si je comprenais tout, j’essaie de deviner des énigmes, je me pose des questions. Il y a ça et là des passages qui me plaisent tant à l’imagination qu’il m’en coûte, au milieu d’une si profonde jouissance, d’oublier mon pauvre corps ; bientôt je ne tiens plus le livre que d’une main, l’autre vient me gratter nerveusement mon bouton ; tout à ma lecture et à mon divertissement je suis sur le point de me pâmer encore une fois, quand ma tante apparaît, m’arrache le livre des mains et m’applique une paire de terribles soufflets qui m’enflamment les joues et les oreilles :

— Ah ! je vais vous apprendre, mademoiselle, à me désobéir de la sorte.

Un drap mince, une chemise me défendent seuls du châtiment. On les écarte et ma tante m’a vite jetée en travers du lit, les fesses en l’air. Tout lui est bon pour me châtier, et du cuir de ma propre ceinture oubliée près de mon lit, ma tante fait un fouet qui me déchire la peau. Alors je n’essaie plus de retenir les cris, je pleure et je demande grâce, mais on ne m’écoute pas et on me frappe sans pitié.

Je n’avais jamais été traitée aussi durement. Elle a voulu, sans doute, m’en laisser un long souvenir. Pendant quelques jours, je n’ai pu m’asseoir, sans ressentir au derrière une vive douleur ; pour excuser ma tante il est bon de dire, qu’à ses yeux, je méritais cette dure punition.

Je suis allée aujourd’hui avec Manon chercher de la crème, à un petit village qui se trouve sur le bord d’une jolie rivière.

Le matin était gai de soleil. Il y avait des roulades d’oiseaux d’un bout à l’autre des haies. Une petite pluie avait rafraîchi l’air et donnait aux feuilles une odeur d’humidité qui m’énervait. Je m’amusais de la boue des chemins, sautant par-dessus les ornières pleines d’eau, qu’avaient creusées les charrettes des paysan. Deux foi je me trempai les pieds et de la boue jaillit sur ma robe :

— Vous serez grondée à votre retour, mademoiselle, s’écria Manon.

Mais je ne fis pas attention à ses paroles.

Enfin nous sommes arrivées. La fermière qui nous a vendu la crème a, derrière sa maison, un petit jardin auquel elle donne les plus grands soins. Je n’ai vu que chez monsieur de Vieillevile, fermier général, de si belles fleurs, et encore monsieur de Vieilleville serait-il jaloux de ses héliotropes. Mon Dieu ! les belles fleurs. Leur odeur mielleuse et pimentée me transportait. Sans Manon, je me fusse jetée à plat ventre parmi ces longues tiges violettes et embaumées. Mais Manon m’en a empêchée en me disant « qu’encore que je fusse une dame de la ville, la fermière pourrait très bien me battre, car elle tient plus à ses fleurs qu’à ma dignité et que si je lui déplaisais elle me trousserait et me claquerait le cul (ce sont les expressions de Manon), ni plus ni moins qu’une petite vachère. » J’ai eu peur de la paysanne, d’autant plus que lorsque nous sommes arrivées, elle venait justement de houssiner une grande fille qui sanglotait, tout en se frottant le derrière, tandis que son bourreau la considérait d’un œil brillant de cruauté, qui ne m’a point rassurée. « La méchante femme », ai-je dit tout bas à Manon, en lançant un coup d’œil de pitié à la pauvre enfant fessée. Il s’en est fallu de peu, sous prétexte que la fillette l’ennuyait par ses gémissements, que sa marâtre ne la fouettât encore. La mégère contait à une commère, qui était là, les prétendus méfaits de la petite.

— Une pie borgne, faisait-elle, qui ne fait œuvre de ses dix doigts et qui est tout le jour à jouer à la biscambille et à gueuler à tout le village, à plein baquet, des histoires qui ne sont que des menteries. Croit-on que ça fasse bien de l’honneur à une brave femme comme moi, de gaver de mangeaille des creyatures à ne rien faire. Mais je lui torcherai le cû proprement à c’te guenipe ; je l’y baillerai le fouet à sa récréance. J’ai dans les champs assez de genêt qui n’attend que ma main pour lui décrotter le fessier.

La femme menaçait toujours la pauvre enfant qui voulait s’enfuir, mais qui n’osait. Elle parlait d’une façon si drôle que j’avais grand peine à me retenir de rire, bien que les paroles qu’elle prononçait me fissent rougir. À peine sorties, je me suis mise à l’imiter, à contrefaire sa voix, ses gestes. Et je disais des gros mots, et je roulais des yeux et je levais la main. Manon se tenait les côtes à force de rire, mais de temps à autre elle s’écriait :

— Ah ! si votre tante vous entendait.

Puis aussitôt sa gaieté reprenait de plus belle.

Nous sommes allées ensemble jusqu’à la rivière où nous avons trouvé, sur le bord, un petit coin de terre où le soleil donnait en plein et où nous avons eu plaisir à nous asseoir. Le sol, bien chauffé, nous cuisait agréablement les fesses, tandis qu’à côté de nous, le feuillage léger des saules, agité par le vent, nous éventait d’une façon délicieuse. Nous avons regardé la rivière qui étincelait, puis Manon a tiré d’un panier qu’elle avait apporté, des assiettes, des cuillers et du pain. Ma tante nous avait permis d’aller goûter au bord de l’eau et je lui en ai su bon gré, car jamais je n’ai eu plus de plaisir. La crème était excellente et le parfum piquant des fruits s’y mêlait délicieusement. Nous avons croqué le pain frais à belles dents, puis nous nous sommes couchées sur l’herbe. Comme l’ombre commençait à s’étendre et il faisait un peu plus frais, nous avons arraché des ciguës, des pissenlits et des marguerites et nous nous sommes diverties à nous chatouiller le nez et la figure. Manon était toute rouge, les yeux animés, des petites gouttes de sueur perlaient à son front. Je n’ai pu m’empêcher de lui dire ce que j’éprouvais :

— Sais-tu que tu es jolie, Manette.

Puis, j’ai avancé les lèvres pour lui donner un baiser, mais elle n’a pas voulu le prendre. Pourquoi ? aurait-elle un amoureux !

Elle s’est alors levée un peu lourdement, et sans le vouloir m’a effleuré le visage de son vaste postérieur.

Quel cul tu as, Manon ! me suis-je écriée, mais au même instant un gros et odorant pet a retentit sous ses jupes.

