L'Île Ste. Hélène. Passé, présent et avenir/Géographie

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GÉOGRAPHIE.



En prenant pour base le méridien de Greenwich, l’île Ste. Hélène est située par 45° de latitude nord, et par 78° de latitude ouest. Ses antipodes se trouvent dans le grand océan, à environ 250 lieues à l’ouest de l’Australie, à la hauteur de la terre de Van Diemen. De telle façon que, lorsque les flâneurs de Montréal s’en vont, vers le midi, par un soleil éclatant, goûter la fraîcheur des ombrages du parc municipal, nos bons frères du continent australien, regagnent leur domicile à la lueur des réverbères et vont se mettre au lit. À travers la masse terrestre, et suivant une ligne verticale, leurs pieds touchent à nos pieds, et la tête de chacun s’élève dans une direction diamétralement opposée ; c’est-à-dire que les uns par rapport aux autres ont la tête en bas, ou en haut, cela dépend du point de vue.

La position de l’île Ste. Hélène court du sud au nord ; sa superficie comprend 141 arpents ; son contour, 48 ; sa longueur 19 et sa largeur moyenne 10 arpents.

Son point le plus culminant se trouve à 153 pieds au-dessus du niveau du fleuve.[1]


MONTAGNES.


Bien que les arrêtes des montagnes qui hérissent l’île Ste. Hélène, soient fortement accentuées, et se détachent en relief sur son sol légèrement ondulé, nous préviendrons le lecteur qu’à leur sommet la colonne barométrique subit peu de variation. Elles n’offrent à leurs pieds ni les riantes vallées des Alpes, ni sur leurs plateaux les pâturages odorants des sierras de Californie ; pas plus qu’elles ne renferment, dans leurs gorges, ces fleuves solidifiés qu’on appelle des glaciers.

Comme les Montagnes Rocheuses, elles ne séparent point deux océans ; ainsi que les Alleghany, leurs contre-forts ne marquent point l’embouchure de fleuves puissants tels que le Mississippi et le St. Laurent.

Quant à ce qui concerne l’élévation de leurs pics, nous avouerons humblement que le Chimborazo, au Pérou, le Chamolari dans l’Himalaya, 27,000 pieds, humilient quelque peu par leur hauteur, les pitons les plus vertigineux de l’île Ste. Hélène. À l’instar des Andes, elles ont aussi leurs neiges, qui, sans être éternelles, les couvrent de la tête aux pieds pendant cinq mois. En outre, sans laisser échapper de leurs flancs des fleuves tels que l’Amazone et l’Uruguay, elles nourrissent deux rivières.


CHAÎNES DE MONTAGNES.


L’île en renferme deux principales. La première et la plus considérable s’élève dans la partie centrale et orientale de l’île, et comprend quatre montagnes principales :


La plus élevée de ce groupe est le

Mont Boulé — 163 pieds.


Au sud-est du premier se trouve le

Mont Champlain — 135 pieds.


Au sud-est du précédent le mont

Vaudreuil — 125 pieds.


Au nord-est le mont

St. Sulpice — 140 pieds.

La seconde chaîne se compose de deux montagnes seulement, situées à la partie extrême nord de l’île, près des casernes.

Le Mont Montcalm — 125 pieds.

Le Mont Nelson — 105 pieds.


LACS.


L’île en compte deux, situés chacun à une de ses extrémités. Aucun ne présente l’étendue ni les îles nombreuses du lac Supérieur. Un géant altéré les boirait d’une haleine, et le général Tom Pouce serait le seul homme à perdre pied dans le plus profond des deux.

De même que le lac Titicaca, au Pérou, ils pourraient être situés comme lui à une altitude de 11,745 pieds, mais c’est à peine s’ils dépassent de quelques pouces le niveau du fleuve.

Bien que les rainettes abondent sur leurs rives, que les têtards et des myriades de vairons nagent dans leurs eaux, on ne saurait trouver là les précieuses laictances du sterlet et de l’esturgeon du lac Ladoga, avec lesquelles on prépare en Russie le fameux caviar.

Les deux lacs sont :

Le Lac Arthur.

