Joyeusetés galantes et autres/III. — Pour une ACTEUSE

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Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 13-15).

III

POUR UNE ACTEUSE[1]

Comme des condottieri,
Sous vos cils où la nuit joue,
Vos yeux nous guettent, Thierry
Illuminant votre joue.


Ils rayonnent, vos yeux noirs,
Ainsi que ces pierres sombres
Où le soleil des beaux soirs
Se marie avec les ombres.

Quel enfer, quel paradis,
Quel gouffre, quelle fournaise,
Quel brasier aux feux hardis
Exhala leur fauve braise ?

Sans doute un dieu déchaîna,
Pour former leurs chaudes laves,
Les Titans qui dans l’Etna
Depuis mille ans sont esclaves.

Votre visage a ces tons
Mats aux lueurs accusées,
Devant lesquels nous restons
Une heure dans les musées.

Tout en vous, blancheur de dents,
Rire d’enfant qui se moque,
Crinière aux flots abondants,
Nous séduit et nous provoque.


Pour créer ces charmes forts
Que vous faites apparaître,
Satan pétrit votre corps
De piment et de salpêtre.

Les rêves que l’Orient
Sous l’opium nous dérobe,
Nous appellent en riant
Dans les plis de votre robe ;

Et quand pour dompter nos cœurs,
L’enfant Amour se hasarde
Avec ses archers vainqueurs,
Il vous met à l’avant-garde !


  1. Mademoiselle Louise Thierry, jeune première, brune à l’excès.