Légendes (Verhaeren)

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PoèmesSociété du Mercure de France (p. 43-44).

LÉGENDES


Les grands soleils cuivrés des suprêmes automnes
Tournent éclatamment dans un carnage d’or ;
Mon cœur, où les héros des ballades teutones
Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

Ils passaient par les rocs, les campagnes, les hâvres,
Les burgs — et brusquement ils s’écroulaient, vermeils,
Saignant leurs jours, saignant leurs cœurs, puis leurs cadavres
Passaient dans la légende, ainsi que des soleils.


Ils jugeaient bien et peu la vie : une aventure ;
Avec un mors d’orgueil, ils lui bridaient les dents ;
Ils la mâtaient sous eux comme une âpre monture
Et la tenaient broyée en leurs genoux ardents.

Ils chevauchaient fougueux et roux — combien d’années ?
Crevant leur bête et s’imposant au Sort ;
Mon cœur, oh, les héros des ballades fanées,
Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort !