Journal de Monaco n°2745

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Principauté de Monaco
Journal de Monaco n°2745, du 7 Janvier 1911
(p. 1-6).
Cinquante-quatrième Année — N° 2745
Samedi 7 Janvier 1911
Bureaux : Place de la Visitation
JOURNAL DE MONACO
JOURNAL HEBDOMADAIRE
PARAISSANT LE MARDI
Politique, Littéraire et Artistique

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RÉDACTION ET ADMINISTRATION
Place de la Visitation

Il est rendu compte de tous les ouvrages français et étrangers dont il est envoyé deux exemplaires au journal.
Les manuscrits non insérés seront rendus.

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Pour les autres insertions, on traite de gré à gré.

S’adresser au Gérant, Place de la Visitation.

PARTIE OFFICIELLE
Message
de
S. A. S. LE PRINCE ALBERT Ier
à la Population Monégasque.

Après avoir, pendant vingt et un ans, gouverné mon pays suivant une tradition de plusieurs siècles, j’ai résolu de donner à la population monégasque un Gouvernement constitutionnel. Ce n’est pas que des avantages sensibles puissent être demandés par nous à ce régime, car on ne saurait trouver nulle part une prospérité semblable à la nôtre ; mais j’ai voulu donner une preuve de confiance aux Monégasques et les préparer à la défense de leurs intérêts si jamais des conjonctures graves survenaient pour la Principauté. C’est pourquoi, considérant la difficulté d’établir un organe de gouvernement tel qu’une Constitution pour un pays si différent de ceux qui pratiquent le régime constitutionnel, j’ai recouru à la science et à l’expérience de jurisconsultes de la République Française dont les sentences arbitrales sont acceptées par tous les États civilisés.

Je souhaite que la population monégasque reconnaisse dans cette résolution une preuve spéciale de mon attachement pour elle ainsi que ma volonté de soutenir les intérêts confiés par les colonies étrangères à la sagesse de nos institutions. Je désire qu’elle voie dans cette forme nouvelle de son union étroite avec son Souverain un gage de sécurité pour le maintien de son indépendance et de sa situation privilégiée dans le monde.

Le 5 Janvier 1911.
ALBERT.
Rapport
SUR L’ORGANISATION CONSTITUTIONNELLE
DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO
présenté à S. A. S. le Prince de Monaco
par la Commission des Jurisconsultes français.

Monseigneur,

Votre Altesse Sérénissime nous a confié la mission de préparer le projet d’organisation constitutionnelle qu’Elle a bien voulu spontanément promettre d’octroyer à Ses sujets.

Avant de rechercher comment cette œuvre peut être établie, il est nécessaire de préciser les faits matériels qui caractérisent la situation de la Principauté et celle du Prince Lui-même.

On ne saurait oublier qu’il ne s’agit pas d’un pays semblable à la France, à l’Italie, à la Prusse, à toute autre unité nationale importante composée d’une population homogène de plusieurs millions d’autochtones, concentrant dans leurs mains tous les intérêts du pays, justifiant ainsi le complexe outillage politique des constitutions ordinaires.

Il en est tout autrement de la Principauté de Monaco, ainsi qu’on va le voir par un rapide examen.

Cette Principauté est complètement enclavée dans le territoire français, sauf sur sa frontière méridionale qui est ouverte vers la mer.

La population (s’élevant aujourd’hui à près de 20000 habitants, alors qu’elle n’en comptait que 1200 en 1861) a été officiellement recensée en 1908 au nombre total de 19121 habitants, se répartissant comme il suit :

Italiens 8241
Français 7306
Allemands 516
Suisses 391
Anglais 385
Belges 219
Autrichiens 210
Autres étrangers 371
Total des étrangers
17639
Monégasques 1482

Il ressort de ces chiffres que les Monégasques représentent un douzième de la population de la Principauté.

Mais, parmi les 1482 Monégasques, 847 — plus de la moitié — sont naturalisés. Ces 847 se composent de, 676 d’origine italienne, 85 d’origine française et les 86 autres d’origines diverses.

Il reste donc 635 Monégasques d’origine.

Votre Altesse Sérénissime ayant concédé le suffrage universel, il y a quelque temps, aux Monégasques, on a pu aux dernières élections compter 448 électeurs votants, dont 353 naturalisés. Ces derniers se décomposent ainsi, : 200 d’origine italienne, 40 d’origine française et 33 d’origines diverses.

Il reste donc seulement 95 électeurs votants, Monégasques d’origine.

Tel est l’état de la population.

Quel est l’état de la propriété territoriale et des intérêts économiques ou commerciaux ?

La superficie de la Principauté n’atteint pas tout à fait 150 hectares, sur lesquels 50 hectares environ sont couverts de 1.300 maisons, constituant la propriété bâtie privée.

Reste pour la surface non bâtie une superficie d’environ cent hectares.

La valeur approximative de la propriété bâtie est estimée à 177 millions environ — le domaine princier non compris.

La valeur approximative de la propriété non bâtiedomaine princier non compris — s’élève environ à 50 millions.

L’ensemble de cette propriété foncière bâtie et non bâtie appartenant à des particuliers — c’est-à-dire le domaine princier étant exclu — évalué à une superficie totale de près de 90 hectares — 899817 mètres carrés — d’une valeur totale de 227 millions de francs, peut être considéré, d’après les renseignements officiels, comme se répartissant ainsi qu’il suit :

NATIONALITÉS Nombre des Propriétaires Surface possédée bâtie et non bâtie VALEUR
En mètres carrés En francs
Français 620 430 000 115 000 000
Italiens 265 80 000 15 000 000
Autres Étrangers et Sociétés 115 219 817 67 000 000
Ensemble 1 000 729 817 197 000 000
Monégasques 300 170 000 3 000 000
Total 1 300 899 817 227 000 000

Au point de vue de la propriété mobilière (considérée sous une seule de ses formes), les Sociétés anonymes régulièrement autorisées à fonctionner dans la Principauté représentaient en actions et obligations, au 1er  janvier 1909, une valeur totale de 397 millions.

Sur cette somme, la part des porteurs français, d’après un tableau récapitulatif officiel, était considérée comme s’élevant, au minimum, à 370 millions.

Les 10000 étrangers : Italiens, Allemands, Anglais, Suisses, etc. et les 1482 Monégasques naturalisés et d’origine se partageaient les 27 autres millions. En attribuant aux Monégasques le tiers de ces 27 millions (et en forçant ainsi le calcul en leur faveur), on peut évaluer leur part à 9 ou 10 millions au maximum sur le total des 397 millions.

Tels sont les faits caractéristiques en présence desquels il faut se placer pour apprécier dans quelles conditions il est moralement et même matériellement possible d’établir une organisation constitutionnelle de la Principauté.

Une première observation s’impose : c’est qu’on ne saurait admettre un seul instant l’organisation ordinaire des pouvoirs publics comme applicable dans un pays où la population, la propriété, les intérêts économiques sont répartis ainsi qu’ils le sont dans la Principauté de Monaco.

D’une part, la nature des choses ne permet pas de concevoir sérieusement une Chambre des députés, un Sénat, des ministres responsables, tout l’appareil d’un pouvoir exécutif et d’un pouvoir législatif pour un corps électoral de 448 votants.

D’autre part, il serait singulièrement irrationnel que prés de 18000 habitants ne comptassent pour rien devant 1482 autres habitants, douze fois moins nombreux que les premiers.

Cette impossibilité s’accuse avec plus de force si l’on réfléchit à la différence plus considérable encore qui existe entre les intérêts économiques des 18000 étrangers et ceux des 1482 Monégasques, puisque ceux-ci possèdent à peine le 7 ou le 8% de l’ensemble des biens et des intérêts économiques de la Principauté.

Si l’on croyait pouvoir trouver une solution en donnant à la population étrangère des droits justement équivalents à son importance numérique et aux intérêts qu’elle représente, on aboutirait à des difficultés insurmontables.

D’abord on livrerait absolument la population monégasque aux résidents étrangers, ce qui n’est pas moins inadmissible que de livrer aux Monégasques les résidents étrangers, élément essentiel de la vie économique du pays. Ensuite, on bouleverserait complètement l’état de choses accepté par la France en 1861, lorsqu’elle reconnut « l’indépendance et la souveraineté » du Prince de Monaco. La Principauté, si profondément incorporée dans la chair française, que le Gouvernement français a pu et voulu laisser sous l’entière responsabilité du Prince seul ; cette Principauté qui, tant au point de vue du droit public international qu’en réalité, était le Prince lui-même, deviendrait alors un pays gouverné en définitive non pas même par la population autochtone descendant de celle qui l’habitait au moment du traité de 1861, mais bien par une population étrangère où les Français, quelque nombreux qu’ils soient, se trouveraient cependant en sensible minorité.

Les conclusions suivantes apparaissent donc comme évidentes :

Impossibilité, même matérielle, d’établir dans un pays qui compte quelques centaines d’électeurs tous les organes et le fonctionnement du parlementarisme classique ;

Impossibilité morale de mettre le sort d’une majorité d’habitants considérable à la merci d’une minorité ;

Impossibilité de mettre la population autochtone à la merci de la population étrangère ;

Impossibilité, au point de vue international, de diminuer les garanties qu’offrait la Principauté en 1861 et en présence desquelles fut conclu le traité du 2 février.

Il est indispensable ici de rappeler quelques faits essentiels.

Au point de vue du droit public et des relations internationales, les éléments caractéristiques particuliers de la situation de la Principauté sont nettement déterminés, d’une façon constante, par tous les événements et les traités qui se sont succédé depuis la conquête de Monaco par François Grimaldi dans la nuit du 8 juin 1297.

À partir de ce moment, les « Seigneurs » de Monaco (dont le titre est remplacé dans les actes par celui de « Prince » pour la première fois en 1619), apparaissent comme investis à la fois de tous les droits de la propriété privée et de tous les droits régaliens, ne cessant à travers les vicissitudes les plus diverses, tantôt par les armes, tantôt par les traités et conventions, tantôt par acquisitions à prix d’argent, d’étendre leur domaine et de fortifier leur pouvoir.

C’est ainsi, par exemple, qu’on voit Rabella Grimaldi, le 9 juillet 1338, acheter pour le compte de Charles Grimaldi, à Nicolas Spinola, les maisons et biens ruraux sis à Monaco et aux environs, acquis des Guelfes par le roi Charles II d’Anjou et donnés par lui aux Spinola, en les déchargeant des redevances féodales ; faire, le 12 mai 1341, une nouvelle acquisition de biens non compris dans la première vente, appartenant également aux Spinola, parmi lesquels notamment des territoires importants situés à l’occident de la forteresse et comprenant le cap d’Ail ; acheter encore, le 19 avril 1346, par acte passé devant Bertrand Sylvestre, notaire à Nice, la Seigneurie de Menton, moyennant « 16000 florins d’or fin de Florence de bon et juste poids » (sexdecim millium florenorum auri fini de Florencia, boni et justi ponderis), payés aux frères Manuel Raffo Vento, coseigneurs de ce fief.

En 1355, nouvelle acquisition par le Prince de Monaco, devenant ainsi propriétaire de la Seigneurie de Roquebrune, reçue des mains de Guillaume-Pierre Lascaris, des comtes de Vintimille.

Les droits d’entière souveraineté des Grimaldi et de liberté absolue dans l’usage de cette propriété souveraine de Monaco comme étant leur plein patrimoine et biens de famille se manifestent de la façon la plus précise dans les actes intérieurs et dans les actes internationaux.

Au point de vue intérieur, l’entière indépendance et la pleine possession du patrimoine familial sont accusées notamment par la réglementation scrupuleuse du droit successoral que font les Grimaldi et sont marquées avec une force particulière dans les testaments de Jean Ier (5 avril 1454), de Catalan (4 janvier 1457), de Lambert (30 octobre 1487 et 14 mai 1493) et de Claudine Grimaldi (23 mai 1514). Ces actes assurent la transmission exclusive et intacte de la Seigneurie de Monaco par le système des substitutions à l’infini, en faveur de tous les descendants mâles. Une clause impérative oblige les héritiers issus d’une femme à renoncer à leurs noms et armes propres pour prendre ceux des Grimaldi.

Au point de vue extérieur, conjointement à ces dispositions testamentaires, les efforts politiques des Princes jusqu’au XVIIe siècle, où ils aboutissent définitivement, assurent l’indépendance et la souveraineté de leur seigneurie par rapport aux Puissances voisines. Cette situation est formellement consacrée par Charles, duc de Savoie, dès le 20 mars 1489, dans ses « lettres de sauvegarde », déclarant que les Seigneurs de Monaco « ne reconnaissent aucun suzerain » ; par Charles-Quint, dans le traité de Tordesillas (15 novembre 1524) ; par Louis XIII dans le traité de Péronne (14 septembre 1641), véritable traité de protectorat, reconnaissant les pleines « liberté et souveraineté » des Princes de Monaco, s’engageant à les maintenir, et confirmant, d’autre part, « tous les privilèges successivement accordés aux Seigneurs de Monaco ».

Il faut citer ces textes importants qui ont caractérisé d’une manière saisissante les droits des Princes et les obligations qui découlent pour eux de ces droits, dans leurs rapports avec les pays étrangers.

TRAITÉ DE PÉRONNE

ART. VIII. — Le Roy recevra en sa royale protection et sauvegarde perpétuelle, et des Roys ses successeurs, lesquels Sa Majesté obligera par le présent traité, ledit Prince de Monaco, le marquis son fils, toute sa maison et tous ses sujets et les places de Monaco, Mato et Roquebrune avec leurs territoires, juridictions et dépendances ; ensemble tous les héritiers et successeurs du dit prince, et les gardera et défendra toujours contre qui que ce soit qui les voudrait indûment offenser, maintiendra ledit Prince en la même liberté et souveraineté qu’il le trouvera, et en tous les privilèges et droits de mer et de terre, et en toute autre juridiction et appartenances, de quelque sorte que ce soit, et le fera de plus comprendre en tous les traités de paix ; et, en outre, ledit prince pourra faire arborer en toutes ses Places et Terres l’Étendard de France dans les occasions de quelque trouble des Ennemis.

ART. XII. — Sa Majesté confirmera au dit Prince tous les privilèges anciennement accordés aux Seigneurs de Monaco, ses prédécesseurs, par la couronne de France ; et, en conséquence, de ce, Sa dite Majesté tiendra la main à ce que le droit que ledit Prince prétend dans son port de Monaco soit payé, bien entendu, que ledit droit ait été accordé par la couronne de France, pour être exigé sur les Français, et qu’elle en ait souffert la perception pendant le temps que ledit Prince était bien avec elle.