Tandis que Manon retournait la tête vers moi en éclatant de rire, j’ai feint la colère, et pour la punir je l’ai poussée si vivement qu’elle s’est étalée par terre, à plat ventre. La coquine alors, comme je tournais autour d’elle, pour se venger, m’a attrapé le bout de la robe, j’ai glissé et je suis tombée sur l’herbe, près d’elle. Je n’avais point de dégoût d’elle, car je l’ai embrassée à pleine bouche avant qu’elle n’eût le temps de s’en défendre. Mais la sale n’a-t-elle pas lâché, presqu’à mon nez, un nouveau vent non moins infect et bruyant que le premier. Alors je lui ai cinglé les fesses avec une baguette, d’un coup si vif qu’elle a poussé un cri de douleur, s’est relevée, puis jetée sur moi, et comme elle est la plus grande et la plus forte, elle n’a pas eu beaucoup de peine à me rendre ce que je lui avait fait. Ça été mon tour de crier et de demander ma grâce que j’ai enfin obtenue. Enfin, nous avons fait la paix ; nous nous sommes de nouveau étendues sur l’herbe et le doigt sous les jupes, les sens excités par la cinglade que nous venions de nous donner, nous servant réciproquement, remuant les fesses à qui mieux mieux, nous nous sommes fait jouir l’une l’autre jusqu’au soir.

CHAPITRE II

Comment je suis courtisée par le fils,
par le père
et par le Saint-Esprit

Ma tante, sur les conseils de monsieur le Curé, a résolu de me mener chaque matin à la messe, pour m’exciter, dit-elle, au travail et à la piété. Elle m’a dit que pour aller à l’église je devais revêtir une robe simple et négliger toute parure, mais le moyen de ne pas avoir quelque coquetterie quand on se sent regardée par tous les jeunes gens de l’endroit ! Je crois bien que ces visites à l’église n’auront point le résultat qu’elle espère. J’ai, au couvent, assez goûté de la religion pour en être à jamais rassasiée. Et puis ces vieilles bigotes ont tant de ridicules ! Valentine, dont le père est athée, m’a répété à ce sujet des paroles qu’elle avait entendues dans sa famille, et qui m’ont beaucoup donné à réfléchir. Comme beaucoup de bons esprits, aujourd’hui, monsieur Helvetius et monsieur de Voltaire, disait-il, jugent ainsi, je me passerais fort bien de la religion, des prêtres et des églises.

Pour le moment, à la messe, je joue comme il est nécessaire mon rôle de point de mire des hommes. À défaut de bijoux, j’ai soin de me mettre au corsage et dans les cheveux quelques fleurs du jardin de ma tante ; j’ai pu faire venir, de Paris, de la poudre et de l’essence à la maréchale, et ainsi fleurie et parfumée je m’embaume et me respire moi-même. Ma tante aussi m’a fait faire une nouvelle robe. Ce m’a été un grand amusement de livrer ma taille, mes hanches, mes jambes à la couturière qui me prenait la mesure. Avec tout cela, j’ai tourné la tête à un fils du bailli, assez joli garçon, mais qui n’a pas la figure qui me plaît chez un homme. Il m’a écrit une lettre passionnée qu’il m’a passée à l’église en me donnant de l’eau bénite. J’ai pris la lettre en rougissant et parce que c’était le seul moyen de ne pas me faire remarquer. Seulement, l’autre jour, il était avec la fille de la vachère, elle avait la main dans sa culotte et lui il lui tenait le cul à pleines mains. Est-ce ainsi qu’il entend me faire la cour ? Je ne l’aime pas, et cependant je serais heureuse de le voir quelquefois. Mais comment échapper à la surveillance de ma tante ? Je me suis contentée de lui sourire en clignant de l’œil du côté de ma tante pour lui dire combien il était difficile de tromper mon Argus. A-t-il compris ? Il ne m’a plus écrit depuis.

8 août.

Il y a eu aujourd’hui un concert chez le docteur. On m’a invitée à chanter, et, malgré ma timidité, j’ai fini par accepter. J’ai été surprise de voir le fils du bailli qui était assis devant le clavecin pour m’accompagner. Est-ce le plaisir de chanter devant une nombreuse assistance, ou ce qu’il y a dans la musique de passionné et d’enivrant ? Toujours est-il que j’ai mis dans mon chant tout le sentiment dont je suis capable, et que j’ai tiré des larmes aux assistants. Quand je me suis dérobée aux félicitations de tous les invités, mes joues étaient en feu et humides de larmes, mon cœur battait plus fort et mes jambes tremblaient sous moi. Ma tante était aussi fière que si c’était elle qui avait remporté ce triomphe. Le fils du bailli est venu me baiser la main, et le docteur m’a donné un verre de son vieux vin de Syracuse.

Faut-il le dire ? À peine rentrée chez moi, mon démon de luxure m’a reconquise. J’avais envie de me soulager ; je suis allée m’enfermer dans les latrines, et bien assise sur le siège, je me suis amusée à me chatouiller le bouton, tandis que mon derrière ouvert laissait tomber lentement la charge de mon ventre. Est-ce étrange ! Moi qui aime tant les fins parfums, l’odeur infecte que j’exhalais en ce moment me faisait jouir, non moins que l’excitation que je me donnais par-devant. De même j’ai pris plaisir à m’essuyer longuement les parois de l’orifice, me chatouillant le trou embrené de mon derrière. Puis j’ai eu envie encore, je me suis replacée, et les efforts que je faisais pour me soulager le ventre et le frottement de mon bouton me causaient tant de plaisir que je me suis encore tordue de jouissance, et j’ai failli tomber dans les latrines. Quand je me suis relevée j’étais toute humide par devant ; ma robe avait de l’ordure et le siège des lieux d’aisance aussi. Mon cœur battait précipitamment, j’ai eu hâte d’aller me changer.

Comme je sortais toute rouge de la garde-robe, ma tante m’a rencontrée et remis une lettre de monsieur le Curé.

Elle était ainsi conçue :

« Ma chère enfant, je suis étonnée que depuis plus de trois mois que vous êtes parmi nous, la pensée ne vous soit pas venue encore de vous confesser. J’ai fait part de ma surprise à madame votre tante qui m’a dit combien elle tenait à vous voir remplir vos devoirs religieux. C’est à sa prière que je vous invite à venir au sacré tribunal de la pénitence. S’il vous est désagréable de vous mêler à la foule de mes paroissiens, venez donc dans la soirée, de trois à quatre heures, à mon presbytère : je vous y attendrai.

« Votre dévoué pasteur,
« Louis Plancheteau, curé. »

Cette lettre m’épouvante. Quoi ! me confesser ! et à un prêtre qui a ri de me voir fouetter, et qui va savoir tout ce que j’ai commis en secret ! Je ne crois guère au silence que peut garder ce prêtre, et je m’imagine que celui-là va tout dire à ma tante. Je sais bien que je puis lui conter des mensonges, ou même sans cela ne lui rien dire, mais je suis une si mauvaise menteuse, et je dissimule si mal même mes secrets ! Lorsque le curé me demandera : « Est-ce bien tout ? » je rougirai, je me trahirai et il devinera que j’ai menti. Je pourrais à la rigueur ne pas aller à confesse, mais ma tante m’y contraindrait. Puis, j’ai beau partager avec Valentine les idées de son père, à certains moments les préjugés que m’a donné l’éducation sont plus forts que les raisonnements. Décidément, il faudra demain aller voir monsieur le curé.

11 août.

