Joyeusetés galantes et autres/XIX. — Lamento

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Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 72-76).

XIX

LAMENTO

Puisqu’aujourd’hui c’est un autre
Qui se vautre
Sur ton corps, ô Rosita !
Puisqu’à présent un autre entre
Dans cet antre
Où ma pine s’abrita.


Bon voyage ! va, ma fille !
On s’habille
De gaze dans les boxons,
Et, mieux que mille paroles,
Les véroles
Donnent de rudes leçons.

Te voilà, mon ingénue,
Revenue
À cet épicier ancien
Qui, chaque matin, te lave
De sa bave…
Dis-moi, — te baise-t-il bien ?

Fait-il, ce bourgeois honnête,
Bien minette,
Et le sauras-tu garder ?
A-t-il dans sa vieille queue,
Noire et bleue,
Assez de nerf pour bander ?

Que ce doit être cocasse
Quand il casse
Sa canne, à côté de toi.

Et qu’un vieil asthme soulève,
Dans un rêve,
Sa poitrine en désarroi !

Non ! c’est vraiment une honte,
Ce Géronte !
Il est bête comme un pot ;
Je comprends mal que tu puisses,
Dans tes cuisses,
Le recevoir en dépôt.

Quand sur toi, qui fus ma reine,
Il se traîne,
Ce doit être dégoûtant ;
Telle sur soi la limace
Se ramasse,
Qui chemine en se frottant.

Comme par le froid saisies,
Deux vessies
Qu’une épingle dégonfla,
Noires comme la peau d’âne,
Que l’on tanne
En battant des ra fla fla,


Telles ses couilles putrides,
Dont les rides
Disent qu’elles ont vécu,
Quand il tend son ventre obèse,
Et le baise,
Doivent souffleter son cu.

Sa pine est flasque et mollasse,
Froide, et lasse
La patience des doigts ;
Quand tu tiens cette aubergine,
J’imagine
Le plaisir que tu lui dois.

Non ! pour notre amour passée,
Éclipsée,
Tu me verrais moins honteux,
Si je te savais un homme
Jeune et comme
N’est pas ce birbe piteux.

Fi ! cette moustache grise
Qui se grise
De cosmétique à dix sous !

Ce pleutre âgé, ce jean-fesse
Qui s’affaisse
Dans le troisième dessous !…

Ô Rosita ! fais-toi foutre,
D’outre en outre,
Par tous ceux que tu voudras !
Va, raccroche, sois en carte,
Mais écarte
Ce vieux qui pue en tes draps !

Oui ! va-t-en avec les bringues
Des bastringues
Montrer ton cul au galop ;
Va sucer les passants mornes
Sur les bornes,
Mais plus de ce vieux salop !

Sa place est au cimetière,
Tout entière
Dans son linceul qu’il découd :
C’est une chose qui navre
Qu’un cadavre
Veuille encore tirer son coup !