Le Prince de Monaco exerçait ainsi le pouvoir politique et souverain intégral en même temps qu’il jouissait de la libre disposition la plus complète de ses biens et de ses droits de toute nature. Alors que le domaine royal partout en Europe, particulièrement en France, était astreint à des règles absolues, tant au point de vue de sa disposition que de son administration, le domaine seigneurial, immobilier et mobilier, réel et incorporel, des Princes de Monaco, n’était soumis à aucune restriction et restait entre leurs mains aussi libre que toute autre propriété particulière.

Depuis l’avènement de Robert Ier à la Couronne de France en 988, et en vertu de la longue série d’ordonnances royaux qui se suivirent, depuis l’ordonnance de Philippe V (le 21 décembre 1316), en passant par celle rendue à Moulins en février 1566, et jusqu’en 1789, le domaine de la Couronne fut toujours frappé d’inaliénabilité, sauf toutefois le domaine casuel. Mais il en fut toujours autrement du domaine des Princes de Monaco, qui usèrent de leurs biens et de leurs droits, en maintes circonstances, avec la même liberté que l’eussent fait de simples particuliers.

Cette situation, cette pleine jouissance de souveraineté régalienne et de liberté individuelle apparaît donc invariable, avec toutes ses conséquences, à quelque époque qu’on examine l’histoire de la Principauté, sous le protectorat de la République de Gênes comme sous le protectorat des ducs de Savoie, des empereurs d’Allemagne, des souverains espagnols, du roi de France, des rois de Sardaigne et de Piémont, et, lorsque des événements extérieurs la troublèrent, pendant quelque temps, elle fut toujours rétablie après ces crises passagères.

C’est ainsi que, après la mainmise de la Révolution française en 1792, le traité de Paris du 30 mai 1814 replaça la Principauté de Monaco dans la même situation qu’auparavant sous le protectorat de la France, et que le traité (le Vienne, le 20 novembre 1815, stipula, dans la section quatrième de l’article premier, le même principe ; mais sous le protectorat du roi de Sardaigne, — protectorat qui fit l’objet du traité de Stupiniggi, signé le 8 novembre 1817.

Ce dernier traité, notamment dans les articles 6, 10, 14, proclame à nouveau, comme l’avait fait le traité de Péronne en 1641, la « liberté et la souveraineté » entières du Prince de Monaco dans le gouvernement de « Son peuple » comme dans l’administration de « Ses biens », garantissant ces droits en les déclarant placés sous « la protection et sous la sauvegarde perpétuelles » du roi de Sardaigne.

Tel était l’état des choses lorsque, après la guerre de 1859, par le traité de Turin, du 24 mars 1860, la Sardaigne céda la Savoie et le comté de Nice à la France.

Un plébiscite devant sanctionner cette cession, le gouverneur italien de Nice appela au vote les communes de Roquebrune et de Menton en même temps que les communes du comté, et les électeurs se prononcèrent en faveur de l’annexion.

Aussitôt, par lettres des 10 et 11 avril 1860, le Prince de Monaco, Charles III, protesta auprès de l’empereur Napoléon III. Il soutint que lui seul possédait le droit de céder une partie intégrante de ses États, que le vote des habitants de Menton et de Roquebrune, quelque unanime qu’il eût paru, ne pouvait porter aucune atteinte à son droit exclusif.

En revendiquant ainsi son droit personnel, le Prince de Monaco ne faisait qu’invoquer le principe du droit public, intégralement conservé dans ses mains, attribuant à lui seul le pouvoir d’aliéner tout ou partie de la propriété et de la souveraineté d’une nature spéciale qu’il possédait pleinement, et en vertu de laquelle ce n’était ni le consentement d’une assemblée, ni celui de « tout le peuple » qui pouvait valoir, mais seulement le sien.

Le Gouvernement Français, quoique fondé lui-même sur le principe plébiscitaire, le reconnut.

Des négociations s’ouvrirent et le 2 février 1861, par traité régulier, le Prince de Monaco, Charles III, céda à la France Menton et Roquebrune, moyennant une indemnité personnelle de quatre millions, qui fut versée entre ses seules mains par le Gouvernement Français.

Celui-ci, en admettant le bien-fondé des réclamations du Prince, avait ainsi constaté qu’il se trouvait en présence d’un droit auquel il n’aurait pu porter atteinte que par un abus de la force.

Mais alors une question se présenta.

Le roi de Sardaigne en cédant le comté de Nice, en appelant lui-même, par son gouverneur de Nice, Menton et Roquebrune à voter, avait abondonné le protectorat de Monaco.

Le Prince, désormais réduit à son seul patrimoine de Monaco, se trouvait aussi étroitement enclavé qu’auparavant, mais en France.

Allait-il demander, comme son ancêtre à Louis XIII, le protectorat de la France ? Celle-ci allait-elle offrir elle-même son protectorat au Prince ?

Ni l’un ni l’autre ne crurent devoir suivre cette politique.

Le Prince savait que son indépendance et ses droits n’avaient plus rien à redouter, comme parfois jadis, de ses anciens voisins et seraient, toujours respectés par la France.

Le Gouvernement Français, comprenant assurément la nécessité pour ses propres intérêts de voir régner l’ordre public dans la Principauté, mais comprenant aussi quelles garanties particulières lui présentait, notamment à ce point de vue, la pleine autorité du Prince, jugea préférable pour la France de laisser ce dernier dans l’exercice intégral de ses pouvoirs et de ses droits héréditaires, consacrés par tant de traités.

C’est pourquoi, au Corps législatif, le rapporteur du projet de loi qui accordait le crédit stipulé dans le traité du 2 février 1861, après avoir exposé les faits, notamment le voie de Menton et de Roquebrune, s’exprimait ainsi :

Ce fait tout flatteur qu’il fût pour la France ne pouvait être accepté par elle comme régulièrement accompli. Il y manquait la sanction d’une des parties, et le Cabinet des Tuileries… devait et voulait respecter des droits établis par les traités.

L’Empereur a voulu que cet acte fût légal, régulier, incontestable

C’est une nation de 10 millions d’âmes, traitant d’égale à égale avec une principauté de 1200 habitants ; c’est, un puissant souverain respectant le droit d’un souverain dans la personne du plus faible d’entre eux.

C’est pourquoi encore, en 1891, le ministre des Affaires étrangères de la République Française disait à la tribune : « La Principauté de Monaco est absolument indépendante ; son indépendance a été reconnue et ce n’est pas la France qui a intérêt à la laisser mettre en doute.

C’est aussi pourquoi on aperçoit clairement maintenant comment nulle organisation constitutionnelle ne pourrait diminuer « la liberté et la souveraineté » des Princes de Monaco sans altérer ipso facto, presque jusqu’à la faire disparaître, la personnalité même avec laquelle les gouvernements étrangers ont contracté, et sans compromettre par conséquent, de la façon la plus grave, l’indépendance et les intérêts de la Principauté et des Monégasques eux-mêmes.

À quelque point de vue qu’on se place, il est ainsi de toute évidence que l’organisation constitutionnelle à établir ne saurait reproduire les constitutions ordinaires des autres pays, mais ne peut qu’être adaptée exclusivement aux conditions toutes spéciales où se trouve la Principauté.

Le seul terrain sur lequel il soit possible de trouver des institutions nouvelles donnant satisfaction à tous les intérêts légitimes en présence, n’en blessant aucun, ni dans la Principauté ni dans son voisinage, et laissant subsister les droits nécessaires pour l’observation des traités, c’est donc, d’une part, celui des droits et des libertés qui doivent appartenir aujourd’hui à tous les citoyens d’un pays civilisé ; d’autre part, celui des intérêts locaux.

C’est en s’inspirant de ces principes, en se conformant aux exigences des réalités locales dominantes, qu’on peut établir aujourd’hui l’organisation constitutionnelle : dont nous avons l’honneur de remettre le projet à Votre Altesse Sérénissime.

Le PROJET DE CONSTITUTION est divisé en sept Titres, ainsi déterminés :

TITRE Ier : Le Prince, le Territoire, le Domaine.

TITRE II : Les Droits publics.

TITRE III : Le Gouvernement.

TITRE IV : Le Conseil d’État.

TITRE V : Le Pouvoir législatif.

TITRE VI : Les Communes.

TITRE VII : La Justice.

TITRE PREMIER

Dans ce titre, la simple lecture des articles 1er  et 2 est suffisante ; les dispositions concernant l’article 3, relatif au Domaine public, sont les seules qui appellent, quelque explication.

Celles que nous avons déjà données sur les origines des possessions et des droits du Prince ont établi suffisamment le caractère patrimonial de ses biens de toutes natures. Il convient cependant de les compléter ici.

Dans les conditions où ils se trouvaient, les Princes furent toujours libres d’aliéner en tout ou en partie le domaine dont ils étaient les maîtres absolus par droit de conquête, de succession, d’acquisition, ou par force de traités. Le testament d’Isabelle Grimaldi, du 8 juillet 1417, reconnaît la possibilité pour ses hoirs de vendre ou échanger entre eux la terre de la Condamine. Dans la suite, les Grimaldi furent amenés à vendre ou à projeter de vendre à un étranger leur seigneurie patrimoniale.

Jean Grimaldi céda Monaco à Philippe-Marie Visconti, duc de Milan, le 6 octobre 1428 ; mais le duc ne put conserver cette acquisition et il la rendit à son ancien possesseur en 1436, sous réserve de l’hommage. Cette réserve, qui constituait une violation de la souveraineté du Seigneur de Monaco, n’eut pas de suite, un arbitrage ayant remis bientôt les choses dans l’état où elles étaient avant la vente — 1441. Dix ans plus tard, en 1451, le même Jean Grimaldi vendit encore Monaco au futur Louis XI, dauphin du Viennois, qui essayait alors de s’immiscer dans les affaires d’Italie, mais la place ne fut pas livrée.

Le cas de 1861 a été rappelé plus haut. Il faut ici préciser certains détails, montrant que l’indemnité de quatre millions payée au Prince n’eut rien d’arbitraire, mais fut calculée pour ainsi dire comme en matière d’expropriation privée. Le rapport présenté au Corps législatif et la discussion du projet de loi fournissent à cet égard les indications les plus précises et d’une portée décisive.

La cession de Menton et de Roquebrune par le Prince fut absolument considérée par le Gouvernement français comme une cession de patrimoine personnel. Menton et Roquebrune s’étaient en quelque sorte séparés de fait de la Principauté depuis 1848 ; on raisonna cependant sans tenir compte de cette séparation, en considérant uniquement le droit, et l’on évalua la perte personnelle du Prince.

« … Si l’on se reporte — dit le rapport du baron Mariani — au chiffre des revenus que percevait le Prince avant 1848 et qui, en déduisant les charges, s’élevait à 190000 francs, on arrive à la fixation possible de 4 millions. »

Dans la discussion, le même rapporteur fit un autre calcul. Il chercha ce que produiraient pour la France les deux communes cédées par le Prince. Il évalua ce produit à 45 francs par tête d’habitant, multiplia cette somme par le nombre des annexés — 7000 — et conclut :

« … Vous arrivez ainsi à plus de 300000 francs (45 X 7000 = 315000). Ce chiffre correspond à un capital plus fort que celui que nous donnons aujourd’hui. »

On rappella que cette méthode de calcul avait été précisément, celle adoptée par la France, choisie comme arbitre entre le Piémont et le Prince de Monaco, à raison des dommages subis par celui-ci depuis 1848 par la séparation de Menton et de Roquebrune. La méthode avait été acceptée par les deux parties ; le compte avait été établi, et le capital correspondant à ce produit annuel de 300000 francs allait être payé au Prince par le Piémont au moment où éclata la guerre de 1859. Le chiffre de quatre millions, sur lequel le Prince s’était mis d’accord avec la France, était donc notablement inférieur à celui de la convention préparée antérieurement avec la Sardaigne, et, par conséquent, « bien loin d’être exagéré », concluait le rapporteur. Aussi le projet de loi fut-il adopté par 235 voix contre 6.

Le caractère individuel du « Domaine » des Princes de Monaco étant ainsi établi d’une façon constante, certaine, comme étant dans son entier la libre propriété privée du souverain, il devient impossible d’établir de distinction entre ce qui serait à Monaco le Domaine particulier du Prince et le Domaine public de l’État. À la vérité, l’une et l’autre expression se trouvent employées dans le Code civil de la Principauté — art. 432, 433, 434 pour le Domaine public ; art. 435, 436 pour le Domaine du Prince. — Mais, dans la réalité des faits, cette distinction se trouve dépourvue de sanction pratique. Qu’il s’agisse des chemins, routes, places, etc…, du lit des torrents, dont il est question aux articles 432 et 433, ou des biens vacants, des terrains déclassés et des remparts, dont parlent les art. 435 et 436, le droit du Prince sur ces domaines est absolu et souverain. C’est le Jus utendi et abutendi, avec toutes ces conséquences, et, au premier chef, le droit d’aliénation.

Il a paru cependant. à V. A. S. qu’en concédant une Constitution, il Lui appartenait de faire le départ entre ce qui serait à l’avenir le Domaine privé — propriété du Prince — et le Domaine public — propriété de l’État — et de donner ainsi une portée pratique à la distinction théorique établie par les articles du Code civil rappelés ci-dessus.

De cette décision de V. A. S. et des principes rappelés, une triple conséquence découle, savoir :

1o  Que le Domaine public ne peut être constitué que par prélèvement sur le Domaine privé ;

2o  Que le Domaine public est constitué par acte souverain du Prince comportant un don gratuit à Ses sujets ;

3o  Que l’établissement réel du Domaine public étant une conséquence du nouvel état de choses, c’est dans la Loi Constitutionnelle elle-même que doivent être indiqués les Immeubles donnés par le, Prince au Domaine public de la Principauté.

Il y a plus. Si V. A. S. a renoncé aux droits qu’Elle tient de Ses ancêtres sur les biens qu’Elle affecte au Domaine public, c’est pour qu’a l’avenir ces biens ne puissent être détournés de leur destination, qu’ils demeurent affectés au service de la collectivité. Il est donc indispensable que ces biens soient, dans la donation que vous en faites, frappés d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité.

Ceci dit, le critérium adopté pour le prélèvement à effectuer sur Votre domaine privé serait le suivant :

« Feront partie du Domaine public les immeubles affectés à un service municipal, et ceux dont il est question aux articles 432 et 433 du Code civil — l’article 434 se trouvant sans application puisque Monaco a cessé d’être une forteresse. »

En conséquence, à la lumière de ce critérium, une ordonnance spéciale, interprétative et explicative de l’article 3 de la loi constitutionnelle déterminera dans le plus bref délai quels immeubles nominativement désignés seront prélevés sur le domaine privé pour constituer le domaine public, étant entendu dès à présent que devront être maintenus dans le domaine privé les rues et chemins de la Principauté qui sont le prolongement des routes françaises.

Nous n’avons envisagé jusqu’ici que le patrimoine immobilier de V. A. S. Il nous faut nous occuper maintenant des revenus de toute nature de la Principauté. Il est aisé d’apercevoir qu’ils sont, au même titre que le Domaine, la propriété personnelle du Prince. Ce qui s’est passé en 1861 suffit pour le démontrer d’une manière irréfutable. Comme on l’a vu plus haut, le rapporteur du Corps législatif, pour évaluer l’indemnité qui devrait être payée au Prince à raison de la cession de Menton et de Roquebrune, s’est reporté à ce que « percevait le Prince » avant 1848 par tête d’habitant. Il a donc considéré, et la France comme la Sardaigne, d’une part, et la Principauté de l’autre ont considéré avec lui que tous les revenus, de quelque nature qu’ils fussent, que percevait le Trésor, étaient la propriété du Prince, auquel seul incombait l’obligation de faire face aux besoins du pays. Ces droits et ces obligations du Prince de Monaco n’ont pas changé et ne peuvent changer.

Il a été, en effet, démontré plus haut, et il convient de le répéter, que dans l’État sui generis qu’est Monaco, le système gouvernemental des grands États, ne saurait. s’établir.

La Principauté, on l’a vu, est un État unique dans le présent :

1o  Par l’exiguïté de son territoire ;

2o  Par le nombre infime de ses nationaux eu égard à celui des étrangers qui y sont fixés ;

3o  Par la disproportion entre les biens et valeurs appartenant aux Monégasques et ceux appartenant aux étrangers ;

4o  Par ce fait que, tout en étant pleinement indépendant, le prince est à Monaco personnellement garant envers les pays étrangers avec lesquels il a traité et notamment avec la France, dans laquelle son pays est enclavé, d’un état de choses accepté par celle-ci.

Le Prince de Monaco a la charge de maintenir l’équilibre entre Ses sujets autochtones et naturalisés, très faibles numériquement et financièrement, mais justement désireux, parce que monégasques, de participer à l’administration de la cité, et les étrangers, les plus forts par le nombre, par les biens, par les intérêts, et soucieux de leur sauvegarde. Il est l’arbitre entre des droits également respectables. Il est le répondant, le trustee en quelque sorte, envers les différents pays dont les nationaux forment l’immense majorité de la population de la Principauté, surtout envers celui de ces pays qui l’entoure presque de tous côtés, du respect des droits de ces nationaux. Tout cela Lui crée une situation personnelle unique, dont Il ne peut Se décharger et qu’Il ne peut diminuer. Il ne peut partager Sa responsabilité avec personne, ni avec les Monégasques, parce que trop peu nombreux, ni avec les étrangers, parce qu’étrangers.

Sans invoquer même les droits historiques du Prince, en considérant uniquement les nécessités du temps présent, ce sont elles qui imposent les règles à suivre, les limites à respecter dans les concessions désirées par V. A. S. Elle-même.

Vous avez voulu prélever sur Votre domaine privé une très grande partie des immeubles qui le composent afin de constituer le domaine public du pays. Le désaisissement qui résulte pour Vous de cette affectation nouvelle, en renonçant à Votre droit d’aliénation, est des plus importants et peut s’évaluer à un nombre considérable de millions.

Il reste à examiner la question de la « liste civile » dont a parlé V. A. S., dans Son désir d’établir une distinction entre les dépenses locales et les dépenses d’ordre général et de souveraineté. Ici, il est impossible de ne pas faire remarquer que l’expression de « liste civile » ne peut pas trouver logiquement sa place dans le cas particulier de la Principauté.

En effet, « liste civile » implique un caractère et un fait essentiels : c’est que le souverain, ne pouvant suffire par son propre domaine à toutes les diverses charges de sa maison, est forcé de les faire supporter directement par ses sujets. Cette nécessité est même l’unique origine des « listes civiles », dont la première apparait en Angleterre, en 1660, votée par le « Parlement Convention » en faveur du roi Charles II, privé de toutes ressources.

Aujourd’hui, dans tous les pays où figure une « liste civile », ou même une simple « dotation » républicaine, les ressources en sont fournies par des impôts que supportent les contribuables. En Angleterre, en Italie, en Prusse, en Belgique, en Espagne, etc., partout où existe une « liste civile », elle est payée par la population, dont les représentants élus l’ont votée.

Il en est de même pour les traitements des Présidents de République en France, en Suisse, aux États-Unis, etc.

Or, la situation est précisément toute contraire dans la Principauté, où c’est le Prince qui pourvoit aux dépenses publiques par les produits et revenus de son domaine, tandis que les Monégasques sont exempts d’impôt direct comme de service militaire.

La France a déclaré, en 1861, que les électeurs de la Principauté ne pouvaient pas disposer de leur statut, national, ce droit appartenant au Prince ; une Constitution saurait donc encore moins les déclarer maitres de disposer de ressources qu’ils n’ont point fournies et qui ne leur appartiennent pas. Ainsi la pensée de V. A. S. ne peut se réaliser par l’emploi du mot « liste civile » sens en dénaturer absolument la signification juridique et politique ; il serait à la fois un non sens et un contresens. Mais rien n’est plus simple que d’accomplir en réalité Vos intentions. Il suffit de répartir en grandes catégories distinctes les dépenses de la Principauté.

On établirait ainsi, d’une façon rationnelle, en employant les termes exacts du langage financier, la séparation désirée et promise par V. A. S. Voici d’ailleurs quelle pourrait être cette répartition, conforme à la nature des choses :

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre Ier. — Dépenses de souveraineté. — Comprenant les charges de la maison princière et de tout ce qui s’y rapporte, les dotations, les pensions, les frais du gouvernement, de la représentation diplomatique, de la sûreté publique, des cultes, de la justice et autres analogues.

DEUXIÈME PARTIE

Chapitre Ier. — Dépenses d’intérêt national. — Comprenant les travaux publics, l’assistance, l’hygiène, l’instruction publique, les beaux-arts, etc.

Chapitre II. — Dépenses communales.

. . . . . . . . . . . . . . .

La première partie serait analogue à celle du budget de l’Angleterre inscrite sous le titre de Consolidated Fund Services.

La deuxième partie correspondrait à celle du même budget, intitulée Supply Services et discutée chaque année.

On instituerait ainsi un ordre budgétaire méthodique, naturel, clair, adéquat aux réalités, simplifiant le fonctionnement de tous les services.

Cette conception fait l’objet de l’article 4 du Projet d’organisation constitutionnelle.

TITRE II

Les dispositions du Titre II se passent de commentaires. Elles consacrent les droits essentiels de tout citoyen dans tout pays libre, droits reconnus en Belgique comme en Suisse, en Angleterre comme aux États-Unis. Liberté individuelle, liberté de la presse, liberté religieuse, droit de propriété, se trouvant non seulement proclamés mais garantis par un secours devant une Cour Suprême.

Au début de la Révolution française, Dupont de Nemours disait à la tribune de l’Assemblée Nationale : « La Déclaration des Droits est le véritable acte constitutionnel ; tout le reste n’en est que le commentaire. »

Cette œuvre essentielle est pleinement accomplie par le Titre II du projet, ainsi qu’il apparaît à la lecture des articles.