Par cette chaude nuit je ne pouvais dormir, je me tournais et me retournais dans mon lit : alors je me suis levée, j’ai couru à ma fenêtre qui donne sur la campagne et je l’ai ouverte. Le ciel est d’une limpidité admirable ; la lune brille au-dessus des grands feuillages sombres et immobiles. Toute la campagne disparaît dans un brouillard lumineux. Que Valentine n’est-elle ici, avec moi, sa nature sensible et rêveuse me ferait si bien goûter le charme de cette belle nuit. Moi, je ne suis qu’une fille passionnée qui est malheureuse seulement de ne pas avoir près d’elle un homme qui l’aime. Ah ! si je n’avais pas dédaigné les hommages du fils du bailli ? Mais qu’est-ce que ce bruit que j’entends au dehors, au-dessous de mes fenêtres, quelqu’un monte ? Je suis sur le point de crier quand j’aperçois justement le jeune homme auquel je pensais. Il monte à l’échelle appuyée contre le mur de ma fenêtre, lorsqu’il m’aperçoit, il m’envoie un baiser, puis, comme je veux lui fermer la fenêtre, il me fait un signe de la main qui me paralyse et met le doigt sur sa bouche comme pour m’imposer silence. Je suis maintenant indignée de son audace, furieuse qu’il ose venir chez moi ainsi, me compromettre sans y avoir été encouragé, ce n’est que la frayeur et l’émotion qui m’ont empêché d’appeler au secours, puis je me sens dominée par ses gestes impératifs et par ses yeux, qui, dans cette nuit, apparaissent blancs dans son visage sombre.

À peine est-il sur le haut de l’échelle qu’à voix basse, je le supplie de se retirer, lui disant qu’il peut me perdre à jamais, que ma tante couche à côté de moi, que son imprudence est ridicule, que d’ailleurs je ne l’aime pas. Mais il me répondit ces simples mots :

— Moi je vous aime et je vous veux.

Ses regards brillent, et avant que j’aie pu l’en empêcher, il enjambe l’appui de la fenêtre et entre dans ma chambre.

Je ne sais pourquoi je l’ai aimé en ce moment-là seulement, mais j’ai tout de même continué à me défendre.

— Voyons, lui ai-je dit, tremblante de peur, vous êtes fou ce soir. Laissez-moi, laissez-moi.

Je pense bien qu’il était ivre ; cette expédition était si extraordinaire ! Mais sans être le moins du monde découragé de ma défense, il m’a pressée contre lui et m’a poussée vers mon lit, où je suis tombée. Alors j’ai senti qu’il essayait de m’entrer dans le corps un objet qui m’a paru énorme ! J’ai poussé un cri, et pour me défendre j’ai serré les cuisses qu’il a inondées presque aussitôt d’une dégoûtante matière.

— Retirez-vous, lui ai-je dit, vous me faites horreur.

J’ai pu me dégager et je l’ai vu la culotte baissée, tenant contre le ventre ce long et gros instrument de chair qui m’avait tant surprise dans les dessins des livres que j’avais lus le jour de mon remède. Intéressée malgré tout, par cette partie de son corps, je l’ai considérée attentivement et j’ai pu voir une eau visqueuse qui s’en dégouttait et dont il venait de m’arroser. Au même instant j’ai entendu du bruit dans la chambre à côté. Il l’a entendu comme moi, car je n’ai pas eu besoin de lui demander à partir de nouveau, il a sauté sur son échelle et est descendu au plus vite ; j’ai fermé la fenêtre précipitamment et me suis couchée.

Par bonheur personne n’est venu dans ma chambre, je me suis alors relevée pour considérer mes cuisses et les laver. L’odeur de cette eau visqueuse m’excitait, d’un autre côté, j’étais plus honteuse que lorsque ma tante me donnait le fouet. Je me sentais irrémédiablement humiliée et souillée, et je ne me sentais plus la même qu’auparavant. Oubliant alors les opinions du père de Valentine, j’ai pris la résolution d’aller à confesse le lendemain et de tout dire à monsieur le curé dans le besoin extrême que j’avais d’un confident. Je ne pus pourtant découvrir la raison pour laquelle le curé, dont j’avais peur la veille, me semblait maintenant l’homme indiqué pour remplir ce rôle auprès de moi.

12 août.

Monsieur le curé, comme il me l’avait dit, m’attendait au presbytère. Il m’a reçue avec beaucoup de politesse et m’a conduite dans sa chambre. Là il m’a fait agenouiller sur un prie-Dieu et m’a demandé l’aveu de mes péchés. Avec une honte qu’on peut imaginer, j’ai tout dit, jusqu’à mes singuliers et sales plaisirs. Quand j’eus tout avoué, j’éprouvai une sorte de soulagement et je le regardai. Il avait le visage très rouge et souriait étrangement.

— Mon enfant, me dit-il, vos péchés sont abominables. La miséricorde de Dieu, cependant, est infinie, et, en vertu du pouvoir qu’il confère à ses ministres, j’ai le droit de vous donner l’absolution. Mais il va vous falloir, auparavant, souffrir une humiliante pénitence, car le corps qui s’est souillé avec tant de délices doit être mortifié. Vous allez recevoir la discipline. Baissez la tête jusqu’à terre pour mieux vous humilier et tendez-moi sans voile ces parties où le démon a fait sa demeure.

Je dus lever ma robe et mes jupes et exposer à sa vue mon derrière. Ma confusion était extrême et si j’eusse pensé que j’en serais réduite là, je ne serais certainement pas venue au presbytère : je préférerais encore recevoir le fouet des mains de ma tante que de celles du curé.

Cependant le prêtre avait pris un martinet et après quelques coups qui ne me firent pas grand mal, il m’en donna plusieurs qui me cinglèrent les fesses si violemment que je ne pus me retenir de lui crier :

— Grâce ! Grâce ! mon père, fis-je.

— Ne pouvez-vous mieux supporter votre pénitence ? me répondit-il.

Sa voix était si changée, il paraissait maintenant si irrité contre moi, que je relevai un peu la tête et la détournai vers lui. Je vis alors qu’il avait relevé sa soutane, baissé sa culotte et qu’il présentait à mon derrière le même objet, rouge, gonflé, énorme, que la veille m’avait laissé voir le fils du bailli. Très effrayée je me relève aussitôt, et sans prendre même la peine de me rajuster, je cours à la porte fermée, je tourne vivement la clef et je me précipite dans le corridor. Le prêtre me suivait et essaya de m’arrêter par des gestes et des imprécations, mais je ne l’écoutais pas.

En toute hâte je descendis l’escalier, traversai le jardin et me sauvai vers la maison en courant.

Ma tante fut très étonnée de me voir arriver toute haletante et me demanda des explications auxquelles je ne sus répondre que par ces mots : « Ce curé est un misérable ! un misérable ! » Explication qui naturellement ne parvint pas à la satisfaire.