Le Lac Frontenac.

Le premier, placé au sud de l’île, à 100 pieds du fleuve, d’une longueur de 160 pieds et d’une largeur de 55 pieds.

Le second, au nord-est de l’île, à 100 pieds du fleuve, long de 150 pieds, large de 80 pieds.

À la louange du lac Frontenac, nous devons dire, qu’obéissant à un légitime orgueil, il joue un rôle semblable à celui de son collègue de terre ferme, le lac Champlain, et que, comme celui-ci, sous le nom de Richelieu, déverse dans le St. Laurent le trop plein de ses eaux, le lac Frontenac porte également au fleuve, sous le nom de rivière Bienville, l’excédant de ses ondes.

Quant au lac Arthur, c’est une sorte de mer intérieure qui, comme la Mer Morte, mais avec le sel en moins, n’a aucune communication.


RIVIÈRES.


Deux cours d’eau traversent l’île et en arrosent la partie septentrionale :

La Rivière Bienville.

La Rivière Hiberville.

La Bienville prend sa source dans les monts Boulé et Montcalm et après un cours de plusieurs centièmes de mille, se jette dans le lac Frontenac.

L’Hiberville sort du lac ci-dessus nommé, et l’humble tributaire du St. Laurent, va se perdre dans le fleuve, à la tête des Rapides, au nord-est de l’île. Son cours a près d’un huitième de mille.

Comme quantité ou excellence, leurs eaux égalent celles des plus grands fleuves du monde ; comme quantité ou volume, c’est quelque peu différent. Sous ce rapport, véritables rivières d’Espagne, elles peuvent se réclamer du Mançanarès, que les géographes supposent couler à Madrid.

Ainsi que celui-ci, elles seraient reconnaissantes aux personnes qui, durant les chaleurs, leur feraient l’aumône de quelques verres d’eau.

Une particularité les distingue cependant, leur intermittence : elles coulent deux fois l’année, au printemps et en automne. Durant l’hiver, elles font des économies pour les premiers beaux jours ; pendant l’été, époque de leur morte saison,

leurs flots partis en vacances permettent aux fourmis de traverser leur lit à pied sec.


ÎLES.


Un archipel et quatre îles de diverses grandeurs entourent l’île Ste. Hélène, comme des satellites leur soleil. Ce sont :

L’Archipel des îles St. Lambert, au sud-est.

L’Île Ronde, au sud-ouest.

L’Île aux Gorets, au sud-est.

L’Île aux Fraises, au sud-est

L’Île Moffat ou Lapierre, au sud-sud-est.

Si l’archipel des Moluques a ses épices, les Chinchas leur guano ; si Java possède la panthère noire, les îles Fidji leurs anthropophages, les nôtres n’offrent rien de semblable. Seulement, au printemps, des nuées de canards et de sarcelles s’abattent sur ces îlots, à la grande joie des indigènes de St. Lambert, qui ne manquent point d’en faire leur régal.

Cet archipel, formé de quelques rochers et de gros cailloux, sortes de mottes de terre recouvertes d’une herbe courte et d’un vert cru, demeure presque inaccessible, tant il est entouré de récifs et de bas-fonds. Des baigneurs et des pêcheurs aventureux se hasardent parfois à aborder sur ces bords peu fréquentés.

Quant aux îles Ronde, aux Fraises, Moffat, les noms qu’elles portent, désignant la forme de la première, les produits de la deuxième et le nom du propriétaire de la dernière, sont assez caractéristiques pour dispenser de toute autre explication.

L’Ile aux Gorets, appelée improprement aux Moutons, a reçu son titre lors des premiers porcs que la Baronne de Longueuil jugea devoir y placer.


DÉTROITS.


Les détroits sont au nombre de deux : le détroit Bonsecours, entre l’île aux Fraises, et la grève aux Écrevisses ; le détroit d’Hochelaga, entre l’île Ronde et les casernes ; ils ont peu de largeur. Celui de Bonsecours ne ressemble en rien à son confrère des Dardanelles, d’où le navigateur aperçoit, en le franchissant, d’un côté les rivages de l’Europe, de l’autre la côte d’Asie.