TITRES III à VII

Dans l’allocution adressée le 16 novembre 1910 aux délégués monégasques, V. A. S. a exprimé Son intention d’associer les habitants de la Principauté à la gestion des intérêts nationaux, tout en sauvegardant le respect absolu de l’autorité tutélaire qui est la garantie de l’indépendance et de l’existence même du pays.

Le projet que nous avons élaboré s’inspire de cette double pensée.

L’institution d’un ministre d’État, représentant de V. A. S., spécialement chargé des relations extérieures de la Principauté, assisté de trois Conseillers de Gouvernement — (titre III) — et d’un Conseil d’État — (titre IV) — répond à l’organisation du pouvoir exécutif telle qu’elle existe dans la plupart des monarchies représentatives.

La population monégasque est représentée à la fois dans le Conseil national qui partage avec V. A. l’exercice du pouvoir législatif — (titre V) — et, dans les Conseils communaux spécialement chargés des intérêts propres à chaque région de la Principauté — (titre VI).

La distinction des intérêts généraux et des intérêts communaux s’impose, en effet, dans une Principauté où, comme à Monaco, l’élément étranger tient une si grande place. À ces intérêts généraux, le Prince, arbitre suprême et impartial, et, le Conseil national, élu par les citoyens monégasques, auront la mission de pourvoir ; c’est ainsi que le Conseil national sera appelé à délibérer notamment sur- les travaux publics, sur les services d’instruction publique, d’hygiène, d’assistance et autres intéressant la Principauté toute entière.

Quant, aux intérêts locaux communaux, ils seront confiés à trois Conseils correspondant aux trois divisions géographiques de la Principauté et chargés de veiller à des intérêts dont la variété toujours croissante réclame une représentation distincte. Chacune de ces communes nouvelles aura à sa tête un maire et un adjoint élus par le Conseil. Les Conseils communaux auront, pour les services et les besoins particuliers de la commune, la gestion des fonds qui leur seront attribués, chaque année, par le Conseil national sur les crédits mis à sa disposition par la Trésorerie de la Principauté.

L’organisation judiciaire est maintenue telle que l’ont faite des ordonnances récentes, sauf l’institution du Tribunal suprême, qui donnera aux habitants de la Principauté, pour tous leurs droits proclamés par le titre II de la Constitution, la garantie d’un recours judiciaire — (titre VII).

Telles sont, Monseigneur, les dispositions qui nous paraissent de nature à donner satisfaction aux graves intérêts engagés dans la question constitutionnelle de la Principauté de Monaco. Nous les soumettons avec confiance à l’appréciation de Votre Altesse Sérénissime et nous La prions d’agréer l’expression de notre profond respect.

Jules ROCHE, Avocat, ancien Ministre, Député.

Louis RENAULT, Membre de l’Institut, Professeur de Droit international à la Faculté de Paris, Membre de la Cour permanente d’Arbitrage de La Haye.

André WEISS, Professeur de Droit international à la Faculté de Paris, Membre de l’Institut de Droit international.


LOI CONSTITUTIONNELLE
portant
Organisation de la Principauté de Monaco

Nous, ALBERT Ier,
par la grâce de dieu,
prince souverain de monaco,

Avons volontairement, et par le libre exercice de notre autorité souveraine, accordé et accordons à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, l’organisation constitutionnelle qui suit :

TITRE PREMIER
Le Prince, le Territoire, le Domaine.

Article premier. — La Principauté de Monaco forme un État indépendant.

Art. 2. — La, liberté et la Souveraineté du Prince sont telles qu’elles ont été reconnues et consacrées de tous temps par les traités internationaux, notamment par les traités conclus entre la France et la Principauté le 14 septembre 1641 et le 2 février 1861.

Art. 3. — Le domaine public de la Principauté est constitué par prélèvement sur le domaine privé du Prince. Il est inaliénable et imprescriptible.

Font partie du domaine public les rues, places et chemins de la Principauté sous la condition qu’ils demeureront toujours affectés à la circulation publique, et exception faite des rues et chemins qui sont le prolongement de routes françaises.

En font également partie, en sus des immeubles dont il est parlé aux articles 432 et 433 du Code civil, les terrains et bâtiments qui seront énumérés dans l’ordonnance qui sera rendue par le Prince dans un délai de trois mois en exécution des présentes.

Art. 4. — Le Prince pourvoit aux besoins de la Principauté, à l’aide des recettes, revenus et produits du domaine privé ou public, réel ou incorporel.

Les dépenses de la Principauté sont divisées en deux parties :

La première partie intitulée Services Consolidés comprend les « Dépenses de Souveraineté », savoir notamment les charges de la famille princière, de la maison du Prince avec tout ce qui s’y rapporte, les dotations, les pensions, les frais du Gouvernement, de la Représentation diplomatique, de la Sûreté publique, des Cultes, de la Justice et autres analogues.

La deuxième partie intitulée {{sc|Services Intérieurs comprend :

1o  Les Dépenses d’intérêt national déterminées à l’article 33 de la présente Constitution ;

2o  Les Dépenses communales.

TITRE II
Les droits publics.

Art. 5. — Les Monégasques sont égaux devant la loi. Il n’y a pas entre eux de privilèges.

Sont Monégasques :

1o  Tout individu né, dans la Principauté ou à l’étranger, d’un père Monégasque.

L’enfant naturel, dont la filiation est établie pendant sa minorité par reconnaissance ou par jugement, suit la nationalité de celui de ses parents à l’égard duquel elle a été d’abord constatée. Si elle résulte, à l’égard du père et de la mère, d’actes ou de jugements concomitants, l’enfant suit la nationalité du père.

2o  La femme étrangère qui épouse un sujet Monégasque.

3o  Tout étranger naturalisé.

La naturalisation est accordée par Ordonnance souveraine après enquête sur la moralité et la situation du postulant.

Peuvent être naturalisés :

a) L’étranger qui justifie d’une résidence de dix années dans la Principauté, après qu’il a atteint l’âge de vingt et un ans accomplis.

b) L’étranger qui a obtenu du Prince l’autorisation d’établir son domicile dans la Principauté, conformément à l’article 13 du Code civil, après trois ans de domicile à dater de la promulgation de l’Ordonnance d’autorisation.

Il n’est pas porté atteinte aux droits acquis jusqu’à ce jour.

Art. 6. — La liberté individuelle est garantie. Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l’arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Art. 7. — Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Art. 8. — Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.

Art. 9. — La propriété est inviolable. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 10. — La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés.

Art. 11. — Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos.

Art. 12. — Les Monégasques ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. Cette disposition ne s’applique point aux rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police.

Art. 13. — Chacun a le droit d’adresser aux autorités publiques des pétitions, signées par une ou plusieurs personnes.

Art. 14. — Un Tribunal Suprême est institué pour statuer sur les recours ayant pour objet une atteinte aux droits et libertés consacrés par le présent titre.

TITRE III
Le Gouvernement.

Art. 15. — Le Gouvernement de la Principauté est exercé, sous la haute autorité du Prince, par un Ministre d’État, assisté d’un Conseil.

Art. 16. — Le Ministre d’État représente le Prince ; il est spécialement chargé des relations extérieures de la Principauté ; il a la disposition de la force publique ; il dirige les services judiciaires ; il préside, avec voix prépondérante, le Conseil de Gouvernement ; il préside aussi le Conseil d’État.

Art. 17. — Le Conseil de Gouvernement comprend, sous la présidence du Ministre d’État, trois conseillers, nommés par le Prince, et placés chacun à la tête d’un des trois départements suivants :

1o  Intérieur (Police générale, Sûreté publique, Instruction publique et Beaux-Arts, Cultes, Hôpitaux et Établissement de bienfaisance, Tutelle administrative des Communes).