Mais, dans la soirée, le curé, qui avait repris ses manières douces et affables, vint trouver ma tante et demanda à l’entretenir quelques instants. Au risque de me faire surprendre, je me glissai dans le salon par une petite porte qui communiquait avec l’office, et je restai cachée derrière un rideau. Comme ils étaient à l’autre extrémité de la pièce et qu’ils parlaient bas, presque tout le temps que dura leur conversation, je ne pus surprendre que quelques mots, mais je distinguai ces paroles du prêtre :

— Il faut la marier. Son tempérament l’exige.

Paroles auxquelles ma tante répondit :

— J’aurais pensé qu’il valait mieux la mettre au couvent. Cependant, si vous jugez, monsieur le curé, que l’état de religieuse ne lui convient pas, je me rangerai à votre avis.

Ainsi on voulait me marier ! J’allais être libre. Je n’avais déjà plus de haine pour le prêtre qui parlait ainsi à ma mère. Je lui pardonnais tout, mais je ne pouvais me pardonner à moi-même de lui avoir livré mon secret.

Jamais je ne me serais figuré l’époux que ma tante m’avait choisi sans s’occuper de mes goûts, sans savoir si mes yeux ne s’étaient pas déjà fixés sur un ami. Quand elle me dit que le bailli avait demandé ma main et qu’elle la lui avait accordée, que le mariage était pour ainsi dire décidé, mes jambes ne me portèrent plus, je crus que j’allais m’évanouir ; mais après ce premier moment de défaillance, je sentis le sang me monter à la face. La colère me souleva. Quoi, le bailli serait mon mari, ce vieil homme, laid, mal soigné, qui bégayait d’une voix nasillarde et dont les yeux insolents semblaient fureter dans votre pensée avec méchanceté ! Le bailli dont ma tante elle-même s’était moquée avec moi ! Le bailli dont le fils avait osé, la semaine précédente encore, se porter sur moi à des violences abominables ! Non, ce ne pouvait pas être, ma tante voulait rire. Cependant, elle reprit tout tranquillement :

— Vous semblez étonnée de ce choix, mon enfant ?

— Oh ! oui, je suis étonnée. J’aimerais mieux mourir que d’épouser cet homme-là.

La face de ma tante s’empourpra.

— Vous mourrez donc, car vous l’épouserez.

— Jamais ! m’écriai-je.

— Vous l’épouserez ou vous quitterez cette maison. Ne savez-vous pas que vous êtes ici par charité, que votre mère en mourant n’a laissé que des dettes ! Je payai votre éducation, et vous devriez me montrer de la reconnaissance pour tous les soins que je vous ai donnés depuis votre enfance ; au lieu de cela, vous vous emportez contre moi, et au moment où je vous annonce que j’ai réussi à vous procurer le parti le plus avantageux, le plus brillant du pays. Oui, brillant ! Le bailli n’est pas tout jeune, c’est vrai, mais c’est un homme vigoureux, d’excellentes façons, et qui saura vous rendre heureuse. D’ailleurs je suis bien décidée à ne plus m’occuper de vous si vous refusez l’homme que je vous ai choisi. Je vous donne la fin de la semaine, c’est-à-dire quatre jours pour vous décider.

Là-dessus ma tante sortit et m’enferma dans ma chambre. Je compris qu’elle ne me laisserait pas même la liberté de m’enfuir, qu’elle me contraindrait à ce mariage répugnant. Un moment je songeai à m’échapper en liant mes draps à l’appui de ma fenêtre, cela était possible la nuit, mais il fallait, pour sortir du jardin, avoir la clef de la grille, trouver une échelle ; pour cela passer dans la cuisine où couchait la domestique, une nouvelle fille, Benjamine, qui était fort mal disposée pour moi. Je renonçai vite à mon projet et m’abandonnai au désespoir. Je me jetais sur mon lit, je pleurais, je me frappais la tête contre les murs, je voulais me tuer et je n’osais pas. À un moment je déchirai ma robe, ma chemise, mes jupons. Je m’égratignai la face, je donnai des coups dans les meubles, j’arrachai et je piétinai des tableaux. Quand ma tante, en revenant l’après-midi m’apporter mon repas, vit ce que j’avais fait, elle ne se contint plus.

— Misérable ! s’écria-t-elle, et elle s’élança sur moi, me souffleta. Je lui crachai à la face. Elle fut tellement surprise et indignée qu’elle en resta un instant immobile. Mais comme mon audace m’avait saisie moi-même, elle profita de cette apparente timidité pour se jeter sur moi et me pousser contre le lit.

— Je vais vous traiter comme une enfant révoltée que vous êtes ! me criait-elle en me poussant toujours.

Je me heurtai à un fauteuil où je tombai assise ; alors elle m’empoigne par la ceinture vigoureusement, essaie de me retourner sur le ventre. Je me cramponnais aux bras du fauteuil de toutes mes forces, et je lui lançai des ruades qu’elle esquiva. Vivement elle me prit une jambe, la souleva, tandis que l’autre battait l’air inutilement, et ayant une de mes fesses à sa disposition, elle la dégagea de la chemise et des jupes, m’appliqua à nu de fortes claques, puis à la fissure même ; puis, laissant tomber la jambe droite, elle levait la gauche et me claquait l’autre fesse avec l’autre violence.

— Ah ! vous l’aurez, vous l’aurez, le fouet ! criait-elle, comme une enfant indisciplinée que vous êtes.

Je serrais les dents de rage, étouffant mes cris, écrasée de honte d’être ainsi châtiée. Mais à un moment je me dis que je n’étais plus une enfant, que je ne devais pas souffrir une pareille humiliation. Mes mains quittèrent le fauteuil où j’essayais de coller mes fesses inutilement ; je me relevai brusquement, la saisis moi-même à la croupe et lui enfonçai mes doigts et la mordis à la faire crier. En vain essayait-elle de se dégager, je la tenais bien, je la mordais et l’égratignais ferme. En revanche, le mouvement que je venais de faire, avait découvert, tendu et mis à sa disposition, mon pauvre derrière sur lequel s’abattirent aussitôt ses paumes ou ses poings. C’était une lutte sans merci. J’étais cramponnée à ses reins tandis qu’elle était courbée sur mes fesses. Je la mordais, elle grondait, m’injuriait, tapant plus fort, et c’était mon tour de hurler. Nos cris et nos tapes allaient en s’alternant. Tout en me tenant et me serrant bien par le ventre, elle me portait jusqu’à l’escalier où elle se mit à appeler.

— Benjamine ! Benjamine ! Montez vite et apportez les houssines et des cordes !

À ce mot de « houssines », je sentis déjà sur mes fesses le vent et la piqûre de ces baguettes épineuses que ma tante avait coupées pour battre ses tapis. Je me dis qu’entre ces deux femmes je ne pourrais pas me défendre et qu’elles allaient m’enlever la peau. Je me débattais et luttais de toutes mes forces, espérant échapper à l’étreinte de ma tante avant que Benjamine n’arrivât avec les houssines. Mais ma tante était beaucoup plus forte que moi, et je ne résistais plus que par entêtement quand Benjamine entra sans la chambre. Elle eut un cri de surprise en voyant ma tante acharnée contre mon cul, mais le désordre de ma chambre l’étonna davantage.

— Elle a donc tout brisé ?

— Oui, mais elle va le payer, et bien ! Venez me la tenir que je la fouette !

Benjamine cherchait à me prendre le corps, mais prudemment, en se gardant de mes ruades aussi bien que de mes dents et de mes ongles. Enfin elle me saisit les deux mains, les unit, me passa un nœud coulant autour et serra. La corde entra dans mes chairs. Alors, me tirant, malgré ma résistance, elle m’amena sur le lit qui était au milieu de la chambre et où je dus aller tomber le ventre en avant. Benjamine tirait toujours sur la corde qui me coupait la peau, elle m’attira de telle façon que je n’eus bientôt plus que le bas du corps sur le lit ; j’avais la tête en bas et si je ne roulais pas à terre, c’est que ma tante était en train de m’attacher par les jambes avec une corde fixée au pied du lit. Elle me rejeta ma chemise et mes jupons sur la tête au point de m’étouffer, et comme si elle eût redouté mes cris. Ainsi dénudée aux yeux de Benjamine, j’eus, dans l’attente des coups, un moment horrible d’humiliation. Enfin les houssines sifflèrent. Je bondis, échappai à l’étreinte de Benjamine, m’étalant toute sous la douleur.

— Voulez-vous ne pas montrer comme cela le trou de votre derrière, dit ma tante en me claquant les fesses de la main.

J’entendis le rire ignoble de la servante, mais au moment même, les houssines me cinglèrent en travers des fesses, atteignant à la fois l’anus et ma petite fente. Ce fut une méchanceté atroce. J’eus un cri qui dut être entendu du village, et je me tordis sur le lit ; mais, sans prendre garde à mes gémissements, ma tante me ramenait, par une claque brutale sur une fesse, à une position propice au châtiment, et me cinglait cette fois le gras des chairs. Le châtiment eût continué encore longtemps quand j’entendis un pas monter l’escalier. Ma tante s’arrêta bien vite, dit à Benjamine de me détacher. Elle jeta les houssines, rabattit elle-même ma chemise et mes jupes, me saisit par la robe, m’attira et me mit debout. Mon corps tremblait de longs sanglots.

— Voulez-vous vous taire ? me chuchota ma tante à l’oreille.

On frappait en ce moment à la porte entr’ouverte.

— Vous êtes ici, madame ? demanda la voix nasillarde du bailli.

— Oh, monsieur le bailli ! fit ma tante, n’entrez pas dans cette chambre qui est bien en désordre. Je vais vous conduire au salon ou au jardin.

— Comment ! dit le bailli en redescendant, vous fouettez encore mademoiselle Rose ?

— Vous avez entendu ses cris ? fit ma tante un peu ennuyée d’être surprise à me donner le fouet.

— J’aurais été sourd si je ne les avais entendus, reprit le bailli, et qu’avait donc fait cette charmante enfant ?

— Oh ! peu de chose, mais je tiens à ce qu’elle ne néglige point ses devoirs, et je punirai ses moindres fautes tant qu’elle sera sous ma règle. Plus tard ce sera vous, monsieur, qui aurez cette obligation.

— Croyez, madame, que ce n’est pas d’un époux comme moi qu’elle devra attendre de la sévérité.

— Mais c’est une enfant encore, monsieur. Elle a un bon naturel, je crois, mais il n’est pas encore formé.

— Voyons, Rose ! appela ma tante comme je restais dans ma chambre, venez avec nous au jardin.

Je n’aurais pas obéi, mais Benjamine me poussa dehors. Nous fîmes quelques pas dans les allées ; la première fessée m’avait causé une vive démangeaison et les houssines y avaient ajouté ici et là le picotement d’une blessure. Je ne pouvais pas m’empêcher de porter la main fréquemment à mon derrière et même de la glisser sous mes jupes. Ma tante, plusieurs fois, m’en fit l’observation à haute voix et sur un ton sévère.

— Voulez-vous tenir vos mains décemment ?

Je rougissais et je retirais ma main devant les yeux brillants et le sourire narquois du bailli ; mais un moment après la démangeaison persistante la ramenait au même endroit. À un moment où le détour d’une allée nous séparait un peu du bailli, ma tante me dit à l’oreille :

— Si vous mettez ainsi votre main à votre derrière, je vous fouette dès que le bailli sera parti.

Cependant Benjamine vint la trouver et elle nous quitta en disant ;

— Voulez-vous m’excuser, monsieur le bailli, je vous laisse avec Rose.

À peine s’était-elle éloignée :

— Ma pauvre enfant, dit-il, votre tante, je le vois, vous traite bien sévèrement.

— Oh oui ! Et j’étais toute prête à sangloter.

— Vous souffrez encore, n’est-ce pas ? Eh bien, voulez-vous me montrer la place, j’essaierai de soulager votre mal. N’ayez pas peur ! j’ai là justement un baume que j’allais porter à un petit palefrenier qui s’est écorché la jambe en tombant de cheval… Voyons, laissez-moi regarder… Je suis un peu médecin… et puis on vous a fait part de mes propositions, n’est-ce pas ? Je ne suis plus un étranger pour vous, j’ai bien quelque droit.

J’essayais de me dérober.

— Oh ! laissez-moi, monsieur, de grâce, je vais appeler !

Il eut un ricanement, et avec une expression presque féroce dans les traits qui me fit peur :

— Et qui appellerez-vous donc, mademoiselle ?

— Je me vis perdue. Je m’adossai contre le mur en pleurant, et comme il s’approchait, je lui donnais des coups de genou.

— Voyons ! voyons ! dit-il, je ne vous ferai pas de mal. Laissez-moi voir.

Tout d’un coup, au moment où je m’y attends le moins, il m’étreint brutalement, me retourne le visage contre le mur, lève mes cotillons.

— Oh ! les belles grosses fesses ! dit-il, que d’embonpoint !… Comme elles sont rouges, grand Dieu !

— Monsieur, monsieur, laissez-moi, je vous prie !

— Je regarde où vous souffrez, ma chère enfant. Oh ! elle vous a frappée à l’endroit sensible, continuait-il. La pauvre enfant, elle saigne !

Et il entr’ouvrait mes fesses, mettait le doigt dans mon anus, il voulut l’insérer aussi plus bas dans ma petite fente, et comme il ne pouvait y pénétrer avant.

— Elle est bien pucelle, se dit-il comme à lui-même. Elle a beau être naïve, on ne sait jamais avec ces enfants-là ; mais maintenant je serais bien surpris que la tante m’eût trompé… Tiens, ajouta-t-il pour moi, où ai-je donc mis mon baume ? Je l’aurai sans doute oublié. Laissez-moi du moins, chère enfant, baiser ces belles choses si cruellement molestées, et que mes lèvres viennent adoucir la brûlure des verges.