Quant au détroit d’Hochelaga, bien que moins large que l’Hellespont, il n’aurait point encore vu se renouveler la prouesse de ce jeune grec d’Abydos, Léandre, qui, chaque soir, traversait le détroit à la nage, pour aller passer quelques instants avec son amante, Héro, de poétique mémoire.

On assure, cependant, qu’à l’époque où des régiments anglais de la garnison de Montréal campaient dans l’île, plusieurs excellents nageurs déjouaient, aux premières ombres, la surveillance des sentinelles, et, traversant le détroit, s’en allaient atterrir à Hochelaga, après avoir fait une halte sur l’île Ronde.

Le lendemain, des l’aube, nos gaillards retournaient dans un canot de louage, aborder sur l’île, d’où ils se glissaient ensuite dans la chambrée.

C’est ainsi que ces braves fils de Mars se servaient de Neptune pour aller compter fleurette à la belle-sœur de ce dernier.

Inutile d’ajouter qu’on ne rencontre point dans ces détroits les banquises qui encombrent la navigation de Belle-Isle, ou les brouillards de la Manche ; et qu’aucune branche du Gulf stream ne tempère le climat de leurs îles, comme cela a lieu pour celles du canal ou détroit de Bahama.


PROMONTOIRES, CAPS, POINTES.


Promontoire des Roches, sud-sud-est. Hauteur, 25 pieds.

Pointe des Récifs, sud-sud-est.

Pointe Albert, sud-sud-est.

Promontoire du Tonnerre, est-nord-ouest.

Pointe Coursol, est-nord-est.

Cap du Rapide, est-nord-est.

Pointe aux Cailloux, ouest-nord-ouest.

Promontoire Logan, est-nord-est.


Si les caps et les promontoires de l’île Ste. Hélène sont nombreux, ils n’ont rien d’extraordinaire. Nul ne jouit d’une célébrité quelconque.

À l’exception du promontoire du Tonnerre, auquel un arbre au tronc tordu et brûlé par la foudre donne son nom, on chercherait vainement autour de l’île des ruines semblables à la colonade de ce temple qui, jadis dédié à Minerve, s’élève, au sud-est de l’Attique, sur le cap Sunium, et sous le portique duquel Platon venait disputer avec ses disciples.

On y trouverait encore moins un promontoire égalant la célébrité de celui de Leucade, d’où les amoureux désespérés, à l’exemple d’Artemise et de Sapho, se précipitaient sur les écueils et y trouvaient la mort ; sans compter les survivants à l’expérience qui retournaient à jamais guéris de ce mal d’amour dont chacun de nous a souffert ou souffrira.

Rien non plus des tempêtes du cap Horn ou du cap de Bonne-Espérance. Seulement, à l’est de l’île, au pied du rapide écumeux dont la rosée cristalline retombant sur les rives y porte une délicieuse fraîcheur, s’élève le cap Logan, au-dessus de la formation Helderberg.


GOLFES, BAIES ET CRIQUES.


Les côtes de l’île ne présentent pas une échancrure à laquelle, en nous servant même du langage le plus hyperbolique, nous pourrions donner le nom de golfe.

Aucune d’elles ne peut lutter avec la beauté splendide de la baie de Naples, qui a son volcan, le Vésuve et les charmantes îles d’Ischia et de Procida ; celle si pittoresque de Constantinople ; et nulle n’offre la sûreté de la baie de San Francisco.

Les petites baies ou criques qui dentellent les rivages de l’île Ste. Hélène, suffiraient à peine à abriter le navire du commodore Nutts. Quand un canot vient à y jeter l’ancre, son arrière reste exposé à tous les caprices du flot. Aussi, pour éviter l’inconvénient de voir l’embarcation entraînée, les matelots amateurs la tirent tout simplement à terre. Cette dernière façon est encore le plus sûr des mouillages.

Baie Papineau, nord-nord-ouest.

Baie Morin, nord-nord-ouest.

Baie Lafontaine, nord-ouest.


  1. Toutes les hauteurs sont prises à partir du niveau du St. Laurent.