2o  Finances (Budget national, Enregistrement, Administration du fonds de réserve, Domaines, Trésorerie, Perceptions diverses, Rapports avec les sociétés à monopole, Tutelle financière des Communes).

3o  Travaux Publics et Affaires diverses (Voirie et travaux publics, Hygiène et salubrité publique, Port).

Art. 18. — Des Chambres ou Comités techniques pourront être institués par Ordonnance du Prince pour seconder les Conseillers de Gouvernement dans l’exercice de leurs attributions.

TITRE IV
Le conseil d’État.

Art. 19. — Le Conseil d’État comprend le Ministre d’État, président ; le Secrétaire d’État, les trois Conseillers de Gouvernement, le premier Président de la Cour d’appel et le Procureur général.

Art. 20. — Le Conseil d’État est chargé de la préparation des projets de lois et d’ordonnances qui seront soumis à son examen par le Prince ; il examine, prépare, chaque année, et fait approuver par le Prince le projet de budget des dépenses de la Principauté.

TITRE V
Le Pouvoir Législatif.

Art. 21. — Le pouvoir législatif est exercé par le Prince et par un Conseil national.

Art. 22. — Le Conseil national se compose de vingt et un membres élus pour quatre ans, au suffrage universel direct, et au scrutin de liste pour toute la Principauté.

Art. 23. — Le bureau du Conseil national comprend un président et un vice-président, choisis chaque année par le Prince parmi les membres du Conseil.

Art. 24. — Le Conseil national arrête son règlement intérieur qui doit être approuvé par le Prince.

Art. 25. — Le Conseil national se réunit, chaque année, en deux sessions ordinaires, en mai et en octobre, sur la convocation du Gouvernement princier.

Chacune de ces sessions aura au plus une durée de quinze jours.

Art. 26. — Le Prince prononce la clôture des sessions. Il peut aussi convoquer le Conseil en sessions extraordinaires.

Art. 27. — Le Prince peut, après avoir pris l’avis du Conseil d’État, prononcer la dissolution du Conseil national ; dans ce cas, il sera procédé à la nouvelle élection dans le délai de trois mois.

Art. 28. — Le Prince communique avec le Conseil national par des Messages qui sont lus par le Ministre d’État.

Art. 29. — Le Ministre d’État et les Conseillers de Gouvernement ont leurs entrées et leurs places réservées au Conseil national. Ils doivent être entendus quand ils le demandent.

Art. 30. — L’initiative et la sanction des lois appartiennent au Princes. Le Prince leur confère la force obligatoire par une promulgation.

Art. 31. — Le Conseil national a la faculté de demander au Prince de proposer une loi sur un sujet déterminé, mais en indiquant, sous forme d’avant-projet, notamment en matière de travaux, les dispositions qui pourraient y trouver place, et les voies et moyens d’exécution.

Art. 32. — Aucune contribution directe ne peut être établie que sur le vœu du Conseil national.

Art. 33. — Les dépenses soumises aux délibérations du Conseil national concernent :

1o  Les Travaux publics ;

2o  Les services de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ;

3o  Les services hospitaliers, d’Hygiène, de, Bienfaisance.

Art. 34. — Il sera pourvu à ces dépenses au moyen de crédits prélevés sur les ressources générales de la Trésorerie.

Lorsque les opérations budgétaires auront laissé des reliquats disponibles sur les prévisions, ces reliquats, au lieu de tomber en annulations de crédits, seront versés dans un fonds de réserve, à la formation initiale duquel le Prince contribue par un don de un million de francs.

Art. 35. — Le Conseil national détermine, au cours de la session d’octobre et pour l’exercice commençant le premier janvier suivant, les sommes qui pourront être laissées à la disposition des Conseils communaux, en vue des services des travaux et des dépenses d’intérêt local, rentrant dans leurs attributions.

Art. 36. — Dans le cas où le budget des dépenses de la Principauté n’aurait pas été arrêté en temps utile par le Conseil national, il y sera pourvu par ordonnance souveraine, en prenant pour base les chiffres de l’année précédente.

TITRE VI
Les communes.

Art. 37. — Le territoire de la Principauté est divisé en trois communes, correspondant aux agglomérations de Monaco, de la Condamine et de Monte-Carlo, et ayant chacune à sa tête un corps municipal.

Art. 38. — Le Corps municipal se compose, dans chaque commune, d’un Conseil communal, d’une maire et d’un adjoint.

Art. 39. — Le Conseil communal comprend neuf membres, élus pour trois ans, au suffrage universel direct, et au scrutin de liste.

Il n’existe aucune incompatibilité entre le mandat de Conseiller communal et celui de Conseiller national.

Art. 40. — Le conseil communal se réunit, tous les trois mois, en session ordinaire. La durée de chaque session ne peut se prolonger au delà de huit jours.

Art. 41. — Des sessions extraordinaires peuvent en outre être tenues sur la réquisition ou avec l’autorisation du Ministre d’État pour des objets déterminés.

Art. 42. — Les Conseils communaux peuvent être dissous par arrêté du Ministre d’État, après avis du Conseil d’État.

Art. 43. — En cas de dissolution d’un Conseil communal, une délégation spéciale est chargée par le Ministre d’État d’en remplir les fonctions jusqu’à l’élection d’un nouveau Conseil. Il est procédé à cette élection dans les trois mois.

Art. 44. — Le Conseil communal est présidé par le maire, ou, à défaut, par l’adjoint ou le conseiller qui le remplace suivant l’ordre du tableau.

Art. 45. — Le Conseil communal délibère sur les affaires de la commune. Ses délibérations communiquées au Ministre d’État, sont exécutoires dix jours après cette communication, sauf opposition de sa part.

Art. 46. — Le Conseil communal statue de la manière prévue à l’article précédent sur les matières ci-après :

1o  Organisation et fonctionnement des services locaux ; règlements de police municipale locale, d’hygiène, de prévoyance sociale locale ;

2o  Projets de nivellement et d’alignement de la voie publique dans l’étendue de la commune ;

3o  Projets de construction d’édifices communaux ;

4o  Budget communal.

Art. 47. — Le budget de la commune est alimenté par le produit des propriétés communales et par les sommes mises, chaque année, par le Conseil national à la disposition de la commune.

Art. 48. — Le maire et l’adjoint sont élus par le Conseil communal, parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages. Cette élection doit avoir lieu dans le mois qui suit celle du Conseil communal.

Si, après deux scrutins, aucun candidat n’a obtenu la majorité requise, il est procédé à un scrutin de ballottage entre les deux candidats qui ont réuni le plus de suffrages.

En cas d’égalité, le plus âgé est nommé.

La séance dans laquelle l’élection a lieu est présidée par le plus âgé des membres présents du Conseil communal.

Art. 49. — Le maire est l’agent de l’Autorité supérieure pour l’exécution des lois et règlements. Il est l’agent et le représentant de la Commune pour la conservation et l’administration de ses propriétés, pour l’exécution des délibérations du Conseil communal, et pour la direction des services municipaux. Il représente la commune en justice. Il est officier de l’état-civil.

En cas d’absence ou d’empêchement, le maire est remplacé par l’adjoint, ou, à son défaut, par un conseiller communal en suivant l’ordre du tableau.