Et mettant un genou en terre derrière moi, il posa son horrible bouche saliveuse entre mes fesses ; je me sentis mordre le cul sans pouvoir m’en défendre, mais sa langue odieuse voulut aussi caresser ma fente et le misérable osa pousser son museau entre mes cuisses, mais je ne lui laissai pas le temps de me baiser, je me détournai vivement et lui lançai un vigoureux soufflet. La violence de ce coup inattendu lui fit perdre l’équilibre et il tomba la tête sous mes jupes. Il se relevait à peine, la joue giflée fort rouge et les vêtements pleins de terre, quand ma tante revint. Elle surprit l’attitude où nous étions tous deux, moi, prête à le souffleter encore, lui, se relevant avec peine.

— Eh bien, qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.

— Rien, répondit le bailli, une vivacité de jeunesse.

— Je vous prie de vous tenir avec monsieur le bailli, dit ma tante sévèrement, ou je recommence la correction de tout à l’heure. Elle vous a manqué, mon cher bailli ?

— Nullement. Elle est bien amusante, elle est exquise !

— Rentrez dans votre chambre, mademoiselle, dit ma tante.

Voilà donc toute la cour que l’on me faisait ! Ce n’était pas en femme ni en jeune fille qu’on me traitait, mais comme une enfant, comme une esclave, comme un animal dont on se sert pour ses plaisirs, sans songer aux sentiments et aux impressions que vous pouvez lui causer. J’avais envie de mourir, de me tuer, si bien que le soir, au souper qu’on servit dans ma chambre, je ne voulus d’abord point toucher. Puis ma faim devint si grande après les émotions de la journée, que je mangeai. Je le dévorai plutôt ; rassasiée, j’eus plus de courage, et mes désirs de fuite me reprirent.

CHAPITRE III

« Mes » Maris.

Ma tante sentit promptement que par la violence elle n’obtiendrait rien de moi, et elle prit une autre méthode.

Elle avait un grand intérêt à me marier et à me marier au bailli. Je le sus plus tard. Ma mère en mourant avait laissé mes biens sous la gérance de ma tante, et elle avait fait produire par le bailli, qui fut autrefois son amant, de fausses créances, pour ne pas avoir de comptes de tutelle à me rendre. Elle se bornerait à me dire que les dettes de ma mère avaient absorbé mon héritage. C’est ainsi qu’une métairie et deux maisons avaient été cédées, prétendait-elle, au bailli qui désirait les avoir pour agrandir une de ses fermes, et les acheta secrètement un prix assez élevé quoique fort au-dessous de leur valeur. Ce vol, qui avait eu comme une apparence légale, mais que quelques personnes soupçonnèrent, inquiétait ma tante. Elle craignait que je ne l’apprisse un jour ou l’autre. En me mariant à l’un des voleurs, vieux et usé, riche d’ailleurs par lui-même, elle prévenait mes réclamations ou du moins les rendait inutiles.

Le fils du bailli qui ne savait rien des affaires de son père, était profondément opposé, aussi par intérêt, à ce mariage. Sa cour, ses tentatives de séduction, puis les violences qu’il m’avait faites, n’avaient pour but que de me déshonorer aux yeux de son père et d’empêcher un mariage qui pouvait lui enlever une part de la fortune paternelle. Ma tante fit écrire une lettre anonyme au bailli pour l’informer de la conduite de son fils à mon égard. Le père fut tellement furieux, qu’il s’occupa dès lors de faire enfermer ce jeune homme qui prétendait s’opposer à sa volonté, et il y réussit.

Ma tante alla voir alors à Paris mon ancienne amie Valentine, pour l’inviter à venir à Moulin-Galant, et me décider au mariage. Elle savait que Valentine pouvait y avoir intérêt elle-même. Elle s’était mariée elle-même, mais le mariage ne la gênait guère. Son mari n’était jamais avec elle ; elle menait une existence fort luxueuse et assez désordonnée qui la mettait fréquemment dans la gêne. Ma tante ne l’ignorait pas et elle lui laissa entendre qu’il serait bon pour elle d’avoir une amie fort riche. Elle lui ouvrit d’ailleurs sa propre bourse, et Valentine n’eut garde de ne pas profiter de cette aubaine.

Par une belle journée, au moment même où je me désolais, Valentine accourut donc à Moulin-Galant, dans la plus gracieuse toilette de campagne, jupe fleurie, bonnet de roses, et un ravissant collier de perles tombant un peu sur sa gorge qui était découverte.

Dans sa toilette fraîche et légère on la sentait grasse, potelée. Chacun de ses pas, dans sa robe serrée, dessinait ses fesses. Moi, si mal vêtue, toute campagnarde, je rougissais devant elle.

Elle vit que la regardais avec envie.

— Vous désirez ma toilette, ma Rose aimée ? me dit-elle d’un ton langoureux qui contrastait avec sa vivacité ordinaire, vous en aurez une aussi belle, ma chérie, quand vous serez mariée. Les fillettes n’ont pas le droit d’être élégantes.

Nous allâmes au jardin et nous nous assîmes dans la charmille.

— Te rappelles-tu comme nous nous amusions ? me dit-elle. Et chez les religieuses, à Corbeil. As-tu été fessée, ma pauvre chérie ! Comment as-tu encore un cul !

Une subite rougeur colora mon visage. Elle eut un regard et un léger rire.

— C’est qu’il est plus beau que le mien, plus gros même.

Et elle me caressait les fesses, puis me serrait la taille.

— Et tes seins, comme ils sont fermes ! Sais-tu que mon mari voulait que je nourrisse le bébé que j’ai eu. Ils seraient jolis aujourd’hui ! Heureusement, regarde comme ils se tiennent bien.

Et baissant un peu le voile de tulle à grosses roses artificielles qui lui entourait le cou, elle prit ses seins qui, un peu rebelles à la main, redressèrent ensuite leur large fraise dès qu’on les eut délivrés du corsage.

— Ah ! tu les baisais autrefois.

— Mais je les baiserai encore, ma bonne Valentine, lui dis-je, émue au souvenir de nos anciennes caresses.

— Est-ce vrai que tu vas te marier ? me dit-elle après un instant. Je vis bien qu’elle était pressée de me parler sur ce sujet et que ma tante lui avait fait la leçon.

— Ma tante le désire, mais moi je ne veux pas.

— Et pourquoi donc ? Tu seras libre, tu seras riche. Tu n’es pourtant pas bien heureuse chez ta tante.

— Oh ! non.

— Est-ce qu’elle te fouette encore ? fit-elle en riant.

Je rougis de nouveau.

— Comment, c’est vrai ! Et quand l’as-tu reçu ? Voyons, dis-le moi, à une vieille amie ! Non ? À ton aise. C’est tout de même impayable, par exemple. Quel âge as-tu maintenant, dix-sept ans ?

— Seize.

— Moi, dix-sept et demie, près de dix-huit. Je suis vieille.

— Ton mari ne te bat pas, toi !

— Ah ! non, par exemple, c’est moi qui le battrais plutôt ! D’ailleurs les femmes qui se laissent battre, vois-tu, ma chérie, c’est ma conviction, ce sont des niaises. Tu verras quand tu seras mariée, tu feras tout ce que tu voudras, si tu sais te conduire avec ton mari.

