Joyeusetés galantes et autres/XXXIII. — Pothey

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Joyeusetés galantes et autresA l’Enseigne du Beau Triorchis (Mlle Doucé) (p. 110-112).

XXXIII

POTHEY

Lasse d’errer sur les sommets vertigineux,
En qui, de loin, notre œil croit découvrir les nœuds
Colossaux des Titans échoués dans les nues,
Lasse des chants sacrés et des psaumes divins,
Parfois la Muse, folle et prise entre deux vins,
Tape sur ses fesses charnues.


« Lamartine m’embête à l’égal de Ponsard !
Il m’assomme, et je veux encourir le hasard
D’un amour plus vulgaire et plus drôle », fait-elle.
Alors, vers la chambre où Pothey, doux et rêveur,
Burine, elle descend, et dit : « Simple graveur,
Veux-tu baiser une immortelle ? »

« Moi, je veux bien, répond avec simplicité
Le mortel chevelu chez Dinochau cité,
Retrousse-toi, ma vieille, et les jeunes minettes
Chères aux clitoris parisiens, naîtront…
Mais avant de poser tes baisers sur mon front,
Permets que j’ôte mes lunettes. »

Pothey n’est pas joli, mais il est si cochon !
Il dit avec tant d’âme et de cœur : « Mon bichon ! »
Aux drôlesses qu’on voit rôder aux brasseries ;
Mais ses discours, toujours composés avec soin.
Éclipsent si bien ceux que lâche Glais-Bizoin,
Sous l’éclat de leurs broderies ;

Mais ses cheveux crépus, tellement insensés
Que sur un cul de brune on les croirait poussés,
Le dérobent si bien sous leur noire broussaille,

Que la Muse peut fort, Messaline des cieux,
Sentir, en contemplant ce graveur vicieux,
Son con céleste qui tressaille !

C’est pour cela qu’on voit parfois, chez Dinochau,
Pothey, l’œil vif et clair comme un feu de réchaud ;
De là vient sa beauté, de là vient qu’on s’explique
Comment ce Franc-Comtois, blanc et rose de peau,
Arbore au boulevard, à son petit chapeau,
Un brin du laurier symbolique !