Joyeusetés galantes et autres/Prologue

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Prologue (1866)
Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 175-176).

PROLOGUE

Le besoin se faisait sentir d’un nouvel art
Que nul encor n’avait prévu, même Ballard,
Régisseur dans les temps anciens du Vaudeville.
On affiche parfois, sur les murs de la ville,
Que l’on vient de jouer un ouvrage important
Qui doit émerveiller jusqu’au moindre portant
De coulisse ; mais bah ! quand la toile se lève,
Tout prestige fout le — camp ainsi qu’en un rêve,
Et le truc que Thierry pour nous plaire employa,
Aboutit, à la fin aux œuvres de Laya…
Cet ordre nous emmerde, et moi, Polichinelle,
Je déclare, de ma — voix la plus solennelle,
Que je veux mettre fin à tout cela. — Seigneurs,
Nous sommes gens de goût, et non pas des saigneurs
De bœufs, comme on en voit aux portes de Montmartre ;

Nous nous habillons tous de velours et de martre,
Et le soir, entre deux londrès bien allumés,
Nous récitons les vers des maîtres renommés.
Donc, vous ne verrez pas ici de tragédie.
La rime à tous nos vers mettra son incendie,
Les dames lèveront leurs jupes jusqu’au ciel,
Car nous devons et c’est un point essentiel,
Être, avant tout, moraux et plaire aux jeunes filles
Que le couvent enferme encore sous ses grilles,
Et qui, vouant déjà leurs âmes à Cypris,
Par le calme des nuits touchent leur clitoris !
Nous vous ferions bien voir nos acteurs, mais pour l’heure,
Ils sont tous retenus au sein de leur demeure.
Notre jeune premier est à Fontainebleau ;
La cour l’a demandé pour le second tableau
Du Bossu. L’ingénue, — ô caprice bizarre
Du sort ! — notre ingénue accouche à Saint-Lazare.
Nous avons convoqué la critique. Sarcey
Ne vient pas ; c’est déjà quelque chose. L’essai
Vous plaira-t-il, seigneurs, et vos clefs criminelles
Feront-elles mourir tous ces polichinelles
Qui chantent, font l’amour, et grimpent aux balcons ?
Non ! vous applaudirez.

Au revoir, tas de Cons !