— Mais c’est que celui qu’on me propose est très vieux.

— Raison de plus ! Tu mèneras un vieux par le bout du nez et par autre chose aussi.

— Quoi donc ?

— Tu le sauras plus tard.

— Dis-le moi.

— Eh bien, par sa queue. Tu ne sais pas ce que c’est, je suis sûre, innocente ! Ah ! j’étais plus avancée que toi, à ton âge. As-tu vu des hommes pisser ?

— Oh ! je sais bien ce que c’est, fis-je toute confuse. Je me rappelais les livres érotiques que j’avais lus et les hommes que j’avais vus par hasard déculottés et qui m’avaient tant surpris.

— D’autant plus que s’il est vieux, sa queue ne sera pas difficile à conduire.

— Que veux-tu dire ?

— Je veux dire que les vieux maris ne peuvent plus vous faire grand mal ; il est vrai qu’il ne vous font pas grand bien non plus.

— Ah, tu vois ! Tu le dis toi-même.

— Voyons, ma chérie, il faut savoir pourquoi tu te maries. Est-ce pour avoir un homme ?

— Dame !

— Mais non, c’est pour avoir de l’argent. Imagine-toi que ton mari est ton père, un père indulgent, facile, qui ne doit jamais te gronder, et que toi, tu peux toujours plaisanter ton caissier donné par la loi, qui doit te servir de l’argent dès que tu lui en demandes, sous peine de te voir se brouiller avec lui.

— C’est le mari des rêves, cela ! Est-ce qu’il existe réellement ?

— C’est à nous de le créer.

— Le tien alors est de ce genre ?

— Oui, le mien, je l’ai dressé, je le mène à la baguette.

— Enfin si un mari est vieux, laid, répugnant ?

— Eh bien, on prend un amant ! Moi, j’en ai deux, j’en ai eu trois un moment.

— Oh ! Et s’il te fait des scènes de jalousie ?

— On lui en fait d’abord, ça lui coupe ses tirades.

— Mais cela doit être affreux de vivre avec un homme que l’on n’aime pas quand on en aime un autre.

— Tu parles d’amour, petite gosseline, comme si tu savais ce que c’était !

— Mais oui, je sais.

— Non, tu ne sais pas, mais veux-tu que je te montre ?

Valentine me tenait embrassée, et sa bouche qui sentait une bonne odeur de fruit, m’envoyait une haleine grisante, tandis que les boucles de ses cheveux jouaient sur mes épaules, m’effleuraient l’oreille d’une chatouille mignonne.

Mon cœur battait, mes seins se soulevaient dans mon corsage, ma langue devenait sèche ; je sentais en moi comme un démon prisonnier qui alourdissait et enflammait ma chair. Le bois chaud du banc me causait une délicieuse sensation, j’avançais sous ma robe mes chairs secrètes et je jouissais infiniment de ce contact. Valentine, sans me lâcher, se souleva à demi, regarda par l’entrée de la charmille si elle ne voyait personne.

— L’herbe est douce, là, derrière le banc, le dossier nous protégera s’il venait quelqu’un.

— Je n’ose pas, si ma tante venait.

— Je suis là, moi, je ne suis pas une pensionnaire, je pense. Allons, petite sotte.

Et d’un brusque mouvement elle me poussa sous le banc, je glissai, elle me renversa et retourna mon corps, indolent, voluptueux, qui s’abandonnait à sa caresse. Vivement, d’une main agitée par la fièvre, elle leva ma jupe de mousseline.

— Comme elle sont rouges ! dit-elle. Oh ! cette écorchure. C’est la fessée sans doute ! Pauvre Rose. N’importe ! En as-tu de belles fesses, les miennes aussi sont belles. Tiens, regarde-les.

Et elle se retroussa. Ses jambes étaient longues, elle avait la cuisse large et forte, s’amincissant au genou, les fesses s’arrondissaient larges et d’un dessin hardi, de vraies fesses de flamande, mais d’une flamande qui ne trompe pas avec ses hanches et qui est aussi belle à cul découvert qu’elle promettait de l’être enjuponnée. Elle s’amusait à pousser au-dehors la bouchette de son derrière, et se courbant un peu, les cuisses écartées, elle me montra sa fente, large, épanouie, aux lèvres roses, renflées, dans un nid de poils blonds.

— Tends-toi comme je fais, dit-elle.

J’étais confuse et tremblante, mais je lui obéis, m’appuyant sur le banc, je me troussai bien et lui offris mon derrière dans toute son ampleur. Je sentis une bouche mouillée, souple, qui écartait mes chairs, les humectait et dardait dans mon cul une langue rigide. Je me détournai. Valentine était à genoux derrière moi, les lèvres aplaties contre mes fesses. Elle m’élargissait l’ouverture, en mordait la rondelle, en raclait les plis, en suçait les parois où l’avalanche de mes entrailles avait laissé des traces, où mon émotion, mon plaisir, amenaient des profondeurs, des souffles et des fragrances impurs. Je ne me contenais plus, je soulevai ma jupe par devant, j’égarai mon doigt.

— Non, non ! fit-elle, pas toi, moi !

Elle m’avait prise à bras-le-corps par derrière et elle me serrait contre elle, elle se laissa tomber tout de son long sur le gazon et m’attira. Mes fesses vinrent heurter son visage. Comme je me redressais, j’aperçus son doigt qui me montrait le bas de son ventre entre ses jambes ouvertes. En même temps, d’une main vigoureuse, elle m’inclinait la tête vers sa toison. Je me courbai timidement d’abord, mais lorsque je sentis son nez dans mon derrière, que sa bouche fouilla ma fente et que sa langue pointilla d’un titillant languotage mon bouton palpitant, j’embrassai ses fesses, je me plongeai dans l’abîme rose de son corps, mes lèvres mordirent et caressèrent les bords gras et rosés, et à mon tour, j’enveloppai sa languette de mes baisers, je la suçotais, je l’aurais mordu dans ma fureur amoureuse, tandis que je l’entendais contre mon cul, s’écrier, aux instants où je m’arrêtais de la baiser et de la sucer.

— Comme tes fesses sont belles, comme elles valent toutes les petites fesses étriquées des hommes, comme je te sens, ma chérie. Oh ! va, baise-moi bien. Quelle douceur ! Quel infini plaisir !

Et tandis que sa lèvre me coulait ainsi de la glace et du feu, un de ses doigts s’insérait à l’entrée de ma petite fente, et son autre main jouait autour de la rondelle de mon derrière. Ô délice, de sentir et de goûter sans fin la magnificence de sa chair, de se perdre, de s’oublier en elle, tandis qu’une vie fourmillante et comme des âmes nouvelles viennent gronder, s’ébattre, chanter, rire aux profondeurs souillées de notre être. Elle renversa la tête et je m’effondrai sur son corps. Nous nous pâmâmes de plaisir. Puis, comme nous prenions souffle un instant :

— Ton con est comme une nacre pâle, à peine rosé, à peine dessiné, plus délicieux que tous les bijoux dans son écrin de poils.