Art. 50. — Jusqu’à concurrence des sommes allouées au Conseil communal, il sera ouvert des crédits au maire en sa dite qualité, à la Trésorerie de la Principauté.

Art. 51. — Le maire seul peut délivrer des mandats payables à la Trésorerie, dans la mesure de ces crédits, soit à son nom, soit au nom de toute autre personne.

Néanmoins, s’il refusait de mandater une dépense régulièrement autorisée et liquide, il y serait pourvu par le Ministre d’État dont l’arrêté tiendrait lieu de mandat du maire.

Art. 52. — Les comptes de l’administration financière du maire pour l’année écoulée sont par lui présentés au Conseil communal au début de l’année nouvelle.

Ils devront être soumis à l’approbation du Ministre d’État.

Art. 53. — Dans le cas où le maire refuserait ou négligerait de faire un des actes de sa fonction, le Ministre d’État peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office.

Art. 54. — Le maire et l’adjoint peuvent être suspendus pour deux mois par arrêté du Ministre d’État.

Ils peuvent être révoqués par arrêté du Ministre d’État, rendu après avis du Conseil d’État.

Le maire ou l’adjoint révoqué cessera de faire partie du Conseil communal et ne pourra y être réélu qu’après un délai de trois ans.

Art. 55. — Sont maintenues en tant qu’elles ne sont pas contraires à la présente Constitution les dispositions des Ordonnances Souveraines sur la Police Municipale du 11 juillet 1909, et de l’Ordonnance sur le Conseil communal du 7 mai 1910.

Art. 56. — À moins de dispositions nouvelles, les conditions d’électorat et d’éligibilité, la formation des listes, les opérations électorales, tant pour les Conseils Communaux que pour le Conseil national, demeurent réglées par les articles 6 à 75 de l’Ordonnance du 7 mai 1910.

Une Ordonnance du Prince déterminera les conditions dans lesquelles les femmes seront admises à prendre part à l’élection des Conseils communaux, — sous réserve d’une extension ultérieure de leur capacité qui serait également réglée par Ordonnance.

Pareille réserve est faite relativement à l’établissement de la représentation proportionnelle.

TITRE VII
La Justice.

Art. 57. — Aucune modification n’est apportée à l’organisation judiciaire actuelle de la Principauté, telle qu’elle résulte de l’Ordonnance du 18 mai 1909.

Art. 58. — Le Tribunal Suprême institué par l’article 14 de la présente Constitution est composé de cinq membres nommés par le Prince, savoir : un membre présenté par le Conseil d’État ; un, par le Conseil national ; deux, par la Cour d’Appel ; un, par le Tribunal Civil de première instance.

Ces présentations sont faites par chacun des corps ci-dessus désignés, à raison de deux pour un siège.

Disposition générale.

Les détails d’applications seront réglés par Ordonnances du Prince, rendues conformément aux principes de la présente loi constitutionnelle.

Disposition transitoire.

La présente Constitution entrera en vigueur aussitôt après les élections du Conseil national et des Conseils communaux. Ces élections auront lieu au plus tard au mois d’avril 1911.

Jusqu’à la mise en vigueur de la Constitution, le Conseil communal continuera ses fonctions dans les conditions légales des Ordonnances qui l’ont institué.

Donné à Paris, le 5 janvier 1911.
ALBERT.

Par le Prince :

Le Secrétaire d’État,

Fr. Roussel.

S. A. S. le Prince Albert vient de recevoir la lettre suivante qui Lui a été adressée par MM. Jules Roche, Louis Renault et André Weiss, chargés d’élaborer la Constitution de la Principauté :

Paris, le 5 Janvier 1911.

À Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco.

Monseigneur,

Les Délégués Monégasques Vous ayant demandé de recevoir communication de la Constitution avant sa promulgation et Votre Altesse Sérénissime ayant accueilli favorablement cette demande en exprimant le désir que tous les éclaircissements et toutes les explications utiles leur fussent données, nous avons reçu ces Délégués hier, de 4 heures et demie à 6 heures et demie,’ et aujourd’hui, de 9 heures du matin à 1 heure du soir.

Nous leur avons donné communication intégrale de la Constitution et diverses questions nous ont été adressées par eux, auxquelles nous avons répondu de la façon la plus complète, répétant même nos explications à plusieurs reprises.

Nous croyons résumer essentiellement ces longs entretiens en disant que les préoccupations des Délégués nous ont paru porter principalement sur les points suivants : Conseil du Gouvernement, Conseil National, Conseil d’État, Communes nouvelles, budget, liste civile, Domaine public et privé, vote des femmes.

Nous avons expliqué qu’il est impossible, dans le cas particulier, d’admettre sur ces divers objets des solutions différentes de celles adoptées dans la Constitution et cela pour les motifs exposés dans notre rapport.

Il ne nous a pas été difficile de démontrer, en outre, que, par cette Constitution, Votre Altesse Sérénissime assure à la population de Sa Principauté des libertés et des garanties dont aucun pays ne jouit en Europe, excepté la Suisse ; nous voudrions être sûrs que l’importance d’une telle réforme ait été appréciée à toute sa valeur.

Les Délégués nous ayant demandé enfin si une suite serait donnée à leurs observations, nous leur avons répondu que notre tâche se bornait à l’œuvre que nous avions accomplie et que nous ne saurions en dépasser les limites.

En conséquence, Monseigneur, nous avons l’honneur de Vous remettre le mandat que Vous nous aviez confié et nous prions Votre Altesse Sérénissime d’agréer l’hommage de nos profonds respects.

Jules ROCHE, Avocat, Ancien Ministre, Député.

Louis RENAULT, Membre de l’Institut, Professeur de Droit international à la Faculté de Paris, Membre de la Cour permanente d’Arbitrage de La Haye.

André WEISS, Professeur de Droit international à la Faculté de Paris, Membre de l’Institut de Droit international.

L’Administrateur-Gérant : L. Aureglia


Mouvement du Port de Monaco

Arrivées du 24 au 31 décembre 1910 :

Yacht à vapeur Sagitta, anglais, cap. Brown, (propriétaire Duc de Valençay), venant de Cannes.

Yacht à vapeur Leonia, italien, cap. Bardini, (propriétaire Conte P. di S. Martino), venant de Livourne.

Vapeur Amphion, français, cap. Mattei, venant de Cannes, — marchandises diverses.

Chaland Canoubier, français, cap. Balbi, venant de Marseille, — houille.

Brick-goélette Anna-Elisa, italien, cap. Zaccaria, venant de Gênes, — houille.

Brick-goélette Aghios-Dionisios, grec, cap. Tringalas, venant de Port de Bouc, — en relâche.

Tartane Saint-Louis, français, cap. Jourdan, venant de Saint-Tropez, — sable.

Départs du 24 au 31 décembre :

Yacht à vapeur Sagitta, anglais, cap. Brown, allant au Port-Saïd.

Yacht à vapeur Leonia, italien, cap. Bardini.

Vapeur Amphion, français, cap. Mattei, allant à Marseille, — marchandises diverses.

Chaland Canoubier, français, cap. Balbi, allant à Marseille, — sur lest.

Brick-goélette Anna-Elisa, italien, cap. Zaccaria, allant à la Seyne, — sur lest.

Brick-goéletle Aghios-Dionisios, grec, cap. Tringalas, allant à Spezia, — sulfata de soude.

Tartane Saint-Louis, français, cap. Jourdan, allant à Saint-Tropez, — sur lest.

Imprimerie de Monaco — 1911