L'homme dans la lune/Av lectevr

La bibliothèque libre.
Traduction par Jean Baudoin.
François Piot et I. Guignard (p. 16-18).


AV LECTEVR.

lettrine C
’Est icy, Lecteur, l’eſſay d’vn Caprice, où, ſi ie ne me trompe, l’Inuention & le Iugement ne ſe rencontrent pas mal enſemble. I’appelle Cét Ouurage vn Caprice, pource qu’il eſt en effet vne Creature de la Fantaiſie. Auſſi ne crois-je pas que l’intétio de l’Auteur ait iamais eſté, d’en tenir pour veritables toutes les particularitez, & les circonſtaces. Il ſuffit que tu luy laiſſes la liberté d’imaginer, comme il te la laiſſe de juger de ce qu’il imagine. Poſſible que ce nouueau Monde qu’il te découure, ne trouuera pas vn meilleur accueuil en ton opinion, que fit d’abord celuy de Colomb, dans les ſentimens de tous les Eſprits de ſon Siecle ; Et toutesfois, ces grandes terres de l’Amerique, dont il y eu la premiere Idée, paruenues à la conoiſſance des hommes, ont receu depuis vne infinité de nouuelles Colonies ; Et quoy qu’elles fuſſent alors inconnues, ſi eſt-ce qu’enfin il s’eſt verifié depuis, que l’eſtendue n’en eſt pas moins vaſte, que celle de tout le reſte du Monde. Que ſi cela ne te perſuade aſſez bien, tu n’as qu’à te repreſenter, que ce qui eſt veritable touchant les Antipodes, a eſté autrefois vn auſſi grand Paradoxe que celuy-cy ; Qu’il ya dans la lune diuers Peuples qui l’habitent, & qui ſe gouuernent entr’eux d’vne façon differente de la noſtre. Mais apres tout, ce ſont choſes dont les notions ſemblent auoir eſté particulierement reſeruées au Siecle où nous ſommes. Car il eſt ſi clairvoyat, que nos Galileiſtes peuuent auec leurs Lunettes remarquer des taches au corps du Soleil, & diſcerner des Montagnes dans le Globe de la Lune. Tu en apprendras dauantage au diſcours ſuiuant, que j’expoſe auſſi volontiers à ta Cenſure, qu’à la lumiere du iour, qui découure tout.