Je me retournai, surprise, presque fâchée. Il me semblait qu’elle venait de dire un vilain mot, un injure.

— Qu’appelles-tu con ? lui demandai-je.

— Ceci, adorable chérie, fit-elle en resserrant ma petite fente. Comme je voudrais la manger !

— Mais c’est un gros mot, con ?

— Un gros mot dans la bouche des sots qui se piquent de mépriser en public ce qu’ils adorent en secret, les hommes sont si bêtes !

— Les hommes aiment le con ?

— Oh oui ! beaucoup. Et vois-tu c’est le plus délicieux des mots avec celui de cul, puisqu’il exprime les deux beautés de la femme.

— Et qu’est-ce que cela veut dire, con ?

— Un pédant que je connaissais… intimement parce qu’il était bel homme et qu’il avait une grosse queue, me disait que cela signifiait ce qu’un coin a fendu ou fendra, car notre chair, comme le bois, doit s’ouvrir, mais à un superbe assaut, à une puissante foulée.

— Alors c’est là…

— C’est là qu’un homme introduira sa chair, pauvre petite.

— Oh, mon Dieu ! fis-je effrayée.

— N’aie pas peur, ce n’est pas ton mari qui te le mettra, il est bien trop vieux… et puis ne pense pas à cela, nous ne devons penser qu’à nous aimer. Tiens, couche-toi à ma place, et moi, je vais monter sur toi.

Un instant elle m’offrit l’épanouissement de sa croupe. Son cul se présenta dans l’encadrement des dentelles, magnificence narquoise, il se dessina, s’agrandit peu à peu, devint énorme. Il riait comme une figure, grimaçait comme un monstre, grave et bouffon en même temps. Tout à coup, ainsi qu’une fraise rouge sous mes baisers et mes morsures, Valentine me tendit l’anneau de son cul poinçonné de noir. J’y écrasai ma bouche, tandis qu’elle abaissait la tête entre mes jambes qui se levèrent et emprisonnèrent ses épaules. Je l’entends rire entre mes cuisses.

— Rose, tu as vessé.

— C’est toi, Valentine, qui a pété.

— Ah ! c’est si exquis de s’abandonner à toute la joie qui est en vous. On ne sait plus ce qu’on fait. On laisse tout s’accomplir en soi. Et puis tout ce qui sort de notre chair me transporte. Comme l’haleine de ta bouche, le souffle de tes fesses sent bon, puisqu’il sent ta vie, ma chérie.

En ce moment nous entendîmes des voix au jardin.

— Rose ! Rose ! appelait ma tante.

Nous nous relevâmes un peu effarées, toutes rouges ; mais une fois sur pied, les jupes abaissées, nous fûmes plus tranquilles et nous revînmes au salon sans nous presser.

— Comme ta petite fente est devenue grande, lui dis-je naïvement, depuis les Ursulines.

Valentine devint un peu pâle, parut contrariée.

— Tu trouves ? dit-elle, puis elle ajouta :

— C’est que deux bébés y sont passés.

Ce fut mon tour de rougir et de me troubler devant l’inconnu qu’on me laissait entrevoir.

— N’aie pas peur, dit-elle encore, ton mari ne t’en fera pas un.

Elle s’était mise à se baisser et à cueillir des marguerites dans l’herbe, sa croupe faisait une ronde et forte saillie sous sa robe.

— Ce n’est pas nos culs qui nous portent, dis-je en riant, c’est bien nous qui portons nos culs.

— Nos culs sont nos gouverneurs, dit-elle.

Nous rentrâmes au salon. La porte était entr’ouverte. Ma tante alors était si bien lancée dans une causerie avec le bailli, qu’elle ne nous entendit pas.

— Vous comprenez, disait-elle, qu’il lui faut bien le temps de réfléchir. Elle ne peut pas se jeter à votre cou comme cela… Ah ! voilà Mademoiselle, s’écria-t-elle, et madame de Jouvencelle, que vous connaissez.

Cependant, sans regarder le bailli, en baissant les yeux, la voix faible, mais animée, je dis d’une haleine :

— Monsieur le bailli, ma tante m’a fait part de votre proposition. J’ai réfléchi et je dois vous dire que je suis heureuse de l’accepter.

Il me sembla que je venais d’avoir le courage d’avaler un purgatif ou d’engouffrer un lavement. Je poussai un soupir.

Ma tante resta quelques instants immobile de stupeur. Elle pensait bien que les paroles de Valentine me décideraient au mariage, mais elle ne s’attendait pas à un si prompt succès. Sa joie éclata bruyamment.

— Eh bien, monsieur le bailli, voilà une parole qui doit vous faire plaisir, dit-elle.

— Elle me ravit au ciel, répliqua le bailli plus froid, mais satisfait pourtant.

— Embrassez votre fiancé, mademoiselle, je vous le permets, dit ma tante.

Je m’approchai et je lui tendis le front, mais sa bouche glissa jusqu’à mes lèvres.

— Il me semble, dit-il, que je viens de baiser le printemps.

J’eus beau baisser la tête et essayer de me retenir, je pouffai de rire à son nez. Je chuchotai à l’oreille de Valentine :

— Il a senti ton cul.

— Tais-toi donc, fit-elle. Il faut te tenir maintenant.

Ma tante me lança un regard sévère, puis, dit au bailli, un peu décontenancé.

— C’est la joie, le bonheur qui l’émeut ainsi.

Ainsi j’entrais doucement dans la vie conjugale. Valentine m’en avait si bien aplani le seuil, que je savais à peine si j’avais quitté mon enfance. Mon mari n’était à mes yeux que le remplaçant de ma tante, un maître sans sévérité et seulement un peu grognon. Les jeux me semblaient à peine différents ; les plaisirs n’avaient de la nouveauté que ce qui en est supportable. Valentine m’avait ménagé en tout des transitions heureuses. Aussi quand elle me demanda sa récompense, je ne la lui marchandai point ; mon mari était riche. Je lui prêtai — donnai serait le mot véritable — tout ce qu’elle réclama, bien que son insistance m’eut fait oublier ses services. Maintenant je respirais à pleines narines le bonheur, la liberté, la richesse. J’interrogeais sans désir, mais dans une attente délicieuse les yeux et le vêtement des hommes. J’avais le pressentiment que ma première petite âme ne s’était point déchirée avec ma chair de vierge et qu’il faudrait la passion pour l’anéantir et la remplacer. Elle devait venir, mais ses joies sont graves, ses jouissances tristes, elle ne divertit ni n’amuse, et j’arrête à cette page un livre écrit pour des amis libertins. Qu’il puisse dresser vers l’aimé un sommeillant désir, et réveiller la volupté des croupes paresseuses.


  1. a, b et c Note de Wikisource : Rose est le nom de la narratrice (et héroïne du roman) qui subit le lavement et ne peut donc pas être celle qui l’administre, il s’agit probablement de Manon, la cuisinière.